Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.699/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_699/2012

Arrêt du 27 mai 2013

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Niquille.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________, Compagnie d'Assurances SA, représentée par Me Patrick Udry,
recourante,

contre

H.Y.________, représenté par Me Cyril Aellen,
intimé.

Objet
responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 19 octobre 2012.

Faits:

A.

A.a. Le 8 décembre 2004 à 7 h.10, sur un tronçon parfaitement rectiligne de la
route de Veyrier (GE), la voiture automobile, de marque Citroën Xantia,
conduite par A.________, né en 1971, dont la responsabilité civile de détenteur
était assurée par compagnie d'assurances P.________ (devenue en 2005
X.________, Compagnie d'Assurances SA; ci-après: X.________), est entrée en
collision avec le motocycle, de marque Husqvarna, piloté par H.Y.________, né
le 6 juin 1956, ressortissant français alors domicilié à Annemasse (France).
Ledit motocycle, ayant une cylindrée de 124 cm3 et immatriculé en France, était
assuré en responsabilité civile auprès de l'assureur français V.________.
La route de Veyrier, qui relie la commune éponyme à la ville de Carouge, est un
axe d'entrée dans cette ville pour les nombreux frontaliers français qui y
travaillent, de sorte qu'il y a beaucoup de trafic aux heures de pointe. La
vitesse maximale autorisée est limitée à 60 km/h. Sur la route en question, à
environ 35 mètres au-delà du lieu de l'accident débouche perpendiculairement,
sur la gauche dans la direction de Carouge, une voie secondaire menant à des
quartiers d'habitations.
Au moment de l'accident, les véhicules roulant en direction de Carouge
avançaient en colonne, très lentement et par à-coups. La route bénéficiait d'un
éclairage artificiel émis par des lampadaires, situés sur le côté gauche de la
chaussée pour celui qui roulait vers Carouge; la chaussée était sèche.
Circulant dans cette colonne fortement ralentie, A.________ a décidé, à la
hauteur d'une entrée de propriété privée sur sa gauche, de faire demi-tour. Il
a alors enclenché son clignotant gauche et contrôlé si des usagers arrivaient
en face ou depuis derrière. Ne voyant arriver personne, il a obliqué à gauche
et a coupé la route à H.Y.________, qui était en train de dépasser, normalement
selon un témoin, la colonne de voitures. Il a été retenu que H.Y.________ a vu
le clignotant gauche de la voiture enclenché par A.________; à cet instant, le
motocycliste dépassait la voiture d'un témoin, laquelle était séparée par une
autre voiture de celle de A.________.
Aucune trace de freinage n'a été relevée. La vitesse à laquelle H.Y.________
dépassait les voitures en colonne n'a pas été constatée.
La voiture conduite par A.________ a été endommagée sur son flanc gauche, alors
que le motocycle de H.Y.________ l'a été sur son avant et son flanc droit.
Par ordonnance de condamnation du 12 avril 2005, désormais définitive,
A.________ a été déclaré coupable de lésions corporelles simples par négligence
(art. 125 al. 1 CP) et condamné à une amende de 1'200 fr. ainsi qu'aux dépens
de H.Y.________. Se fondant sur le rapport d'accident de la police, le
Procureur général genevois a reproché à A.________ d'avoir été inattentif lors
de sa manoeuvre pour n'avoir pas vraiment contrôlé si des usagers arrivaient en
face ou depuis derrière.

A.b. H.Y.________ a subi une fracture des os de l'avant-bras gauche, de la
malléole du pied gauche et du pouce de la main droite. Le jour même de
l'accident, il a été opéré du bras gauche avec implantation de matériel
d'ostéosynthèse; un plâtre a été posé à ce bras.
Une semaine plus tard, une douleur au bras est apparue, accompagnée d'un
phénomène de « main tombante ».
H.Y.________ a été réopéré le 6 février 2006 afin que soit injecté un produit
favorisant la consolidation osseuse. L'ablation du matériel de synthèse a été
effectuée le 18 septembre 2007.
Du 8 décembre 2004 au 4 mai 2008, H.Y.________, qui exerçait la profession
d'ébéniste, a été totalement incapable de travailler.
Selon un rapport médical établi le 23 avril 2008 par la Clinique romande de
réadaptation, à Sion (VS), la « fracture de l'avant-bras ... s'est compliquée
par une atteinte sévère du nerf radial et une non- consolidation des deux os de
l'avant bras qui a nécessité une cure de pseudarthrose en février 2006 avec une
bonne consolidation de l'ulna, une consolidation incomplète du radius mais
suffisante pour une fonction normale de l'avant-bras », alors que « les
fractures de la malléole externe et du pouce ont été traitées conservativement
avec une évolution favorable ». Ces médecins ont estimé qu'il n'y avait aucune
contre-indication à ce que le lésé reprenne le travail à 100% dès le 5 mai
2008.
Le 16 mai 2008, le Dr B.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et
médecin d'arrondissement de la SUVA, a estimé à 5% l'invalidité théorique de
H.Y.________, compte tenu des limitations discrètes observées au niveau des
deux membres supérieurs.

A.c. Avant l'accident, le lésé travaillait comme ébéniste chez W.________ Sàrl,
à ..., où il percevait un salaire annuel net de 58'391 fr.45, payé treize fois
l'an par 4'491 fr.65. Il s'ajoutait à ce salaire des allocations familiales
genevoises de 440 fr. par mois pour ses enfants. Le 30 juin 2005, cette société
l'a licencié pour des raisons économiques, avec effet au 31 juillet 2005, non
sans attester ses qualités de très bon ébéniste. Ladite société est tombée en
faillite le 18 juin 2007.
En été 2005, l'épouse de H.Y.________, qui s'occupait des tâches ménagères, l'a
quitté pour aller vivre dans le sud de la France avec un de leurs enfants,
encore mineur, et un ami du prénommé. Une procédure de divorce a été introduite
en août 2005.
En décembre 2005, les époux Y.________ ont vendu leur maison avec piscine à
Annemasse. H.Y.________ a ensuite vécu chez sa soeur, puis dans un mobilhome.
En 2009, il a acheté une ferme à ... (Haute-Savoie/France); il a commencé à y
monter un atelier de menuisier.
Le 21 mai 2008, la SUVA a alloué au lésé une indemnité pour atteinte à
l'intégrité de 5'340 fr. Du 11 décembre 2004 au 4 mai 2008, cette assurance lui
a en outre versé un total d'indemnités journalières se montant à 201'808 fr.
Le 3 juillet 2008, l'office cantonal de l'assurance-invalidité a estimé que
H.Y.________ avait droit à une rente d'invalidité de 100% du 8 décembre 2005 au
31 mai 2008, de sorte qu'un montant de 65'317 fr. lui était dû.
Il a été retenu que X.________ a versé en faveur de H.Y.________ par
l'intermédiaire du Bureau international de règlement des sinistres, mandaté par
l'assureur français V.________, 19'792 fr.50 à titre de perte de gain, ainsi
que 10'000 fr. le 17 octobre 2005 « à valoir sur l'ensemble du dommage ».
Un litige est survenu avec X.________ au sujet de l'indemnisation de la victime
de l'accident. Les négociations qui ont été menées entre les parties en 2008
n'ont pas abouti.

B.

B.a. Le 17 septembre 2009, H.Y.________ a assigné X.________ devant les
autorités genevoises en paiement de la somme de 159'606 fr. 45, plus intérêts à
5% l'an dès le 8 décembre 2004. Le montant réclamé par le demandeur se
décomposait en divers postes, soit 4'883 fr.50 pour le dommage matériel de la
moto, 79'820 fr. pour le préjudice ménager, 1'577 fr.10 pour des frais
d'hôpitaux, 13'634 fr.70 pour les frais d'avocat avant procès, 24'660 fr. pour
le tort moral éprouvé et 35'031 fr.15 pour l'atteinte à l'avenir économique. Le
demandeur a réclamé la réparation d'une telle atteinte à partir du moment (5
mai 2008) où il a récupéré sa pleine capacité de travail.
La défenderesse a conclu à sa libération. Elle a notamment fait valoir que son
assuré A.________ n'avait commis aucune faute, que le demandeur, en revanche,
avait adopté un comportement imprudent et qu'il n'y avait pas d'atteinte à
l'avenir économique à indemniser.
Entendu au cours de l'instance, le demandeur a exposé que dès le 5 mai 2008,
date de la récupération de sa pleine capacité de travail, il avait touché des
prestations de l'assurance-chômage suisse jusqu'au 13 mai 2010, mais que ses
recherches d'emploi étaient restées infructueuses, en particulier dès qu'il
révélait avoir subi un accident pour expliquer ses années sans emploi. Depuis
le 14 mars 2010, arrivé en fin de droits de chômage, il a touché de l'aide
sociale française 15 euros par jour. Il a décidé de mener dorénavant en France
une activité indépendante dans son atelier de menuisier. Le lésé a encore
déclaré avoir toujours une hypersensibilité au bras accidenté et un pouce raide
à la suite d'un manque de rééducation.
De nombreux témoins ont été entendus.
Par jugement du 15 septembre 2011, le Tribunal de première instance de Genève a
condamné la défenderesse à verser au demandeur 35'866 fr.85 avec intérêts à 5%
dès le 15 août 2006 au titre du préjudice ménager, 4'660 fr. avec intérêts à 5%
dès le 8 décembre 2004 comme tort moral et 13'634 fr.70 avec intérêts à 5% dès
le 17 septembre 2009 en remboursement des frais d'avocat avant procès, cela
sous déduction de la somme de 10'000 fr. payée par la défenderesse le 17
octobre 2005. Le tribunal a refusé toute indemnisation pour le dommage matériel
allégué, pour des dépenses liées à l'hospitalisation et nié toute atteinte à
l'avenir économique du demandeur.

B.b. Saisie d'un appel de la défenderesse, qui concluait au déboutement du
lésé, et d'un appel joint du demandeur, qui requérait l'allocation en capital
de 87'497 fr.50 pour le préjudice ménager, de 13'634 fr.70 pour les frais hors
procès et de 35'031 fr.15 pour l'atteinte à son avenir économique, la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 19 octobre 2012
dont le dispositif a été rectifié par arrêt du 14 décembre 2012, a annulé le
jugement critiqué et, statuant à nouveau, condamné la défenderesse à payer au
demandeur les sommes de 22'973 fr.50 avec intérêts à 5% dès le 15 août 2006
pour indemniser le dommage ménager, de 19'350 fr. avec intérêts à 5% dès le 19
octobre 2012 pour réparer l'atteinte à l'avenir économique et de 5'491 fr.20
avec intérêts à 5% dès le 17 septembre 2009 pour les frais d'avocat avant
procès, le tout sous imputation de la somme de 10'000 fr. avec intérêts à 5%
dès le 17 octobre 2005.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt rendu le 19 octobre 2012. Elle conclut au rejet entier de la demande.
L'effet suspensif qu'elle a requis lui a été refusé par ordonnance
présidentielle du 8 janvier 2013.
L'intimé propose le rejet du recours.
Les parties ont répliqué et dupliqué.

Considérant en droit:

1.

1.1. Interjeté par la partie défenderesse qui a succombé dans ses conclusions
libératoires et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF),
dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al.
1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance
cantonale (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 30'000 fr. de l'art. 74 al. 1 let. b LTF, le recours est
par principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1
LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui
ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331
consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 1.4 p. 317 s.). Compte tenu de
l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine
d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait
une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580
consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne
peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été
établies de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356)
- ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136
I 184 consid. 1.2 p. 187). Une rectification de l'état de fait ne peut être
demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4. Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties
(art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2
LTF).

2.
La présente cause présente un aspect international puisque le demandeur,
détenteur du motocycle impliqué dans l'accident, est domicilié en France (ATF
131 III 76 consid. 2). Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal
fédéral doit contrôler d'office la question du droit applicable, laquelle se
résout selon la loi du for, soit en l'occurrence la loi fédérale sur le droit
international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; ATF 137 III 481 consid. 2.1).
En vertu de l'art. 134 LDIP, norme qui renvoie à l'art. 3 de la Convention de
La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accident de la
circulation routière (RS 0.741.31), le droit interne suisse est applicable en
l'espèce, en tant que loi du lieu de l'accident.

3.
Pour la recourante, la cour cantonale a violé les art. 59 al. 1, 62 al. 1 et 65
de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR, RS
741.01) pour avoir retenu, au considérant 4.5 de l'arrêt attaqué, que l'intimé
avait commis une faute mais que celle-ci ne pouvait pas être qualifiée de
grave, que son assuré (i.e. A.________) avait également commis une faute
(clignotant enclenché tardivement, vérifications insuffisantes avant d'obliquer
à gauche) et qu'en conséquence la défenderesse ne devait pas être exonérée de
toute responsabilité.
S'agissant du comportement de l'intimé, l'autorité cantonale aurait dû juger
que, dès le départ, le dépassement effectué par celui-ci était interdit. D'une
part, il ne pouvait pas avoir la certitude qu'il disposerait de la place
nécessaire pour se rabattre avant la fin du tronçon sur lequel portait sa
visibilité, en violation de l'art. 35 al. 2 LCR. D'autre part, en entamant le
dépassement d'une colonne de véhicules circulant au pas, il a enfreint l'art.
47 al. 2 LCR, norme qui l'obligeait à garder sa place dans la file; et de se
référer à cet égard à l'ATF 129 IV 155 consid. 3. Ces deux infractions
s'ajouteraient à celles ayant consisté à poursuivre son dépassement alors qu'il
avait constaté que A.________ avait manifesté son intention d'obliquer à gauche
(violation de l'art. 35 al. 5 LCR) et à ne pas rester maître de sa moto
puisqu'il n'a pas pu éviter la collision (violation de l'art. 31 al. 1 LCR). La
recourante en déduit que l'intimé a circulé d'une manière gravement fautive.
Au sujet du comportement de son assuré, la recourante affirme que la cour
cantonale aurait procédé à une appréciation arbitraire des preuves. Elle
prétend que la Cour de justice a retenu de manière insoutenable que
l'automobiliste n'a pas vu arriver l'intimé sur son motocycle; à l'en croire,
il aurait fallu seulement retenir qu'au moment où l'automobiliste a regardé,
l'intimé n'était pas dans son champ de vision. En outre, il serait indéfendable
d'avoir constaté que l'enclenchement du clignotant gauche était tardif, du
moment que la cour cantonale a retenu, en page 3 in medio de son arrêt, que «
personne ne s'est exprimé ... ... sur le laps de temps entre l'enclenchement du
clignotant gauche et le début de la manoeuvre correspondante ». Dans ces
circonstances, poursuit la recourante, l'automobiliste n'a pas violé de règles
de circulation lors de sa manoeuvre.
Par rapport à la répartition des responsabilités enfin, la recourante plaide
qu'à considérer la faute grave et exclusive commise par l'intimé, la cour
cantonale a transgressé l'art. 59 al. 1 LCR en ne l'ayant pas exonérée de toute
responsabilité.

3.1. Le principe de la responsabilité causale du détenteur de véhicule
automobile fait l'objet des art. 58 et 59 LCR.
L'art. 58 al. 1 LCR dispose que si une personne est tuée ou blessée ou qu'un
dommage matériel est causé par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, le
détenteur est civilement responsable. La loi fédérale impose la conclusion
d'une assurance couvrant la responsabilité civile du détenteur et celle des
personnes dont il est responsable (art. 63 al. 1 et 2 LCR). Dans la limite des
montants prévus par le contrat d'assurance, le lésé peut intenter une action
directe contre l'assureur (art. 65 al. 1 LCR). Le mode et l'étendue de la
réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont
régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites
(art. 62 al. 1 LCR).
La responsabilité du détenteur est indépendante de toute faute de sa part, le
cas fortuit ne le libérant pas, pas plus que la faute propre légère ou moyenne
du lésé (cf. ROLAND BREHM, La responsabilité civile automobile, 2e éd. 2010,
ch. 8 p. 4). Toutefois, en vertu de l'art. 59 al. 1LCR, le détenteur est libéré
de la responsabilité civile s'il prouve que l'accident a été causé par la force
majeure ou par une faute grave du lésé ou d'un tiers sans que lui-même ou les
personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu'une
défectuosité du véhicule ait contribué à l'accident. Il appert ainsi que le
détenteur ne peut être libéré qu'en cas de faute grave exclusive du lésé (ATF
124 III 182 consid. 4a). Le fardeau de la preuve incombe au détenteur qui
entend s'exonérer de sa responsabilité (arrêt 4A_270/2011 du 9 août 2011
consid. 3.2; OFTINGER/STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Besonderer Teil,
vol. II/2, 4e éd. 1989, p. 282 n ^°s 646 et 647 et p. 182 n° 427).
Autrement dit, si le détenteur ne parvient pas à prouver une des trois preuves
positives alternatives suivantes (le préjudice a été causé soit par la force
majeure, soit par la faute grave du lésé ou celle d'un tiers) ainsi que les
deux preuves négatives cumulatives qui suivent (absence de faute dudit
détenteur, du conducteur ou de l'auxiliaireet absence de défectuosité du
véhicule), il faut en conclure qu'il est responsable du sinistre.
Commet une faute grave celui qui viole les règles élémentaires de prudence dont
le respect s'impose à toute personne raisonnable placée dans la même situation
(ATF 128 III 76 consid. 1b p. 81; 119 II 443 consid. 2a p. 448).
Si l'un des détenteurs parvient à s'exonérer selon l'art. 59 al. 1 LCR, l'art.
61 al. 1 LCR, lequel répartit le fardeau du dommage entre les détenteurs
impliqués dans le sinistre, ne lui est alors pas applicable (arrêt 4A_270/2011
du 9 août 2011 consid. 3.2).

3.2. L'intimé, motocycliste blessé dans une collision contre une voiture le 8
décembre 2004, a exercé, en vertu de l'art. 65 al. 1 LCR, une action directe
contre l'assureur (i. e. la recourante), lequel couvre la responsabilité civile
de l'automobiliste.
Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, on est en présence d'un choc entre
véhicules automobiles ayant causé à l'un des détenteurs des lésions
corporelles, il faut vérifier si chaque détenteur (y compris le lésé) est
responsable au sens des art. 58 et 59 LCR (arrêt 4A_405/2011 du 5 janvier 2012
consid. 4.3 et la référence doctrinale).
Cette démarche exige de rappeler la teneur de certaines règles concernant la
circulation des véhicules.
Concernant le motocycliste, le conducteur doit rester constamment maître de son
véhicule (art. 31 al. 1 LCR) et sa vitesse doit toujours être adaptée aux
circonstances (art. 32 al. 1 LCR). Il n'est permis d'exécuter un dépassement
que si l'espace nécessaire est libre et bien visible et que si les usagers de
la route venant en sens inverse ne sont pas gênés par la manoeuvre; dans la
circulation à la file, seul peut effectuer un dépassement celui qui a la
certitude de pouvoir reprendre place assez tôt dans la file des véhicules sans
entraver leur circulation (art. 35 al. 2 LCR). Celui qui dépasse doit avoir
particulièrement égard aux autres usagers de la route, notamment à ceux qu'il
veut dépasser (art. 35 al. 3 LCR). Le dépassement d'un véhicule est interdit
lorsque le conducteur manifeste son intention d'obliquer à gauche (art. 35 al.
5 in initio LCR). Si la circulation est arrêtée, les motocyclistes resteront à
leur place dans la file des véhicules (art. 47 al. 2 LCR).
S'agissant du conducteur de la voiture, il sied de garder à l'esprit que chacun
doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en
danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (art. 26
al. 1 LCR). Le conducteur qui veut obliquer est tenu d'avoir égard aux usagers
de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu'aux véhicules qui le suivent
(art. 34 al. 3 LCR). Celui qui veut obliquer à gauche se tiendra près de l'axe
de la chaussée (art. 36 al. 1 in fine LCR), cette règle devant être observée,
dans la mesure du possible, même si la route est étroite (art. 13 al. 1 OCR).
Avant de changer de direction, le conducteur manifestera à temps son intention
au moyen des indicateurs de direction; cette règle vaut notamment pour obliquer
(art. 39 al. 1 let. a LCR). Le conducteur qui signale son intention aux autres
usagers de la route n'est pas dispensé pour autant d'observer les précautions
nécessaires (art. 39 al. 2 LCR).

3.3. Il convient de se pencher préalablement sur le comportement du
motocycliste intimé lors de l'accident du 8 décembre 2004.
Après avoir apprécié les preuves recueillies, la cour cantonale a retenu que
l'intimé circulait à moto en direction de Carouge et qu'il dépassait une
colonne de voitures, lesquelles avançaient très lentement, par à-coups. Alors
qu'il doublait la voiture qui était séparée par une autre voiture de celle
pilotée par A.________, il a remarqué que ce dernier avait enclenché le
clignotant gauche de la voiture en vue d'obliquer à gauche. L'intimé a
néanmoins poursuivi sa manoeuvre de dépassement et est entré en collision avec
la voiture du prénommé. Ce dépassement, imprudent à considérer la situation
d'espèce, constitue une transgression de l'art. 35 al. 5 LCR constitutive d'une
faute de circulation. Mais cette faute ne saurait être qualifiée de grave,
étant donné que le dépassement a eu lieu sur un tronçon parfaitement rectiligne
(et non sur une route étroite et sinueuse). En outre, il n'a pas été constaté
que la visibilité, provenant d'un éclairage artificiel, ait été alors mauvaise,
la chaussée étant au demeurant sèche (cf. sur les dépassements imprudents,
assimilés à des fautes graves selon les circonstances, les exemples donnés
par BREHM, op. cit., ch. 456 p. 176).
Il n'y a pas à suivre la recourante lorsqu'elle affirme que l'intimé a commis
d'autres infractions aux règles de la circulation routière.
L'art. 35 al. 2 LCR, invoqué par la recourante, exige uniquement que celui qui
dépasse ait la certitude, au début, de pouvoir terminer sa manoeuvre sans gêner
le conducteur dépassé devant lequel il avait prévu de se rabattre (ATF 105 IV
336 consid. 2 p. 337 s.). Or il ne ressort pas des constatations cantonales -
qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que l'intimé ne s'était
pas soucié de la possibilité de se rabattre avant de dépasser la file de
voitures. De même, il n'a pas été retenu en fait que l'intimé, pour
s'intercaler dans la file après son rabattement, contraignait l'automobiliste
dépassé à freiner (ATF 100 IV 76 consid. 2).
L'art. 47 al. 2 LCR, qui oblige les motocyclistes à rester à leur place dans la
file de véhicules, s'applique si la circulation est arrêtée, par exemple en cas
de trafic réglé ou de bouchon. In casu, il a été retenu que les véhicules
avançaient en colonne, certes très lentement et de façon irrégulière, mais
qu'ils n'étaient donc pas arrêtés. Aucun conducteur à l'intérieur de la colonne
n'avait laissé, par courtoisie, un autre usager de la route s'insérer, ce qui
aurait contraint l'intimé, dans ce cas de figure, à ne pas dépasser ce
conducteur (cf. ATF 129 IV 155 consid. 3.2.2 p. 158). La vitesse à laquelle
roulait l'intimé n'a pas fait l'objet de constatations. Pourtant, selon un
témoin, l'intimé était en train de dépasser normalement la file de voitures. Ce
constat n'a pas été taxé d'arbitraire. L'ATF 129 IV 155 consid. 3, cité par la
recourante, où un motocycliste dépassait, à une vitesse comprise entre 60 et 80
km/h, une colonne de voitures, en partie à l'arrêt, en partie avançant très
lentement (cf. consid. 3.3.3 p. 160), concerne une toute autre situation. Les
conditions d'application de l'art. 47 al. 2 LCR n'étaient ainsi pas remplies.
Enfin, une perte de maîtrise au sens de l'art. 31 al. 1 LCR ne peut être
reprochée à l'intimé, puisqu'il n'a pas été établi que l'obstacle, constitué
par la voiture bifurquant à gauche, soit apparu à ce dernier à une distance
suffisante pour être évité par une manoeuvre adéquate, soit un freinage normal
(ATF 64 II 237 consid. 2 p. 241).
Il suit de là que faute d'avoir pu prouver que le motocycliste lésé a causé
l'accident par une faute grave, le détenteur de l'automobile n'est pas parvenu
à s'exonérer d'après l'art. 59 al. 1 LCR.
De toute manière, la faute commise par l'intimé, ainsi qu'on le verra
ci-dessous, n'est pas exclusive.

3.4. C'est le lieu d'examiner le comportement de l'automobiliste avant
l'accident.

3.4.1. La recourante prétend que l'autorité cantonale est tombée dans
l'arbitraire en ayant constaté que A.________ n'avait pas vu arriver l'intimé
avant d'obliquer à gauche. Elle soutient qu'il aurait fallu retenir uniquement
qu'au moment où le précité a regardé en arrière, le motocycliste ne se trouvait
pas dans son champ de vision.
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité
verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle tire des
conclusions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 137 I 58
consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3; 129
I 8 consid. 2.1).
La critique est purement appellatoire et, partant, irrecevable (art. 106 al. 2
LTF). La recourante donne sa propre interprétation des événements, sans se
référer d'aucune manière à un élément de preuve administré dont l'appréciation
aurait été indéfendable.
Il n'était donc pas arbitraire de constater (art. 105 al. 1 LTF) que
l'automobiliste a enclenché son clignotant gauche, contrôlé si des usagers
arrivaient en face ou depuis derrière, puis, ne voyant survenir personne,
obliqué à gauche.

3.4.2. Selon la jurisprudence, le conducteur qui oblique à gauche gêne, par sa
manoeuvre, la fluidité du trafic et crée une situation de nature à accroître le
risque d'accidents, singulièrement pour les usagers arrivant de l'arrière (ATF
125 IV 83 consid. 2c p. 88). La manoeuvre consistant à obliquer à gauche doit
être effectuée avec les plus grandes précautions, parce que les intentions de
celui qui oblique, même dûment signalées, peuvent aisément échapper aux autres
usagers ou être mal comprises (ATF 100 IV 186 consid. 2a p. 187; arrêt 6S.325/
2006 du 3 novembre 2006 consid. 2.2, résumé in JdT 2006 I 434)
Les précautions à prendre pour obliquer se déterminent d'après les
circonstances de l'espèce. Obliquer à gauche en dehors d'une intersection
réclame la plus grande prudence ( BUSSY/RUSCON i, Code suisse de la circulation
routière, Commentaire, 3e éd. 1996, n° 2.2 ad art. 39 LCR, p. 420 in fine). Or,
in casu, l'automobiliste a obliqué à gauche à la hauteur d'une entrée de
propriété privée afin de faire demi-tour. Il n'a pas décidé de tourner sur la
voie secondaire qui ne se trouvait qu'à environ 35 mètres plus loin, laquelle
débouchait perpendiculairement à gauche de la route qu'il empruntait. Compte
tenu du risque créé par cette manoeuvre, propre à surprendre les véhicules
venant de l'arrière, des mesures de contrôle stricts s'imposaient avant
d'obliquer, afin de vérifier en particulier qu'aucun véhicule ne se trouvait
dans l'angle mort. L'automobiliste aurait ainsi dû regarder par-dessus son
épaule, à la rigueur ouvrir la fenêtre latérale pour procéder à une observation
complète. Il n'a pas été constaté que A.________ ait procédé à de telles
vérifications avant d'accomplir sa manoeuvre périlleuse. Il a donc enfreint
l'art. 34 al. 3 LCR pour n'avoir pas eu égard aux usagers de la route qui le
suivaient et n'avoir pas fait preuve de la prudence nécessaire au vu de la
situation. En d'autres termes, l'automobiliste a ainsi lui aussi manqué à la
diligence requise à considérer les circonstances de circulation dans lesquelles
il s'est trouvé.

3.4.3. En revanche, la cour cantonale a fait montre d'arbitraire en admettant
que l'automobiliste aurait enclenché son clignotant gauche deux ou trois
secondes avant la manoeuvre, ce qui serait tardif. Il résulte en effet des
constatations cantonales (cf. consid. A/b in fine de l'arrêt critiqué) qu'aucun
témoin ne s'est exprimé sur le laps de temps qui s'est écoulé entre
l'enclenchement du clignotant et le changement de direction à gauche de la
voiture. A défaut de l'administration d'autres mesures probatoires sur ce
point, cette constatation est insoutenable. Le grief de la recourante est fondé
à cet égard. Mais, comme on le verra infra, cela n'exercera aucune influence
sur la répartition du préjudice.

4.
La recourante reproche à la Cour de justice d'avoir enfreint l'art. 61 LCR en
ayant partagé les responsabilités par moitié. A ses yeux, l'intimé aurait dû
supporter l'intégralité du préjudice, à tout le moins le 80% du dommage, du
moment que seul celui-ci aurait commis une faute, à l'exclusion de
l'automobiliste, et que cette faute était lourde. De plus, le risque inhérent à
l'emploi du motocycle de l'intimé aurait été supérieur à celui de la voiture
conduite par A.________, car le premier circulait à une vitesse bien plus
élevée que le second, lequel se trouvait dans la file de voitures avançant
lentement. Même s'il fallait admettre que le conducteur de la voiture avait
également commis une faute, celle-ci, bien plus légère que celle du
motocycliste, justifiait un partage des responsabilités à raison de 20% à
charge de l'automobiliste et de 80% à charge de l'intimé.

4.1. Comme on l'a vu, tant l'intimé que l'automobiliste sont responsables
causalement du sinistre au sens des art. 58 et 59 LCR, puisque celui-là n'a pas
commis une faute grave et exclusive. N'en déplaise à la recourante, il n'y a
pas à revenir là-dessus. L'art. 61 al. 1 LCR doit ainsi être appliqué pour
répartir le fardeau de la réparation.
A teneur de cette disposition, lorsqu'un détenteur est victime de lésions
corporelles dans un accident où sont impliqués plusieurs véhicules automobiles,
le dommage sera supporté par les détenteurs de tous les véhicules automobiles
impliqués, en proportion de leur faute, à moins que des circonstances
spéciales, notamment les risques inhérents à l'emploi du véhicule, ne
justifient un autre mode de réparation. Tel sera le cas, par exemple, si les
risques inhérents à l'emploi du véhicule d'un des détenteurs ont exercé une
influence particulièrement forte sur la survenance du préjudice (ATF 123 III
274 consid. 1a/bb p. 278 et les références; 99 II 93 consid. 2c p. 98). Le
point de savoir si le risque inhérent d'un véhicule dépasse de manière
marquante celui d'un autre (cf. ATF 99 II 93 consid. 2b) n'est pas fonction du
risque abstrait desdits véhicules selon leur appartenance à des catégories
différentes. Est au contraire déterminant le risque concret qui a influé sur le
préjudice lors de l'accident (arrêt 4C. 3/2001 du 26 septembre 2001 consid. 2a/
aa). Il faut ainsi tenir compte notamment de la vitesse, du poids et de la
stabilité du véhicule. En principe, le risque inhérent d'un motocycle n'est pas
plus élevé que celui d'une voiture, hormis circonstances particulières (arrêts
4A_405/2011 du 5 janvier 2012 consid. 4.6; 4C. 3/2001 du 26 septembre 2001
consid. 2a/aa in fine). L'appréciation des circonstances spéciales au sens de
l'art. 61 al. 1 LCR repose largement sur le pouvoir d'appréciation du juge
(art. 4 CC; ATF 123 III 274 consid. 1a/cc p. 279). Si le Tribunal fédéral
contrôle librement la décision rendue dans l'exercice de ce pouvoir, il fait
néanmoins preuve de réserve afin de ne pas empiéter sur le pouvoir
d'appréciation accordé au juge cantonal; la juridiction fédérale n'intervient
que si celui-ci s'est écarté sans raison des règles établies par la doctrine et
la jurisprudence, s'il s'est appuyé sur des faits qui, dans le cas particulier,
ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, s'il a méconnu des éléments qui
auraient absolument dû être pris en considération, ou enfin, si la décision
rendue en vertu d'un pouvoir d'appréciation aboutit à un résultat manifestement
injuste ou à une iniquité choquante (cf. ATF 137 III 153 consid. 4.1.2; 135 III
121 consid. 2).
La pondération des fautes respectives opérée par l'autorité cantonale peut être
examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 113 II 323 consid. 1c p. 328;
111 II 90 consid. 1).

4.2. L'intimé a violé l'art. 35 al. 5 LCR pour avoir continué sa manoeuvre de
dépassement dans la colonne de voitures bien qu'il ait vu qu'une voiture
circulant devant lui avait enclenché son clignotant pour tourner à gauche. De
son côté, l'automobiliste a transgressé l'art. 34 al. 3 LCR pour avoir obliqué
sans porter suffisamment égard aux usagers de la route qui le suivaient; en
revanche, c'est à tort que la cour cantonale lui a fait encore grief d'avoir
enfreint l'art. 39 al. 1 let. a LCR en ayant enclenché tardivement son
clignotant gauche avant d'obliquer (cf. consid. 3.4.3 ci-dessus).
L'autorité cantonale a qualifié de moyenne la faute du motocycliste (violation
de l'art. 35 al. 5 LCR), au motif qu'il n'a pas été établi que l'intimé
dépassait la colonne de voitures à une vitesse nettement supérieure à celles-ci
et que ce dernier n'aurait pas été à même, faute de distances suffisantes, de
se rabattre dans la colonne (cf. consid. 5.2 de l'arrêt cantonal, p. 18 en
bas).
Elle a aussi considéré la faute de l'automobiliste (violation des art. 34 al. 3
et 39 al. 1 let. a LCR) comme moyenne (cf. consid. 5.2 du même arrêt, p. 19 en
haut). Mais, puisque seule la transgression de la première norme (vérifications
insuffisantes avant d'obliquer à gauche) peut en réalité être reprochée à
l'automobiliste, se pose la question de savoir si la faute de l'intéressé doit
peser moins que celle commise par l'intimé.
Il n'en est rien. Le manquement à la diligence due commis par de A.________ ne
saurait être qualifié de léger. Il a en effet choisi d'obliquer de manière
inopinée devant une propriété privée, alors qu'à seulement 35 mètres devant lui
se trouvait un débouché de voie secondaire qui aurait largement facilité le
changement de direction. Avoir entrepris précipitamment une telle manoeuvre,
sans nécessité particulière, constitue clairement une faute moyenne.
La recourante n'allègue pas que l'autorité cantonale aurait omis de prendre en
considération des éléments déterminants dans le cadre de la pondération des
fautes réciproques qu'elle a opérée. Elle se borne à faire valoir que les
risques inhérents des véhicules impliqués dans l'accident étaient inégaux,
parce que le motocycliste circulait à une vitesse plus élevée que
l'automobiliste.
En pure perte. Il faut rappeler que le risque inhérent d'un motocycle est
présumé égal à celui d'une voiture, hormis l'existence de circonstances
particulières (cf. arrêt 4A_405/2011 du 5 janvier 2012 consid. 4.6 déjà
mentionné). De telles circonstances ont été admises dans l'arrêt susrappelé,
dans le cas d'une moto qui roulait à plus de 80 km/h, alors que la vitesse de
l'automobile au moment de l'impact n'était que de 9 km/h.
En l'occurrence, on ne sait à quelle vitesse l'intimé dépassait les voitures en
colonne, qui roulaient très lentement et par à-coups. Cependant, un témoin a
déclaré que le motocycliste dépassait normalement la file de véhicules. On voit
ainsi que la recourante n'est pas parvenue à prouver que la vitesse de la moto
était si élevée par rapport à l'automobile que les risques inhérents devaient
être qualifiés d'inégaux.
Conséquemment, la cour cantonale n'a pas transgressé le droit fédéral en
décidant de répartir la réparation du dommage par moitié entre l'intimé et
l'automobiliste.
La critique est infondée.

5.
La recourante soutient que les magistrats genevois ont enfreint les art. 62 LCR
et 46 CO en ayant admis qu'une indemnité devait être allouée à l'intimé pour
réparer l'atteinte à son avenir économique. Du point de vue médical, l'intimé
ne souffre que de limitations légères des membres supérieurs et rien ne permet
de penser que ces séquelles minimes évolueront défavorablement. En outre,
lesdites séquelles ne l'ont pas empêché de se mettre à son compte. La
recourante fait valoir qu'il serait impossible de déterminer sur quels critères
se sont basés lesdits juges pour admettre le principe d'une atteinte à l'avenir
économique. Ces derniers n'auraient pas évalué, comme l'exige le droit fédéral,
les conséquences futures exercées par l'invalidité du lésé sur son activité
lucrative. La recourante allègue que seul un taux maximum de 2,5% d'atteinte à
l'avenir économique pourrait, à la rigueur du droit, être pris en
considération.

5.1. L'autorité cantonale a retenu que l'intimé, qui conserve une invalidité
médico-théorique très partielle de 5%, a récupéré une pleine capacité de
travail dans sa profession d'ébéniste dès le 5 mai 2008. S'il n'avait pas subi
l'incapacité de travail découlant de l'accident, il aurait certes été licencié
pour raisons économiques en 2005, mais il aurait pu rapidement, à moins de 50
ans, retrouver un emploi salarié et être à même de gagner à nouveau en 2008
l'équivalent de son ancien salaire. Toutefois, faute de données précises
fournies par la victime quant à la perte de gain supportée pendant la période
de chômage (5 mai 2008 au 13 mai 2010) et quant à celle accumulée du 14 mai
2010 jusqu'au jour de l'arrêt cantonal du 19 octobre 2012, la cour cantonale a
jugé qu'il n'était pas possible d'indemniser le dommage actuel.
Pour arrêter le dommage futur, la cour cantonale s'est fondée sur l'ancien
salaire mensuel net de l'intimé avant l'accident, par 4'491 fr.65, qu'elle a
multiplié par douze, ce qui donne un montant annuel net de 53'899 fr.80. Elle a
pris en compte un taux d'atteinte à l'avenir économique de 10% vu la longue
interruption de toute activité professionnelle du lésé et sa difficile
reconversion dans une activité indépendante avec une clientèle encore à
constituer. Elle a ainsi capitalisé 5'389 fr.98 (10% de 53'899 fr.80) - et non
2'389 fr.98 comme l'indique erronément l'arrêt déféré - au facteur de 7.18 de
la table 11 de Stauffer/Schaetzle (homme de 56 ans). Le montant capitalisé,
soit 38'700 fr., a été divisé par deux pour prendre en considération la
répartition du fardeau du dommage, d'où l'allocation de 19'350 fr. au titre de
l'atteinte à l'avenir économique.

5.2. Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité, laquelle
peut grever tant la capacité de gain (actuelle et future) que l'avenir
économique du lésé, doit être établi autant que possible de manière concrète (
ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363; 129 III 135 consid. 2.2 p. 141). La
constatation du dommage ressortit en principe au juge du fait; saisi d'un
recours, le Tribunal fédéral n'intervient que si la juridiction cantonale a
méconnu la notion juridique du dommage ou si elle a violé les principes
juridiques à appliquer dans le calcul (ATF 128 III 22 consid. 2e p. 26; 126 III
388 8a 389).
L'atteinte à l'avenir économique, mentionnée à l'art. 46 al. 1 CO, ne vise pas
autre chose qu'une perte de gain future, Une atteinte de cette nature doit
éventuellement être reconnue lorsque le lésé demeure capable de travailler en
dépit des séquelles de l'accident et obtient un gain équivalent à celui qu'il
aurait réalisé sans atteinte à son intégrité physique. En effet, des facteurs
autres que la capacité de travail sont susceptibles d'influencer les
possibilités de gain futur d'une personne handicapée. Ainsi, cette personne
sera désavantagée sur le marché du travail car il lui sera plus difficile, par
rapport à une personne pleinement valide, de trouver et de conserver un emploi
avec une rémunération identique. Le risque de chômage se trouve également
accru. L'infirmité peut aussi entraver un changement de profession, réduire les
perspectives d'être promu dans l'entreprise ou limiter les possibilités de se
mettre à son compte. L'état médical du lésé est aussi susceptible de se
dégrader à l'avenir (ATF 99 II 214 consid. 4c p. 219; 81 II 512 consid. 2b p.
515; arrêts 4A_106/2011 du 30 août 2011 consid. 5.1, in JdT 2011 I 342; 4C.223/
1998 du 23 mars 1999 consid. 3b, in PJA 1999 p. 1472).
Le préjudice doit être suffisamment vraisemblable à considérer toutes les
circonstances concrètes entrant en jeu ( BREHM, Berner Kommentar, 3e éd. 2006,
n° 88 ad art. 46 CO; FELLMANN/KOTTMANN, Schweizerisches Haftpflichtrecht, vol.
I, 2012, ch. 1889 p. 666). Autrement dit, le juge doit être convaincu, à
considérer la situation personnelle du lésé, la profession exercée par celui-ci
et les perspectives professionnelles qui lui sont ouvertes, qu'une atteinte
économique va se produire dont l'auteur doit répondre.
La doctrine récente est d'avis qu'une très faible invalidité médico-théorique
(c'est-à-dire inférieure à 10 %) ne peut en principe pas entraîner une atteinte
à l'avenir économique ( FELLMANN/KOTTMANN, op. cit., ch. 1891 p. 667; HARDY
LANDOLT, Zurcher Kommentar, 3e éd. 2007, n° 1256 ad art. 46 CO; BRUNO
SCHATZMANN, Die Erschwerung des wirtschaftlichen Fortkommens, Berne 2001, p. 81
/82). Cette opinion convainc, dès l'instant où une invalidité médicale dont le
taux n'atteint pas ce seuil ne provoque, selon l'expérience générale, aucune
atteinte à l'avenir économique qui soit concrètement mesurable.

5.3. En l'espèce, il a été constaté que l'intimé, dès le 5 mai 2008, avait
récupéré son entière capacité de travail et que son invalidité médico-théorique
n'était que de 5%. Un tel degré d'invalidité, au vu de ce qui vient d'être dit,
ne peut donner lieu à une atteinte à l'avenir économique susceptible d'être
réparée.
De toute manière, un changement de profession, vu l'âge du lésé (près de 57
ans), ne peut raisonnablement plus être envisagé. Ce dernier a été en mesure de
se mettre à son compte et, dans ce contexte d'activité indépendante, la
problématique des difficultés accrues d'obtenir des promotions n'a plus de
sens. Enfin, aucune constatation ne fait état d'une possible aggravation de son
état médical (par ex. risque avéré d'arthrose).
La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en reconnaissant l'existence
d'une atteinte à l'avenir économique que la recourante devrait indemniser.
C'est à tort qu'elle a alloué à l'intimé le montant de 19'350 fr. à ce titre.
Le grief est fondé.

6.
En définitive, le recours doit être partiellement admis en tant qu'il est
recevable. Il sera prononcé que la recourante est condamnée à payer à l'intimé
les sommes de 22'973 fr.50 avec intérêts à 5 % dès le 15 août 2006 et de 5'491
fr. 20 avec intérêts à 5 % dès le 17 septembre 2009, sous imputation de la
somme de 10'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 17 octobre 2005.
La recourante, qui avait été condamnée par la cour cantonale à verser 37'814
fr.70 à son adverse partie (compte tenu de l'imputation du montant de 10'000
fr.), devra lui verser 18'464 fr. 70 (après imputation de ladite somme). Elle
obtient donc une réduction d'un peu plus de 51% du total dont elle avait été
reconnue débitrice.
Dans ces circonstances, les frais judiciaires, fixé à 2'000 fr. seront mis par
moitié à charge de chacune des parties, Les dépens seront compensés.
Vu l'issue de la querelle, la cause sera renvoyée à la cour cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale (art. 67 et
68 al. 5 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable.

2.
La recourante est condamnée à payer à l'intimé les sommes de 22'973 fr.50 avec
intérêts à 5 % dès le 15 août 2006 et de 5'491 fr. 20 avec intérêts à 5 % dès
le 17 septembre 2009, sous imputation de la somme de 10'000 fr. avec intérêts à
5 % dès le 17 octobre 2005.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis par moitié à la charge de
chacune des parties.

4.
Les dépens sont compensés.

5.
La cause est retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais
et dépens de l'instance cantonale.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 27 mai 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet

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