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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.98/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_98/2012

Arrêt du 3 juillet 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, Présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
X.________ Sàrl,
représentée par Me Astyanax Peca,
recourante,

contre

1. A.Z.________ SA,

2. B.Z.________ SA,

3. C.Z.________ SA,

4. D.Z.________ AG,

toutes quatre représentées par Me Jean-Luc Tschumy,
intimées.

Objet
contrat d'entreprise; utilisation du code-source d'un programme informatique,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 3 janvier 2012 par la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
A.a La société V.________ SNC (ci-après: V.________) a élaboré un logiciel
informatique intitulé .... Celui-ci comprend un noyau d'applications usuelles
destiné à tous les clients, sur lequel peuvent se greffer des développements
spécifiques à chaque client.

Le groupe Z.________ est composé de plusieurs sociétés qui exploitent des
laboratoires d'analyses et de recherches scientifiques et médicales. En font
notamment partie A.Z.________ SA, B.Z.________ SA, C.Z.________ SA et
D.Z.________ AG.
A.b Par offre écrite du 1er avril 1999, V.________ a proposé à A.Z.________ de
développer un programme informatique sur mesure intitulé "...", destiné à
l'exploitation de laboratoires d'analyses médicales. Le coût pour le
développement d'un tel programme était estimé à 25'000 ou 30'000 fr. Il était
précisé que ce prix n'incluait pas les éventuelles adaptations spécifiques à
certains sites autres que ....

Ces deux parties ont ensuite conclu un "mandat de projet" daté du 21 avril
1999, qui portait sur la commande d'un logiciel correspondant à l'offre
précitée pour un prix d'environ 30'000 fr. Elles ont en outre signé un "contrat
de support logiciels: ..." daté des 17 avril et 6 mai 1999, dont l'objectif
déclaré était de régler les modalités de maintenance des programmes du client.
Cette convention conclue pour une durée indéterminée prévoyait une rémunération
selon une base horaire en fonction des prestations fournies, les frais
effectifs étant facturés après chaque intervention. Elle comportait notamment
la clause suivante:
"9. Protection intellectuelle
Seul [sic] les modules faisant partie du noyau de base d'... (par exemple la
comptabilité, Gestion fournisseurs, etc.) sont soumis à un droit de licence
pour une utilisation multi-postes. Les modules développés spécialement sur
mesure pour le client ne sont pas soumis à un droit de licence si ceux-ci sont
utilisés sur plusieurs postes de travail différents au sein de l'entreprise,
seul l'achat d'un run-time Magic supplémentaire est nécessaire.
Les programmes développés restent, en tout temps, la propriété totale de
V.________. V.________ facture au client le développement souhaité et concède
de ce fait un droit d'utilisation valable sur un seul ordinateur. Le client ne
peut en aucun cas disposer de ce programme pour le revendre ou le transmettre
de quelque manière que ce soit à des tiers, ou pour le faire modifier par une
autre personne.
V.________ reste libre, dans tous les cas, d'utiliser les sources des produits
développés comme bon lui semble et se réserve le droit de poursuivre pour
dédommagement les personnes ou sociétés ne respectant pas ces conditions."
Un avenant ayant la teneur suivante a été signé les 23 et 28 avril 1999:
"11. Développement pour un concurrent
Dans l'éventualité ou [sic] un autre laboratoire d'analyse s'intéresse à un
programme identique à celui livré au client, V.________ le signalera afin que
les deux parties puissent convenir des conditions éventuelles pour la revente
de ce programme."
Entre avril 1999 et fin juillet 2007, V.________ (devenue en janvier 2005
X.________ Sàrl) a développé un programme spécifique destiné à l'exploitation
des laboratoires d'analyses médicales, en se fondant sur une partie des modules
de base des logiciels ... dans leur version originale de 1999; elle a aussi
fourni des prestations de maintenance. Le logiciel développé pour le compte de
A.Z.________ a été utilisé, au vu et au su de X.________, dans les laboratoires
des sociétés du groupe Z.________ à Vevey, Bulle, Davos, Montreux, Lausanne,
Yverdon, Morges et Neuchâtel. X.________ a participé aux travaux de traduction
concernant l'utilisation du programme dans le laboratoire de D.Z.________. Elle
a en outre accepté, à l'occasion de la fondation de B.Z.________, de délivrer
une attestation sur la valeur du programme informatique qui devait être apporté
en nature à la nouvelle société.

Pour la période précitée, le programme a coûté 393'693 fr., TVA non comprise.
Cette somme a été payée par A.Z.________, B.Z.________, C.Z.________ et
D.Z.________.
A.c Au début de l'été 2007, X.________ a connu d'importantes difficultés
financières. Les associés gérants I.________ et J.________ ont informé les
collaborateurs de la société que d'un commun accord, il avait été décidé que le
premier quitterait la société au 1er août 2007 pour intégrer l'équipe de
A.Z.________, solution qui permettait à l'associé sortant d'"assurer ses
arrières" et à la société informatique de réduire ses charges.
Le 9 juillet 2007, X.________ a adressé à I.________ une lettre que celui-ci a
contresignée, dont la teneur était notamment la suivante:
"(...) Au vu des difficultés financières importantes de X.________ à ce jour,
le préavis de sortie de six mois est abandonné. (...)
2. (...) Les droits et obligations découlant du fait que vous partez chez un de
nos meilleurs clients, pour y assurer, entre autres, la maintenance et le suivi
du programme ... (...) seront réglés dans un document séparé. (...) (...)
9. Les travaux effectués dans l'exercice de votre activité au service de notre
société restent notre propriété totale, sans limite dans le temps et dans la
zone géographique. La seule exception, qui reste à préciser, concerne le
programme de gestion sur mesure développé pour notre client Z.________ qui est
votre nouvel employeur. Le noyau standard du logiciel ...: comptabilité
financière, gestion des contacts, gestion des débiteurs, gestion des
créanciers, gestions salaires, comptabilité analytique, timbreuse, ainsi que
toutes les sources des programmes sur mesure développés pour nos clients
jusqu'à ce jour, restent notre propriété totale sans limite dans le temps et
dans la zone géographique. (...)"
Toujours en juillet 2007, X.________ a adressé à A.Z.________ un document
intitulé "Résiliation du contrat de support logiciels '...' et de son avenant,
datés du 17 avril 1999". Ce document comportait un article 9 consacré à la
propriété intellectuelle. I.________ et J.________, lequel craignait qu'un
nouveau composant ... ne soit installé dans le logiciel de Z.________, ont
échangé des courriels sur ce document, perçu comme peu clair. I.________ était
d'avis qu'il "devrait être écrit plus clairement que le programme utilisé par
Z.________ actuellement [était] leur propriété ou que X.________ renon[çait] à
toute prétention", cas échéant que J.________ "demand[ait] qqch pour que tel
soit le cas". X.________ a alors rédigé une seconde version du document, dont
l'art. 9 avait la teneur suivante:
"Article 9 Protection intellectuelle
(...) Les modules faisant partie du noyau de base d'..., dont la liste
exhaustive est annexée, reste [sic] et resteront la propriété totale de
X.________, sans limite dans le temps et la zone géographique. Cela concerne
aussi bien les sources de ces modules, l'usage et la modification de ces
sources pour un usage ou une adaptation future propre à Z.________, que pour
leur utilisation en tant que telle au sein du ou des programmes sur mesure ...
de Z.________.
(...) (...)
Le programme sur mesure de Z.________ comportant certains anciens modules du
noyau qui n'ont pas été réactualisés, tels que (liste exhaustive):
(...)
Ceux-ci sont considérés comme étant spécifiques à Z.________, et de ce fait,
X.________ abandonne toute prétention sur ces modules, dans le cadre de l'usage
qui en est fait au sein du groupe Z.________. X.________ concède donc le droit
à Z.________ de modifier, et faire modifier, les programmes spécifiquement
développé[s] pour le groupe Z.________.
(...)
En d'autres termes:
- X.________ abandonne toutes prétentions sur les logiciels ... développés
jusqu'à ce jour et installés au sein du groupe Z.________.
- Les prétentions de X.________ sur les quelques anciens modules du noyau,
faisant partie de la liste ci-dessus, et qui font partie intégrante du
programme Z.________, sont également abandonnés [sic]. Pour autant que soit
déposé chez X.________, la dernière version du programme Z.________, qui doit
servir de logiciel témoin.
- Les autres versions du noyau ..., dont la liste est annexée, resteront
toujours la propriété totale de X.________ et ne pourront être utilisés,
modifiés et adaptés [sic] pour Z.________, sans l'accord explicite du
fournisseur.
- En contrepartie, X.________, pourra utiliser tout ou partie des sources du
programme Z.________ comme bon lui semble."

Les parties ont continué à discuter de la problématique abordée dans le
document précité. Elles se sont rencontrées le 28 novembre 2007 sans parvenir à
trouver un accord.
A.d Des mots de passe sont nécessaires pour modifier les modules d'un
programme. La demanderesse n'utilisait qu'un seul mot de passe, connu de
I.________, pour l'ensemble de ses développements (module du noyau et module
spécifique). Elle n'a pas modifié ce mot de passe. Les sociétés du groupe
Z.________ sont ainsi devenues totalement autonomes pour effectuer des
modifications sur l'application .... Elles n'ont plus eu besoin des services de
X.________, laquelle a de fait perdu le contrôle de la diffusion des sources du
logiciel "... Z.________". A compter du mois d'août 2007, les sociétés du
groupe Z.________ ont apporté des modifications ou développements extrêmement
minimes sur le noyau, et faibles sur le spécifique. Ainsi, un module spécifique
permettant la liaison entre l'ordinateur et un automate à étiquettes, dont la
mise en place avait été achevée en juin 2007, a été très légèrement modifié en
août 2007. Quant aux opérations de maintenance, elles ont été très probablement
faibles à compter du mois d'août 2007.

B.
B.a Le 31 mars 2008, X.________ a actionné les quatre sociétés A.Z.________,
B.Z.________, C.Z.________ et D.Z.________ par-devant la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois. La demanderesse prétendait au montant total de
655'000 fr. Les quatre défenderesses ont conclu au rejet et ont pris des
conclusions reconventionnelles en paiement de 19'520 fr. En cours de procès, la
demanderesse a encore augmenté ses conclusions de 94'000 fr.

Par jugement du 5 mai 2011, la Cour civile a rejeté tant l'action principale
que l'action reconventionnelle. En substance, elle a considéré que A.Z.________
n'avait pas contrevenu à ses obligations contractuelles en mettant le programme
informatique à disposition des autres sociétés du groupe, respectivement en
continuant à l'utiliser et en le modifiant de façon autonome après la fin des
relations contractuelles.
B.b X.________ a déféré cette décision à la Cour d'appel civile du Tribunal
cantonal. A titre principal, elle a émis des prétentions de 125'000 fr. pour
l'appropriation illégitime du noyau du logiciel, de 83'333 fr. pour la cession
indue de la partie spécifique du logiciel à B.Z.________, et de 167'210 fr. 95
pour la perte du gain qui aurait pu être réalisé avec les quatre intimées.
Celles-ci n'ont pas été invitées à déposer une réponse.

L'autorité précitée a rejeté l'appel par arrêt du 3 janvier 2012.

C.
Par-devant le Tribunal fédéral, X.________ (ci-après: la recourante) interjette
un recours en matière civile, dans lequel elle reprend les conclusions
formulées dans son appel.

A.Z.________, B.Z.________, C.Z.________ et D.Z.________ (ci-après: les
intimées) concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
L'autorité précédente se réfère à son arrêt.

Considérant en droit:

1.
Le présent recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la
valeur litigieuse excède manifestement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1
let. b LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi, il est recevable sur le principe.

2.
Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). En principe, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al.
1 LTF). N'étant pas lié par l'argumentation des parties, il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions de droit que la partie recourante soulève
conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art.
42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4).

Pour les droits constitutionnels tels que la prohibition de l'arbitraire (art.
9 Cst.) prévaut le principe de l'allégation, en ce sens que le recourant doit
expressément soulever le grief et exposer de manière claire et circonstanciée,
si possible documentée, en quoi consiste la violation du droit invoqué (art.
106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.2). Des
critiques de type purement appellatoire ne sont pas admissibles. Le recourant
doit se déterminer au moins brièvement par rapport aux considérants de l'arrêt
entrepris. Il ne satisfait pas aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF s'il
reprend presque mot pour mot l'argumentation formée dans le cadre du recours
cantonal sans expliquer, ne serait-ce que succinctement, en quoi l'autorité
cantonale supérieure viole elle aussi le droit fédéral (ATF 134 II 244 consid.
2.1 et 2.3).

3.
La recourante reproche à A.Z.________ d'avoir indûment mis le programme
informatique "..." à disposition d'une autre société du groupe, soit
B.Z.________. Elle prétend à ce titre au paiement de 83'333 fr.

3.1 Aucune critique ne vise l'analyse des autorités cantonales selon laquelle
les prétentions de la recourante relèvent de la responsabilité contractuelle et
non de la propriété intellectuelle. N'est pas davantage contestée la conclusion
qui en a été tirée, à savoir que la question du droit d'utiliser le logiciel
doit se résoudre par l'interprétation du contrat. Ce point est dès lors acquis.

3.2 Saisi d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout
d'abord s'attacher à rechercher la réelle et commune intention des parties, le
cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux
expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir (art. 18 al.
1 CO; ATF 131 III 280 consid. 3.1). Pour ce faire, le juge prendra en compte
non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais aussi les
circonstances antérieures et postérieures à la conclusion du contrat (sur ce
dernier point, cf. par ex. ATF 129 III 675 consid. 2.3 p. 680), en particulier
les projets de contrat, la correspondance échangée, etc. (BÉNÉDICT WINIGER,
Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, n°s 15, 25 et 32-34 ad art.
18 CO; ERNST A. KRAMER/BRUNO SCHMIDLIN, Berner Kommentar, 1986, n° 22 ss ad
art. 18 CO). Cette interprétation dite subjective relève du fait et de
l'appréciation des preuves (ATF 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid.
4.1 p. 611).

S'il ne parvient pas à établir avec sûreté cette volonté effective, ou s'il
constate que l'une des parties contractantes n'a pas compris la volonté réelle
exprimée par l'autre, le juge recherchera le sens qu'elles pouvaient et
devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de
volonté réciproques (application du principe de la confiance; ATF 136 III 186
consid. 3.2.1). Cette interprétation objective, qui relève du droit, s'effectue
non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également
sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à
l'exclusion des circonstances postérieures (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1; 119
II 449 consid. 3a).

3.3 La Cour d'appel, à l'instar de la Cour civile, a considéré que A.Z.________
avait le droit de mettre le programme litigieux à disposition de B.Z.________
et des autres sociétés du groupe. Ont été mis en exergue les éléments suivants:
l'art. 9 du contrat de support prévoyait certes que le client ne pouvait en
aucun cas disposer du programme pour le revendre ou le transmettre de quelque
manière que ce soit à un tiers. Cette clause devait toutefois être relativisée,
eu égard à l'avenant du 28 avril 1999 en vertu duquel X.________ s'engageait à
discuter avec sa cocontractante des conditions de la revente éventuelle du
programme à un autre laboratoire d'analyse. Cet élément montrait que la
recourante n'avait pas à elle seule le pouvoir de disposer du logiciel
développé spécifiquement pour les intimées. Quoi qu'il en soit, dès le début de
leurs relations, les parties étaient convenues que le logiciel serait
utilisable librement dans les laboratoires de toutes les sociétés du groupe
Z.________. Cette possibilité était d'ailleurs évoquée dans la lettre du 1er
avril 1999, laquelle précisait que les éventuelles adaptations spécifiques pour
des sites autres que ... n'étaient pas comprises dans l'estimation du prix.
C'était précisément en conformité avec ces indications initiales que la
recourante avait procédé à des facturations séparées pour chacune des sociétés.
Dès l'automne 1999, le programme spécifique développé pour le compte de
A.Z.________ avait été utilisé au vu et au su de la recourante dans les
laboratoires de toutes les sociétés du groupe Z.________. La recourante avait
accepté de délivrer une attestation de la valeur du programme informatique qui
devait être apporté en nature à B.Z.________; ce faisant, elle ne pouvait
ignorer que le logiciel constituait un actif de la société genevoise dès sa
création. Enfin, l'art. 9 du document intitulé "résiliation du contrat de
support" rédigé par la recourante démontrait aussi que le programme était
d'emblée destiné à toutes les filiales du groupe.

3.4 La Cour d'appel a fait sienne la constatation selon laquelle les parties
étaient "convenues" d'emblée d'une libre utilisation du logiciel par toutes les
filiales du groupe. Elle a évoqué "l'appréciation des preuves effectuée par les
premiers juges", qu'elle a jugée adéquate. En bref, la cour cantonale a établi
la volonté réelle des parties, en procédant empiriquement et en se fondant sur
des circonstances antérieures et postérieures à la conclusion du contrat. Ce
faisant, elle n'a en rien enfreint les principes déduits de l'art. 18 CO.

La recourante conteste avoir d'emblée convenu d'une libre utilisation du
programme dans le groupe Z.________ et avoir eu connaissance du fait que le
logiciel était utilisé par toutes les intimées. Toutefois, elle s'abstient de
soulever le grief d'arbitraire et ne s'attache pas à démontrer de façon
circonstanciée en quoi l'appréciation des preuves portée par la Cour d'appel
serait arbitraire. Elle se contente de reprendre sous une forme quasi identique
les arguments déjà invoqués en procédure d'appel, où le juge dispose d'une plus
large cognition des faits que le Tribunal fédéral et où les exigences de
motivation sont moins strictes (art. 310 et 311 al. 1 CPC). Au demeurant, la
recourante ne discute pas à proprement parler les contre-arguments opposés par
l'autorité d'appel. Le grief est ainsi irrecevable. L'on se contentera
d'observer que la cour cantonale, contrairement à ce que paraît insinuer la
recourante, n'a pas fondé le droit de libre utilisation du logiciel au sein du
groupe sur l'art. 11 de l'avenant au contrat de support. Elle est tout
simplement arrivée à la conclusion que pour les deux cocontractantes, les
autres sociétés du groupe Z.________ ne constituaient pas des "tiers" au sens
de l'art. 9 du contrat de support; or, encore une fois, le caractère arbitraire
de cette interprétation subjective n'a pas été invoqué.

4.
4.1 La recourante conteste avoir renoncé par actes concluants et sans
contrepartie financière à son droit exclusif de modifier le logiciel et
d'assurer sa maintenance, suite à l'engagement de I.________ par A.Z.________.
Les intimées, qui pouvaient grâce à ce dernier accéder au code-source du
programme, se seraient appropriées le logiciel de façon illégitime et devraient
à ce titre payer 125'000 fr., correspondant au prix de revient estimé du noyau
commun du programme. Les intimées devraient aussi répondre, en vertu des art.
377 ou 378 CO, du fait qu'elles ont résilié unilatéralement le contrat de
support pour la maintenance et le développement du programme et auraient ainsi
privé la recourante de la possibilité de réaliser des gains. En prenant pour
référence de base les montants facturés pour ses interventions passées, la
recourante conclut au paiement total de 167'210 fr. 95 à titre de gain manqué.

4.2 Les sources d'un programme, également désignées par le terme "code-source",
sont l'élément qui permet de maintenir le programme en état de marche, de
l'améliorer et de continuer son développement. Sans la connaissance du
code-source, la maintenance n'est pratiquement pas possible, ou seulement au
prix d'un travail extrêmement long et ardu (BRUNO LEJEUNE, Code-source et
contrats de logiciel, in Droit de l'informatique 1986 p. 2 et p. 8 note 4; cf.
aussi ATF 125 III 263 consid. 4c p. 268). La question de savoir si le client a
le droit de se voir remettre le code-source dépend de l'interprétation du
contrat (PETER GAUCH, Der Werkvertrag, 5ème éd. 2011, n° 337). Il arrive
fréquemment que le fournisseur du logiciel s'engage par un autre contrat à en
assurer le suivi, ce qui lui permet de conserver le code-source et de s'assurer
l'exclusivité de la maintenance, tout en garantissant au client la
fonctionnalité de son système informatique (LEJEUNE, op. cit., p. 2).

4.3 Entre autres indices d'une renonciation de la recourante à l'exclusivité
sur les sources du programme, les autorités cantonales ont invoqué la lettre du
9 juillet 2007 adressée à I.________. L'on peut donner acte à la recourante du
fait que le chiffre 9 de cette missive ne permet pas de déduire un consentement
à ce que les sociétés du groupe Z.________ puissent désormais modifier de façon
autonome le logiciel conçu pour elles. D'une part, la recourante y réserve
expressément le cas du "client Z.________", en indiquant qu'il sera réglé dans
un document séparé. D'autre part, elle précise que "toutes les sources des
programmes sur mesure développés pour [ses] clients jusqu'à ce jour, restent
[sa] propriété totale sans limite dans le temps". Dans la mesure où le
code-source est l'élément-clé pour développer et modifier un programme, le fait
de se réserver la propriété des sources équivaut à s'assurer de l'exclusivité
sur la maintenance et le développement du logiciel. L'on observe toutefois que
les instances cantonales ne se sont pas fondées sur ce seul élément pour
retenir un consentement de la recourante.
Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si la Cour
d'appel a contrevenu au droit fédéral en retenant, à tout le moins sur la base
du principe de la confiance, une renonciation gratuite de la recourante à se
prévaloir de son exclusivité sur les sources du programme; il n'est pas
davantage utile de rechercher si l'interprétation subjective opérée par la Cour
civile permettait de dégager une telle volonté. Il apparaît en effet qu'aucun
dommage ne peut être retenu en relation avec une éventuelle violation du droit
de la recourante sur les sources du programme.

4.4 Il ressort sans conteste de l'art. 9 al. 2 du contrat de support que la
recourante se réservait la propriété du programme, et en particulier celle des
sources, puisqu'elle niait aux intimées le droit de modifier le programme (cf.
a contrario LEJEUNE, op. cit., p. 3). Dès lors qu'elle conservait le
code-source, la recourante s'était logiquement engagée à assurer la maintenance
du programme. Quant aux intimées, elles n'avaient en soi aucune obligation
contractuelle de donner des "mandats de projet" à la recourante; cependant,
elles y étaient de facto obligées, puisque la maintenance et le développement
du programme ne sont pratiquement pas possibles sans le code-source.

La connaissance du mot de passe contrôlant l'accès aux codes-sources a
toutefois permis aux intimées d'utiliser ces sources pour procéder à de minimes
modifications et travaux de maintenance, pour leur propre usage. A défaut d'une
éventuelle renonciation à titre gratuit de la part de la recourante, les
intimées auraient dû soit négocier l'achat du droit d'utiliser les sources,
soit recourir aux services de la recourante, soit laisser le programme se
figer. Dans ce contexte, le prix de revient du noyau du programme ne constitue
pas un élément pertinent. Il s'agissait de chiffrer le prix d'achat du
code-source en fonction notamment du coût qu'une renonciation à l'exclusivité
du code-source revêtait pour la recourante, laquelle perdait ainsi la
possibilité d'obtenir des mandats de maintenance et de développement; cas
échéant, il incombait à un expert de déterminer ce prix. Or, il n'apparaît pas
que la recourante ait allégué et établi le prix qu'elle aurait pu exiger de la
part des intimées. Comme alternative, elle pouvait certes plaider, comme l'a
relevé la Cour civile, que les travaux exécutés par I.________ dès le 1er août
2007 l'avaient privée d'un gain. Si l'on sait que les intimées ont fait
procéder à de minimes modifications et travaux de maintenance, on ignore en
revanche tout des montants que la recourante aurait pu facturer et des
bénéfices nets qu'elle aurait pu réaliser pour ces travaux. Dans son mémoire,
la recourante, qui traite la question du dommage, ne conteste pas ce point
précis du jugement de la Cour civile, que l'autorité d'appel n'a pas rediscuté,
mais jugé convaincant. Il s'ensuit que les prétentions de la recourante ne
pouvaient qu'être rejetées, indépendamment de la question d'une éventuelle
renonciation gratuite au droit d'exclusivité sur le code-source.

4.5 La recourante se plaint encore d'une violation de l'art. 377 CO ou de
l'art. 378 al. 2 CO.
La réglementation sur le contrat d'entreprise prévoit que tant que l'ouvrage
n'est pas terminé, le maître peut toujours se départir du contrat en payant le
travail fait et en indemnisant complètement l'entrepreneur (art. 377 CO). Par
ailleurs, si l'ouvrage n'a pas pu être exécuté par la faute du maître,
l'entrepreneur a droit à des dommages-intérêts (art. 378 al. 2 CO).
Les premiers juges, dont l'analyse a été confirmée par la Cour d'appel, ont
retenu un contrat d'entreprise principal portant sur la conception et le
développement d'un programme informatique individualisé, ainsi qu'une
succession de contrats d'entreprise pour les prestations de maintenance, qui
faisaient l'objet de facturations spécifiques après chaque intervention.

Il a par ailleurs été constaté que l'ouvrage principal était déjà achevé en
2007 et qu'aucun travail de maintenance ou de développement du logiciel était
en cours en juillet 2007. Il ne ressort pas non plus de l'état de fait que les
intimées auraient confié un mandat à la recourante dont elle n'aurait pas
encore commencé l'exécution.

La recourante ne soulève aucun grief d'arbitraire contre l'état de fait et ne
prétend pas non plus que les juges cantonaux auraient méconnu la notion
d'ouvrage terminé. Il n'est ainsi pas démontré que l'exécution d'un ouvrage
aurait été interrompue ou empêchée, ce qui scelle le sort du grief.

5.
Vu l'issue du recours, il n'est pas nécessaire d'examiner si, comme le plaident
les intimées, la recourante a pris dans son appel des conclusions contrevenant
aux art. 227 al. 1 et 317 al. 2 CPC.

6.
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. En
conséquence, la recourante supportera les frais de la procédure fédérale et
versera une indemnité de dépens aux intimées, créancières solidaires (art. 66
al. 1 et art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 6'500 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de
7'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 3 juillet 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti