Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.696/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_696/2012

Arrêt du 19 février 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les juges Klett, présidente, Kiss et Niquille.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________
représenté par Me Yves Magnin, avocat,
demandeur et recourant,

contre

Y.________,
représenté par Me Philippe Zoelly, avocat,
défendeur et intimé.

Objet
responsabilité contractuelle

recours contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2012 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
X.________ alors dans sa trentième année, a subi le 1er avril 1998 un accident
dans l'exercice de sa profession de mécanicien sur automobiles. Il travaillait
sur un véhicule qui s'est déplacé inopinément et l'a heurté aux jambes. Il a
consulté le docteur Y.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, en
raison d'une distorsion du genou droit qui entraînait des douleurs et une
sensation d'instabilité. Le docteur Y.________ lui a proposé une
ligamentoplastie comportant le prélèvement d'un greffon et sa fixation dans
l'articulation. Il lui a signalé que l'opération devrait être suivie d'une
rééducation, que le port d'une attelle serait nécessaire durant quarante-cinq
jours et que des douleurs se prolongeraient durant environ un an à l'endroit du
prélèvement. En rapport avec l'intervention chirurgicale, il a mentionné les
risques habituels d'infection, d'hémorragie et de thrombose.
Assisté d'un autre médecin, le docteur Y.________ a exécuté l'opération le 18
septembre 1998. Elle comportait notamment le percement d'un tunnel à travers
l'os, destiné au passage du greffon. Les instruments comprenaient une tarière
et sa broche de guidage. Selon le rapport opératoire du docteur Y.________, une
« échappée instrumentale » s'est produite pendant le percement : la tarière a
exercé une poussée sur la broche au lieu de coulisser correctement; la broche a
quitté sa position et elle est sortie de la jambe du patient là où le
chirurgien la tenait, provoquant une blessure à son doigt. Il a décidé de
terminer rapidement l'intervention en fixant le greffon d'une manière
différente de celle initialement prévue. Il a ensuite constaté que la jambe
paraissait n'être plus irriguée au-dessous du genou. De fait, l'artère fémorale
était lésée; le docteur Z.________, spécialiste en chirurgie cardiaque et
vasculaire, a alors effectué en urgence une longue intervention destinée à
réparer cette lésion.
L'intervention du docteur Z.________ a réussi en ce sens que le patient ne
présente pas d'insuffisance artérielle ni veineuse résiduelle. En revanche, la
ligamentoplastie du docteur Y.________ n'a pas apporté l'amélioration attendue
car la fixation du greffon n'a pas tenu. Depuis ces opérations, le patient
souffre de douleurs importantes dans toute la jambe droite, en particulier
autour du genou; elles sont imputées à des séquelles neurologiques de la
réparation vasculaire. Le patient est tombé dans un état dépressif chronique
avec sentiments de dévalorisation et de révolte. Avec effet dès le 1er
septembre 1999, l'office compétent lui a alloué une rente entière de
l'assurance-invalidité.

B.
Le 10 janvier 2003, X.________ a ouvert action contre le docteur Y.________
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Le défendeur
devait être condamné à payer diverses sommes au total de 1'425'811 fr.30 en
capital, à titre de dommages-intérêts et de réparation morale.
Le défendeur a conclu au rejet de l'action.
Le demandeur a amplifié ses conclusions à 1'917'967 fr.30 en capital.
Sur la base d'un rapport du Bureau d'expertises extrajudiciaires de la
Fédération des médecins suisses (FMH), le tribunal a rendu un premier jugement
le 13 décembre 2007. Accueillant partiellement l'action, il a condamné le
défendeur à payer 710'086 fr.40 en capital.
Le 27 novembre 2008, la Cour de justice a annulé cette décision et renvoyé la
cause au tribunal: le rapport était inutilisable et il s'imposait d'ordonner
une expertise judiciaire.
Désignée en qualité d'expert, la doctoresse Brigitte Jolles-Haeberli a déposé
un rapport le 6 mai 2010 puis un rapport complémentaire le 19 mai 2011. A son
avis, les règles de l'art médical ont été respectées au cours de la
ligamentoplastie. En particulier, « l'échappée instrumentale » ne constituait
pas une violation des règles de l'art parce que toutes les précautions
habituelles destinées à empêcher le déplacement de la broche de guidage avaient
été appliquées et décrites par le chirurgien. La broche s'est déplacée « à
l'insu » du chirurgien et de son assistant, en dépit de ces précautions.
Le tribunal a rendu un nouveau jugement le 15 mars 2012; il a entièrement
rejeté l'action.
La Cour de justice a statué le 19 octobre 2012 sur l'appel du demandeur; elle a
confirmé le jugement.

C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur saisit le
Tribunal fédéral de conclusions semblables à celles de sa demande initiale
devant le Tribunal de première instance.
Par ordonnance du 18 janvier 2013, le Tribunal fédéral a rejeté une demande
d'assistance judiciaire jointe au recours.
Le défendeur n'a pas été invité à répondre au recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur
litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. b LTF); le mémoire de recours a été introduit en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et il satisfait aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations
de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99
al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire
arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133
II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2
LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait
ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de mandat et que
le défendeur s'est chargé à titre de mandataire de fournir un conseil médical
puis de pratiquer une opération chirurgicale.
Selon l'art. 398 al. 2 CO, le mandataire est responsable, envers le mandant, de
la bonne et fidèle exécution du mandat. L'échec de la mission assumée n'est
certes pas suffisant à engager sa responsabilité; il doit seulement réparer les
conséquences d'actes ou d'omissions contraires à son devoir de diligence. En
règle générale, l'étendue de ce devoir s'apprécie selon des critères objectifs;
il s'agit de déterminer comment un mandataire consciencieux, placé dans la même
situation, aurait agi en gérant l'affaire en cause; les exigences sont plus
rigoureuses à l'égard du mandataire qui exerce son activité à titre
professionnel et contre rémunération (ATF 115 II 62 consid. 3a; voir aussi ATF
127 III 328 consid. 3 p. 331).
Un médecin doit accomplir tous les actes qui, selon les règles de l'art
médical, paraissent appropriés au but du traitement. Dans l'exécution de sa
mission, le médecin doit mettre à disposition ses connaissances et ses
capacités; il ne garantit cependant pas d'obtenir un résultat. Comme pour tout
mandataire, l'étendue de son devoir doit être déterminée selon des critères
objectifs. Les exigences dépendent des particularités de chaque cas, telles que
la nature de l'intervention ou du traitement et les risques qu'ils comportent,
la marge d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et
les capacités du praticien. Le médecin doit observer les règles de l'art
médical, soit les principes établis par la science médicale, généralement
reconnus et admis, communément suivis et appliqués dans sa profession. Savoir
si le médecin a violé son devoir de diligence est une question de droit;
établir s'il existe une règle professionnelle communément admise, quel était
l'état du patient et comment l'acte médical s'est déroulé relèvent du fait (ATF
133 III 121 consid. 3.1 p. 124).

3.
Sur la base de l'expertise judiciaire, les autorités précédentes constatent que
dans l'exécution de l'opération chirurgicale, le défendeur a pris toutes les
précautions que l'on pouvait attendre de lui au regard des règles de l'art
médical; ces autorités en déduisent qu'il n'a pas violé son devoir de diligence
et qu'il n'a donc pas engagé sa responsabilité contractuelle.
Le demandeur tient leur raisonnement pour contraire à l'art. 398 al. 2 CO. Il
affirme que « le simple respect des précautions préconisées ne saurait
dispenser le médecin de son devoir de diligence dans l'exécution des gestes
opératoires et de l'utilisation du matériel, ainsi que dans l'observation de
ceux-ci, et de leurs conséquences ». Il souligne que l'expertise judiciaire
n'indique pas la cause du déplacement de la broche de guidage.
Il est certain que dans un déroulement normal de l'opération concernée, la
broche de guidage est censée conserver sa position aussi longtemps que le
chirurgien ne la déplace pas volontairement. A bien comprendre l'argumentation
du demandeur, le défendeur est responsable du déplacement effectivement
survenu, incontrôlé et dommageable, parce que ce déplacement n'aurait pas dû se
produire. Autrement dit, le défendeur était prétendument garant non seulement
de l'observation des règles de l'art médical, mais encore du bon déroulement de
l'opération, et il doit à ce titre répondre tant du cas fortuit que de la
réalisation de risques encore inconnus de la science médicale. Cette approche
extraordinairement sévère diverge de la jurisprudence ci-indiquée concernant la
responsabilité du médecin ou, plus généralement, du mandataire, et elle ne
mérite donc pas l'adhésion du Tribunal fédéral. Au contraire, ayant constaté en
fait que le défendeur n'avait méconnu aucune des règles de l'art médical, les
autorités précédentes ont à bon droit rejeté l'action fondée sur l'art. 398 al.
2 CO.

4.
Devant les autorités précédentes, le demandeur a réclamé sans succès une
expertise judiciaire supplémentaire; il tenait celle de la doctoresse
Jolles-Haeberli pour insuffisante parce que cette étude n'indique pas la cause
du déplacement de la broche. Devant le Tribunal fédéral, il tient le refus de
l'expertise supplémentaire pour contraire aux art. 8 CC et 9 Cst.

4.1 L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve dans les contestations
soumises au droit civil fédéral. A la partie chargée dudit fardeau, il confère
le droit de prouver les faits concernés (ATF 130 III 591 consid. 5.4 p. 601/
602), pour autant qu'ils soient juridiquement pertinents au regard du droit
applicable à la cause, que la partie les ait régulièrement allégués selon le
droit de procédure et que l'offre de preuve correspondante satisfasse, quant à
la forme et au délai, aux exigences de ce droit (ATF 126 III 315 consid. 4a p.
317; 122 III 219 consid. 3c p. 223/224). Pour le surplus, cette disposition ne
régit pas l'appréciation des preuves et elle n'exclut pas non plus que le juge
puisse, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles,
refuser l'administration d'une preuve supplémentaire au motif qu'il la tient
pour impropre à modifier sa conviction (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 et 4.3.2
p. 375; 131 III 222 consid. 4.3 p. 226).
Selon la jurisprudence relative à l'art. 9 Cst., le juge apprécie librement la
force probante d'une expertise. Dans le domaine des connaissances
professionnelles particulières de l'expert, il ne peut toutefois s'écarter de
son opinion que pour des motifs importants qu'il lui incombe d'indiquer, par
exemple lorsque le rapport d'expertise présente des contradictions ou attribue
un sens ou une portée inexacts aux documents et déclarations auxquels il se
réfère (ATF 101 IV 129 consid. 3a p. 130); le juge est même tenu de recueillir
des preuves complémentaires lorsque les conclusions de l'expertise judiciaire
se révèlent douteuses sur des points essentiels (ATF 136 II 539 consid. 3.2 p.
547/548; 130 I 337 consid. 5.4.2 p. 345/346; 128 I 81 consid. 2 p. 86 in
medio).

4.2 Dans sa mission initiale, la doctoresse Jolles-Haeberli devait notamment «
dire si l'accident vasculaire [...] a été causé par une mauvaise utilisation
des instruments au cours de l'opération ». Selon la réponse, « il n'est pas
possible d'affirmer qu'il y ait eu une mauvaise utilisation des instruments ».
A ce stade, si le demandeur considérait cette réponse comme insuffisante et
s'il souhaitait obtenir des précisions sur la cause du déplacement de la
broche, il lui incombait de réclamer un complément d'expertise, ce qu'il a
fait, et de proposer une question portant précisément sur la cause du
déplacement. Il a apparemment omis de proposer cette question car il ne prétend
pas s'être heurté à un refus du Tribunal de première instance.
Lors de l'expertise complémentaire, l'expert devait surtout décrire «
l'échappée instrumentale » sur le plan médical puis dire si elle constituait
une violation des règles de l'art. L'expert a répondu par la négative, en
indiquant les précautions qui étaient nécessaires et que le défendeur avait
effectivement prises.
Ainsi, l'expert a clairement répondu aux questions qui lui étaient soumises et
ses réponses ne sont pas contestées par le demandeur. Elles ne sauraient être
jugées douteuses sur des points essentiels simplement parce qu'elles demeurent
muettes sur un point de fait qui n'était pas mentionné dans la mission
d'expertise. Par suite, la Cour de justice a pu juger sans arbitraire que
l'expertise et le complément d'expertise étaient concluants et suffisants au
regard de l'art. 398 al. 2 CO et de la jurisprudence y relative. Dans son
résultat au moins, la décision attaquée se révèle compatible avec les art. 8 CC
et 9 Cst.; il n'est donc pas nécessaire d'entrer dans une discussion des motifs
que la Cour expose à l'appui de sa décision (cf. ATF 138 I 305 consid. 4.3 p.
319; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5).

5.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral. L'adverse partie n'a pas été invitée à répondre et il ne lui
sera donc pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 12'000 francs.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 19 février 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin