Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.666/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}
                   
4A_666/2012

Arrêt du 3 juin 2013

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Kolly et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________, représentée par
Me Dominique Amaudruz,
requérante,

contre

Y.________ SNC, représentée par Mes Charles C. Adams et Vanessa Liborio,
intimée.

Objet
arbitrage international; révision,

demande de révision de la sentence finale rendue le
25 avril 2012 par le Tribunal arbitral CCI et modifiée par un addendum du 28
juin 2012.

Faits:

A.
Par contrat du 10 avril 2007, la société de droit français Y.________ SNC
(ci-après: Y.________) a confié à X.________, autre société de droit français,
la conception et la réalisation de travaux de rénovation d'un hôtel dont elle
est propriétaire sur l'île ... (Antilles françaises).
Un litige est survenu entre les parties quant à l'exécution de leurs
obligations respectives.

B.

B.a. Le 11 décembre 2009, Y.________, se fondant sur la clause arbitrale
insérée dans les conditions générales relatives à ce contrat, a saisi la Cour
d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) d'une requête
d'arbitrage dirigée contre X.________. Un Tribunal arbitral de trois membres a
été constitué et le siège de l'arbitrage fixé à Genève.
Par sentence finale du 25 avril 2012, le Tribunal arbitral, appliquant le droit
français, a condamné X.________ à payer à Y.________ la somme de 11'224'534,97
euros, intérêts en sus, du chef des désordres et malfaçons affectant les
travaux de rénovation de l'hôtel. A hauteur de 9'000'170,62 euros, cette somme
a été allouée à la demanderesse "au titre de recouvrement des travaux de
reprise de l'installation de la climatisation" (chiffre X du dispositif). En
admission partielle de sa demande reconventionnelle, la défenderesse s'est vu
reconnaître le droit au paiement de 1'111'040,33 euros, plus intérêts, somme
correspondant au solde du prix convenu pour les travaux de rénovation (chiffre
XI du dispositif). Après avoir procédé à la compensation des créances
réciproques, le Tribunal arbitral a condamné X.________ à payer à Y.________,
la somme de 10'113'494,64 euros, augmentée des intérêts légaux et
conventionnels (chiffre XII du dispositif).
Donnant suite à une requête en rectification présentée le 10 mai 2012 par la
défenderesse, le Tribunal arbitral, dans un addendum du 28 juin 2012, a reconnu
avoir omis de déduire du montant alloué à la demanderesse une indemnité de
3'448'834 euros versée à cette dernière par une compagnie d'assurance. En
conséquence, il a réduit à due concurrence la créance précitée de 9'000'170,62
euros, ce qui a ramené à 7'775'700,97 euros le montant total dû par X.________
à Y.________ avant compensation avec sa propre créance et, partant, à
6'664'660,64 euros le solde des prétentions de la demanderesse, une fois la
compensation opérée (chiffre XII du dispositif rectifié).
La sentence finale du 25 avril 2012 et l'addendum du 28 juin 2012 n'ont pas été
attaqués par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, au sens
de l'art. 77 al. 1 let. a LTF (RS 173.110).

B.b. Ces deux décisions ont fait l'objet de deux ordonnances d'exequatur
rendues les 16 mai et 26 juillet 2012 par le président du Tribunal de grande
instance de Paris à la requête de Y.________. Celle-ci a, en outre, fait
procéder à la saisie conservatoire de valeurs mobilières appartenant à
X.________.
Le 28 juin 2012, cette dernière a adressé au premier président de la Cour
d'appel de Paris une requête tendant à obtenir l'autorisation d'assigner
Y.________ afin d'arrêter l'exécution de la sentence finale. Y était annexé un
projet d'assignation en référé dans lequel elle soutenait, entre autres
arguments, que la demanderesse avait obtenu gain de cause devant les arbitres
sur la base de simples devis fournis par elle et se rapportant à des travaux
qui ne correspondaient pas à l'indemnisation d'un préjudice subi. Le magistrat
saisi a autorisé l'assignation. Cependant, par ordonnance du 13 juillet 2012,
il a débouté X.________ de sa demande en arrêt des mesures d'exécution.
X.________ a encore interjeté appel, par devant la Cour d'appel de Paris, de
l'ordonnance d'exequatur du 16 mai 2012 en faisant valoir que la sentence à
exécuter avait été obtenue de manière frauduleuse par Y.________. La procédure
y relative est toujours pendante.
Le 1er août 2012, X.________ a déposé une déclaration de cessation des
paiements. Par jugement du 7 août 2012, le Tribunal de commerce de Nanterre a
ouvert la procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette société et
fixé provisoirement au 1er mai 2012 la date de cessation des paiements.
Enfin, le 31 octobre 2012, X.________ a déposé une plainte pénale pour
escroquerie au procès contre Y.________ auprès du procureur de la République
près le Tribunal de grande instance de Nanterre. Dans un courrier électronique
adressé le 29 janvier 2013 au conseil de la plaignante, ce magistrat indique
qu'il diligente une enquête préliminaire et la confie à la Brigade financière.
Y.________ expose, toutefois, qu'elle n'a pas été contactée à ce jour par une
quelconque autorité à la suite du dépôt de cette plainte pénale.

C.
Le 8 novembre 2012, X.________ (ci-après: la requérante) a saisi le Tribunal
fédéral d'une demande de révision, assortie d'une requête d'effet suspensif, en
vue d'obtenir l'annulation de la sentence finale du 25 avril 2012 ainsi que de
l'addendum du 28 juin 2012 et le renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour
qu'il complète l'instruction et rende une nouvelle sentence. La requérante
prie, en outre, le Tribunal fédéral de dire que cette nouvelle sentence ne
pourra être rendue que sur la base des factures finales relatives aux travaux
effectués par Y.________, que celle-ci recevra l'ordre de produire. Elle
entend, de plus, qu'il soit dit que le chiffre XII du dispositif rectifié de la
sentence finale ne pouvait la condamner à payer à Y.________ un montant
supérieur à 3'564'490 euros.
Par lettre de son président du 21 novembre 2012, le Tribunal arbitral a indiqué
qu'il n'entendait pas participer à la procédure de révision. Le 5 décembre
2012, il a produit le dossier de la cause.
Dans sa réponse du 13 décembre 2012, Y.________ (ci-après: l'intimée) a conclu
à l'irrecevabilité de la demande de révision et, subsidiairement, au rejet de
celle-ci. Le Tribunal fédéral est encore invité par elle à ne pas divulguer les
noms des parties dans la version de l'arrêt qui sera publiée sur son site
internet et, le cas échéant, au recueil officiel de ses arrêts.
La requérante a déposé une réplique, avec des pièces complémentaires, le 4
février 2013. Elle y maintient les conclusions de sa demande de révision. Une
nouvelle pièce a été annexée par elle à une lettre envoyée le 26 du même mois
au Tribunal fédéral.
Dans sa duplique du 28 février 2013, à laquelle étaient jointes des pièces
complémentaires, l'intimée a repris les conclusions de sa réponse après s'être
opposée, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif à la demande de
révision. Par lettre séparée du même jour, elle a contesté l'admissibilité du
dépôt de la pièce produite le 26 février 2013 par la requérante et demandé, au
cas où elle ne serait pas suivie, qu'un délai lui soit imparti pour formuler
ses éventuelles observations quant au contenu de cette pièce.
En date des 22 mars et 10 avril 2013, la requérante et l'intimée ont déposé,
respectivement, une triplique et une quadruplique. L'intimée a saisi cette
occasion pour se déterminer sur la recevabilité et la pertinence de la susdite
pièce.

Considérant en droit:

1.
Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en
l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la loi sur le droit
international privé (LDIP; RS 291) sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).

2.
La conclusion de l'intimée tendant à l'anonymisation des noms des parties dans
le présent arrêt n'a pas de portée propre, dès lors que, conformément à l'art.
27 al. 2 LTF et à la pratique en la matière, cet arrêt sera publié sous une
forme anonyme (arrêt 4A_669/2012 du 17 avril 2013 consid. 2.3).

3.

3.1. La LDIP ne contient aucune disposition relative à la révision des
sentences arbitrales. Le Tribunal fédéral a comblé cette lacune par voie
jurisprudentielle. Les motifs de révision de ces sentences étaient ceux que
prévoyait l'art. 137 OJ. Ils sont désormais visés par l'art. 123 LTF. Le
Tribunal fédéral est l'autorité judiciaire compétente pour connaître de la
demande de révision de toute sentence arbitrale internationale, qu'elle soit
finale, partielle ou préjudicielle. S'il admet une demande de révision, il ne
se prononce pas lui-même sur le fond mais renvoie la cause au tribunal arbitral
qui a statué ou à un nouveau tribunal arbitral à constituer (ATF 134 III 286
consid. 2 et les références).

3.2. La demande de révision porte non seulement sur la sentence finale du 25
avril 2012, mais encore sur l'addendum du 28 juin 2012. Par addendum, on entend
généralement une sentence additionnelle que le Tribunal arbitral rend lorsqu'il
a omis de statuer sur une prétention ou une conclusion qui lui a été soumise (
ATF 131 III 164 consid. 1.1 p. 166 et les auteurs cités). Il ne s'agit pas de
cela en l'occurrence: le Tribunal arbitral n'a pas complété une sentence
lacunaire; il a simplement corrigé "une erreur matérielle de calcul", selon ses
propres termes (addendum, n. 37), qui affectait une sentence se suffisant à
elle-même. On n'a donc pas affaire ici à une sentence additionnelle, mais à une
sentence rectificative, laquelle partage le sort de la sentence originaire et
deviendra ipso facto caduque en cas d'annulation de celle-ci (ATF 130 III 755
consid. 1.3 p. 763).
Les conclusions prises par la requérante, telles qu'elles ont été résumées plus
haut (cf. let. C., 1er par.), sont d'emblée irrecevables, au regard de la
jurisprudence susmentionnée, dans la mesure où elles visent autre chose que
l'annulation de la sentence finale ainsi que de son addendum et le renvoi de la
cause au Tribunal arbitral afin qu'il statue derechef.

4.

4.1. A l'appui de sa demande de révision, la requérante invoque la découverte,
après coup, de faits pertinents et de moyens de preuve concluants que l'intimée
lui aurait délibérément cachés pendant toute la durée de la procédure arbitrale
(art. 123 al. 2 let. a LTF). A raison de ces faits, elle reproche également à
son adverse partie d'avoir commis une escroquerie au procès, qui aurait
influencé la décision prise par les arbitres à son détriment (art. 123 al. 1
LTF).
En bref, selon la requérante, l'intimée n'aurait produit qu'après la clôture de
la procédure arbitrale les factures des entreprises qui avaient procédé à la
réfection des défauts affectant le système de climatisation de son hôtel, alors
qu'elle aurait pu et dû le faire pendente lite, ainsi qu'elle en avait été
requise. Pour cette raison, le Tribunal arbitral a fixé les dommages-intérêts
alloués à cette partie sur la base de simples devis produits par celle-ci. Or,
la confrontation des factures avec les devis démontrerait qu'une part
importante des travaux exécutés n'a aucun lien avec les défauts imputés à la
requérante. Il s'agit, selon toute vraisemblance, de travaux, notamment
d'embellissement, que l'intimée, de connivence avec les entreprises mandatées
par elle, a cherché à réaliser aux frais de la requérante. En définitive,
suivant l'avis émis par l'expert judiciaire A.________ dans le cadre d'une
procédure parallèle, le montant alloué à l'intimée dépasserait de 3'100'171, 62
euros au minimum celui auquel cette partie aurait normalement droit.
Si l'on en croit la requérante, la découverte de ces faits et moyens de preuve
nouveaux aurait eu lieu, au plus tôt, le 11 juillet 2012, date de la tenue
d'une audience devant la Cour d'appel de Paris dans le cadre de la procédure en
référé dont il a été question plus haut (cf. let. B.b, 2e par.). A cette
occasion, en effet, l'intimée a déposé, pour la première fois, sous pièce 9, un
jeu de factures et des demandes d'acomptes émanant des sociétés V.________ et
W.________ qui avaient exécuté des travaux dans son hôtel. Par la suite,
l'expert judiciaire A.________ aurait confirmé, dans une note du 6 août 2012,
les soupçons de la requérante quant à la tentative de l'intimée de lui faire
supporter le coût de travaux sans lien avec les défauts ayant donné lieu à la
procédure arbitrale.

4.2. L'intimée conteste, tout d'abord, la recevabilité de la demande de
révision. Selon elle, la requérante, qui avait la charge de cette preuve, n'a
pas établi que sa prétendue connaissance des faits et moyens de preuve nouveaux
remontât au 11 juillet 2012 seulement. En réalité, le contenu de l'assignation
qu'elle avait annexée à sa requête, précitée, du 28 juin 2012, soumise au
premier président de la Cour d'appel de Paris, démontrerait qu'elle avait,
alors déjà, une connaissance suffisante du fait nouveau invoqué dans sa demande
de révision. Ainsi, en prenant cette date comme dies a quo, ladite demande
aurait dû être déposée le 29 octobre 2012 au plus tard. Formée le 8 novembre
2012, elle serait, partant, irrecevable pour cause de tardiveté.
Sur le fond, l'intimée plaide l'absence de faits pertinents ou de moyens de
preuve concluants prétendument découverts après coup. Elle souligne, en outre,
que la requérante n'a jamais demandé, au cours de la procédure arbitrale, la
production des factures finales des entreprises V.________ ou W.________
concernant la réparation de la climatisation défectueuse et qu'elle n'a pas non
plus contesté la production de devis pour les travaux y afférents. L'intimée
fait encore valoir, sur la base des pièces annexées à sa réponse à la demande
de révision, que les devis en question ont bel et bien été exécutés par ces
deux entreprises et qu'elle a payé les factures correspondantes. Au reste, le
montant total effectif des travaux de réparation de la climatisation serait
supérieur à celui qu'elle avait estimé le 30 septembre 2011, date ultime que le
Tribunal arbitral lui avait fixée pour chiffrer de manière définitive son
dommage. Dès lors, toujours selon l'intimée, la prise en compte desdites
factures n'eût pas amené les arbitres à rendre une sentence plus favorable à la
requérante.
L'intimée s'inscrit, par ailleurs, en faux contre le reproche qui lui est fait
d'avoir commis un crime ou un délit ayant influencé la décision des arbitres au
préjudice de son adverse partie. Elle affirme, à ce propos, n'avoir aucunement
trompé le Tribunal arbitral en lui soumettant les contrats, devis et factures
qui étaient en sa possession à la date butoir du 30 septembre 2011, étant donné
qu'il lui était impossible de chiffrer plus précisément son dommage, les
travaux de réfection confiés aux entreprises W.________ et V.________ étant en
cours d'exécution et n'ayant été achevés qu'à fin mars-début avril 2012.

5.

5.1. Pour les motifs énoncés à l'art. 123 LTF, la demande de révision doit être
déposée devant le Tribunal fédéral, sous peine de déchéance, dans les 90 jours
qui suivent la découverte du motif de révision, compte tenu de la suspension de
ce délai légal dans les hypothèses prévues à l'art. 46 LTF (cf. arrêt 4A_222/
2011 du 22 août 2011 consid. 2.2, avant-dernier par.), mais au plus tôt
cependant dès la notification de l'expédition complète de la sentence ou dès la
clôture de la procédure pénale (art. 124 al. 1 let. d LTF). Lorsque plusieurs
motifs de révision sont invoqués, le délai commence à courir séparément pour
chacun d'eux; ce n'est donc pas le délai le plus long qui s'applique pour la
demande de révision dans son ensemble ( Pierre Ferrari, in Commentaire de la
LTF, 2009, n° 8 ad art. 124 LTF).
S'agissant du motif de révision mentionné à l'art. 123 al. 2 let. a LTF, sa
découverte implique que le requérant a une connaissance suffisamment sûre du
fait nouveau pour pouvoir l'invoquer, même s'il n'est pas en mesure d'en
apporter une preuve certaine; une simple supposition ne suffit pas. Quant au
moyen de preuve concluant, le requérant doit pouvoir disposer d'un titre
l'établissant ou en avoir une connaissance suffisante pour en requérir
l'administration. Il lui appartient d'établir les circonstances déterminantes
pour la vérification du respect du délai précité (arrêt 4A_570/2011 du 23
juillet 2012 consid. 4.1 ).
Dans le cas prévu à l'art. 123 al. 1 LTF, le délai court dès que le requérant a
connaissance de la condamnation passée en force ou, si cette dernière n'est
plus possible, dès qu'il apprend l'existence de l'infraction et les preuves de
celle-ci (arrêt 4A_596/2008 du 6 octobre 2009 consid. 3.3 et les auteurs
cités).

5.2.

5.2.1. La requérante affirme que c'est à l'occasion du dépôt par l'intimée, le
11 juillet 2012, dans les circonstances susmentionnées (cf. consid. 4.1,
dernier par.), d'un jeu de factures et des demandes d'acomptes émanant des
sociétés V.________ et W.________ qu'ont été confirmés ses soupçons selon
lesquels l'intimée tentait de lui faire supporter le coût de travaux sans lien
avec les défauts ayant donné lieu à la procédure arbitrale. Force est toutefois
de constater que, dans le projet d'assignation joint à la requête qu'elle avait
adressée le 28 juin 2012 au premier président de la Cour d'appel de Paris afin
d'arrêter l'exécution de la sentence finale, elle soutenait déjà que le
Tribunal arbitral l'avait condamnée à payer 9'000'170,62 euros à l'intimée sur
la base de simples devis fournis par celle-ci et émanant d'une seule
entreprise, dont il apparaissait qu'ils ne correspondaient à aucune réalité. Et
d'ajouter ceci: "A ce jour, l'expertise judiciaire en cours montre en effet que
les travaux décrits dans ces devis ... n'ont pas été effectués par [l'intimée],
ou ne correspondent pas à l'indemnisation d'un préjudice subi". Ainsi, de son
propre aveu, la requérante était déjà en possession, à la date du 28 juin 2012,
d'un moyen de preuve concluant - une expertise judiciaire - lui permettant
d'étayer ses soupçons quant au comportement prétendument dolosif de son adverse
partie. Elle ne saurait, partant, tirer argument du dépôt des susdites pièces
par l'intimée, le 11 juillet 2012, en vue de reporter à cette dernière date
le dies a quo déterminant pour le cours du délai dans lequel elle devait
déposer sa demande de révision. Il serait, en effet, contraire au caractère
exceptionnel de la procédure de révision et à l'esprit de la jurisprudence
relative à l'art. 124 al. 1 let. d LTF de permettre à une partie qui a
découvert un moyen de preuve concluant de différer le dépôt de sa demande de
révision et de profiter de la découverte subséquente d'un nouveau moyen de
preuve ne faisant que corroborer le précédent pour bénéficier artificiellement
d'une prolongation du délai de déchéance prévu par cette disposition.
En l'espèce, il y a donc lieu de fixer au 28 juin 2012 le point de départ du
délai de 90 jours dans lequel la requérante devait déposer sa demande de
révision. Suspendu du 15 juillet au 15 août 2012 en application de l'art. 46
al. 1 let. c LTF, ce délai est arrivé à échéance le lundi 29 octobre 2012,
compte tenu du report prévu à l'art. 45 al. 1 LTF. Déposée le 8 novembre 2012,
la demande de révision est, dès lors, irrecevable.

5.2.2. En vertu de l'art. 124 al. 1 let. d LTF, il est vrai, le délai dans
lequel la demande de révision fondée sur la découverte de faits pertinents ou
de moyens de preuve concluants devait être déposée ne pouvait pas commencer à
courir avant la notification de l'expédition complète de la sentence. A cet
égard, la cause en litige présente une particularité en ce sens que la sentence
finale du 25 avril 2012 a été rectifiée par un addendum du 28 juin 2012. On
pourrait donc être tenté de fixer le point de départ du délai en question au
moment de la notification de l'addendum. Cependant, la date de cette
notification ne ressort par des écritures et pièces soumises au Tribunal
fédéral, et la requérante, à qui il incombait d'établir les circonstances
déterminantes pour la vérification du respect dudit délai, ne démontre pas, ni
même ne soutient, qu'il ne se serait pas écoulé plus de 90 jours entre la
réception par elle de l'addendum et le dépôt de la demande de révision. En tout
état de cause, il convient d'appliquer ici par analogie la jurisprudence
voulant que la procédure de rectification et la procédure de recours ayant pour
objet la sentence originaire ne doivent pas interférer (ATF 131 III 164 consid.
1.2.4). Il en résulte que si, comme en l'espèce, l'objet de la demande de
rectification (i.e. la correction d'une erreur matérielle de calcul) n'a rien à
voir avec les motifs de révision invoqués, il ne se justifie pas de reporter le
point de départ du délai de l'art. 124 al. 1 let. d LTF à la date de
notification de la sentence rectificative.
La disposition citée prévoit, en outre, que le délai pour le dépôt d'une
demande de révision au sens de l'art. 123 al. 1 LTF ne commence pas à courir
avant la clôture de la procédure pénale (cf. arrêt 4A_234/2008 du 14 août 2008
consid. 3.1 et les références). Tel est le cas en l'occurrence, attendu que,
selon les explications mêmes de la requérante, la procédure qu'elle a initiée
par sa plainte pénale du 31 octobre 2012 se trouve actuellement au stade de
l'enquête préliminaire. Relativement au motif de révision fondé sur la
commission d'un crime ou d'un délit, on a ainsi affaire à une demande de
révision prématurée. La manière de traiter de telles demandes est une question
disputée. Le Tribunal fédéral les a tantôt déclarées irrecevables (ATF 71 II
286 consid. 2; arrêt B 25/96 du 14 août 1996), tantôt rejetées (ATF 86 II 198
p. 200 i.f.). La question revêt un caractère essentiellement théorique dès lors
qu'il est incontesté, d'une part, que le Tribunal fédéral ne peut pas examiner
les mérites d'une demande de révision déposée prématurément et, d'autre part,
que la demande prématurée n'entraîne aucun désavantage pour le requérant,
lequel pourra la renouveler le moment venu pour autant qu'il ait toujours
intérêt à la révision (ATF 123 I 283 consid. 2 p. 286; arrêt B 25/96, précité).
Cela étant, par souci de simplification, la demande de révision, dont
l'irrecevabilité n'est pas douteuse en tant qu'elle se fonde sur l'art. 123 al.
2 let. a LTF, sera également déclarée irrecevable dans la mesure où elle prend
appui sur l'art. 123 al. 1 LTF.

6.
Le sort réservé à la demande de révision rend sans objet la requête d'effet
suspensif.

7.
Succombant, la requérante devra payer les frais de la procédure de révision
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de révision est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 22'000 fr., sont mis à la charge de la
requérante.

3.
La requérante versera à l'intimée une indemnité de 24'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du
Tribunal arbitral.

Lausanne, le 3 juin 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Carruzzo

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