Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.612/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_612/2012

Arrêt du 19 février 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Me Jean-François Marti,
recourante,

contre

1. H.A.________,
2. F.A.________,
représentés par Me Karin Grobet Thorens, a
intimés.

Objet
bail à loyer; résiliation pour des motifs économiques; loyers usuels du
quartier,

recours contre l'arrêt de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice
du canton de Genève du 10 septembre 2012.

Faits:

A.
Par contrat de bail du 8 mai 1974, W.________ SA (devenue depuis lors
X.________ SA; ci-après: X.________) a donné en location à H.A.________ et
F.A.________ un appartement de six pièces d'une surface de 174 m2 situé au
deuxième étage de l'immeuble sis à la rue Charles-Sturm 20, à Genève. Depuis le
1er juillet 1994, le loyer, sans les charges, s'élève à 15'948 fr. par an, soit
1'329 fr. par mois.

Par avis officiel du 2 mars 2007, X.________ a résilié le bail pour le 30 juin
2007. Le congé a été signifié pour des motifs économiques, afin de relouer
l'appartement à un tiers pour un loyer supérieur.

B.
H.A.________ et F.A.________ ont saisi la Commission de conciliation en matière
de baux et loyers, laquelle a annulé la résiliation du bail.

X.________ a porté l'affaire devant le Tribunal des baux et loyers du canton de
Genève. Dans la procédure, elle a fait état d'objets comparatifs, décrits sur
des fiches, dont les loyers étaient censés être déterminants pour établir les
loyers usuels dans le quartier. Les locataires ont conclu à l'annulation du
congé et, subsidiairement, à la prolongation du bail pour une durée de quatre
ans échéant le 30 juin 2011. Par jugement du 17 septembre 2008, le tribunal a
annulé le congé; il a jugé qu'aucun des objets présentés par la bailleresse
n'était comparable à l'appartement occupé par les locataires et que X.________
n'avait ainsi pas démontré qu'elle pourrait relouer l'appartement à un tiers
pour un loyer non abusif supérieur au loyer payé par les locataires actuels.

Saisie par la bailleresse, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 19 juin 2009.

X.________ a interjeté un recours en réforme. Par arrêt du 15 décembre 2009
(cause 4A_412/2009; ATF 136 III 74), le Tribunal fédéral a admis partiellement
le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision. Il a jugé tout d'abord que la cour cantonale avait
violé l'art. 269a let. a CO en retenant comme quartier déterminant au sens de
cette disposition un périmètre très restreint, qui ne correspondait en
particulier ni à un quartier historique, ni à une entité administrative. Afin
d'éviter un renvoi inutile, la cour de céans a recherché ensuite si, parmi les
neuf objets situés dans ce périmètre trop limité et examinés par la cour
cantonale, il y avait tout de même les cinq exemples - exigés par la
jurisprudence pour constater les loyers usuels du quartier - comparables à
l'appartement occupé par les époux A.________; elle est arrivée à la conclusion
que tel n'était pas le cas. En conséquence, la cour cantonale était invitée à
déterminer si des éléments comparatifs qu'elle avait écartés d'emblée pouvaient
être considérés comme compris dans le même quartier que l'appartement de
référence et, le cas échéant, à procéder à la comparaison concrète.

Par arrêt du 29 mars 2010, la Cour de justice a renvoyé la cause au Tribunal
des baux et loyers pour instruction et nouvelle décision au sens des
considérants du Tribunal fédéral, avec possibilité pour les parties de
compléter leurs allégués.

Le 16 décembre 2010, le Tribunal des baux et loyers s'est rendu à la rue
Charles-Sturm 20 pour examiner l'immeuble et l'appartement en cause. Selon le
procès-verbal établi à cette occasion, l'immeuble a été construit en 1893; en
1979, les façades ont été rénovées et les fenêtres ont été pourvues d'un double
vitrage; l'entrée de l'immeuble est munie d'un code d'accès, sans interphone;
l'état général du bâtiment, à l'extérieur, est qualifié de moyen; le hall
d'entrée de l'immeuble et la cage d'escaliers sont en bon état; la cuisine - ni
agencée ni équipée - est ancienne et son état est qualifié de vétuste; le
système électrique est ancien; les WC et la salle de bains sont qualifiés
d'anciens et de vétustes; les pièces de l'appartement qui n'ont pas été
rénovées aux frais des locataires sont décrites comme vétustes.

Par jugement du 24 novembre 2011, le Tribunal des baux et loyers a derechef
annulé le congé notifié le 2 mars 2007. Dans sa décision, il a tout d'abord
délimité le quartier déterminant, dont les contours coïncident en grande partie
avec ceux préconisés par la bailleresse; le périmètre fixé comprend tous les
immeubles proposés à titre comparatif par la bailleresse, sauf l'exemple n° 46
sis au chemin de l'Escalade, au sud de la surface retenue. Vingt objets
comparatifs ont ainsi été examinés. Le tribunal en a écarté neuf qui se
trouvaient dans des immeubles édifiés plus de vingt ans avant ou après la
construction de l'immeuble de la rue Charles-Sturm 20. Le même sort a été
réservé à deux exemples qui présentaient une différence de surface de 25 à 30%
avec l'appartement litigieux. Sur les neuf objets comparatifs restants, le
tribunal a écarté les exemples nos 10, 12, 1, 27, 31 et 51 en raison de
divergences dans les équipements et les accessoires, ainsi que dans l'état de
l'immeuble et de l'appartement. Les derniers objets (nos 11, 21 et 33)
n'étaient pas en nombre suffisant pour pouvoir procéder à une comparaison
valable selon la jurisprudence.

Statuant le 10 septembre 2012 sur appel de X.________, la Chambre des baux et
loyers de la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle conclut à l'annulation
de l'arrêt cantonal, puis au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour
instruction complémentaire. A titre alternatif, elle demande au Tribunal
fédéral de constater la validité de la résiliation du 2 mars 2007 et de refuser
aux époux A.________ une prolongation du bail.

H.A.________ et F.A.________ concluent à la confirmation de l'arrêt attaqué et,
subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle
ordonne à la bailleresse de produire toutes pièces utiles en vue d'effectuer un
calcul de rendement.

Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours est interjeté par la partie qui a succombé en instance cantonale
(art. 76 al. 1 LTF). Il est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière
instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse
atteint le seuil de 15'000 fr. requis par l'art. 74 al. 1 let. a LTF en matière
de droit du bail à loyer (cf. arrêt de renvoi du 15 décembre 2009, consid. 1.1
non publié). Déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et art. 100 LTF) et la forme
(art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est en principe recevable.

1.2 Un arrêt de renvoi lie tant l'autorité cantonale à laquelle la cause est
renvoyée que le Tribunal fédéral ultérieurement saisi d'un recours contre la
nouvelle décision de l'autorité cantonale (cf. ATF 135 III 334 consid. 2).
Quant aux parties, elles ne peuvent pas faire valoir, dans un recours contre la
nouvelle décision cantonale, des moyens que le Tribunal fédéral avait
expressément rejetés dans l'arrêt de renvoi (cf. ATF 133 III 201 consid. 4.2)
ou qu'il n'avait pas eu à examiner, faute pour les parties de les avoir
invoqués dans la première procédure de recours, alors qu'elles pouvaient - et
devaient - le faire (cf. ATF 111 II 94 consid. 2).

Dans ces limites, un recours en matière civile peut être interjeté pour
violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF, y compris
les droits constitutionnels (ATF 134 III 379 consid. 1.2). Compte tenu de
l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine
d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait
une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384
consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Par exception à la règle
selon laquelle il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut
entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF).

Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la
base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne
peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement
inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

2.
La recourante se plaint d'une violation de son droit à la preuve au sens de
l'art. 8 CC et de l'ancien art. 274d al. 3 CO. A son avis, les juges genevois
auraient dû ordonner les mesures probatoires qu'elle réclamait, à savoir des
inspections locales des appartements comparatifs décrits dans les fiches
produites. Elle fait valoir en particulier que certains qualificatifs figurant
sur les fiches - comme "récent" ou "bon" - relèvent de la subjectivité de
l'auteur et que seul un transport sur place aurait permis de concrétiser et de
compléter son offre de preuve.

2.1 Le moyen tiré de la violation du droit à la preuve découlant de l'art. 8 CC
n'a pas de portée propre en l'occurrence, mais se confond avec le grief de la
violation de l'ancien art. 274d al. 3 CO (arrêt 4A_295/2010 du 26 juillet 2010
consid. 2.2.1; arrêt 4C.199/2000 du 21 décembre 2000 consid. 2c, in SJ 2001 I
p. 278).

Aux termes de l'ancien art. 274d al. 3 CO, le juge établit d'office les faits
et apprécie librement les preuves; les parties sont tenues de lui présenter
toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Cette disposition est
applicable aux procédures en cours à l'entrée en vigueur du CPC le 1er janvier
2011 (art. 404 al. 1 CPC; DAVID LACHAT, in Commentaire romand, 2e éd. 2012, n°
2 ad art. 274-274g CO; actuellement, art. 247 al. 1 et 2 let. a CPC qui
instaure, comme l'ancien art. 274d al. 3 CO, une maxime inquisitoire sociale,
notamment dans les litiges en rapport avec la résiliation d'un bail à loyer
[cf. art. 243 al. 2 let. c CPC]; cf. Message relatif au code de procédure
civile suisse du 28 juin 2006, FF 2006 6953 et 6956 ch. 5.16).

Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 274d al. 3 CO, la maxime
inquisitoriale sociale ne constitue pas une maxime officielle absolue. Le juge
ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'un plaideur renonce à expliquer
sa position, mais il doit interroger les parties et les informer de leur devoir
de collaborer à l'instruction et de fournir des preuves. Si des motifs
objectifs le conduisent à soupçonner que les allégations et offres de preuves
d'une partie sont lacunaires, il doit inviter celle-ci à compléter ses moyens (
ATF 136 III 74 consid. 3.1 p. 80; 125 III 231 consid. 4a p. 238 s.). La maxime
inquisitoire qui a cours en droit du bail ne permet pas d'étendre ad libitum la
procédure probatoire en recueillant toutes les preuves possibles; elle n'exclut
nullement une appréciation anticipée des preuves, à l'issue de laquelle le juge
renonce à en administrer de supplémentaires parce qu'il dispose déjà des
éléments nécessaires pour statuer (arrêt précité du 26 juillet 2010 consid.
2.2.2).

2.2 La cour cantonale, à la suite du Tribunal des baux et loyers, a éliminé de
la comparaison un objet en raison de sa situation (n° 46), neuf objets en
raison de la date de construction des immeubles qui les abritaient (nos 16, 22,
23ter, 23quinquies, 23sexies, 32, 47, 48 et 49) et deux objets en raison de
leur surface (nos 34 et 50). L'adresse d'un immeuble, les dates de construction
et les surfaces en cause sont des éléments - incontestés par les intimés - qui
ressortaient des fiches produites par la bailleresse et que le juge pouvait
manifestement tenir pour établis sans procéder à une instruction
complémentaire.

La cour cantonale a écarté six autres objets en se fondant sur les descriptions
figurant dans les fiches, relatives à l'état des immeubles et des appartements,
à l'âge des installations électriques, des cuisines et des sanitaires, à
l'équipement des cuisines, à la présence d'un interphone, d'un balcon ou d'une
place de parc, ainsi qu'à l'étage où se trouve l'appartement présenté à titre
comparatif. La recourante sous-entend que ces fiches sont lacunaires en ce sens
que les adjectifs utilisés pour qualifier l'état des immeubles et des
appartements ("bon" ou "excellent") ainsi que l'âge des équipements ("récent")
relèvent de la subjectivité et ne sont donc pas assez précis pour permettre une
comparaison concrète.

Il convient de rappeler au préalable que la maxime inquisitoriale sociale
n'impose pas au juge de se substituer au bailleur, auquel incombe le devoir de
fournir des fiches utiles à la comparaison avec l'appartement dont le congé a
été signifié pour des motifs économiques (arrêt précité du 26 juillet 2010
consid. 2.2.3). En l'espèce, le Tribunal des baux et loyers a procédé à une
inspection de l'appartement occupé par les intimés et de l'immeuble qui
l'abrite. Sur la base de cette mesure probatoire, il a été constaté notamment
que la cuisine, ancienne, n'était ni agencée, ni équipée et que le système
électrique ainsi que les sanitaires étaient anciens; l'état de la cuisine, des
sanitaires et des pièces non rénovées par les locataires a été qualifié de
vétuste. A partir de là, le Tribunal des baux et loyers, puis la Chambre des
baux et loyers devaient rechercher si les exemples proposés étaient comparables
à l'appartement litigieux. En ce qui concerne l'état des appartements
présentés, les fiches produites indiquaient quatre fois "excellent" et deux
fois "bon". Même si ces qualificatifs comportent une part de subjectivité, il
pouvait d'emblée être exclu que l'état des appartements soit comparable à celui
occupé par les intimés, qualifié de vétuste. De même, l'adjectif "récent"
utilisé dans toutes les fiches en cause pouvait sans autre être opposé au mot
"ancien", lequel qualifiait la cuisine, le système électrique et les sanitaires
de l'appartement de la rue Charles-Sturm 20. Les autorités cantonales n'ont dès
lors pas méconnu la maxime inquisitoriale d'office en considérant qu'elles
disposaient, entre le procès-verbal de l'inspection locale et les descriptions
même en partie subjectives figurant sur les fiches produites par la
bailleresse, des éléments nécessaires pour déterminer si les objets proposés
étaient comparables ou non à l'appartement loué par les intimés, sans qu'il se
justifie de procéder, en plus, à un transport sur place.

Le moyen tiré d'une violation de l'ancien art. 274d al. 3 CO se révèle mal
fondé.

3.
3.1 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir enfreint l'art. 269a
let. a CO et l'art. 11 OBLF. Premièrement, la délimitation du quartier
déterminant au sens de ces dispositions serait erronée et n'aurait pas dû
exclure des tronçons faisant partie du quartier de Champel Sud, à savoir
l'avenue Miremont, l'avenue Callas, l'avenue Beau-Séjour, l'avenue de Champel
et le chemin de l'Escalade (où se trouve l'objet comparatif n° 46 exclu par les
instances cantonales). Deuxièmement, la recourante est d'avis que la Chambre
des baux et loyers a écarté les objets comparatifs nos 10, 12, 15, 27, 31 et 51
en raison de différences qui ne sont pas déterminantes, comme par exemple la
présence d'un interphone ou la qualification éminemment subjective de l'état de
l'immeuble et de l'appartement. Elle voudrait également, dans le cadre d'une
"impression d'ensemble" des loyers du quartier, réintégrer dans la comparaison
les exemples écartés en raison de leur année de construction ou de leur
surface. Enfin, même si elle ne remet pas en cause le caractère trop général
des statistiques genevoises en matière de loyers, la recourante fait grief aux
juges cantonaux de ne pas les avoir prises en considération, car, selon elle,
ces données auraient corroboré l'impression d'ensemble qui se dégage des loyers
comparatifs produits, à savoir qu'elle est en mesure de relouer l'appartement
occupé par les intimés à un loyer mensuel supérieur à 1'329 fr. sans qu'un abus
puisse lui être imputé.

3.2 Une résiliation du bail motivée par des considérations économiques est
annulable si l'application de la méthode absolue permet d'exclure l'hypothèse
que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, notamment parce que
celui-ci est déjà conforme aux loyers usuels dans le quartier (art. 269a let. a
CO; ATF 136 III 74 consid. 2.1 p. 76 s. et les arrêts cités).

Selon l'art. 11 OBLF, les loyers déterminants pour la constatation des loyers
usuels, dans la localité ou le quartier, sont ceux des logements comparables à
la chose louée, quant à leur emplacement, dimension, équipement, état et année
de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers résultant de ce qu'un
bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). Les statistiques
officielles doivent être prises en considération (al. 4). En règle générale, le
juge doit disposer de cinq éléments de comparaison au moins. Il lui appartient
de procéder à des comparaisons concrètes. L'autorité cantonale de dernière
instance indiquera exactement les critères sur lesquels elle s'est fondée. Sur
cette base, le Tribunal fédéral contrôle librement si les loyers usuels dans le
quartier ou la localité sont établis conformément au droit fédéral (ATF 136 III
74 consid. 3.1 p. 79 s. et les arrêts cités).

La délimitation du quartier au sens de l'art. 269a let. a CO et de l'art. 11
al. 1 OBLF dépend avant tout de la situation de fait et de l'histoire des
lieux; s'il forme un ensemble sur les plans historique, géographique,
sociologique ou administratif, un quartier suppose une certaine étendue et ne
peut se limiter à quelques immeubles ou pâtés de maisons. Par sa connaissance
des circonstances locales, l'autorité cantonale est la mieux à même de cerner
le quartier dans un cas particulier. C'est pourquoi le Tribunal fédéral
n'interviendra qu'avec retenue, lorsqu'il ressort de la décision cantonale que
l'autorité précédente a méconnu la notion de quartier ou n'en a pas tenu
compte, qu'elle s'est fondée sur des faits qui ne devaient jouer aucun rôle ou,
au contraire, qu'elle n'a pas pris en considération des faits pertinents, ou
encore qu'elle a abouti à un résultat manifestement erroné (ATF 136 III 74
consid. 2.2.1 p. 77 s.)
3.2.1 La cause a été renvoyée à la cour cantonale afin notamment qu'elle
délimite à nouveau le quartier déterminant, en tenant compte des indications
rappelées ci-dessus. A son tour, la Chambre des baux et loyers a renvoyé
l'affaire au Tribunal des baux et loyers. Pour définir le quartier susceptible
d'abriter des immeubles de référence, le tribunal s'est fondé sur le découpage
administratif de la ville de Genève en sous-secteurs statistiques; dans le cas
particulier, la zone déterminante comprenait les sous-secteurs suivants:
Tranchées, Bourg-de-Four, rues Basses, Longemalle, Rond-Point de Rive, Glacis
de Rive, Villereuse, de Roches, Belmont, Krieg, Contamines, Florissant,
Miremont, Plateau de Champel, Parc Bertrand, Malombré et De-Beaumont. Cette
délimitation, qui est proche de celle défendue par la recourante, a été
confirmée par la cour cantonale.

Le découpage administratif de la ville est reconnu comme un facteur pouvant
être déterminant pour définir le quartier; par ailleurs, les autorités
cantonales ont tenu compte du fait que l'appartement litigieux se situait à la
limite de trois quartiers (cf. ATF 136 III 74 consid. 2.2.1 p. 78). Au surplus,
la motivation du grief s'épuise en l'affirmation du caractère erroné du
découpage incriminé, sans que la recourante ne démontre en quoi le périmètre
retenu méconnaîtrait la notion de quartier. Dans ces conditions, la cour de
céans, à laquelle s'impose une certaine réserve en la matière, ne peut que
rejeter le moyen fondé sur une prétendue violation de la notion de quartier.
3.2.2 En ce qui concerne le deuxième grief pris d'une violation des art. 269a
let. a CO et 11 OBLF, il convient de relever d'emblée que, contrairement à ce
que la recourante soutient en citant de manière inexacte la jurisprudence, la
détermination des loyers usuels du quartier ne s'effectue pas sur la base d'une
"impression d'ensemble"; en effet, un tel mode de procéder se heurterait à la
règle bien établie selon laquelle le juge doit se livrer à des comparaisons
concrètes, en fonction des critères énumérés à l'art. 11 OBLF (cf. arrêt 4A_573
/2008 du 24 avril 2009 consid. 2.4). De même, il a déjà été confirmé, dans
l'arrêt de renvoi, que des exemples situés dans des immeubles construits plus
de vingt ans avant ou après le bâtiment concerné, devaient être écartés de la
comparaison (ATF 136 III 74 consid. 3.2.1 p. 80 s.), à l'instar des objets
présentant une différence de surface d'environ 20% avec le logement en cause
(même arrêt consid. 3.2.2 p. 82). C'est donc à bon droit que la cour cantonale
a éliminé, pour l'un ou l'autre de ces motifs, les objets que la recourante
considère malgré tout comme révélateurs des loyers du quartier.

Il reste à examiner les six exemples écartés par les juges genevois sur la base
d'autres critères, soit essentiellement l'état et l'équipement de
l'appartement.

L'état de l'objet n° 10 est décrit comme "bon", ce qui le différencie
manifestement de l'état du logement à comparer, qualifié de "vétuste". Par
ailleurs, les installations électriques de l'exemple n° 10 sont récentes, alors
que celles de l'appartement de la rue Charles-Sturm 20 sont anciennes. Enfin,
quand bien même il n'est pas précisé si elle est récente ou non, la cuisine de
l'objet n° 10 est agencée et équipée, contrairement à celle de l'appartement
occupé par les intimés. Il s'agit là de trois différences notables qui
permettaient déjà à la cour cantonale d'éliminer l'objet n° 10 de la
comparaison.

L'état de l'objet n° 12 est qualifié d'"excellent"; les installations
électriques de cet appartement sont récentes; la cuisine est équipée; les
sanitaires sont récents, ce qui n'est pas le cas des WC et de la salle de bains
du logement à comparer, qui ont été qualifiés d'anciens à l'issue de
l'inspection locale du Tribunal des baux et loyers. Là aussi, l'objet n° 12 se
distingue notablement de l'appartement faisant l'objet du bail litigieux en
tout cas sur quatre éléments, ce qui suffit à nier son caractère comparable.

L'objet n° 15 présente un bon état d'entretien; la cuisine est équipée et
récente; les toilettes sont récentes. Sur cette base, il pouvait déjà être
écarté de la comparaison.

L'objet n° 27 est dans un état qualifié d'"excellent"; les installations
électriques sont récentes; la cuisine, agencée et équipée, est récente. A
l'instar de l'objet n° 10, l'objet n° 27 présente, sur ces points, des
différences notables avec l'appartement de référence, qui justifient à elles
seules sa mise à l'écart de la comparaison.

En ce qui concerne l'état de l'appartement, l'âge des installations électriques
ainsi que l'équipement et l'âge de la cuisine, les objets nos 31 et 51
présentent les mêmes caractéristiques que l'objet n° 27. Comme ce dernier, ces
deux exemples ne pouvaient donc être considérés comme comparables à
l'appartement occupé par les intimés.

En conclusion, la cour cantonale n'a pas méconnu les principes découlant de
l'art. 269a let. a CO et de l'art. 11 al. 1 OBLF en écartant de la comparaison
les six appartements précités.
3.2.3 Sur les vingt-et-un objets comparatifs finalement produits par la
recourante, la Chambre des baux et loyers en a éliminé à juste titre dix-huit,
soit un parce qu'il est situé hors du quartier déterminant (exemple n° 46;
consid. 3.2.1 supra), neuf parce qu'ils se trouvent dans un immeuble construit
plus de vingt ans avant ou après le bâtiment de référence (nos 16, 22, 23ter,
23quinquies, 23sexies, 32, 47, 48 et 49; consid. 3.2.2 supra), deux en raison
de leur surface se différenciant trop de celle de l'appartement à comparer (nos
34 et 50; consid. 3.2.2 supra) et six pour des motifs liés à l'état et à
l'équipement du logement (nos 10, 12, 15, 27, 31 et 51 consid. 3.2.2 supra). Il
reste ainsi trois objets (nos 11, 21 et 33), ce qui, en tout état de cause, ne
constitue pas un nombre suffisant d'exemples permettant d'établir les loyers
usuels du quartier conformément à la jurisprudence citée plus haut (consid.
3.2).

C'est le lieu de rappeler, comme la recourante le reconnaît du reste, que
d'autres éléments de comparaison ne peuvent être déduits de manière assez
précise des statistiques genevoises. En effet, le Tribunal fédéral a eu
l'occasion de juger à plusieurs reprises que les statistiques cantonales
genevoises ne constituaient pas des statistiques au sens de l'art. 11 al. 4
OBLF, faute de données suffisamment différenciées sur les éléments essentiels
nécessaires à des comparaisons concluantes, à savoir l'emplacement, la
dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (ATF 123 III 317
consid. 4c/cc p. 324 s.; arrêt 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.4; cf.
également arrêt 4A_3/2011 du 28 février 2011 consid. 5.1; arrêt 4A_250/2012 du
28 août 2012 consid. 2.4). Il ne saurait dès lors être question de confirmer,
au moyen de statistiques non relevantes, l'"impression d'ensemble" qui, selon
la recourante, se dégagerait des objets décrits sur les fiches produites et
qui, de toute manière, n'est pas pertinente.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

En conséquence, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art.
66 al. 1 LTF) et versera des dépens aux intimés (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de
3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 19 février 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Godat Zimmermann