Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.630/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_630/2012

Arrêt du 19 mars 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Niquille.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________ AG, représentée par Me Daniel Peregrina,
recourante,

contre

Y.________ SA, représentée par Me Jean-François Ducrest,
intimée.

Objet
action en annulation d'une décision prise par l'assemblée générale d'une
société anonyme,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
civile, du 14 septembre 2012.

Faits:

A.
A.a La société Y.________ SA (ci-après: Y.________) est une société de droit
suisse, inscrite au registre du commerce depuis le 27 mai 2007, qui a son siège
à Genève; elle est dotée d'un capital-actions de 32'790'584 fr.80, libéré
intégralement, divisé en 2'644'402 actions au porteur d'une valeur nominale de
12 fr.40. Y.________ a pour but d'effectuer des investissements, en particulier
dans les pays de la Communauté des États Indépendants et les États baltes.
A.________ AG,B.________ Fund, C.________ AG, D.________ Limited et Y.________
forment un groupe d'actionnaires (ci-après: groupe Z.________), liés par une
entente informelle, qui détiennent 1'486'609 actions de Y.________, soit le
56,22% de son capital-actions et des droits de vote.
La société X.________ AG (ci-après: X.________), ayant son siège à Zoug,
détient 33,76% du capital-actions de Y.________.
Le conseil d'administration de Y.________ est actuellement composé de
K.________, président, L.________, M.________ et N.________, administrateurs.
Ce dernier, qui a occupé les fonctions de président du conseil d'administration
de Y.________ jusqu'en 2011, contrôle le groupe Z.________, de par les
responsabilités qu'il assume au sein des différentes sociétés qui le composent.
Jusqu'en 2010, E.________ SA (ci-après: E.________) était l'organe de révision
de Y.________.
A.b Lors de l'assemblée générale de Y.________ du 25 juin 2009 portant sur
l'exercice 2008, X.________ a demandé l'institution d'un contrôle spécial, ce
qui a été refusé par l'assemblée générale, puis par les autorités judiciaires
genevoises et, en dernier lieu, par un arrêt du Tribunal fédéral du 27 juillet
2010 (cause 4A_215/2010, in SJ 2010 I p. 554).
Le 24 décembre 2009, X.________ a ouvert une action en dommages-intérêts contre
M.________ et N.________, en invoquant leur responsabilité en tant
qu'administrateurs de Y.________ fondée sur les art. 754 ss CO. Cette cause est
actuellement pendante.
Un autre litige a opposé X.________ à Y.________ à propos de la convocation
d'une assemblée générale extraordinaire et de l'ordre du jour de celle-ci,
lequel a été tranché en dernière instance par un arrêt du Tribunal fédéral du
13 octobre 2011 (ATF 137 III 503).
A.c Il résulte d'un rapport du 22 avril 2010 de E.________, lequel faisait
partie intégrante du rapport annuel 2009 de Y.________, que cette dernière a
subi une perte nette pour l'exercice 2009 de 2´206'610 fr., alors que le
résultat consolidé du groupe Y.________ faisait état d'un bénéfice de 9'273'938
fr.
L'ordre du jour de l'assemblée générale de Y.________ devant se tenir le 24
juin 2010 a été publié dans la FOSC le 3 juin 2010; le point 8 de l'ordre du
jour prévoyait la « Décharge aux membres du Conseil d'administration », dont
l'acceptation était proposée.
Lors de l'assemblée générale de Y.________ du 24 juin 2010 portant sur
l'exercice 2009, présidée par N.________, X.________ a déposé une nouvelle
requête en institution d'un contrôle spécial. Cette requête a été rejetée par
l'assemblée générale. X.________ a alors saisi le Tribunal de première instance
de Genève de ladite requête, lequel l'a déboutée par jugement du 23 mai 2011,
confirmé par la Cour de justice genevoise, puis par le Tribunal fédéral dans un
arrêt du 4 avril 2012 (ATF 138 III 252).
Au cours de la même assemblée générale de Y.________, la décharge aux
administrateurs pour leur activité durant l'exercice 2009 a été votée à la
majorité absolue des voix représentées, 1'456'289 voix acceptant la décharge,
829'703 voix la refusant, 2'301 voix s'étant abstenues.

B.
Par acte du 20 août 2010, X.________ (demanderesse) a attaqué devant le
Tribunal de première instance de Genève la décision de l'assemblée générale de
Y.________ (défenderesse) du 24 juin 2010 accordant décharge à son conseil
d'administration, concluant à l'annulation et à la mise à néant de ladite
décision. Dans le même acte, la demanderesse a également attaqué la décision de
l'assemblée générale relative à l'affectation du résultat de l'exercice 2009 de
Y.________, requérant que cette décision soit annulée.
Par jugement du 22 septembre 2011, le Tribunal de première instance a déclaré
irrecevable l'action en annulation de la décision de l'assemblée générale de la
défenderesse du 24 juin 2010 accordant décharge au conseil d'administration,
faute pour la demanderesse de disposer d'un intérêt juridique à l'action. Le
tribunal a encore annulé la décision de l'assemblée générale de la défenderesse
relative à l'affectation du résultat de l'exercice 2009, compensé les dépens et
condamné les parties à payer à l'Etat de Genève un émolument complémentaire de
20'000 fr., à raison d'une moitié chacune.
Le 5 janvier 2012, X.________ a déposé une action en dissolution de Y.________.
La cause est actuellement pendante devant le Tribunal de première instance de
Genève.
Saisie d'un appel de X.________ interjeté contre le jugement du 22 septembre
2011, la Chambre civile de la Cour de justice genevoise, par arrêt du 14
septembre 2012, a confirmé l'irrecevabilité de l'action en annulation de la
décision de l'assemblée générale accordant décharge aux administrateurs. La
cour cantonale a réduit à 12'000 fr. l'émolument complémentaire mis par moitié
à la charge de chacune des parties et condamné X.________ à supporter les frais
d'appel ainsi qu'à verser à son adverse partie les dépens d'appel.
En substance, la cour cantonale a considéré que les faits sur la base desquels
la demanderesse avait actionné deux administrateurs de la défenderesse en
responsabilité et requis l'annulation du vote de décharge étaient les mêmes.
Comme, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'action en annulation des
décisions de l'assemblée générale est subsidiaire par rapport à l'action en
responsabilité des organes, le jugement du tribunal ayant déclaré irrecevable
l'action en annulation de la décision de l'assemblée générale d'accorder la
décharge aux administrateurs devait être confirmé. Dans une seconde motivation,
la Cour de justice a jugé que la demanderesse n'avait aucun intérêt juridique à
obtenir l'annulation de la décision de décharge litigieuse.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Elle conclut principalement à l'annulation de la décision de
l'assemblée générale de Y.________ du 24 juin 2010 octroyant la décharge au
conseil d'administration de cette société, subsidiairement à ce que la cause
soit retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Si son recours en matière civile devait être déclaré irrecevable,
la recourante prie le Tribunal fédéral d'examiner le recours comme un recours
constitutionnel subsidiaire.
L'intimée propose, principalement, que le recours en matière civile soit
déclaré irrecevable, subsidiairement qu'il soit rejeté. Elle prend les mêmes
conclusions à l'endroit du recours constitutionnel de sa partie adverse.
Les parties ont répliqué et dupliqué.

Considérant en droit:

1.
1.1 L'action en annulation d'une décision de l'assemblée générale est de nature
pécuniaire. La valeur déterminante est celle de l'intérêt de la société au
maintien des décisions contestées, intérêt dont la valeur est en principe plus
élevée que celle de l'intérêt personnel de l'actionnaire demandeur (ATF 133 III
368 consid. 1.3.2 et les arrêts cités).
En l'occurrence, la valeur litigieuse - que le Tribunal fédéral fixe selon son
appréciation lorsque les conclusions, comme dans le cas présent, ne tendent pas
au paiement d'une somme d'argent déterminée (art. 51 al. 2 LTF) - correspond à
l'intérêt de la société intimée au maintien de la décision prise par
l'assemblée générale le 24 juin 2010, laquelle a accordé la décharge aux
administrateurs pour leur activité durant l'exercice 2009. La décharge exclut
que la société puisse exercer l'action sociale hors faillite de l'art. 756 CO
(cf. BERNARD CORBOZ, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II,
2008, n° 7 ad art. 758 CO). Partant, à supposer que la décision de décharge
soit annulée et que la société intimée soit contrainte par l'assemblée générale
de faire valoir une créance en dommages-intérêts contre une partie des membres
du conseil d'administration en raison de la perte nette d'exploitation qu'elle
a subie au cours de l'exercice 2009, laquelle se monte à 2'206'610 fr., elle
s'exposerait à devoir avancer d'importants frais de justice, lesquels, à vues
humaines, devraient dépasser le seuil de 30'000 fr. ouvrant la voie du recours
en matière civile selon l'art. 74 al. 1 let. b LTF.
Il suit de là que le recours en matière civile doit être reçu ratione valoris,
ce qui entraîne ipso facto l'irrecevabilité du recours constitutionnel (art.
113 LTF).

1.2 Interjeté pour le reste par la partie demanderesse qui a succombé dans son
action en annulation de la décision de l'assemblée générale accordant décharge
au conseil d'administration et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76
al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile
(art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière
instance cantonale (art. 75 LTF), le recours est par principe recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.
Il faut observer que l'arrêt attaqué est fondé sur une double motivation: d'une
part, l'irrecevabilité de l'action en annulation de la décision de décharge
litigieuse découle du fait qu'elle est subsidiaire à l'action en responsabilité
contre deux administrateurs de la défenderesse intentée par la demanderesse à
raison des mêmes faits; d'autre part, elle résulte aussi de l'absence d'intérêt
juridique de la demanderesse à obtenir l'annulation de la décision de
l'assemblée générale en question. Se conformant à l'exigence de recevabilité
posée par la jurisprudence (ATF 138 I 97 consid. 4.1.4 p. 100), la recourante a
attaqué chacune de ces deux motivations alternatives.

1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui
ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331
consid. 1.3 p. 336; 137 II 313 consid. 1.4 p. 317 s.). Compte tenu de
l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine
d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait
une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580
consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne
peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été
établies de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356)
- ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136
I 184 consid. 1.2 p. 187). Une rectification de l'état de fait ne peut être
demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
Le litige soumis au Tribunal fédéral ne comporte plus que le volet se
rapportant à l'annulation du vote de décharge de l'assemblée générale de
l'intimée. Il n'y a pas lieu de revenir sur la question afférente à
l'affectation du résultat de l'exercice 2009 de cette société, laquelle n'est
plus discutée.

3.
La recourante prétend que l'autorité cantonale a retenu, en violation de l'art.
706 CO, qu'elle n'avait pas d'intérêt juridique à obtenir l'annulation de la
décision de décharge contestée. A l'en croire, pour que l'action en annulation
soit recevable, il suffit que l'actionnaire demandeur entende préserver les
intérêts de la société et que la situation de la société, mais pas forcément
celle dudit actionnaire, soit modifiée en cas d'admission de l'action. Or la
situation juridique de l'intimée serait modifiée en cas d'admission de l'action
en annulation de la recourante, puisque, faute de décharge, la société pourrait
agir elle-même en responsabilité à l'encontre des administrateurs. Affirmer, à
l'instar de la cour cantonale, qu'il est « purement hypothétique » que
l'intimée décide elle-même d'ouvrir une action en responsabilité ne permettrait
pas de nier à la recourante tout intérêt juridique à l'action en annulation.
Cela d'autant que le conseil d'administration de l'intimée, qui peut décider
lui-même d'intenter l'action sociale, ne serait plus exclusivement composé de
personnes soumises au contrôle du groupe Z.________ et que le groupe précité
pourrait peut-être céder sa participation majoritaire au sein de l'intimée. La
recourante se réfère encore à la protection des droits des actionnaires
minoritaires et prétend que si la décharge est votée, les créanciers sociaux,
en cas de faillite subséquente de l'intimée, ne pourraient plus exercer
l'action en responsabilité contre les administrateurs prévue par l'art. 757 CO.

3.1 Selon l'art. 706 CO, chaque actionnaire peut attaquer en justice les
décisions de l'assemblée générale qui violent la loi ou les statuts (al. 1).
Sont en particulier annulables les décisions qui suppriment ou limitent les
droits des actionnaires en violation de la loi ou des statuts (al. 2 ch. 1),
suppriment ou limitent les droits des actionnaires d'une manière non fondée
(al. 2 ch. 2), entraînent pour les actionnaires une inégalité de traitement ou
un préjudice non justifiés par le but de la société (al. 2 ch. 3) ou suppriment
le but lucratif de la société sans l'accord de tous les actionnaires (al. 2 ch.
4). Comme l'indique l'usage par l'art. 706 al. 2 in initio CO des termes «en
particulier », la liste des motifs d'annulation des décisions de l'assemblée
générale donnée par cette norme n'est pas exhaustive (cf. p. ex. PETER
FORSTMOSER ET AL., Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 25 ch. 13 p. 249).
L'action formatrice prévue par l'art. 706 CO tend à l'annulation rétroactive de
la décision de l'assemblée générale qui est attaquée et le jugement qui l'admet
est opposable à tous les actionnaires, chacun d'eux pouvant s'en prévaloir
(art. 706 al. 5 CO; ATF 122 III 279 consid. 2 p. 281).
Cette action est ouverte, notamment, aux actionnaires de la société; elle est
dirigée contre celle-ci (art. 706 al. 1 CO). Selon la jurisprudence, celui qui
l'intente doit posséder un intérêt juridique personnel à l'annulation de la
décision litigieuse, en ce sens que la constatation ou la modification demandée
doit lui être utile, en ayant des effets positifs sur sa situation juridique (
ATF 133 III 453 consid. 7 p. 456; 122 III 279 consid. 3a p. 282). Cependant, il
convient de donner une définition large d'un tel intérêt, puisque la
jurisprudence considère comme suffisante, sauf abus de droit, l'intention de
préserver les intérêts de la société. Il n'en demeure pas moins nécessaire,
dans ce cas aussi, que la situation juridique de l'actionnaire demandeur soit
effectivement modifiée par un jugement qui admettrait son action (ATF 122 III
279 consid. 3a p. 282; PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 16
ch. 107 p. 2287/2288; PETER/CAVADINI, in Commentaire romand, Code des
obligations, vol. II, 2008, n° 11 ad art. 706 CO).

3.2 La décharge est une décision de l'assemblée générale par laquelle la
société renonce à intenter une action en responsabilité à l'encontre de l'un
des organes (GERICKE/WALLER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. II,
4e éd. 2012, n° 2 ad art. 758 CO; BERNARD CORBOZ, in Commentaire romand, op.
cit., n° 1 ad art. 758 CO).
Il est donc incontestable que si la décision de décharge prise le 24 juin 2010
devait être annulée, l'intimée retrouverait la possibilité d'exercer l'action
sociale hors faillite de l'art. 756 CO.
La décision d'intenter l'action sociale peut être prise par l'assemblée
générale (GERICKE/WALLER, op. cit., n° 4 ad art. 756 CO) ou par le conseil
d'administration de la société lésée (CORBOZ, op. cit., n° 4 ad art. 756 CO).
In casu, en tenant compte des abstentions, le 63,64% de l'actionnariat de
l'intimée a voté en faveur de la décharge. A défaut d'autres éléments, on ne
voit pas que l'assemblée générale puisse refuser la décharge dans un nouveau
vote. Cette éventualité pourrait tout au plus entrer en considération si le
premier vote avait été très serré, ce qui, ainsi que l'on vient de le voir,
n'est pas le cas. Lorsque la recourante allègue que le groupe d'actionnaires
majoritaires, liés par une entente informelle, pourrait céder ses actions à des
tiers susceptibles d'exprimer une autre opinion lors du vote de décharge, elle
invoque des faits hypothétiques, qui n'ont pas été retenus par la cour
cantonale et qui sont ipso facto irrecevables (art. 99 al. 1 LTF).
De manière générale, un conseil d'administration sera peu enclin à ouvrir
action en responsabilité contre tout ou partie de ses membres. Pour parer à ce
constat, la recourante soutient que le conseil d'administration de l'intimée
n'est plus exclusivement constitué de personnes émanant du groupe
d'actionnaires majoritaires. Mais il s'agit derechef d'un fait nouveau
irrecevable, non constaté par la Cour de justice (cf. art. 99 al. 1 LTF). La
recourante n'a ainsi pas été à même d'établir que si le vote de décharge du 24
juin 2010 était annulé, le conseil d'administration de l'intimée prendrait la
décision d'intenter l'action sociale.
Il suit de là qu'il n'est pas possible d'admettre que l'annulation de la
décision, prise par l'assemblée générale de l'intimée, d'accorder décharge à
son conseil d'administration pour l'exercice 2009 puisse modifier la position
juridique de la recourante.
La recourante revient à la charge en se référant en pure perte au concept de
protection des actionnaires minoritaires (cf. à ce propos: PETER V. KUNZ, Der
Minderheitenschutz im schweizerischen Aktienrecht, 2001, § 1, ch. 28 à 31, p.
10 s.). En effet, les actionnaires qui se sont opposés à la décharge, à
l'instar de la recourante qui détient 33,76% du capital-actions de l'intimée,
peuvent toujours exercer l'action sociale hors faillite, pour autant qu'ils
l'intentent dans le délai péremptoire de six mois à compter de la décharge
(art. 758 al. 2 CO). Si la recourante n'a pas agi dans le délai en question,
dont le dies a quo était le 24 juin 2010, elle ne doit s'en prendre qu'à
elle-même.
Enfin, la recourante a tort lorsqu'elle soutient que la décharge accordée aux
administrateurs peut influer sur la faculté pour les créanciers sociaux d'agir
en responsabilité contre les premiers dans la faillite de la société. En effet,
d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 132 III 564 consid. 3.2.2 et
les arrêts cités p. 570), lorsque la société tombe en faillite, la créance que
celle-ci pouvait faire valoir contre l'organe responsable est remplacée par une
créance de la communauté des créanciers. L'administration de la faillite est
habilitée en premier lieu à faire valoir cette créance en justice (art. 757 al.
1, 2e phrase, CO); si elle y renonce (art. 757 al. 2 CO), un créancier social
peut exiger la cession du droit d'agir et invoquer devant les tribunaux la
créance de la communauté des créanciers (ATF 132 III 564 ibidem). Or, quand
l'action est exercée par un créancier social, lequel agit alors sur la base
d'un mandat procédural (ATF 132 III 342 consid. 2.2), l'administrateur
défendeur ne peut pas faire valoir notamment les objections qu'il pourrait
opposer à la société, telles celles qui sont liées à l'existence d'une décharge
(GERICKE/WALLER, op. cit., n° 10 ad art. 758 CO; CORBOZ, op. cit., n° 13 ad
art. 757 CO).
En définitive, faute d'un intérêt juridique digne de protection de son auteur à
l'annulation de la décision litigieuse, l'action en annulation introduite par
la recourante doit être écartée.

3.3 Du moment que la motivation de la cour cantonale prise de l'absence
d'intérêt juridique de la recourante à obtenir l'annulation de la décision de
décharge est conforme au droit et qu'elle justifie donc l'arrêt attaqué, on
peut se dispenser de vérifier à nouveau si l'action en annulation de décisions
de l'assemblée générale, lorsqu'elle repose sur des faits qui peuvent faire
l'objet d'une action en responsabilité contre les organes de la société, est
subsidiaire à cette dernière action.

4.
Le recours doit être rejeté en tant qu'il est recevable. La recourante, qui
succombe, paiera les frais judiciaires et versera à l'intimée une indemnité à
titre de dépens (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

4.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre civile.

Lausanne, le 19 mars 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet