Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.197/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_197/2012

Arrêt du 26 septembre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Escher, Juge présidant, Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.

Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Me Philippe Pulfer, avocat,
recourante,

contre

Office des poursuites de Genève,
rue du Stand 46, 1204 Genève.

Objet
réquisition de poursuite en validation de séquestre,

recours contre la décision de la Chambre de surveillance des Offices des
poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève du 23 février
2012.

Faits:

A.
Par ordonnance du 19 octobre 2011, le Tribunal de première instance de Genève a
autorisé, sur requête de la société X.________ SA, un séquestre à concurrence
de 773'749'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2010 (contre-valeur de
685'714'741.98 USD et 129'445'793.93 Euros au 18 octobre 2011) au préjudice de
Y.________. La mesure a été exécutée le jour même par l'Office des poursuites
de Genève; le procès-verbal ad hoc a été communiqué aux parties le 7 décembre
2011.

B.
Le 16 décembre 2011, X.________ SA a adressé à l'office des poursuites une
réquisition de poursuite en validation de séquestre pour la somme de
808'814'000 fr., exposant que ce montant "correspond à la somme de la
contre-valeur de USD 685'714'741,98 au 16 décembre 2011 et de la contre-valeur
de EURO 129'445'793,93 au 16 décembre 2011".

Le 3 janvier 2012, l'office a rejeté partiellement cette réquisition pour le
motif qu'une "réquisition de poursuite validant un séquestre ne peut indiquer
une créance supérieure à celle faisant l'objet de l'ordonnance de séquestre".
Statuant le 23 février suivant, la Chambre de surveillance des Offices des
poursuites et faillites de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté la
plainte déposée par la poursuivante contre cette décision.

C.
Par mémoire du 6 mars 2012, la poursuivante interjette un recours en matière
civile au Tribunal fédéral; sur le fond, elle conclut à l'annulation de la
décision attaquée et à l'admission de sa créance à hauteur de la somme de
808'841'000 fr. indiquée dans sa réquisition de poursuite du 16 décembre 2011.

La juridiction précédente renonce à formuler des observations; l'office se
réfère aux déterminations produites en instance cantonale.

D.
Par ordonnance du 7 mars 2012, la Présidente de la IIe Cour de droit civil a
rejeté la requête d'effet suspensif de la recourante.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours a été déposé à temps (art. 100 al. 2 let. a LTF) contre une
décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 350 consid. 1.2) rendue en matière de
poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité de
surveillance statuant en dernière (unique) instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF; Levante, in: Basler Kommentar, SchKG I, 2e éd., 2010, n° 19 ad art. 19
LP); il est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c
LTF); la plaignante a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).

1.2 Bien qu'elle s'inscrive dans le cadre de la validation d'un séquestre, la
décision attaquée n'a pas pour objet une "mesure provisionnelle" au sens de
l'art. 98 LTF, mais le refus de l'office de procéder à un acte matériel (i.c.
rejet partiel d'une réquisition de poursuite); la cognition du Tribunal fédéral
n'est, dès lors, pas restreinte à la violation des droits constitutionnels (ATF
135 III 551 consid. 1.2; pour d'autres exemples, cf. notamment: Levante, ibid.,
n° 73 et les arrêts cités).

2.
L'autorité cantonale a rappelé que, si la créance dont le séquestre est destiné
à garantir le recouvrement est libellée en monnaie étrangère, elle doit être
convertie en valeur légale suisse à la date du dépôt de la requête de
séquestre. Lorsque le poursuivant requiert une poursuite en validation (art.
279 al. 1 LP), il doit indiquer dans sa réquisition la même prétention, en
capital et intérêts, que celle qu'il avait mentionnée dans sa requête de
séquestre, et pour laquelle cette mesure a été ordonnée et exécutée. Il incombe
à l'office de veiller à ce que le séquestre soit validé pour les mêmes montants
que ceux en garantie desquels il a été obtenu; aussi, l'ordonnance de séquestre
doit-elle contenir les mêmes indications que la réquisition de poursuite. En
l'occurrence, la prétention invoquée par la poursuivante dans sa requête de
séquestre s'élevait à 773'749'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 29 avril 2010;
partant, c'est à juste titre que l'office n'a admis la réquisition de poursuite
qu'à hauteur de ce montant et l'a rejetée pour le surplus.

2.1 À l'instar de la réquisition de poursuite (art. 67 al. 1 ch. 3 LP) et de la
réquisition de continuer la poursuite (art. 88 al. 1 LP; ATF 43 III 270; 94 III
74 consid. 3), la requête de séquestre doit exprimer la créance alléguée en
valeur légale suisse (Fritzsche/Walder, Schuldbetreibung und Konkurs nach
schweizerischem Recht, vol. II, 2e éd., 1993, § 57 n° 13). Lorsque, comme en
l'espèce, le séquestre a été autorisé sans poursuite préalable (art. 279 al. 1
LP), la doctrine retient, comme date de conversion, le jour du dépôt de la
requête (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes
et la faillite, vol. IV, 2003, n° 17 ad art. 271 LP; Schraner, in: Zürcher
Kommentar, 2000, n° 239, et Weber, in: Berner Kommentar, 2005, n° 362 ad art.
84 CO et la doctrine citée); lors de la validation, le poursuivant doit
formuler dans sa réquisition de poursuite la même prétention - en capital et
intérêts - que celle qu'il avait mentionnée dans sa requête de séquestre
(Gilliéron, op. cit., vol. I, 1999, n° 59 ad art. 67 LP; Hess, Die
Fremdwährungsforderung als Objekt der schweizerischen Schuldbetreibung, 1944,
p. 118 ch. III; en partie divergent: Giacometti, Währungsprobleme im
Zivilprozessrecht und in der Zwangsvollstreckung, 1977, p. 137).

La décision déférée est conforme à ces principes, que la recourante ne discute
pas (art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.1). En outre, elle satisfait
au postulat selon lequel, sous réserve de l'art. 88 al. 4 LP, la conversion
détermine le montant de la créance en poursuite pour toute la durée de la
procédure d'exécution forcée (ATF 51 III 180 consid. 4; Rüetschi/Stauber, Die
Durchsetzung von Fremdwährungsforderungen in der Praxis, in: BlSchK 2006 p.
54); une éventuelle perte de change ultérieure doit être recouvrée par la voie
d'une nouvelle poursuite (ATF 72 III 100 consid. 4; Rüetschi/Stauber, op. cit.,
p. 54 ch. I et la doctrine citée). À ce sujet, il convient néanmoins de
préciser que, sous réserve de l'hypothèse - non réalisée ici - où le for du
séquestre (art. 52 LP) coïncide avec le for ordinaire de la poursuite (art. 46
al. 1 LP), la saisie consécutive au séquestre ne peut porter sur d'autres
actifs que ceux dont la mise sous main de justice a été ordonnée, de sorte que
l'office des poursuites ne saurait étendre la saisie à d'autres biens en raison
de l'ampliation du montant (converti) de la créance induite par le nouveau taux
de change (cf. au sujet de l'art. 88 al. 4 LP: Ochsner, Exécution du séquestre,
in: JdT 2006 II p. 112).

2.2 La recourante ne réfute pas le motif de la juridiction précédente tiré de
l'identité nécessaire entre le montant pour lequel le séquestre a été requis et
celui qui est indiqué dans la réquisition de poursuite, mais se borne (après un
long rappel des principes généraux) à renvoyer à des décisions - dont on ignore
par ailleurs si elles sont définitives - prises dans le contexte de la présente
affaire par divers offices et une autorité inférieure de surveillance; faute de
motivation suffisante, le recours est dès lors irrecevable dans cette mesure
(art. 42 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.1).

Il est vrai que, dans l'arrêt 5A_520/2011 (publié in: ATF 137 III 623), le
Tribunal fédéral a dit que la «conversion se fait (...) au cours de l'offre des
devises du jour de la réquisition de poursuite» (p. 624). Toutefois, même si
cette affaire s'inscrivait bien dans le cadre de la validation d'un séquestre,
il n'a pas entendu résoudre la question litigieuse dans le cas présent, mais
uniquement celle de savoir si le droit fédéral autorisait le créancier
poursuivant à convertir la créance au jour de son échéance, conformément à
l'art. 84 al. 2 CO (p. 624/625). On ne saurait attribuer une autre portée à
cette jurisprudence.

3.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la (faible) mesure de sa
recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office des poursuites de
Genève et à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites
de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 26 septembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Juge présidant: Escher

Le Greffier: Braconi