Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.191/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_191/2012

Arrêt du 12 octobre 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Hohl, Présidente, Escher, Marazzi, von Werdt et
Herrmann.
Greffier: M. Richard.

Participants à la procédure
1. A.X.________,
2. B.X.________,
tous les deux représentés par Me Marie-Claude de Rahm-Casthélaz, avocate,
recourants,

contre

Etat de Genève, représenté par le Département des Finances, p.a. Chancellerie
d'Etat, case postale 3964, 1211 Genève 3,
intimé.

Objet
action en annulation d'un legs,

recours contre le jugement de la Chambre civile de la Cour de justice du canton
de Genève du 26 janvier 2012.

Faits:

A.
A.a C.________, née le 29 avril 1913, est décédée le 1er novembre 2007 à
Y.________, où elle était domiciliée, en ne laissant aucun héritier légal
connu. L'essentiel de la fortune de la défunte consiste en des biens
immobiliers sis sur la commune de D.________.
A.b Par testament public du 30 juillet 2002, C.________ a légué aux époux
A.________ et B.X.________ la parcelle n° 5697 ainsi que le feuillet 5698 n° 3
du registre foncier de la commune de D.________. L'acte a été instrumenté par
Me E.________, en présence des témoins F.________, clerc de Me E.________, et
G.________, dont le nom a été transmis par les époux X._________.
A.c Dès le 9 juin 1997, C.________ a été mise au bénéfice d'une curatelle
volontaire, que nécessitait la dégradation de son état de santé. Me H.________
lui a été désignée en qualité de curatrice. Le 13 janvier 2003, elle a été
provisoirement interdite; son interdiction a ensuite été confirmée par
ordonnance du 28 octobre 2003 du Tribunal tutélaire du canton de Genève. Le
recours des époux X.________ formé contre le prononcé de cette mesure a été
déclaré irrecevable par arrêt du 4 mai 2004.

De 1997 à 2003, la de cujus a été examinée à maintes reprises par différents
médecins en vue de déterminer sa capacité de discernement. Différentes
expertises ont été effectuées à cet effet: en octobre 2001, celle des Drs
I.________ et J.________; en juillet 2002, celle du Dr K.________ et de Mme
L.________; ainsi qu'en octobre 2002, celle du Prof. M.________.
A.d Le 18 mars 2009, Me H.________, administratrice d'office de la succession,
a informé les époux X.________ de ce qu'aucun héritier légal n'avait été trouvé
et que l'État de Genève serait, selon toute vraisemblance, désigné comme
héritier. Elle leur a également remis une copie du bordereau de
l'Administration fiscale du 16 mars 2009 les invitant à s'acquitter d'un
montant de 1'879'752 fr au titre des droits de succession relatifs au legs
consenti. Le délai de paiement a été prolongé à deux reprises et un rappel leur
a finalement été adressé le 29 mars 2010.
A.e Le 2 octobre 2009, les époux X._________ ont sollicité de la part de l'État
de Genève la délivrance du legs de la parcelle de D.________. Le 2 novembre
2009, l'État de Genève les a informés qu'il avait accepté la succession puis,
le 23 décembre 2009, qu'il n'entendait pas leur délivrer le legs pour le motif
que la défunte n'était plus capable de discernement lors de l'établissement du
testament public du 30 juillet 2002.
A.f Le 19 février 2010, les époux X.________ ont ouvert une action en
délivrance du legs. Cette procédure a été suspendue le 12 novembre 2010.

B.
B.a Le 15 juillet 2010, l'État de Genève a agi devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève en annulation du legs. Par jugement du 26 mai
2011, ledit tribunal a annulé le legs constitué le 30 juillet 2002 en faveur
des époux X.________ et portant sur la parcelle n° 5697 et le feuillet 5698 n°
3 du registre foncier de la commune de D.________.
B.b Sur recours des époux X.________, la Cour de justice du canton de Genève a
confirmé ce jugement par arrêt du 26 janvier 2012.

C.
Le 2 mars 2012, A.________ et B.X.________ exercent un recours en matière
civile contre cet arrêt concluant à son annulation et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Subsidiairement, ils concluent à ce que l'État de Genève soit débouté de sa
demande en annulation du legs consenti par la de cujus par testament public du
30 juillet 2002. À l'appui de leurs conclusions, ils invoquent une violation
des art. 2, 8, 16, 18, 467 et 571 al. 2 CC, de l'art. 29 al. 2 Cst., des art.
56, 59, 60, 404, 405 et 221 al. 1 let. e CPC, ainsi que l'arbitraire dans
l'application du droit cantonal et dans l'établissement des faits. Ils se
plaignent notamment d'avoir été privés de l'opportunité de prouver des faits
allégués et offerts en preuve, de comparaître et d'être interrogés, de fournir
des preuves et de participer à l'administration des preuves.

Des réponses n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) ainsi que dans les formes légales
(art. 42 al. 1 et 2 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF), par des
recourants qui ont succombé en dernière instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF
et art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire successorale (art. 72 al. 1 LTF) dont
la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le
recours en matière civile est en principe recevable.

2.
2.1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sans
être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des
parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments
que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une
substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2). Il ne connaît cependant
de la violation des droits fondamentaux ou du droit cantonal que si ce grief a
été soulevé et motivé (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2; 133 II 249
consid. 1.4.2). Si le recourant se plaint de la violation de tels droits, il
doit ainsi satisfaire au principe d'allégation (Rügeprinzip, principio
dell'allegazione), en indiquant précisément quelle disposition
constitutionnelle ou légale a été violée et en démontrant, par une
argumentation précise, en quoi consiste la violation (ATF 133 IV 286 consid.
1.4; 133 II 249 consid. 1.4.2).

2.2 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement
inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2
LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits ont
été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire
que les constatations de fait sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF
133 II 249 consid. 1.2.2), doit satisfaire au principe d'allégation
susmentionné (consid. 2.1).

Un jugement rendu sans que les faits nécessaires à l'application de la loi
soient constatés est contraire au droit (art. 95 let. a LTF; ATF 133 IV 293
consid. 3.4.1; 134 V 53 consid. 4.3 et les références citées). La faculté de
rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente que
l'art. 105 al. 2 LTF confère au Tribunal fédéral, ne dispense pas le recourant
de son obligation d'allégation et de motivation (ATF 133 IV 286 consid. 6.2).
Aussi, lorsque le recourant entend faire compléter les faits, il doit les
désigner avec précision en se référant aux pièces du dossier; le complètement
suppose en effet que les allégations de fait correspondantes aient été
introduites régulièrement et en temps utile dans la procédure cantonale,
qu'elles aient été considérées à tort comme dépourvues de pertinence ou aient
été simplement ignorées; si ces exigences ne sont pas respectées, les faits
invoqués sont réputés nouveaux (art. 99 al. 1 LTF), partant irrecevables (arrêt
5A_338/2010 du 4 octobre 2010 consid. 3, in SJ 2011 I p. 185; cf. à propos de
l'art. 55 al. 1 let. c OJ: ATF 115 II 484 consid. 2a et la jurisprudence
citée).

Dans le domaine de l'appréciation des preuves et de la constatation des faits,
le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en
la matière à l'autorité cantonale (ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid.
1b et les références citées). Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si
le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen
de preuve, a omis sans motifs objectifs de tenir compte de preuves pertinentes
ou a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (
ATF 129 I 8 consid. 2.1); encore faut-il que la correction du vice soit
susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

3.
La cour cantonale a tout d'abord écarté le grief de violation du droit d'être
entendu des recourants dans l'instruction de la cause pour le motif que la
prétendue violation portait sur des faits non susceptibles d'influer sur
l'issue du litige. Puis, s'estimant suffisamment renseignée sur la question de
la capacité de discernement de la de cujus, elle a refusé d'entendre de
nouveaux témoins à ce sujet et a nié toute violation du droit de procédure
cantonal en tant que les recourants n'ont pas eu accès à l'intégralité du
dossier tutélaire. Se référant à l'expertise du Prof. M.________ plutôt qu'à
celle du Dr K.________ et de Mme L.________, la cour cantonale a ensuite jugé
que la de cujus n'avait pas une capacité de discernement suffisante au moment
de l'instrumentation du testament public. La juridiction a enfin nié tout
agissement contraire à la bonne foi et tout abus de droit de la part de
l'intimé en relation avec l'initiation d'une procédure de taxation fiscale du
legs.

4.
Les recourants reprochent de manière générale à la cour cantonale d'avoir
considéré que la défunte n'était pas capable de discernement au moment de
disposer par testament public le 30 juillet 2002.

4.1 Pour disposer valablement par testament, il faut être capable de
discernement (art. 467 CC), c'est-à-dire ne pas être privé de la faculté d'agir
raisonnablement par suite, notamment, de maladie mentale ou de faiblesse
d'esprit (art. 16 CC). Les dispositions pour cause de mort faites par une
personne incapable de disposer au moment de l'acte peuvent être annulées (art.
519 al. 1 ch. 1 CC).
4.1.1 La capacité de discernement ne doit pas être appréciée abstraitement mais
en rapport avec un acte déterminé, selon la difficulté et la portée de cet
acte. On peut donc imaginer qu'une personne dont la capacité de discernement
est généralement réduite puisse tout de même exercer certaines tâches
quotidiennes et soit capable de discernement pour les actes qui s'y rapportent;
pour des affaires plus complexes, en revanche, on pourra dénier sa capacité de
discernement. Contrairement aux petits achats et aux affaires quotidiennes, la
rédaction d'un testament compte parmi les actes les plus exigeants, surtout
s'il s'agit de dispositions compliquées (ATF 124 III 5 consid. 1a et les
références citées; arrêt 5C.282/2006 du 2 juillet 2007 consid. 2.1; arrêt
5A_723/2008 du 19 janvier 2009 consid. 2.1). Pour juger de la capacité de
discernement, il ne faut cependant pas se demander si les dispositions prises
sont sages, justifiées au vu des circonstances, ou simplement équitables; une
disposition absurde peut tout au plus être tenue pour un indice d'un défaut de
discernement (ATF 117 II 231 consid. 2a; 124 III 5 consid. 4c/cc; STEINAUER, Le
droit des successions, 2006, n. 311; ESCHER, Zürcher Kommentar, 1959, n° 5 ad
art. 467 CC; TUOR, Berner Kommentar, 1952, n° 3 ad art. 467 CC; WEIMAR, Berner
Kommentar, 2009, n° 9 ad art. 467 CC; SCHRÖDER, in: Abt/Weibel, Erbrecht,
Praxiskommentar, n° 14 ad art. 467 CC).
4.1.2 La capacité de discernement est la règle (art. 16 CC); elle est présumée
d'après l'expérience générale de la vie, de sorte qu'il incombe à celui qui
prétend qu'elle fait défaut de le prouver. La nature même des choses rendant
impossible la preuve absolue de l'état mental d'une personne décédée, le degré
de la preuve requis est abaissé à la vraisemblance prépondérante (ATF 130 III
321 consid. 3.3; 117 II 231 consid. 2b et les références citées). En revanche,
lorsqu'une personne est atteinte de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit,
l'incapacité de discernement est présumée, car cette personne doit généralement
être considérée, d'après l'expérience générale de la vie, comme étant selon une
vraisemblance prépondérante, dépourvue, en principe, de discernement. Dans de
tels cas, c'est à celui qui se prévaut de la validité du testament d'établir
que la personne concernée a accompli l'acte litigieux dans un moment de
lucidité. La contre-preuve que celle-ci a agi dans un intervalle lucide étant
difficile à rapporter, la jurisprudence facilite la preuve: il suffit de
prouver que la personne concernée, malgré une incapacité générale de
discernement au vu de son état de santé, était au moment déterminant capable de
discernement avec une vraisemblance prépondérante (ATF 124 III 5 consid. 1b et
les références citées; arrêt 5A_727/2009 du 5 février 2010 consid. 2.1; arrêt
5A_723/2008 du 19 janvier 2009 consid. 2.3; 5A_204/2007 du 16 octobre 2007
consid. 5.2). L'incapacité de discernement n'est présumée que dans le cas où le
disposant se trouvait, au moment où il a accompli l'acte, dans un état durable
de dégradation des facultés de l'esprit liée à la maladie ou à l'âge. Ainsi, en
présence d'un diagnostic de «démence sénile» posé par plusieurs médecins, il y
a lieu, selon l'expérience générale de la vie, de présumer l'incapacité de
discernement (arrêt 5A_436/2011 du 12 avril 2012 consid. 5.6). En revanche,
elle n'est pas présumée et doit être établie, selon la vraisemblance
prépondérante, lorsque le disposant, dans un âge avancé, est impotent, atteint
dans sa santé physique et temporairement confus ou souffre uniquement
d'absences à la suite d'une attaque cérébrale ou encore est confronté à des
trous de mémoire liés à l'âge (arrêt 5A_12/2009 du 25 mars 2009 consid. 2.2 et
les références citées).
4.1.3 Les constatations relatives à l'état de santé mentale d'une personne, la
nature et l'importance d'éventuels troubles de l'activité de l'esprit, le fait
que la personne concernée pouvait se rendre compte des conséquences de ses
actes et pouvait opposer sa propre volonté aux personnes cherchant à
l'influencer relèvent de l'établissement des faits. En revanche, la conclusion
que le juge en a tirée quant à la capacité ou non de tester relève du droit et
le Tribunal fédéral la revoit librement (ATF 124 III 5 consid. 4; 117 II 231
consid. 2c). En particulier, lorsqu'il s'agit d'apprécier des expertises
médicales rendues au sujet de la santé mentale du disposant, la méthode
utilisée par le médecin est une question de droit que le Tribunal fédéral
revoit librement (cf. s'agissant de l'estimation de la valeur vénale d'un
immeuble: ATF 132 III 489 consid. 2.3; arrêt 5A_557/2008 du 28 janvier 2009
consid. 3.2.2).

4.2 La cour cantonale a déduit des différents examens de la défunte que
celle-ci souffrait d'une affection démentielle à un stade avancé résultant
d'une longue évolution et ne disposait pas d'une capacité résiduelle suffisante
pour tester le 30 juillet 2002. Les recourants, se référant à l'avis du Dr
K.________ et de Mme L.________ de juillet 2002, estiment que la défunte devait
toujours être présumée capable de tester à ce moment-là.

4.3 Selon les constatations de l'arrêt cantonal, la de cujus est décrite par
son médecin traitant comme incapable de gérer ses biens depuis le mois de juin
1997; ledit médecin considérait cependant qu'elle ne souffrait alors d'aucune
maladie mentale ou de faiblesse d'esprit justifiant le prononcé d'une tutelle.
En mars 1998, les Drs N.________ et O.________ ont informé l'autorité tutélaire
que, vu son état de santé, C.________ remplissait les conditions d'une mise
sous conseil légal; puis en janvier 1999, le Dr P.________ a considéré que,
handicapée tant physiquement que mentalement, la de cujus n'avait pas le
discernement nécessaire à la signature d'actes officiels. Examinée par les Drs
I.________ et J.________ en octobre 2001 en vue de déterminer si elle disposait
d'une capacité suffisante pour instituer son médecin traitant comme héritier,
la défunte a été considérée comme n'ayant plus les facultés résiduelles
suffisantes pour procéder avec discernement à des dispositions pour cause de
mort valables. Ces médecins ont en outre précisé que leur constat reflétait une
situation permanente et, à vues humaines, définitive, compte tenu du diagnostic
à l'origine de la défaillance et dans l'état actuel des possibilités
thérapeutiques. À la suite de l'intervention des recourants, qui ont informé le
Tribunal tutélaire de ce que la défunte voulait leur donner sa parcelle et
proposaient qu'elle soit examinée par un spécialiste pour déterminer sa
capacité de discernement, le Dr K.________ et Mme L.________ ont été mandatés
en juillet 2002 et ont conclu qu'il était hautement probable qu'elle gardât une
capacité de discernement pour les affaires la touchant personnellement et à
caractère émotionnel. Ils ont cependant noté que, au vu des troubles du
langage, la fiabilité de ses réponses verbales était fluctuante et que
celles-ci étaient susceptibles d'être influencées par la formulation des
questions. Lors de son audition par le Tribunal tutélaire, le Dr K.________ a
précisé que, selon lui, la défunte comprenait le sens des institutions du legs
et de la donation. Il a en outre indiqué qu'ils avaient apprécié la capacité
émotionnelle de la défunte et que les travaux sur cette capacité dataient de
dix à quinze ans, mais que ce n'était qu'à la fin des années 1990 que certains
tribunaux allemands leur avaient attribué du crédit. En octobre 2002, le Prof.
M.________ a effectué un nouvel examen de la de cujus, à la demande du Tribunal
tutélaire et dans l'optique de dispositions testamentaires ou de donations, et
a rendu une expertise judiciaire détaillée dans laquelle il relève avoir
diagnostiqué une affection démentielle à un stade avancé et résultant d'une
longue évolution, du type de la maladie d'Alzheimer ou d'une encéphalite mixte,
à la fois dégénérative et vasculaire. Il en a déduit que la défunte ne
disposait plus d'aucune capacité de discernement lui permettant de tester ou de
consentir une libéralité. Interrogé par le Tribunal tutélaire, le 26 novembre
2002, il a précisé que, compte tenu de la lente évolution de l'affection,
l'aptitude de la de cujus à gérer ses intérêts ne pouvait être meilleure au
mois de juin et qu'elle était notamment incapable de procéder à une donation
durant ce mois-là ou d'en comprendre les enjeux et la signification. En janvier
2003, le Dr K.________ a constaté que C.________ n'avait plus le discernement
nécessaire pour le délier du secret médical.

4.4 La cour cantonale a tout d'abord relevé que la défunte était, selon son
médecin traitant, incapable de gérer ses biens depuis 1997 et ne disposait pas
du discernement nécessaire à la signature d'actes officiels dès 1999. De plus,
elle a noté que, en octobre 2001 déjà, elle n'avait plus, selon deux médecins,
une capacité mentale résiduelle suffisante pour procéder avec discernement à
des dispositions testamentaires valables et que, en octobre 2002, une affection
démentielle à un stade avancé et résultant d'une longue évolution, du type de
la maladie d'Alzheimer ou d'une encéphalite mixte, avait été diagnostiquée,
état de santé qui ne pouvait être meilleur au mois de juin, vu la lente
évolution de la maladie. Écartant l'expertise du Dr K.________ et de Mme
L.________ ainsi que l'attestation du notaire et des témoins contenue dans le
testament public, elle a ainsi jugé que la de cujus ne disposait pas d'une
capacité de discernement suffisante pour tester le 30 juillet 2002.

4.5 Les recourants, se référant à l'avis du Dr K.________ et de Mme L.________
des 8 et 11 juillet 2002, prétendent qu'il y a lieu de présumer que la défunte
était capable de discernement au moment de la signature de l'acte pour les
affaires la touchant personnellement et à contenu émotionnel. Ils font valoir
sur ce point que le médecin traitant de celle-ci avait jugé, en 1997, que
celle-ci ne souffrait pas d'une maladie mentale ou d'une défaillance d'esprit
justifiant la prise d'une mesure tutélaire; que, en 1999, lorsqu'il a indiqué
qu'elle n'avait pas la capacité de discernement nécessaire pour la signature
d'actes officiels, il s'agissait d'une hypothèque légale; et qu'en septembre
2001, il avait approché la curatrice de la défunte pour l'informer qu'elle
voulait l'instituer comme héritier, démontrant ainsi qu'il la considérait
capable de tester. Ils ajoutent que, en 1998, il avait été précisé que si la de
cujus semblait remplir les conditions d'une mise sous conseil légal, celle-ci
possédait le discernement suffisant pour être entendue. Enfin, l'avis des deux
médecins d'octobre 2001 aurait été, selon eux, rendu de manière générale et
abstraite et l'expertise du Prof. M.________ ne serait pas pertinente car
postérieure au testament en cause.

4.6 En présence de deux expertises effectuées du vivant de la de cujus en vue
de la donation de la parcelle, il est superflu d'examiner quelle présomption
doit prévaloir (cf. supra consid. 4.1.2); il convient bien plus de les opposer
et, sur la base des constatations qu'elles contiennent, de déterminer in
concreto si la disposante avait ou non la capacité de tester au moment
déterminant.

En l'occurrence, l'expertise K.________ et L.________ constate que la défunte a
réagi de manière adéquate à l'expression de ses émotions en reconnaissant des
visages familiers et exprimant de l'hostilité pour d'autres; qu'elle a exprimé
son opposition à la proposition de donner son immeuble à l'examinatrice, mais
s'est montrée très émue et détendue quand était évoquée une donation dudit
immeuble en faveur des recourants. Les experts se fondent sur une nouvelle
approche élargie des malades présentant des démences séniles. Lors de son
audition du 5 mai 2003, le Dr K.________ a exposé que, auparavant ceux-ci
étaient considérés de façon restrictive sur les plans praxique, gnosique et
phasique, les atteintes à ces facultés permettant de définir la démence, et
que, depuis quelques années, cette conception a été élargie à la dimension
émotionnelle pour déterminer les capacités de mémoire, d'expression et de
décision des personnes concernées. Il a toutefois précisé que cette nouvelle
conception devrait à l'avenir faire l'objet d'une nomenclature idoine au niveau
OMS et DSM. L'expertise du Prof. M.________ détaille bien davantage l'état de
la patiente: elle n'est pas capable de tenir une conversation; ne peut
prononcer son nom de famille que si l'on inclut l'amorce verbale «vous êtes
Madame...»; ignore qu'elle est divorcée; s'adresse à l'expert par «Madame»; ne
peut utiliser d'autres objets qu'un verre; mais, parfois, réagit
émotionnellement de manière correcte. C'est sur la base de ces constatations
que le spécialiste a diagnostiqué une démence à un stade avancé - probablement
une encéphalopathie dégénérative de type Alzheimer ou mixte vasculaire et
dégénérative -, précisant en outre que, vu l'évolution lente de la maladie,
l'aptitude de l'intéressée n'était pas meilleure en juin 2002. Enfin, en
présence d'une expertise médicale effectuée in vivo, l'attestation du notaire
et des témoins contenue dans le testament public au sujet de la capacité de
discernement du disposant n'est pas déterminante tout particulièrement lorsque,
comme en l'espèce en ce qui concerne l'expertise K.________ et L.________,
ceux-ci en connaissaient les conclusions.
Il suit de là que, en présence de deux expertises aux conclusions divergentes,
on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir privilégié celle qui se
fonde sur une conception reconnue et faisant l'objet d'une nomenclature au
niveau OMS et DSM plutôt que sur celle, qui se base sur une conception nouvelle
de l'appréciation des affections mentales privilégiant une approche
émotionnelle, qui n'est pas encore universellement admise et qui nécessiterait
un complément des nomenclatures internationales. L'appréciation juridique de la
cour cantonale, quant à la méthode à suivre, est ainsi conforme au droit.

4.7 Reste cependant à examiner les griefs des recourants relatifs à l'expertise
du Prof. M.________ sur laquelle s'est fondée la cour cantonale pour conclure à
l'incapacité de tester de la défunte.

Les recourants font tout d'abord valoir que dite expertise est intervenue après
la rédaction de l'acte et contestent que l'état des facultés de la de cujus ne
pouvait pas être meilleur trois mois avant l'examen. Il ressort de la lecture
des deux expertises que les faits constatés par chacun des experts sont du même
ordre et que ce ne sont que leurs interprétations médicales respectives qui
divergent. Aussi, la critique toute générale des recourants ne permet pas de
faire apparaître arbitraire de considérer que, vu la lente évolution de la
maladie, les facultés mentales de la de cujus ne pouvaient être meilleures au
mois de juin qu'au mois d'octobre 2002.

Ils se plaignent ensuite de ce qu'ils n'ont pas pu faire entendre l'expert dans
la procédure successorale, en particulier que les juges n'aient pas pu vérifier
que celui-ci était parti d'une juste notion de la capacité en relation avec
l'acte concerné, et qu'eux-mêmes n'aient pas pu participer à la preuve. Ils
s'en prennent ainsi à l'appréciation anticipée des preuves, que permet l'art. 8
CC (ATF 131 III 222 consid. 4.3; 129 III 18 consid. 2.6) et dont ils doivent
démontrer l'arbitraire (art. 9 Cst.; cf. supra consid. 2.2). En l'occurrence,
la cour cantonale a estimé être suffisamment renseignée au sujet de la capacité
de discernement de la de cujus et qu'il n'était pas nécessaire d'entendre des
témoins dès lors que les médecins l'ayant examinée immédiatement avant, puis
peu après la passation de l'acte avaient été entendus par les autorités
tutélaires en 2002 et 2003, que leurs dépositions avaient été intégralement
produites devant le Tribunal et que l'état de santé de la défunte avait fait
l'objet de nombreux documents, certificats médicaux ainsi que décisions
judiciaires figurant tous au dossier. Les critiques des recourants ne
permettent nullement de qualifier cette appréciation d'insoutenable. Il ressort
en effet de l'expertise médicale du 14 octobre 2002 que c'est précisément dans
le but de déterminer la capacité de la de cujus dans l'optique de dispositions
testamentaires ou d'une donation que le Prof. M.________ a été mandaté. Quant à
la participation des recourants à la preuve, on ne saisit pas en quoi celle-ci
aurait été en mesure d'influer sur l'issue du litige dès lors qu'ils
n'indiquent même pas quelles questions ils entendaient poser à l'expert.

En relation avec l'expertise du 14 octobre 2002, ils invoquent encore qu'il n'a
pas été retenu que le Dr R.________ était au courant du rapport rendu par le Dr
K.________; que c'est lui qui avait recommandé le Prof. M.________ comme
expert; et que l'expertise mentionnait ce courrier qui avait pu avoir une
influence sur le résultat alors que le Dr R.________ n'était pas le médecin
traitant de la défunte. Certes, l'avis du Dr R.________, qui n'a jamais été
mandaté ni par la défunte ni par la curatrice, n'aurait probablement pas dû
figurer parmi les pièces transmises à l'expert. Cela étant, à la lecture de
l'expertise du Prof. M.________, il est évident que celui-ci s'est expressément
fondé sur ses constatations pour établir son diagnostic; il n'est d'ailleurs
fait que brièvement référence au courrier en cause. Il s'ensuit que la seule
évocation de ce courrier, comme le fait que le Prof. M.________ a été
recommandé par le Dr R.________, ne suffisent pas à faire apparaître comme
sujets à caution les résultats de l'expertise.

L'ensemble des critiques des recourants relatives à l'expertise du Prof.
M.________ se révèlent dès lors infondées.

4.8 En conséquence, dès lors qu'il est conforme au droit fédéral de se fonder
sur l'expertise du Prof. M.________ (cf. supra consid. 4.6) et que les
recourants ne sont pas parvenus à démontrer que les constatations que celle-ci
contient seraient arbitraires (cf. supra consid. 4.7), c'est à juste titre que
la cour cantonale a conclu, à l'aune des facultés mentales décrites dans ladite
expertise, que la de cujus ne disposait pas d'une capacité de discernement
suffisante pour tester le 30 juillet 2002.

Il s'ensuit que toutes les autres critiques des recourants en relation avec
l'établissement des faits sont irrecevables faute de pouvoir influer sur
l'issue du litige. En effet, une fois déterminée l'incapacité de tester de la
de cujus au moment de la passation du testament public, il importe peu
d'établir l'objectivité ou non de l'expertise K.________ et L.________, les
circonstances ayant entouré la rédaction de l'acte, la santé mentale de la
défunte en 1998 ou 1999, ainsi que la volonté de celle-ci - affirmée bien avant
le legs du 30 juillet 2002 - de donner sa parcelle aux recourants.

4.9 Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, la cour cantonale a jugé à bon
droit que, en raison du défaut de capacité pour disposer de la de cujus, le
legs du 30 juillet 2002 devait être annulé.

5.
Les recourants font enfin valoir que l'intimé a agi de manière contraire à la
bonne foi en tant qu'il leur a, tout d'abord, accordé des prolongations du
délai pour payer les droits de succession relatifs au legs, et ce faisant
manifesté sa volonté de l'exécuter, pour finalement en contester la validité.
Ils invoquent également une violation de l'art. 571 al. 2 CC.
5.1
5.1.1 En vertu de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas
protégé par la loi. L'existence d'un abus de droit s'apprécie au regard des
circonstances du cas d'espèce, en prenant en considération les divers cas de
figure mis en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 134 III 52
consid. 2.1) tels que l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit (ATF 129 III
493 consid. 5.1; 123 III 200 consid. 2b; 115 III 18), l'utilisation contraire à
son but d'une institution juridique (ATF 128 II 145 consid. 2.2; 122 III 321
consid. 4a) ou encore la disproportion grossière des intérêts en présence (ATF
132 III 115 consid. 2.4; 129 III 493 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, la loi ne protège pas l'attitude contradictoire (venire
contra factum proprium) lorsque le comportement antérieur d'une partie a
inspiré une confiance légitime chez l'autre partie et déterminé celle-ci à des
actes qui se révèlent préjudiciables à ses intérêts une fois que la situation a
changé (ATF 130 III 113 consid. 4.2; 129 III 493 consid. 5.1; 125 III 257
consid. 2a; 121 III 350 consid. 5b; 115 II 331 consid. 5a; 110 II 494 consid. 4
p. 498, 106 II 320 consid. 3a; STEINAUER, Le Titre préliminaire du code civil,
in Traité de droit privé suisse, tome II/1, 2009, n. 583).
5.1.2 Selon l'art. 571 al. 2 CC, est déchu de la faculté de répudier l'héritier
qui, avant l'expiration du délai (de répudiation), s'immisce dans les affaires
de la succession, fait des actes autres que les actes nécessités par la simple
administration et la continuation de ces affaires, divertit ou recèle des biens
de l'hérédité. Le principe de la bonne foi s'oppose en effet à ce qu'un
héritier puisse procéder aux actes susmentionnés et conserver néanmoins la
faculté de répudier (ATF 133 III 1 consid. 3.1 et les références citées).

5.2 La cour cantonale a considéré que l'intimé n'avait pas agi de manière
contraire à la bonne foi, ni commis un abus de droit en envoyant aux recourants
un bordereau de taxation fiscale concernant le legs ainsi qu'en leur accordant
plusieurs prolongations pour s'acquitter des montants dus. Elle a jugé, d'une
part, que l'intimé n'avait pas encore formellement accepté la succession aux
moments en cause et, d'autre part, que les recourants, qui ne s'étaient pas
acquittés de ses droits, n'avaient pris aucune disposition qu'ils ne pourraient
modifier sans subir de préjudice.

5.3 Les recourants invoquent que la cour cantonale a omis de retenir que le
délai pour payer les droits de succession a été prolongé le 2 octobre 2009
alors que l'intimé avait déjà requis, le 6 juillet 2009, du Tribunal tutélaire
de pouvoir consulter le dossier tutélaire dans l'optique d'une action en
annulation du testament public et que ce n'est que le 16 octobre 2009 qu'il a
informé les recourants qu'il émettait des doutes sur la validité du legs
consenti. Ils en déduisent que, dès le 17 avril 2009, date de la parution de
l'appel aux créanciers, l'intimé savait qu'il était l'héritier provisoire de la
succession et ne pouvait dès lors procéder qu'aux actes nécessaires de gestion
conservatoire. Or, le 24 avril 2009, puis le 2 octobre 2009, il a prolongé le
délai accordé aux recourants pour acquitter les droits de succession relatifs
au legs, ce qui constitue, selon eux, une immixtion au sens de l'art. 571 al. 2
CC, l'empêchant de contester ultérieurement la validité du legs.

5.4 Une immixtion au sens de l'art. 571 al. 2 CC a pour seule conséquence de
priver l'héritier du droit de répudier (cf. supra consid. 5.1.2). Rien ne
permet cependant de déduire de cette disposition qu'un héritier, qui se serait
immiscé dans les affaires de la succession, ne puisse plus contester la
validité d'un legs. Les recourants ne sauraient davantage tirer argument des
règles de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit car, en
l'espèce, quel que fût le comportement de l'intimé en relation avec la
perception des droits de succession relatifs au legs, on ne saisit pas quels
actes préjudiciables aux intérêts des recourants il aurait pu inciter ceux-ci à
accomplir; les droits réclamés n'ont en effet jamais été acquittés. Il suit de
là que, mal fondé, le grief doit être rejeté.

6.
Sur le vu de l'ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la
mesure où il est recevable. Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont
mis solidairement à la charge des recourants qui succombent (art. 66 al. 1
LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à
se déterminer (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis solidairement à la charge
des recourants.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 12 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

Le Greffier: Richard