Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.637/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_637/2012

Arrêt du 3 avril 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz, Kolly, Kiss et
Niquille.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________ SA en liquidation concordataire, représentée par Mes François Logoz
et Olivier Nicod,
recourante,

contre

Y.________ SA, représentée par Me Gérard Montavon,
intimée.

Objet
qualification contractuelle,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 17 septembre 2012.

Faits:

A.
A.a X.________ SA - actuellement en liquidation concordataire -, société ayant
son siège à ... et active dans le commerce international de céréales, a vendu,
par contrat du 23 juin 1997, 15'000 tonnes métriques, plus ou moins 10%, de blé
canadien au prix unitaire de 196,50 USD à A.________ Corporation (ci-après:
A.________). Par un second contrat du 15 juillet 1997, X.________ SA a vendu à
la même société une quantité supplémentaire de 5'000 tonnes métriques de blé
canadien au prix unitaire de 185,75 USD, selon les mêmes conditions.
La marchandise devait être livrée à V.________ (Russie), puis transportée en
train à W.________ (Russie), où elle devait être stockée dans un entrepôt sous
douane appartenant à B.________, où elle demeurerait la propriété de X.________
SA jusqu'au paiement du prix convenu.
X.________ SA a chargé la société de surveillance française C.________ de
contrôler le déchargement à V.________, le transport jusqu'à W.________ et
l'entreposage sous scellés. A destination, C.________ devait assurer la garde
et la conservation du blé, lequel ne pouvait quitter l'entrepôt que moyennant
une autorisation écrite de X.________ SA.
Le 21 juillet 1997, X.________ SA, C.________ et A.________ ont conclu un "
contrat de surveillance " prévoyant notamment que A.________, désignée comme
propriétaire des magasins d'entreposage, s'engageait à les mettre à disposition
de C.________ pour la durée du contrat, avec la précision que les employés de
C.________ devaient être les seuls à y avoir accès. Il était également indiqué
que X.________ SA était tenue d'assurer à ses frais la marchandise.
Conformément au contrat de vente, 16'500 et 5'000 tonnes métriques ont été
déchargées à V.________ dans la première quinzaine de septembre 1997, puis
acheminées à leur destination finale. 16'100 tonnes métriques ont ensuite été
revendues et distribuées dans la Fédération russe entre le 12 septembre 1997 et
le 27 avril 1998. Le solde, soit un peu plus de 5'400 tonnes métriques, est
resté dans l'entrepôt de B.________ à W.________.
Par courrier du 23 décembre 1998, C.________ a résilié le contrat de
surveillance.
A.b Pour remplacer C.________, X.________ SA est entrée en contact avec la
société Y.________ SA (ci-après: Y.________) qui a son siège à Genève et pour
but social des opérations de contrôle, d'inspection, d'évaluation et d'études
techniques sur toutes matières, équipements, machines ou installations, de même
que des tests et des analyses physiques ou chimiques.
X.________ SA a demandé à Y.________ de reprendre la surveillance du blé
conservé à W.________; le 8 janvier 1999, la première a accepté de payer la
rémunération mensuelle de 2'500 USD demandée par la seconde pour cette
prestation.
Egalement le 8 janvier 1999, X.________ SA a adressé à Y.________ et à
A.________ un projet de contrat intitulé " supervision and storage contract "
(ci-après: SSC), qui devait lier ces trois sociétés. Il n'est pas établi que ce
texte ait été signé par l'une des trois sociétés, ni que A.________ en ait
jamais accepté les termes. Ce projet de contrat prévoyait que Y.________ aurait
l'accès libre et exclusif aux lieux d'entreposage, que X.________ SA devait
assurer à ses frais la marchandise et que Y.________ répondait uniquement des
pertes et des dommages résultant de sa propre négligence ou de celle de ses
employés ou auxiliaires.
Le 25 janvier 1999, des représentants de Y.________, de C.________ et de
B.________ ont procédé à un contrôle du stock; les scellés de Y.________ ont
été apposés sur les silos. Il a été attesté l'existence de 5'400,7 tonnes
métriques de blé.
Le 2 mars 1999, Y.________ a établi un " warehouse receipt " au nom de
X.________ SA, dans lequel elle certifiait avoir reçu 5'400,7 tonnes métriques
de blé apparemment en bon état et conservées dans les silos de W.________.
Toujours le 2 mars 1999, X.________ SA a relancé A.________ en l'invitant à
retourner signé le SSC. Cette démarche est restée vaine.
Par la suite, Y.________ a envoyé régulièrement à X.________ SA des rapports
sur son activité de surveillance. Si certains d'entre eux étaient de nature à
rassurer X.________ SA, d'autres faisaient état de difficultés à accéder à la
marchandise. Déjà en janvier 1999, Y.________ avait avisé X.________ SA qu'elle
n'avait pas eu la possibilité de mesurer ou de peser le grain et que le chiffre
de 5'400,7 tonnes métriques était arrêté sur la base de documents. En mars
1999, X.________ SA a été avisée que l'inspecteur de Y.________ s'était vu
refuser l'accès à l'entrepôt alors qu'il voulait procéder à un prélèvement
d'échantillons. Ces difficultés ont encore été évoquées les 6 avril et 26
juillet 1999, avant que les échantillons n'aient pu être obtenus le 19 août
1999. Les 2 février et 2 août 2000, le prélèvement d'échantillons a de nouveau
été refusé, avant d'être obtenu dans la première semaine de septembre 2000. Au
mois de décembre 2000, un inspecteur de Y.________ n'a pas pu procéder à de
nouveaux prélèvements; les rapports indiquaient alors qu'une fraction du blé
serait endommagée.
Le 2 mars 2001, Y.________ a relevé dans ses rapports destinés à X.________ SA
que son inspecteur n'avait " toujours " pas la permission de pénétrer dans
l'entrepôt, ni celle de prélever des échantillons ou encore de relever les
niveaux des silos. Les rapports établis à partir de cette date précisaient que
les quantités de blé étaient communiquées sur la base de documents. Toujours le
2 mars 2001, X.________ s'est plainte de cette situation auprès de Y.________,
de sorte que des prélèvement ont pu être effectués le 20 mars 2001.
A.c Dès le début d'avril 2001, il a été constaté que les scellés apposés par
Y.________ avaient été progressivement enlevés. En juin 2001, X.________ SA a
appris que le blé ne se trouvait plus dans les silos.
X.________ SA a obtenu d'un tribunal arbitral, le 22 novembre 2002, une
sentence rendue à l'encontre de A.________ confirmant que X.________ SA était
propriétaire exclusif des 5'400 tonnes métriques de blé précédemment
entreposées à W.________.
En définitive, X.________ SA n'a jamais pu récupérer ce blé.
A.d Agissant sur instruction de X.________ SA, Y.________ avait assuré le blé,
à partir du 29 janvier 1999, pour une valeur de 1'500'000 USD, contre divers
risques comprenant le vol, le détournement et les possessions illicites, au
moyen d'une police conclue par l'entremise des courtiers genevois D.________ SA
avec E.________ à Londres. Cette police a par la suite été renouvelée.
Dans l'attestation d'assurance établie le 5 décembre 2000 pour Y.________ et
transmise à X.________ SA, les courtiers précités ont indiqué que le blé était
conservé sur la base d'un CMA, soit d'un " collateral management agreement ".
Selon un témoin, un " collateral management agreement " correspondait au SSC
mentionné ci-dessus. qui n'a jamais été signé.
Au dire d'une collaboratrice de Y.________, un CMA aurait supposé que le blé
soit sous la maîtrise exclusive de ladite société; comme cela n'était pas le
cas, il s'agissait, selon les dénominations de ce secteur professionnel, d'un "
stock monitoring agreement ". Il a été retenu que ni les courtiers ni
l'assureur n'ont été informés de cette situation.
Le 14 février 2003, les assureurs E.________ ont signifié à X.________ SA leur
refus de couvrir la disparition des céréales.

B.
Par demande du 7 mai 2007 déposée au Tribunal de première instance de Genève,
X.________ SA a ouvert une action en paiement contre Y.________, lui réclamant
les sommes de 1'080'000 USD et 123'562,36 USD, avec intérêts. Par la suite,
elle a réduit ses conclusions à 1'100'000 USD avec intérêts. Elle a soutenu
avoir conclu avec sa partie adverse le SSC, équivalant à un contrat de dépôt,
et que cette dernière lui devait la contre-valeur de la marchandise qu'elle
était incapable de lui restituer; par ailleurs, elle a reproché à Y.________ de
ne pas avoir exécuté correctement son obligation d'assurer la marchandise, de
sorte qu'elle lui devait le montant que l'assureur aurait dû payer.
Y.________ s'est opposée à la demande en totalité. Elle a formé une demande
reconventionnelle pour le montant de 24'633,48 GBP en raison de frais d'avocat
qu'elle a assumés pour des démarches auprès de l'assureur à Londres.
Par jugement du 1er juin 2011, le Tribunal de première instance a rejeté aussi
bien la demande principale que la demande reconventionnelle.
X.________ SA a appelé de ce jugement et Y.________ a formé un appel joint,
chacune des parties reprenant ses conclusions de première instance.
Par arrêt du 17 septembre 2012, la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé le jugement attaqué, sous réserve de l'indemnité de
procédure allouée à Y.________ qui a été portée à 50'000 fr.

C.
X.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Invoquant une violation des art. 919 ss CC, 16, 398 al. 2 et
472 ss CO, elle conclut à la condamnation de sa partie adverse à lui payer la
somme de 1'100'000 USD avec intérêts à 5% dès le 31 mars 2002 sur 681'000 USD
et dès le 15 mai 2004 pour le surplus; subsidiairement, elle demande le renvoi
de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des
considérants.
L'intimée - qui n'a pas formé de recours pour le rejet de sa demande
reconventionnelle - a conclu au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par une partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et
qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt
final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal
supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 LTF)
dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de
30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF.
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit dont il peut contrôler le
respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés
dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il
peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été articulés ou,
à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de
celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313
consid. 4 p. 317 s.). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art.
42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p.
389). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le
Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137
II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). La
partie qui invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves doit présenter
une motivation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58
consid. 4.1.2 p. 62). Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée
que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1
LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de
résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 La recourante, à la suite de la cour cantonale, discute longuement de
savoir si l'intimée est entrée en possession de la marchandise (art. 919 ss
CC).
Il faut cependant observer que la recourante n'exerce pas une action réelle, à
l'instar d'une revendication fondée sur la propriété (art. 641 al. 2 CC) ou la
possession antérieure (art. 934 ss CC), mais bien une action contractuelle
tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour inexécution d'une obligation (art.
97 al. 1 CO).
Il faut ainsi tout d'abord déterminer si les parties ont conclu un contrat et,
dans l'affirmative, quel en est le contenu. Cette question amène à rechercher
quelles ont été les obligations qui ont pu être convenues entre les parties.
Un transfert de possession peut constituer l'exécution d'une obligation, mais
il ne faut pas confondre le stade de l'exécution et celui de la conclusion.
Pour dire s'il y a eu un contrat et quel en est l'objet, il y a lieu de
rechercher les engagements qui ont été pris.

2.2 Comme les deux parties ont leur siège en Suisse et qu'elles n'ont pas fait
élection en faveur d'un droit étranger, leurs relations contractuelles ne
présentent aucun caractère international et le droit suisse est applicable sans
qu'il y ait lieu - contrairement à ce qu'a pensé la cour cantonale -
d'appliquer la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre
1987 (LDIP; RS 291).

2.3 La cour cantonale a considéré que le rapport contractuel allégué devrait
plutôt être qualifié de contrat d'entrepôt au sens de l'art. 482 CO.
Pour qu'il y ait contrat d'entrepôt, l'entrepositaire doit offrir publiquement
de recevoir des marchandises en dépôt (art. 482 al. 1 CO). L'offre publique est
un élément caractéristique pour la qualification (THOMAS KOLLER, in Basler
Kommentar, Obligationenrecht, vol I, 5e éd. 2011, n° 5 ad art. 482 CO). L'offre
publique peut résulter du but social de l'entrepositaire ou de n'importe quelle
autre annonce publiée (RICHARD BARBEY, in Commentaire romand, Code des
obligations, vol I, 2e éd. 2012, n° 4 ad art. 482 CO).
En l'espèce, il ne ressort nullement des constatations cantonales - qui lient
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que l'intimée aurait annoncé
publiquement qu'elle disposait d'entrepôts pour stocker des marchandises ou que
cela ressortirait de son but social. En l'absence d'une offre publique, la
qualification de contrat d'entrepôt - contrairement à l'opinion de la cour
cantonale - doit être écartée.

2.4 La recourante soutient que les parties ont conclu un contrat de dépôt au
sens des art. 472 ss CO.
Le contrat de dépôt se caractérise par trois obligations prises par le
dépositaire: recevoir une chose mobilière, la garder en lieu sûr et ensuite la
restituer. Les deux premières obligations sont prévues à l'art. 472 al. 1 CO et
la troisième résulte des art. 475 à 477 CO (cf. KOLLER, op. cit., n°s 1 et 2 ad
art. 472 CO; BARBEY, op. cit., n° 1 ad art. 472 CO). L'obligation de restituer
revêt un caractère essentiel pour qualifier le contrat (ATF 126 III 192 consid.
2c p. 196). Le contrat de dépôt ne requiert aucune forme spéciale; il peut être
conclu expressément ou par actes concluants (ATF 126 III 192 ibidem).

2.5 L'idée de la cour cantonale de se concentrer sur la première obligation
(recevoir une chose mobilière) est malheureuse.
En effet, une société de surveillance - comme c'est le cas de l'intimée selon
son but social - est couramment chargée par mandat (art. 394 al. 1 CO) de
réceptionner de la marchandise, d'en contrôler la quantité et la qualité et de
veiller à ce qu'elle soit stockée correctement et en lieu sûr. La réception de
la marchandise ne permet pas à elle seule de distinguer entre un mandat et un
dépôt. Il ne peut y avoir de dépôt que si le dépositaire a pris les trois
obligations caractéristiques de ce contrat, en particulier l'obligation de
restituer qui est essentielle.
Il faut donc se demander, pour qu'un dépôt soit envisageable, si l'intimée a
adressé à la recourante une manifestation de volonté qui, telle qu'elle doit
être interprétée selon le principe de la confiance, permet de conclure qu'elle
s'est engagée à restituer elle-même le reste du blé qui se trouvait dans des
entrepôts à W.________.

2.6 La recourante soutient que les obligations caractéristiques d'un
dépositaire ressortent du contrat intitulé " supervision and storage contract
", qui constitue un " collateral management agreement ".
Comme on l'a vu, le contrat de dépôt n'est soumis à aucune exigence de forme.
Les parties peuvent cependant convenir de le soumettre à une forme spéciale et
de n'être liées que lorsque cette forme est accomplie (art. 16 al. 1 CO).
Convenir d'une forme spéciale selon l'art. 16 al. 1 CO ne requiert aucune forme
particulière et l'accord peut résulter d'actes concluants; ainsi, lorsqu'une
partie envoie à l'autre des exemplaires d'un projet de contrat écrit pour
qu'elle les signe, on doit présumer qu'elle n'entendait s'engager que dans la
forme écrite (arrêt 4C.1/2000 du 27 mars 2000 consid. 3a; cf. également: GAUCH
ET AL., Präjudizienbuch OR, 8e éd. 2012, n° 3 ad art. 16 CO; INGEBORG
SCHWENZER, in Basler Kommentar, op. cit., n° 5 ad art. 16 CO; JULIA XOUDIS, in
Commentaire romand, op. cit., n° 8 ad art. 16 CO).
En l'espèce, il ressort des constatations cantonales que la recourante avait
conçu un contrat qui devait être signé par trois parties (X.________,
Y.________ et A.________); elle a envoyé son projet à A.________ pour que cette
société le signe, mais elle n'a jamais obtenu cette signature, de sorte qu'en
définitive personne n'a signé ce document. La recourante ne prétend pas que ces
faits auraient été établis arbitrairement et on ne voit pas pourquoi ils le
seraient. Le Tribunal fédéral est en conséquence lié par cet état de fait (art.
105 al. 1 LTF). Il convient d'en inférer juridiquement que la recourante a
manifesté, par actes concluants, la volonté de n'être liée qu'en la forme
écrite, sans qu'il y ait trace d'une renonciation ultérieure (cf. ATF 105 II 75
consid. 1 p. 78). Qu'elle ait insisté, le 2 mars 1999, pour obtenir la
signature de A.________, le confirme. Ainsi, il convient d'admettre que la
forme écrite a été réservée; dès lors qu'elle n'a pas été observée, le contrat
envisagé n'est pas venu à chef, de sorte que la recourante ne peut tirer aucun
argument de son texte.

2.7 La recourante pense aussi pouvoir déduire les obligations d'un dépositaire
de l'existence du " warehouse receipt " émis le 2 mars 1999 par Y.________.
Contrairement à ce que suggère la recourante, ce document n'est en tout cas pas
un reçu lié à un prêt sur gage (cf. art. 909 CC).
Il est vrai, si un contrat de dépôt a été conclu, que la remise d'un reçu peut
servir de moyen de preuve pour établir la réception de la chose par le
dépositaire, car il constitue alors un document assimilable à une quittance au
sens de l'art. 88 CO (BARBEY, op. cit., n° 14 ad art. 472 CO). La quittance,
envisagée par l'art. 88 CO, atteste la réception d'une prestation déterminée et
constitue un moyen de preuve, qui n'exclut cependant pas la preuve contraire
(INGEBORG SCHWENZER, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, 6e
éd. 2012, n°s 76.03 et 76.06, p. 512 s.; DENIS LOERTSCHER, in Commentaire
romand, op. cit., n°s 1 et 8 ad art. 88 CO; URS LEU, in Basler Kommentar, op.
cit., n°s 1 et 7 ad art. 88 CO).
L'erreur de raisonnement consiste à nouveau à se placer au stade d'un acte
d'exécution, et non pas au stade de la conclusion du prétendu contrat. Le
document peut parfaitement signifier que l'intimée, chargée d'un mandat de
surveillance, atteste avoir contrôlé la quantité de blé et son bon état "
apparent ". On ne peut pas en déduire - en tout cas clairement - que l'intimée
se serait engagée, par ce document, à restituer elle-même le blé à la
recourante.
Il est vrai que ce document se réfère à un " collateral management agreement "
(CMA). Il ressort cependant bien des échanges entre les parties, relatés en
détail par la cour cantonale, qu'elles envisageaient à l'origine la conclusion
d'un tel contrat. C'est la raison pour laquelle la recourante a rédigé son
projet intitulé " supervision and storage contract " (SSC), qui constitue un
CMA. Cependant, la recourante avait bien vu que la conclusion d'un tel contrat
supposait un engagement de A.________, qui semblait, par l'entremise de
B.________, avoir la maîtrise effective des entrepôts. Or A.________ n'a jamais
accepté de signer le contrat et de s'engager. Du même coup, l'intimée, face à
A.________ et B.________, n'a jamais obtenu la maîtrise exclusive de la
marchandise enfermée dans les entrepôts. Dans ces conditions, on ne conçoit pas
qu'elle se serait engagée - ce qui constitue l'essence d'un CMA - à restituer
elle-même la marchandise à la recourante.
En tout cas, le fardeau de la preuve incombait à la recourante, en tant que
partie demanderesse (art. 8 CC). Elle n'est toutefois pas parvenue à prouver
des faits permettant de constater que l'intimée se serait engagée envers elle à
lui restituer elle-même la marchandise. Un accord sur une obligation de
restitution n'ayant pas été établi, la conclusion d'un contrat de dépôt est
exclue.
La recourante ne prétend pas que l'intimée aurait mal exécuté son mandat de
surveillance, si bien qu'il n'y a pas à examiner la question sous cet angle.

2.8 La recourante a chargé l'intimée de conclure pour son compte un contrat
d'assurance couvrant la marchandise. La cour cantonale y a vu à juste titre un
mandat (art. 394 al. 1 CO).
La recourante soutient que l'intimée a mal exécuté cette mission (art. 398 CO)
et qu'elle répond du préjudice qui en résulte (art. 97 al. 1 CO).
L'autorité cantonale a rejeté cette prétention en faisant une série de
constatations et de déductions factuelles que le Tribunal fédéral ne peut
revoir que sous l'angle restreint de l'arbitraire (consid. 1.3 ci-dessus). Elle
a ainsi constaté que l'attestation d'assurance établie le 5 décembre 2000 - qui
est déterminante pour l'époque où la marchandise a été enlevée - prévoyait que
l'intimée gardât le blé sous forme d'un CMA. Entendue comme témoin, une
collaboratrice de l'intimée a reconnu qu'elle n'avait pas informé les assureurs
ou leurs courtiers que celle-ci ne bénéficiait pas d'un accès exclusif à la
marchandise, de sorte que la situation ne correspondait pas à un CMA. Les
magistrats genevois en ont déduit que le risque pour les assureurs était accru
et qu'il en serait résulté - si la vérité avait été révélée - une prime
d'assurance plus élevée. Ils ont aussi retenu que la recourante était rompue à
ce type d'opérations et d'assurances, qu'elle avait reçu l'attestation
d'assurance se référant à un CMA et qu'elle savait, par les messages de
l'intimée, que cette dernière n'avait en réalité pas la maîtrise exclusive de
la marchandise. Ils en ont déduit que la recourante avait accepté que les
renseignements donnés aux assureurs fussent inexacts, ce qui serait à l'origine
- selon lesdits magistrats - du refus de couvrir la disparition des céréales.
La recourante ne démontre pas que ces constatations de fait et les déductions
factuelles qui en ont été tirées seraient arbitraires.
D'un point de vue juridique, le mandataire n'assume aucune responsabilité s'il
a suivi les instructions précises du mandant (art. 397 al. 1 CO). Il en va de
même si le comportement du mandataire a été approuvé par le mandant (cf. FRANZ
WERRO, in Commentaire romand, op. cit., n° 14 ad art. 397 CO).
Si la recourante a consenti, à un moment où elle aurait encore pu changer le
cours des choses, à ce que son mandataire renseigne l'assureur de manière
inexacte, elle ne peut ensuite, sans violer le principe de la bonne foi,
reprocher à son mandataire de l'avoir fait.
Ainsi, le rejet de la prétention fondée sur le mandat ne viole pas le droit
fédéral.
Il n'y a pas lieu de réexaminer le rejet de la demande reconventionnelle,
puisque l'intimée n'a pas recouru de son côté.
En définitive, le recours doit être rejeté.

3.
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de la recourante qui
succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 12'000 fr. sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 14'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 3 avril 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet

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