Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.641/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_641/2012

Arrêt du 6 mars 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Niquille.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Damien Bonvallat,
demanderesse et recourante,

contre

Hôpitaux Universitaires de Genève,
établissement représenté par Me Pierre
Martin-Achard,
défendeur et intimé.

Objet
activité bénévole

recours contre l'arrêt rendu le 26 septembre
2012 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
X.________, née en 1946, a obtenu en 1977 un diplôme de docteur en médecine
d'une université française; elle est spécialisée en gynécologie et urologie.
Au sein du service d'urologie des Hôpitaux Universitaires de Genève,
établissement de droit public cantonal, X.________ a travaillé en qualité de
médecin interne du 1er mars au 30 septembre 2004, au taux d'activité de trente
pour cent. Ses services étaient rémunérés.
Egalement dès le 1er mars 2004, X.________ a fourni une activité non rémunérée
au sein du service de dermatologie alors dirigé par le professeur U.________.
Elle participait sous supervision à des consultations; elle prenait part à des
colloques où elle faisait parfois des présentations; elle accomplissait des
gestes techniques tels que biopsies et prélèvements. Elle signait des
ordonnances.
Le 23 juin 2004, X.________ a communiqué à l'office cantonal de la population
qu'elle avait accepté l'offre du professeur U.________ d'une formation en
dermatologie et vénérologie FMH de quatre années, sans salaire, et qu'elle
vivrait à Genève de ses revenus personnels.
Le 13 mars 2006, à sa demande, le service des ressources humaines de
l'établissement a rédigé un certificat dans les termes suivants: « Par la
présente, nous attestons que Madame X.________ est en formation non rémunérée
auprès du service de dermatologie depuis le 1er mars 2004 à ce jour. »
Le professeur U.________ a établi une attestation similaire le 11 juillet 2007,
également remise à X.________.
Le professeur U.________ s'est retiré le 30 septembre 2009. Avec effet au 31 du
mois suivant, l'établissement a mis fin à la collaboration de X.________.

B.
Le service du professeur U.________ comprenait en permanence une dizaine de
médecins invités ou extraordinaires qui n'étaient pas rémunérés. La plupart
bénéficiaient de bourses et accomplissaient une formation de cinq ans en vue
d'obtenir l'équivalent du diplôme de spécialiste FMH à faire valoir à
l'étranger. D'ordinaire, les médecins invités qui n'étaient pas en formation
FMH ne restaient pas plus d'une année. Les candidatures étaient nombreuses. Le
professeur n'engageait pas de médecins internes - rémunérés - en formation FMH
sans les avoir observés quelques mois en qualité de médecins invités. Les
postes de médecins internes étaient peu nombreux et le professeur les réservait
aux « personnes locales ». Des médecins invités étaient présents aussi dans
d'autres services de l'établissement hospitalier. Les conditions de leur
activité n'étaient pas réglées par un contrat formel mais convenues oralement
avec le chef de service.
Le professeur U.________ a considéré que X.________, médecin expérimenté,
pouvait apporter ses compétences au service de dermatologie tout en en
acquérant de nouvelles. Notamment en raison de son âge et des contraintes
inhérentes à la formation de spécialiste FMH, elle ne pouvait en revanche pas
entreprendre cette formation, ce qu'il tentait de lui faire comprendre lors de
leurs entretiens annuels. Elle n'a jamais commencé le cursus FMH, lequel inclut
obligatoirement des gardes et une activité au service des lits, et le
professeur n'a signé aucune attestation de formation correspondante. Le cas de
X.________ a suscité des critiques car elle n'était pas en formation mais
restait longtemps dans le service.

C.
Le 27 janvier 2010, X.________ a fait notifier un commandement de payer aux
Hôpitaux Universitaires de Genève. Elle réclamait 398'068 fr.15 et 97'431 fr.60
avec intérêts au taux de 5% par an, respectivement dès le 1er janvier 2007 et
le 1er novembre 2009. L'établissement a fait opposition.
Le 27 août suivant, X.________ a ouvert action contre l'établissement devant le
Tribunal des prud'hommes du canton de Genève. Le défendeur devait être condamné
à payer les sommes précitées et le tribunal était requis de donner mainlevée de
l'opposition au commandement de payer. Le défendeur devait également être
condamné à établir et remettre un certificat de travail complet et conforme à
la réalité, des certificats et protocoles utiles à la validation de la
formation accomplie, et encore une « attestation de responsabilité ».
Le défendeur a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et
subsidiairement au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 19 décembre 2011; il a déclaré la demande
irrecevable au motif que les parties ne s'étaient pas liées par un contrat de
travail et que la juridiction prud'homale n'était donc pas compétente.
La Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a statué le 26 septembre 2012
sur l'appel de la demanderesse; elle a confirmé le jugement.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse saisit le
Tribunal fédéral de conclusions semblables à celles de sa demande initiale;
elle renonce toutefois à réclamer un certificat de travail et d'autres
attestations.
Le défendeur conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur
litigieuse excède le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit du
travail (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF); le mémoire de recours a
été introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et il satisfait aux exigences
légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Il conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105
al. 1 LTF).

2.
La demanderesse soutient qu'elle a collaboré au sein du service de dermatologie
en exécution d'un contrat de travail et que l'établissement défendeur reste lui
devoir la contrepartie de son activité, soit le salaire cumulé sur toute la
durée de sa collaboration.
A teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le
travailleur s'engage à travailler au service de l'employeur et celui-ci
s'engage à payer un salaire. L'obligation de payer un salaire est un élément
essentiel du contrat de travail, en ce sens que si une personne promet ou
accepte de fournir une activité non rémunérée, elle ne conclut pas un contrat
de travail. Selon l'art. 320 al. 2 CO, un pareil contrat est certes présumé
lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui,
d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire;
néanmoins, les parties peuvent valablement convenir, de manière expresse ou
tacite (art. 1er al. 2 CO), que l'activité est ou sera fournie gratuitement,
avec cette conséquence que leur relation n'est pas soumise aux règles du
contrat de travail (Ullin Streiff et al., Arbeitsvertrag, 7e éd., 2012, p. 73/
74; Thomas Geiser et Roland Müller, Arbeitsrecht in der Schweiz, 2e éd., 2012,
n° 111 p. 40; Rémy Wyler, Droit du travail, 2e éd., 2008, p. 58).
Lorsque les parties se sont liées par un contrat de travail mais n'ont pas
arrêté le montant du salaire, l'employeur doit payer le salaire usuel ou fixé
par un contrat-type ou une convention collective de travail (art. 322 al. 1
CO). Le salaire convenu peut comprendre des prestations en nature (cf. ATF 131
III 615 consid. 5.1 p. 619).

3.
Durant plus de cinq ans, ce qui est un laps très important, la demanderesse a
travaillé sans rémunération au sein du service de dermatologie de
l'établissement défendeur. Elle n'a jamais élevé de prétentions pécuniaires
avant que l'établissement eût mis fin à son activité. De ses propres
déclarations à l'office cantonal de la population et des attestations qu'elles
a reçues de l'établissement, le 13 mars 2006 puis le 11 juillet 2007, il
ressort sans équivoque qu'elle connaissait et acceptait le caractère bénévole
de sa prestation.
Elle reconnaît d'ailleurs qu'elle a accepté de travailler sans salaire. Selon
ses affirmations, c'est « parce que le professeur U.________ lui avait offert
la possibilité concrète de préparer son FMH en dermatologie »; par la suite, au
cours de son activité, « elle ne s'est jamais rendu compte de l'absence de
contre-prestation ». Constatant que la « rémunération en nature » qui était
convenue ne lui a pas été fournie, elle réclame « logiquement » le salaire
correspondant à la « fonction exercée durant plus de cinq ans ».
D'après les constatations déterminantes selon l'art. 105 al. 1 LTF, il n'est
pas établi que le professeur U.________ ait proposé à la demanderesse une
formation de spécialiste FMH en dermatologie. Il n'est pas non plus constaté
que pendant la longue durée de son activité, la demanderesse ait sérieusement
cru satisfaire aux exigences de cette formation alors qu'elle n'en suivait pas
le cursus. Il n'y a donc pas lieu de discuter plus longuement le raisonnement
proposé à l'appui du recours.
Le principe de la confiance régit l'interprétation des manifestations de
volonté entre cocontractants; il permet d'imputer à une partie, même lorsqu'il
ne correspond pas à sa volonté intime, le sens objectif de sa déclaration ou de
son comportement (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3
p. 681). En l'espèce, compte tenu du contexte dans lequel la demanderesse a
intégré le service de dermatologie parmi d'autres médecins non rémunérés, et
aussi longtemps qu'elle ne mettait pas un terme à sa collaboration, les organes
de l'établissement pouvaient admettre de bonne foi que cette personne acceptait
de travailler bénévolement en considération des connaissances professionnelles
et du savoir-faire qu'elle pouvait développer de cette manière. Il est sans
importance que l'occupation bénévole de la demanderesse se soit prolongée
inhabituellement, voire peut-être inutilement longtemps. Il importe également
peu que la demanderesse ait accepté cette occupation bénévole dans l'espoir,
selon ses dires, d'entreprendre une formation de spécialiste FMH en
dermatologie. Elle n'a de toute manière stipulé aucune rémunération, ni en
argent ni en nature, et elle ne peut donc pas se prévaloir d'un contrat de
travail.
Il n'est pas nécessaire d'examiner si le contrat de travail allégué par la
demanderesse eût été compatible avec le droit public cantonal qui régit en
principe les rapports de service au sein de l'établissement hospitalier (cf.
art. 1er al. 1 let. e de la loi genevoise relative au personnel de
l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics
médicaux, du 4 décembre 1997).
Enfin, la demanderesse argue inutilement de l'art. 320 al. 3 CO relatif aux
effets d'un contrat de travail qui se révèle nul, car cette disposition suppose
que les parties aient conclu un contrat de travail.

4.
Dans les deux instances cantonales, mais sans succès, la demanderesse a réclamé
l'audition en qualité de témoin du conseiller aux études auprès de la Faculté
de médecine. L'audition devait établir que la formation de spécialiste FMH
était le motif et la contrepartie de l'engagement de la demanderesse au sein du
service de dermatologie. Devant le Tribunal fédéral, cette dernière se plaint
de violation du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Elle n'a
cependant pas allégué et moins encore démontré que le conseiller aux études fût
habilité à engager l'établissement hospitalier par ses propres déclarations ou
autres manifestations de volonté. Pour le surplus et à elle seule, comme on l'a
vu, l'ambition de la demanderesse n'est pas un fait déterminant pour l'issue de
la cause; les autorités précédentes n'étaient donc pas tenues d'accueillir les
offres de preuve présentées à ce sujet (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II
425 consid. 2.1 p. 428).

5.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 6'000 francs.

3.
La demanderesse versera une indemnité de 7'000 fr. au défendeur, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 6 mars 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin