Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 5A.162/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
5A_162/2012

Arrêt du 12 juillet 2012
IIe Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Escher, Marazzi, von Werdt et Herrmann.
Greffière: Mme Achtari.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Lucio Amoruso, avocat,
recourante,

contre

Y.________, représentée par Me Dominique Henchoz, avocate,
intimée.

Objet
mainlevée définitive de l'opposition, exequatur à titre incident,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 12 janvier 2012.

Faits:

A.
A.a Par jugement du 20 février 2007, considérant que les conditions de la
garantie légale des vices cachés étaient réunies, le Tribunal de Grande
instance de Melun (France) a, entre autres, ordonné la résolution de la vente
d'un cheval au prix de 135'000 euros intervenue entre Y.________, en qualité de
venderesse, et X.________, en qualité d'acheteuse, condamné Y.________ à payer
à X.________ le montant de 135'000 euros avec intérêts de droit à compter du 19
janvier 2004, ordonné la capitalisation des intérêts, débouté les parties
d'autres conclusions, ordonné l'exécution provisoire du jugement, et condamné
Y.________ à payer à X.________ 2'500 euros sur le fondement de l'art. 700 du
Nouveau code de procédure civile, avec suite de dépens.
A.b En exécution du jugement précité, Y.________ a versé 146'662 euros 62 à
X.________ en mai 2007.
A.c Par arrêt du 20 mai 2009, statuant par défaut sur l'appel de la venderesse
et considérant que l'acheteuse avait introduit tardivement son action en
garantie selon le Code rural applicable à ce type de vente, la Cour d'appel de
Paris a rendu le dispositif suivant:
"Infirme le jugement [du 20 février 2007], (...),
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déclare Mme X.________ irrecevable en sa demande,
Condamne Mme X.________ à payer à la société Y.________ la somme de 13'109, 39
euros outre intérêts au taux légal calculés sur la somme de 4'206, 94 euros à
compter du 20 avril 2006 et sur le surplus à compter du 21 avril 2008,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article
1154 du code civil,
Déboute la société Y.________ de sa demande de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées
en exécution du jugement,
Condamne Mme X.________ à payer à la société Y.________ 2'500 euros sur le
fondement de l'art. 700 du code de procédure civile,
(...)".

Dans les considérants de son arrêt, la Cour d'appel a notamment retenu que "la
société Y.________ réclam[ait] le remboursement de la somme de 146'662 euros 62
versée en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire mais qu'il
n'y a[vait] pas lieu de statuer sur cette demande, le présent arrêt constituant
le titre ouvrant droit à restitution étant rappelé que les sommes restituées ne
port[aient] intérêt au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise
en demeure, de l'arrêt infirmatif".
A.d Par arrêt du 12 janvier 2011, la Cour d'appel de Paris a déclaré
irrecevable pour tardiveté l'opposition formée par X.________ à l'encontre de
l'arrêt précité rendu par défaut et a condamné cette dernière à payer à
Y.________ le montant de 2'000 euros en application de l'art. 700 du Code de
procédure civile.

B.
B.a Le 8 avril 2011, Y.________ a fait notifier par l'Office des poursuites de
Genève à X.________ un commandement de payer poursuite n°xxx, portant sur les
montants suivants, auquel celle-ci a formé opposition:
1. 192'453 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 février 2011, représentant la
contre-valeur de 146'662 euros au cours moyen de 1,3122, en vertu du jugement
du Tribunal de Grande instance de Melun du 20 février 2007,
2. 5'365 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 16 février 2011, représentant la
contre-valeur de 4'088,94 euros au cours moyen de 1,3122 du 15 février 2011,
intérêts sur ce capital du 17 juin 2009 au 15 février 2011,
3. 5'905 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 février 2011, contre-valeur de 4'500
euros au cours moyen de 1,3122 du 15 février 2011, frais de justice de l'art.
700 CPC selon arrêts de la Cour d'appel de Paris du 20 mai 2009 et du 12
janvier 2011,
4. 3'136 fr. 20, avec intérêts à 5% dès le 16 février 2011, contre-valeur de
2'390 euros, au cours moyen de 1,3122 du 15 février 2011, état de frais de
l'avoué Z.________.
B.b Le 16 mai 2011, X.________ s'est pourvue en cassation contre l'arrêt
d'irrecevabilité du 12 janvier 2011 rendu sur opposition par la Cour d'appel de
Paris.
B.c Le 1er juin 2011, Y.________ a saisi le Tribunal de première instance de
Genève d'une requête, concluant à titre incident à ce que soient déclarés
exécutoires en Suisse les arrêts de la Cour d'appel de Paris des 20 mai 2009 et
12 janvier 2011, et, cela fait, à ce que soit prononcée la mainlevée définitive
de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n°xxx, avec suite de
frais. Déposant spontanément une réponse, X.________ a conclu au rejet de la
requête.
Par jugement du 25 octobre 2011, le tribunal a reconnu et déclaré exécutoire
les arrêts de la Cour d'appel de Paris des 20 mai 2009 et 12 janvier 2011 et
prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par X.________ au
commandement de payer seulement pour le poste 3 (5'905 fr. avec intérêts à 5%
dès le 16 février 2011), sous déduction de 3'049 fr. 25 versés le 29 septembre
2011. En substance, il a considéré que l'arrêt du 20 mai 2009 ne comportait pas
de clause condamnatoire en remboursement de 146'662 euros, de sorte qu'il ne
constituait pas un titre de mainlevée au sens de l'art. 80 LP, et, pour autant
qu'on puisse le comprendre, que la poursuivante n'était au bénéfice d'aucun
titre de mainlevée pour les frais de conseils du poste 4 du commandement de
payer.
B.d Y.________ a recouru contre ce jugement. La société a conclu à ce que la
cour cantonale reconnaisse et déclare exécutoire en Suisse les deux arrêts
précités de la Cour d'appel de Paris et à ce que soit prononcée la mainlevée
définitive de l'opposition au commandement de payer poursuite n°xxx, sous
imputation de 3'049 fr. 25 sur le poste 3. Par arrêt du 12 janvier 2012, la
Cour de justice du canton de Genève a partiellement admis ce recours et a
prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par X.________ au
commandement de payer pour le poste 1, soit la créance en remboursement du
montant versé à titre d'exécution provisoire, à concurrence de 177'147 fr.
(135'000 euros x 1,3122) plus intérêts à 5% dès le 16 février 2011, en sus du
poste 3 déjà admis en première instance, sous déduction de 3'049 fr. 25.

C.
Par acte du 16 février 2012, X.________ forme un recours en matière civile et
un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt. Dans l'un comme dans
l'autre, elle conclut à ce que ce dernier soit réformé, en ce sens que la
mainlevée définitive de l'opposition formée par elle au commandement de payer
soit refusée pour le poste 1 et prononcée pour le poste 3 uniquement, sous
déduction d'un montant de 3'049 fr. 25 déjà versé le 29 septembre 2011. En
substance, elle se plaint de la violation de l'art. 80 LP, en soutenant que
l'arrêt du 20 mai 2009 n'est pas définitif et ne contient aucune clause la
condamnant au remboursement du montant de 146'662,62 euros, et de l'art. 82 CO,
en soutenant que, même si on admettait que cet arrêt constituait un titre de
mainlevée définitive, il serait choquant que la société puisse encaisser le
prix de vente alors qu'elle ne lui a pas livré le cheval.
Des observations n'ont pas été requises.

Considérant en droit:

1.
Le recours est déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision
finale (art. 90 al. 1 LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1; 133 III 399 consid.
1.2), ayant pour objet la mainlevée définitive de l'opposition à un
commandement de payer (art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1),
rendue par une juridiction cantonale de dernière instance ayant statué sur
recours (art. 75 LTF); la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 2
let. b LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable, de
sorte que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
2.1 La décision statuant sur la mainlevée définitive, et de manière incidente
sur l'exequatur d'une décision étrangère, n'est pas assimilée à des mesures
provisionnelles (ATF 133 III 399 consid. 1.5). Le recours en matière civile
peut donc être formé contre elle pour violation du droit fédéral (art. 95 let.
a LTF), y compris des droits constitutionnels. Il permet également de faire
valoir que la décision attaquée n'a pas appliqué le droit étranger désigné par
le droit international privé suisse (art. 96 let. a LTF). La contestation étant
de nature pécuniaire, il n'est en revanche pas possible de se plaindre d'une
mauvaise application du droit étranger (art. 96 let. b LTF a contrario); sur ce
point, la décision ne peut être attaquée que pour violation de l'art. 9 Cst.,
soit pour application arbitraire du droit étranger (art. 95 let. a LTF; ATF 135
III 670 consid. 1.4, au sujet du contrôle du droit de l'Etat d'origine
applicable en vertu de la CL 1988; 133 III 446 consid. 3.1; arrêt 5A_477/2011
du 10 octobre 2011 consid. 2.1). La décision entreprise ne sera donc annulée
pour ce motif que si elle est manifestement insoutenable, viole une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte d'une manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité (entre autres ATF 134 I 263 consid.
3.1).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation
retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre
motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant
une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397
consid. 1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation de l'art. 42 al. 1 et 2
LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal
fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de
traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 135 II 384 consid. 2.2.1). Par
exception à la règle selon laquelle il examine le droit d'office, il ne se
prononce sur la violation de droits fondamentaux que si le grief correspondant
a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83
consid. 3.2; 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.2).

2.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été
établis de façon manifestement inexacte - soit de manière arbitraire au sens de
l'art. 9 Cst. (ATF 134 IV 36 consid. 1.4.1; 133 II 249 consid. 1.2.2) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) et si la
correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 in fine LTF).

3.
L'autorité cantonale a retenu que l'arrêt du 20 mai 2009 rendu par défaut par
la Cour d'appel de Paris constituait la cause du remboursement du paiement fait
par l'intimée en exécution anticipée du jugement de première instance, à
l'exclusion de l'arrêt du 12 janvier 2011 par lequel cette même cour a déclaré
irrecevable l'opposition formée par la recourante à l'encontre de sa première
décision. En outre, elle a manifestement admis qu'il était possible de faire
valoir dans une seule et même poursuite l'exécution de la créance en
remboursement découlant de l'arrêt du 20 mai 2009, ainsi que celle, en paiement
des frais de justice, découlant de l'arrêt du 12 janvier 2011. S'agissant de la
question incidente de la reconnaissance et de l'exécution de ces décisions
étrangères, elle a retenu qu'il y avait lieu d'appliquer la Convention
concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière
civile et commerciale du 16 septembre 1988 (CL 1988, anciennement RS 0.275.11)
à l'arrêt du 20 mai 2009, mais la Convention concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et
commerciale du 30 octobre 2007 (CL 2007, RS 0.275.12) à celui du 12 janvier
2011. Cela étant, elle a néanmoins jugé qu'elle n'avait pas à statuer sur la
requête de la poursuivie tendant à ce qu'elle sursît à statuer sur la requête
de mainlevée jusqu'à droit connu sur le fond du litige pendant devant la Cour
de cassation française, étant donné que le recours dont elle était saisie ne
portait pas sur la reconnaissance et la déclaration exécutoire des jugements
français; les décisions du Tribunal de première instance de Genève étaient
donc, selon elle, devenues définitives sur ces points. Enfin, l'autorité
cantonale a examiné si les décisions étrangères présentées constituaient des
titres de mainlevée uniquement à la lumière de l'art. 80 LP et de la
jurisprudence suisse y relative - en particulier les ATF 127 III 234 et 135 III
319 -, à l'exclusion du droit transnational. C'est ainsi qu'elle a constaté que
l'arrêt du 20 mai 2009 ne comportait aucune clause condamnatoire portant sur le
montant de 146'662 euros 62. Néanmoins, elle a relevé que le dispositif de cet
arrêt prévoyait clairement que le jugement déféré était infirmé, notamment en
ce que celui-ci condamnait la venderesse à verser à l'acheteuse 135'000 euros
avec intérêts de droit à compter du 19 janvier 2004, et qu'il n'y avait pas à
statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du
jugement précédent. Cette dernière disposition, claire en elle-même, était
encore explicitée dans le corps de la décision, en ce sens que l'arrêt
constituait en lui-même le titre ouvrant droit à restitution du montant versé
en raison de l'exécution provisoire. Selon la cour, puisque l'arrêt de
l'autorité supérieure française annulait la décision de la première instance
qui avait prononcé la condamnation exécutoire nonobstant appel, l'exécution de
cette condamnation se trouvait privée de cause et fondait l'obligation de
restituer le montant versé dès lors indûment. Il en allait ainsi de la créance
en poursuite sous le poste 1 du commandement de payer, en tant qu'elle était
constituée du montant en capital dont la quotité avait été arrêtée à 135'000
euros par le Tribunal de Grande instance de Melun. En revanche, ni le montant
ni la date de départ des intérêts dus ne résultaient clairement de cette
décision. Par conséquent, retenant un taux de change de 1.3122, l'autorité
cantonale a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition pour les postes 1
à concurrence de 177'147 fr. plus intérêts à 5% dès le 16 février 2011 et 3 à
concurrence de 5'905 fr. sous déduction de 3'049 fr. 25.

4.
La recourante ne conteste ni que l'intimée puisse faire valoir dans une seule
et même poursuite des créances découlant de jugements distincts, ni que la CL
1988 s'applique à l'exécution de l'arrêt français du 20 mai 2009. Par contre,
elle se plaint de la violation de l'art. 80 LP, en reprochant à la cour
cantonale d'avoir accordé la mainlevée définitive sur la base de l'arrêt de la
Cour d'appel de Paris du 20 mai 2009; selon elle, ce dernier n'est pas
définitif, mais seulement exécutoire, étant donné que "l'instance pendante
par-devant la Cour de Cassation n'est pas périmée en tant qu['elle] a la
possibilité de procéder à des actes significatifs d'exécution pour que la Cour
de Cassation se saisisse à nouveau du dossier dans un délai de deux ans".
Toujours sur la base de l'art. 80 LP, elle reproche aussi à l'autorité
cantonale d'avoir considéré que l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 20 mai
2009 constitue un titre de mainlevée alors que son dispositif ne contient
aucune clause la condamnant à rembourser un quelconque montant en faveur de
l'intimée et qu'il ne porte pas sur sa qualité de débitrice mais uniquement sur
la "légitimité du contrat de vente". Enfin, se plaignant de la violation de
l'art. 82 CO, elle soutient que l'intimée "prétend néanmoins encaisser le prix
du cheval qu'elle n'a pas livré et se refuse de [lui] remettre"; pour autant
qu'on parvienne à la comprendre, la recourante entend ainsi faire valoir un
moyen de défense tiré du droit matériel, à savoir l'exécution trait pour trait.

5.
Il y a lieu d'examiner tout d'abord dans quelle version, celle de 1988 ou celle
de 2007, la CL s'applique à la déclaration d'exécution de la décision française
du 20 mai 2009.

5.1 Selon l'art. 63 par. 1 CL 2007, qui consacre le principe de la
non-rétroactivité, la reconnaissance et l'exécution d'une décision est réglée
selon la convention révisée, lorsque, au moment où l'action judiciaire à
l'origine de cette décision a été intentée - soit que la litispendance a été
créée -, cette convention était en vigueur tant dans l'Etat d'origine que dans
l'Etat requis (TANJA DOMEJ, in Lugano-Übereinkommen (LugÜ), 2ème éd., 2011,
n°10 ad art. 63 CL 2007; JAN KROPHOLLER/JAN VON HEIN, Kommentar zu EuGVO,
Lugano-Übereinkommen 2007, EuVTVO, EuMVVO und EuGFVO, 9ème éd., 2011, n°2a et 4
ad art. 66 EuGVO; CHRISTIAN OETIKER/THOMAS WEIBEL, in Basler Kommentar, LugÜ,
2011, n°7 ad art. 63 CL 2007). L'art. 63 par. 2 let. a CL 2007 étend encore le
champ d'application temporel de la convention révisée à des cas où l'action a
été intentée antérieurement à ce moment. Ainsi, selon cette norme, la
convention révisée s'applique également à la procédure de reconnaissance et
d'exécution si la décision à exécuter a été rendue après l'entrée en vigueur de
la convention révisée et que l'action judiciaire ayant donné lieu à cette
décision a été intentée avant l'entrée en vigueur de la CL 2007 mais après
celle de 1988 dans l'Etat d'origine et dans l'Etat requis. En revanche, la
reconnaissance et l'exécution de décisions qui ont été rendues dans l'Etat
d'origine avant l'entrée en vigueur de la convention révisée, mais après celle
de la CL 1988 tant dans l'Etat d'origine et l'Etat requis, ont lieu selon les
règles de la CL 1988 (arrêt 5A_611/2010 du 8 novembre 2011 consid. 2.1; DOMEJ,
n°10 s. ad art. 63 CL 2007 et les références; KROPHOLLER/VON HEIN, op. cit.,
n°4 s. ad art. 66 EuGVO).
Une décision a été "rendue" au sens de l'art. 63 par. 2 CL 2007, lorsque, selon
le droit national de l'Etat d'origine, elle produit ses effets pour l'extérieur
(au sujet de l'art. 54 CL 1988, cf. ATF 123 III 374 consid. 1; DOMEJ, op. cit.,
n°12 ad art. 63 CL 2007; KROPHOLLER/VON HEIN, op. cit., n°4 ad art. 66 EuGVO).

5.2 En l'espèce, la CL 1988 est entrée en vigueur le 1er janvier 1992 pour la
France et pour la Suisse. Quant à la CL 2007, elle est entrée en vigueur le 1er
janvier 2010 pour l'Union européenne et le 1er janvier 2011 pour la Suisse.
Pour retenir que la CL 1988 s'appliquait à l'exequatur de l'arrêt français
rendu le 20 mai 2009, l'autorité cantonale a manifestement considéré que,
malgré l'opposition formée par la recourante à l'encontre de cet arrêt,
opposition déclarée irrecevable par décision du 12 janvier 2011, celui-ci
produisait déjà ses effets dès cette date. Cette argumentation repose sur
l'interprétation, par l'autorité cantonale, de la nature et des effets de
l'opposition en droit français, en tant que voie de rétractation ouverte au
défaillant (cf. art. 571 ss Code de procédure civile français). La recourante
ne soulève aucune critique qui en démontrerait le caractère arbitraire.
Partant, il n'y a pas lieu de revoir cette interprétation du droit étranger. Il
s'ensuit que la CL 1988 est applicable à la déclaration d'exécution de la
décision française du 20 mai 2009 (cf. supra consid. 2.1 2ème par.).

6.
Il faut ensuite examiner à quelles conditions matérielles l'exequatur peut être
prononcé (infra consid. 6.1), en particulier si on est en présence d'une
décision exécutoire (infra consid. 6.2 et 6.3).

6.1 Le créancier au bénéfice d'une décision étrangère portant condamnation à
payer une somme d'argent ou à constituer des sûretés (art. 38 al. 1 LP) rendue
dans un Etat lié à la Suisse par la CL 1988 dispose de deux possibilités pour
en obtenir l'exécution. La première consiste à introduire une procédure
d'exequatur indépendante et unilatérale selon les art. 31 ss CL 1988, devant le
juge de la mainlevée (art. 32 CL 1988), qui déclarera exécutoire en Suisse le
jugement étranger dans une procédure non contradictoire, sans entendre
préalablement le débiteur (art. 34 CL 1988). Après avoir obtenu l'exequatur
dans cette procédure indépendante et unilatérale, le créancier demandera
l'exécution proprement dite de la décision, par la voie de la poursuite. La
seconde possibilité consiste à introduire une poursuite (réquisition de
poursuite, commandement de payer) et, en cas d'opposition du débiteur, à
requérir la mainlevée de l'opposition, procédure au cours de laquelle le juge
de la mainlevée se prononcera à titre incident sur le caractère exécutoire de
la décision étrangère (décision d'exequatur prononcée à titre incident; art. 81
al. 3 LP); s'il la déclare exécutoire, ce magistrat lèvera alors l'opposition
au commandement de payer (ATF 135 III 670 consid. 1.3.2; 135 III 324 consid.
3.2 et 3.3; arrêts 5A_162/2009 du 15 mai 2009 consid. 6.1; 5A_79/2008 du 6 août
2008 consid. 4.1, publié in AJP 2009 p. 660).
Dans l'un et l'autre cas, le juge de la mainlevée examine si la décision
étrangère doit être déclarée exécutoire parce qu'elle remplit les conditions de
la CL 1988. En effet, même si la déclaration d'exécution est prononcée à titre
incident dans une procédure de mainlevée soumise formellement aux règles de la
LP, il n'en demeure pas moins que les conditions matérielles de cette
déclaration, notamment l'existence d'une décision (art. 25 CL 1988) et son
caractère exécutoire (art. 31 al. 1 CL 1988; cf. infra consid. 6.2), doivent
être les mêmes que dans une procédure d'exequatur indépendante (DANIEL
STAEHELIN, in Kommentar zum Lugano-Übereinkommen (LugÜ), 2008, n°15 ad art. 34
CL 1988; WALTER A. STOFFEL, Das Verfahren zur Anerkennung handelsrechtlicher
Entscheide nach dem Lugano-Übereinkommen, in RSDA 3/1993 p. 107 ss [115]; cf.
aussi, arrêt 5P.253/2001 du 13 septembre 2001 consid. 2b). C'est pourquoi, le
juge de la mainlevée qui a déclaré exécutoire à titre incident une décision
étrangère n'a plus à examiner, ensuite, si les conditions posées à l'art. 80 LP
sont remplies. Des règles de procédure suisses ne sont applicables que si elles
ne portent pas atteinte à l'effet utile de la convention. Dans l'ATF 125 III
386 consid. 3a, le Tribunal fédéral avait certes déclaré que, lorsque
l'exequatur d'un jugement étranger portant condamnation pécuniaire est requis
dans la procédure de mainlevée définitive de l'opposition, "les dispositions de
la Convention de Lugano relatives à l'exécution (art. 31 ss) ne sont pas
applicables", mais il statuait alors sur recours de droit public et a donc
seulement estimé que cette thèse de l'autorité cantonale n'était pas arbitraire
(art. 9 Cst.; cf. dans ce sens, IVO SCHWANDER, in PJA 2009 p. 655 [660]).
En conséquence, seule la mise en ?uvre de l'exécution proprement dite de la
décision dans l'Etat requis, qui fait suite à la déclaration constatant la
force exécutoire de celle-ci, relève du droit national de cet Etat, à savoir,
en droit suisse, de la LP (cf. ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur
le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n°6 ad art. 38 CL
2007 et les références; DANIEL STAEHELIN/LUKAS BOPP, in Lugano-Übereinkommen
(LugÜ), 2ème éd., 2011, n°4 et 6 ad art. 38 CL 2007).
Invité à statuer sur l'exequatur à titre incident, le juge de la mainlevée le
fait dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur cette
question dans le dispositif de celui-ci, même si le poursuivant a pris des
conclusions formelles à ce sujet (en général, cf. ATF 132 III 785 consid. 3.2;
FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2001, n°209; en lien avec la CL, cf.
STAEHELIN, op. cit., n°14 ad art. 34 CL 1988).

6.2 La déclaration d'exécution de l'art. 31 CL 1998 ne peut avoir pour objet
qu'une décision qui est exécutoire.
6.2.1 La notion de décision découle de l'art. 25 CL 1988. Il s'agit d'un acte
émanant d'un organe juridictionnel appartenant à un Etat contractant et
statuant de sa propre autonomie sur des points litigieux entre les parties
(CJCE 02.06.1994, C-414/92, Solo Kleinmotoren, Rec. 1994 I 2237 n° 17, RSDIE
1995 p. 341). Elle doit être interprétée de façon autonome (FRIDOLIN WALTHER,
in Kommentar zum Lugano-Übereinkommen (LugÜ), 2008, n°14 ad art. 25 CL 1988 et
les références).
6.2.2 Pour que l'exequatur soit prononcé, et par suite la mainlevée définitive,
il suffit que la décision soit exécutoire dans l'Etat d'origine (art. 31 CL
1988: "qui y sont exécutoires"); elle n'a pas besoin d'être définitive (arrêts
5P.435/2006 du 23 mars 2007 consid. 5 et les références; 5P.253/2001 du 13
septembre 2001 consid. 2b; cf. aussi DIETER A. HOFMANN/OLIVER M. KUNZ, in
Basler Kommentar, LugÜ, 2011, n°130 ss ad. art. 38 CL 2007 et les références;
BERNARD DUTOIT, Guide pratique de la compétence des tribunaux et de l'exécution
des jugements en Europe [FJS], 2007, n°264 et les références).
6.2.3 Le caractère exécutoire de la décision se détermine selon les règles de
l'Etat d'origine (ATF 135 III 670 consid. 3.1.3; 126 III 156 consid. 2a; arrêt
5P.435/2006 du 23 mars 2007 consid. 5; cf. aussi HOFMANN/KUNZ, op. cit., n°116
ad. art. 38 CL 2007 et les références; KROPHOLLER/VON HEIN, op. cit., n°7 ad
art. 38 EuGVO). Il peut découler directement de la loi de cet Etat, de la
décision elle-même ou d'une attestation postérieure au jugement (ATF 135 III
670 consid. 3.1.3; 127 III 186 consid. 4a).
Le juge suisse de l'exequatur peut devoir interpréter et concrétiser le
dispositif de la décision étrangère afin que celle-ci produise les mêmes effets
qu'un titre exécutoire rendu par une juridiction suisse (BUCHER, op. cit. n°6
ad art. 42 CL 2007; HOFMANN/KUNZ, op. cit. n°162 s. ad art. 38 CL 2007;
KROPHOLLER/VON HEIN, op. cit., n°12 ad art. 38 EuGVO; STAEHELIN, op. cit., n°23
ad art. 31 CL 1988). En revanche, il ne peut pas modifier le contenu de la
décision. L'effet utile de la CL impose que tout manque de clarté ou dérogation
à des conceptions nationales ne conduise pas le juge à refuser l'exequatur
(HOFMANN/KUNZ, op. cit. n°153 ad art. 38 CL 2007). Ce n'est que si, même en
l'interprétant, il ne parvient pas à concrétiser suffisamment la décision pour
que celle-ci puisse être exécutée que le juge de la mainlevée doit le refuser
(HOFMANN/KUNZ, op. cit. n°152 et 179 s. ad art. 38 CL 2007; KROPHOLLER/VON
HEIN, op. cit., n°13 et 16 ad art. 38 EuGVO; MATHIAS PLUTSCHOW, in
Lugano-Übereinkommen (LugÜ) zum internationalen Zivilverfahrensrecht (DIKE),
2011, n°41 ad art. 38 CL 2007).

6.3 En l'espèce, le dispositif de la décision du 20 mai 2009 dit qu'il n'y a
pas lieu de statuer sur la demande de restitution de la somme versée en
exécution du jugement de première instance. Dans ses motifs, et alors que
l'intimée avait pris des conclusions en remboursement de cette somme, la Cour
d'appel de Paris a toutefois précisé que sa décision constituait le titre
ouvrant droit à restitution. Au vu de ces éléments, l'autorité cantonale a
retenu que cette décision n'était pas constatatoire mais emportait concrètement
condamnation de la recourante à restituer à l'intimée les sommes versées en
exécution du jugement de première instance; cette interprétation revient à
admettre, en substance, qu'en droit français, l'obligation de rembourser des
sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de
l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réforme de cette décision
en appel.
Dans son argumentation, la recourante ne s'en prend tout d'abord pas à cette
interprétation du droit étranger; a fortiori, elle n'en démontre pas le
caractère arbitraire (cf. supra consid. 2.1 2ème par.). Ensuite, elle admet que
la décision française est exécutoire, se bornant à prétendre que celle-ci n'est
pas définitive. Enfin, s'agissant de l'exception de droit matériel de l'art. 82
CO, non seulement la recourante fonde son grief sur le droit suisse alors que
le contrat est soumis au droit français, mais elle perd aussi de vue que la
procédure en cause tend à faire exécuter la prétention telle que fixée dans la
décision française, et non dans le contrat. Or, l'exécution de cet arrêt n'est
pas soumise à la condition que le cheval soit livré; la recourante ne peut donc
pas se prévaloir de cette exception pour refuser de restituer le montant dû à
l'intimée.
Au vu de ce qui précède, les griefs de la recourante doivent être écartés, pour
autant que recevables, et le recours rejeté par substitution des motifs qui
précèdent.

7.
En conclusion, le recours constitutionnel subsidiaire doit être déclaré
irrecevable et le recours en matière civile rejeté, dans la mesure de sa
recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens, l'intimée n'ayant pas été invitée à répondre au recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.

3.
Les frais de justice, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 12 juillet 2012

Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Hohl

La Greffière: Achtari