Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.576/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_576/2012

Arrêt du 28 février 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Kolly et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Antonio Rigozzi,
recourant,

contre

Fédération Internationale d'Haltérophilie, représentée par Me Yvan Henzer,
intimée.

Objet
arbitrage international en matière de sport,

recours en matière civile contre la sentence rendue le
23 juillet 2012 par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Faits:

A.
A.a X.________ est un haltérophile ... de haut niveau qui fait partie de
l'équipe nationale ... d'haltérophilie.

La Fédération Internationale d'Haltérophilie (ci-après: l'IWF, selon son
acronyme anglais), qui a son siège à Lausanne et ses bureaux à Budapest
(Hongrie), est une association de droit suisse, reconnue par le Comité
International Olympique (CIO), dont les membres sont les fédérations nationales
d'haltérophilie.
A.b Dans la matinée du 2 septembre 2010, le laboratoire de ..., accrédité par
l'Agence Mondiale Antidopage (AMA), a soumis X.________ à un premier contrôle
antidopage qui s'est révélé négatif.

Au cours de la même journée, l'haltérophile ... a subi un second contrôle
antidopage hors compétition, organisé par l'IWF. Le laboratoire de Cologne
(Allemagne), également accrédité par l'AMA, qui a procédé à l'analyse des
échantillons d'urine de l'haltérophile, y a décelé la présence de boldénone et
de métabolites de boldénone. La boldénone est un stéroïde anabolisant qui
figure sur la liste des substances interdites établie par l'AMA.

Le 3 octobre 2011, la Commission antidopage de l'IWF a suspendu X.________ pour
une durée de quatre ans à compter du 30 septembre 2010, date de sa suspension
provisoire.

B.
Le 25 octobre 2011, X.________ a déposé une déclaration d'appel devant le
Tribunal Arbitral du Sport (TAS).

Après avoir instruit la cause, la Formation de trois arbitres présidée par le
professeur Ulrich Haas, statuant le 23 juillet 2012, a admis partiellement
l'appel et réduit de quatre à deux ans la période de suspension imposée à
l'appelant. Elle a retenu en bref, dans sa sentence, que la violation des
règles antidopage imputée à l'haltérophile ... était avérée, nonobstant les
dénégations de l'intéressé fondées sur les modalités du transfert des
échantillons de ... à Cologne, d'une part, et sur la méthode d'analyse
appliquée par le laboratoire allemand, d'autre part. Cependant, à ses yeux, la
réglementation antidopage édictée par l'IWF, étant donné son manque de clarté,
devait être interprétée contra proferentem de manière à être en accord avec
celle de l'AMA qui prévoit une suspension de deux ans pour une première
infraction aux règles antidopage, en l'absence de circonstances aggravantes ou
atténuantes.

C.
Le 28 septembre 2012, X.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en
matière civile au Tribunal fédéral en vue d'obtenir l'annulation de la sentence
du TAS.

Dans sa réponse du 16 novembre 2012, l'IWF (ci-après: l'intimée) a conclu au
rejet du recours. Le TAS en a fait de même dans sa réponse du 30 novembre 2012
à laquelle étaient annexées les observations formulées le 29 du même mois par
le président de la Formation au nom de celle-ci.

Les parties ont maintenu leurs conclusions respectives à l'occasion d'un second
échange d'écritures (réplique et triplique du recourant des 20 décembre 2012 et
15 janvier 2013, duplique et quadruplique de l'intimée des 14 et 17 janvier
2013).

Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Le
TAS a rendu sa sentence en anglais. Dans les mémoires qu'elles ont adressés au
Tribunal fédéral, les parties ont utilisé le français, si l'on excepte la
Formation dont les observations présidentielles ont été formulées en allemand.
Dès lors, conformément à la règle générale, le présent arrêt sera rédigé en
français.

2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues
par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).
Le siège du TAS se trouve à Lausanne. L'une des parties au moins -en
l'occurrence, le recourant - n'avait pas son domicile en Suisse au moment
déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables
(art. 176 al. 1 LDIP).
La sentence attaquée revêt un caractère final et peut donc être attaquée pour
l'ensemble des motifs prévus à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le recourant n'en invoque
pas d'autres. En conformité avec l'art. 77 al. 2 in fine LTF, il a pris une
conclusion purement cassatoire.

Le recourant, qui a participé à la procédure devant le TAS, est
particulièrement touché par la sentence attaquée, car celle-ci lui impose une
suspension de deux ans, quand bien même la durée de cette mesure a été réduite
de moitié par l'instance d'appel. Il a ainsi un intérêt personnel, actuel et
digne de protection à ce que cette sentence n'ait pas été rendue en violation
des garanties découlant de l'art. 190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité
pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Il est vrai que l'actualité de cet intérêt
pourrait être mise en doute dès lors que la sanction prononcée a pris fin le 30
septembre 2012, deux jours seulement après le dépôt du recours. Dans des
situations comparables, il est arrivé au Tribunal fédéral de déclarer le
recours sans objet (cf. arrêt 4A_134/2012 du 16 juillet 2012 consid. 2, relatif
à un arbitrage interne; arrêt 4A_636/2011 du 18 juin 2012 consid. 2.3).
Toutefois, le cas particulier se distingue de ces deux précédents, et
singulièrement du dernier cité, dans la mesure où le recourant démontre de
manière crédible, sans être contredit par l'intimée, en quoi il peut faire
valoir un intérêt actuel à l'annulation de la sentence entreprise. Pareil
intérêt réside dans le risque auquel s'expose le recourant, qui entend
poursuivre sa carrière sportive, d'être puni selon le régime plus sévère de la
récidive, si ladite sentence entre en force de chose jugée et qu'il vienne à
commettre une autre infraction à l'avenir.

Point n'est besoin d'examiner ici la question - controversée - de savoir si le
recours en matière civile est soumis à la condition d'une valeur litigieuse
minimale lorsqu'il a pour objet une sentence arbitrale internationale. A
supposer que ce soit le cas, cette condition serait, en effet, remplie in casu.
..., le recourant, du fait de sa suspension, a été empêché de participer aux
Jeux olympiques de Londres (27 juillet - 12 août 2012), notamment. Or, la
participation à une compétition de cette importance représente sans nul doute,
pour un sportif d'un tel niveau, un enjeu financier qui dépasse largement le
seuil de 30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF pour la recevabilité du
recours en matière civile.

Le recours a été déposé dans la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF). Il
l'a été en temps utile, c'est-à-dire dans les 30 jours suivant la notification
de l'expédition complète de la sentence originale (art. 100 al. 1 LTF; arrêt
4A_110/2012 du 9 octobre 2012 consid. 1).

Rien ne s'oppose, partant, à l'entrée en matière. Ce faisant, la Cour de céans
ne suivra pas l'ordre des griefs proposé par le recourant. Il paraît, en effet,
plus logique de commencer par l'examen de ceux qui se rapportent à la collecte
des échantillons avant de traiter, au besoin, les moyens relatifs aux modalités
et aux résultats de l'analyse des échantillons. Aussi bien, l'admission de l'un
ou l'autre des griefs touchant les circonstances du transfert des échantillons
de ... à Cologne entraînerait nécessairement l'annulation de la sentence
attaquée, que l'analyse subséquente des échantillons en laboratoire ait été
affectée de vices ou non.

3.
3.1 Invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le recourant reproche à la
Formation d'avoir rendu une sentence contraire à l'ordre public en le privant
de son droit d'exercer sa profession pour une durée de deux ans sur la base de
l'analyse d'échantillons dont la traçabilité entre le moment de leur collecte
et celui de leur arrivée au laboratoire n'est pas assurée. A son avis, quand
bien même aucune règle antidopage n'aurait été violée, un État de droit ne
saurait se passer d'une chaîne de possession permettant d'assurer la
traçabilité de l'échantillon, autrement dit d'acquérir la certitude que
l'échantillon analysé est bien celui qui a été fourni par le sportif soupçonné
de s'être dopé.

3.2 Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les
valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions
prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique
(ATF 132 III 389 consid. 2.2.3).
3.2.1 La chaîne de possession ou chaîne de sécurité (en anglais: the chain of
custody) vise à assurer le suivi d'un échantillon individuel. Elle comprend
deux éléments: la chaîne de possession externe, qui permet de retracer le
parcours de l'échantillon entre le site de la collecte et le laboratoire afin
d'établir la filiation univoque de l'échantillon analysé, c'est-à-dire
d'attribuer cet échantillon au sportif qui l'a fourni et à lui seul; la chaîne
de possession interne, qui permet de reconstituer le processus d'analyse et
assure la traçabilité de l'échantillon au cours de ce processus (voir le
document technique TD2009LCOC de l'AMA reproduit sous le n. 63 de la sentence
attaquée).
En l'espèce, seule la chaîne de possession externe forme l'objet du grief
considéré. Le recourant voudrait en faire une question de principe qu'il
conviendrait de résoudre, selon lui, en appliquant la maxime dite de l'éléphant
(cf. Lord Justice Stuart-Smith, in Cadogan Estates Ltd v. Morris EWCA Civ 1671
[4 novembre 1998], par. 17: "it is difficult to describe, but you know it when
you see it"). Quel que soit le poids de ce dernier argument, il n'est pas
certain qu'il y soit fondé, s'agissant d'un problème qui relève de la preuve
lato sensu en matière de droit disciplinaire sportif et dont le rattachement à
la notion spécifique de l'ordre public ne va pas de soi (cf. l'arrêt 4A_488/
2011 du 18 juin 2012 consid. 6.2). En tout état de cause, les considérations
émises ci-après rendent superflu l'examen de cette question.
3.2.2 La Formation décrit, en substance, comme il suit les modalités de la
collecte des échantillons d'urine du recourant ainsi que le parcours de ceux-ci
jusqu'au laboratoire allemand (sentence, n. 6 à 9).
En date du 2 septembre 2010, le recourant a été soumis à un second contrôle
hors compétition effectué à ... par deux préposés au contrôle antidopage de
l'IWF nommément désignés dans la sentence. A cette occasion, il a signé, avec
son directeur d'équipe, un formulaire indiquant le numéro de code attribué aux
récipients contenant les échantillons A et B de son urine et attestant la
régularité de la procédure de collecte de ceux-ci. De retour à leur hôtel, les
préposés ont rangé les échantillons dans le minibar de leur chambre avant de
les transporter dans leurs bagages enregistrés sur un vol commercial qui est
arrivé à Budapest le 4 septembre 2010. Les échantillons ont alors été
entreposés dans un espace de stockage sécurisé appartenant à l'agence hongroise
antidopage, puis ont été transportés, le 9 septembre 2010, par une entreprise
spécialisée jusqu'au laboratoire de Cologne où ils sont arrivés le lendemain.
Selon les déclarations faites par la directrice de cette agence, l'intégrité et
l'identité des échantillons n'ont pas été compromises durant leur transport et
leur entreposage. Pour sa part, le laboratoire allemand a indiqué que les
sceaux dont étaient munis les récipients contenant les échantillons étaient
intacts.

Dans son analyse juridique du cas, la Formation souligne que la chaîne de
possession externe ne constitue pas une simple formalité, mais poursuit un but
spécifique, qui est de faire en sorte que "the Samples and the results
generated by the laboratory can be unequivocally linked to the Athlete"
(extrait du document technique précité dont l'AMA donne la traduction suivante:
"permet[tre] d'établir la filiation univoque des Échantillons et des résultats
générés par le Laboratoire au Sportif"). Pour elle, ce lien est établi en
l'espèce. Et les arbitres d'énumérer ainsi les circonstances qui leur ont
permis de tirer cette conclusion (sentence, n. 65):

- le recourant a subi un contrôle antidopage;
- le recourant a reconnu que les échantillons étaient scellés;
- les récipients contenant les échantillons (Berlinger kit) ont été
spécialement conçus pour assurer la traçabilité et prévenir les
manipulations;
- les récipients ont été placés dans des sacoches scellées par des
clips numérotés;
- les sacoches ont ensuite été placées dans une valise cadenassée
qui a été transportée à l'aéroport de ... et enregistrée person-
nellement par les préposés au contrôle antidopage de l'IWF pour le
vol à destination de Budapest;
- les sacoches sont arrivées à Budapest - en même temps que les
préposés - le 4 septembre 2010 et ont été apportées à l'agence
hongroise antidopage où elles ont été entreposées jusqu'au
9 septembre 2010;
- les sacoches ont ensuite été amenées par la société de transport
Z.________ au laboratoire de Cologne qui les a reçues
le 10 septembre 2010;
- à réception des sacoches, le laboratoire de Cologne a constaté que
les sceaux et les échantillons étaient intacts;
- le Dr A.________ qui avait assisté à l'analyse de l'échantillon B, a
confirmé que cet échantillon, portant le numéro de code 1,
était correctement fermé et scellé avec le bouchon de sécurité vert
portant le numéro de code 2.

La Formation souligne, par ailleurs, que, dans le cas particulier, il n'existe
pas d'indices dont on pourrait inférer que la qualité des échantillons n'était
pas bonne au moment de leur analyse; en effet, aucune dégradation n'a pu être
mise en évidence, que ce soit dans les échantillons du recourant ou dans ceux
d'autres athlètes qui avaient été transportés et analysés au laboratoire de
Cologne en même temps que les échantillons du recourant. Elle relève, en outre,
que l'expert de ce dernier, le dénommé B.________, a déclaré, lors de son
audition, qu'il n'avait pas eu la moindre préoccupation quant aux conditions
dans lesquelles se trouvaient les échantillons. Aussi, pour elle, les résultats
générés par le laboratoire de Cologne peuvent-ils être rattachés de manière
univoque au recourant, de sorte que la chaîne de possession externe a été
suffisamment établie.
Il appert de ce qui précède que, pour la Formation, la procédure de la chaîne
de possession externe a été respectée en l'occurrence. Semblable conclusion
découle d'une appréciation des preuves et, comme telle, échappe à l'examen du
Tribunal fédéral. Bien qu'il s'en défende, le recourant s'en prend à cette
appréciation, par une argumentation de nature manifestement appellatoire au
demeurant, lorsqu'il allègue diverses circonstances dont il infère que la
chaîne de possession externe n'aurait pas été établie dans la présente espèce
(prétendue absence d'identification de l'hôtel dans lequel sont descendus les
préposés au contrôle antidopage de l'IWF, de la chambre qu'ils y ont occupée,
du vol qu'ils ont emprunté pour rentrer à Budapest et du bagage contenant les
échantillons qui a été placé dans la soute de l'avion, etc.). Il ne fournit, du
reste, aucune explication susceptible de rendre plausible une manipulation
erronée des échantillons, voire l'intervention dolosive d'un tiers qui aurait
été à même de contaminer ses échantillons ou de leur en substituer d'autres, en
conservant le même numéro d'identification, sans laisser de traces.

Dès lors, le reproche qu'il fait à la Formation d'avoir rendu, sur ce point,
une sentence incompatible avec l'ordre public tombe à faux.

4.
Dans un autre groupe de moyens, le recourant soutient que deux des arguments
invoqués par lui devant le TAS en rapport avec la manière dont l'analyse de ses
échantillons avait été effectuée par le laboratoire de Cologne ont donné lieu à
une violation de son droit d'être entendu en procédure contradictoire.

4.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et
190 al. 2 let. d LDIP, n'a en principe pas un contenu différent de celui
consacré en droit constitutionnel (ATF 127 III 576 consid. 2c; 119 II 386
consid. 1b; 117 II 346 consid. 1a p. 347). Ainsi, il a été admis, dans le
domaine de l'arbitrage, que chaque partie avait le droit de s'exprimer sur les
faits essentiels pour le jugement, de présenter son argumentation juridique, de
proposer ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux
séances du tribunal arbitral (ATF 127 III 576 consid. 2c; 116 II 639 consid. 4c
p. 643).

Le droit d'être entendu impose également aux arbitres un devoir minimum
d'examiner et de traiter les problèmes pertinents Ce devoir est violé lorsque,
par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en
considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés
par l'une des parties et importants pour la décision à rendre (ATF 133 III 235
consid. 5.2).
4.2
4.2.1 Pour saisir la portée des griefs formulés par le recourant au titre de la
prétendue violation de son droit d'être entendu, il convient de résumer la
motivation du passage de la sentence attaquée consacré à l'analyse des
échantillons (n. 67 à 85).

La Formation rappelle, tout d'abord, le principe cardinal de la réglementation
de l'intimée, repris du Code Mondial Antidopage, selon lequel un laboratoire
accrédité par l'AMA est présumé avoir effectué l'analyse des échantillons
conformément au standard international pour les laboratoires (ISL, pour
International Standard for Laboratories), de sorte qu'il appartient au sportif
de renverser cette présomption en démontrant qu'un écart par rapport à ce
standard est survenu et pourrait raisonnablement avoir causé le résultat
d'analyse anormal. Examinant ensuite les différentes critiques formulées par le
recourant quant aux modalités de l'analyse de l'échantillon A, elle se demande,
en premier lieu, si le laboratoire allemand devait procéder à une analyse du
rapport isotopique par spectrométrie de masse (IRMS, pour Isotope Ratio Mass
Spectrometry), en plus de la chromatographie en phase gazeuse couplée à la
spectrométrie de masse (GC/MS, pour Gas Chromatography/Mass Spectrometry). Elle
y répond par l'affirmative au motif que, dans une remarque figurant en note de
pied d'un document technique de l'AMA, il est indiqué que, dans des cas
individuels extrêmement rares, la boldénone peut être retrouvée de façon
endogène et à des niveaux constants très bas de quelques nanogrammes par litre
dans les urines, si bien qu'il se justifie, quand un niveau très bas de
boldénone est rapporté par le laboratoire, d'appliquer une méthode d'analyse
fiable, telle l'IRMS, pour démontrer que la substance est d'origine exogène et
exclure ainsi l'hypothèse d'un faux positif (le sportif n'était pas dopé malgré
le résultat d'analyse anormal). La Formation, constatant que le laboratoire de
Cologne a bel et bien effectué une analyse IRMS de l'échantillon A, vérifie, en
deuxième lieu, s'il l'a fait correctement. A cet égard, le recourant, sur le vu
du document technique TD2004EAAS de l'AMA, avait invoqué la nécessité de
procéder à une analyse en deux temps: une GC/MS, pour identifier la substance
interdite, et une IRMS, qui ne permet pas d'identifier une substance, pour
démontrer le caractère exogène de la substance identifiée; selon lui,
l'échantillon A n'avait pas été soumis à cette double analyse, en violation de
la norme technique précitée, de sorte que le lien nécessaire entre les deux
volets de l'analyse ("required link") n'avait pas été établi. La Formation
aboutit à la conclusion inverse, tout en laissant ouverte la question de savoir
si la nécessité de l'existence d'un tel lien peut être déduite du document
technique TD2004EAAS de l'AMA, ce dont elle déclare douter. A son avis, le lien
requis est avéré pour l'une des substances détectées, à savoir les métabolites
de boldénone; partant, il est exclu que les pics obtenus au cours de l'analyse
IRMS puissent être attribués à d'autres substances qu'à ces métabolites
identifiés dans l'échantillon fourni par le recourant. En troisième lieu, la
Formation réfute l'argument de ce dernier relatif à une supposée violation de
l'ISL par le laboratoire de Cologne. Elle se penche, en dernier lieu, sur le
prétendu devoir, déduit par le recourant du document technique TD2010IDCR de
l'AMA, de procéder à un balayage complet ("full scan spectrum") afin d'éliminer
la possibilité que le résultat positif du test ait été causé par des pics de
coélution, c'est-à-dire des pics qui se chevauchent, ou par une simple
coïncidence. Elle observe, à ce propos, que les parties ne s'accordent pas sur
ce qu'il faut entendre par full scan spectrum, le recourant soutenant que le
balayage doit être exécuté pour chaque ion individuel, tandis que l'intimée
allègue qu'un seul balayage pour l'ensemble des ions est suffisant. La
Formation estime ne pas devoir trancher cette question. Elle s'en explique en
citant un passage d'une déclaration écrite, non contestée, émanant du
professeur C.________, directeur du laboratoire de Cologne et expert de
l'intimée. Selon la traduction française, faite par le recourant, de cette
déclaration rédigée en anglais, un "full scan data de l'échantillon A a été
obtenu de la première analyse de cet échantillon A selon la méthode GC/MS. La
seconde aliquote a été utilisée pour répéter la préparation de l'échantillon
(qui était en tout point identique) afin de prouver que les aliquotes d'urine
étaient identiques (confirmation), ce qui était le cas". En conclusion, la
Formation constate que l'analyse des échantillons a été effectuée dans le
respect de l'ISL, la présomption de conformité établie par la réglementation de
l'intimée n'ayant pas été renversée. Dès lors, pour elle, le recourant s'est
dopé.
4.2.2 Dans une première branche du moyen examiné, le recourant reproche à la
Formation d'avoir retenu le "lien nécessaire", dont il a été question plus haut
(cf. consid. 4.2.1), en violation de son droit d'être entendu en procédure
contradictoire. Selon lui, les arbitres auraient admis l'existence de ce lien
sur la seule base d'un document qu'ils s'étaient pourtant engagés envers les
parties à ne pas prendre en considération et qu'ils avaient même tenu à exclure
du dossier.
Les longs développements, de nature essentiellement appellatoire, qui figurent
dans le mémoire de recours (n. 46 à 64) et dans la réplique (n. 9 à 22), ne
suffisent pas à démontrer le bien-fondé de ce grief. Le recourant concède que
la Formation semble avoir tiré sa conclusion quant au fait que le lien requis
était avéré pour les métabolites de boldénone (sentence, n. 78) d'un passage de
la déclaration écrite du professeur C.________ (written statement du 24
novembre 2011) produite sous pièce 103 par l'intimée dans la procédure d'appel
(recours, n. 54). Il est exact que, dans le passage cité, le directeur du
laboratoire de Cologne et expert de l'intimée a admis l'existence du lien
litigieux (p. 4): " [a]dditionaly it was possible to identify Boldenone
metabolite (BM1) in the corresponding LC fraction of the A-sample". Dire si,
sur le vu de ce seul élément probatoire - i.e. en l'absence des documents sur
lesquels l'expert avait fondé son avis - la Formation pouvait tirer la même
conclusion est un problème qui relève de l'appréciation des preuves et qui est
soustrait, partant, à l'examen du Tribunal fédéral.

Malgré qu'en ait le recourant, il n'appert nullement des extraits du
procès-verbal de l'audience du TAS du 2 avril 2012 cités par lui (recours, n.
57 à 62; pce 4bis rec.) que la Formation ait fourni aux parties l'assurance
expresse qu'elle ne tiendrait pas compte de la déclaration écrite de l'expert
C.________. Pareille assurance ne visait, en effet, que les documents n'ayant
pas été versés au dossier du TAS, ce qui n'était pas le cas de cette
déclaration, puisque l'intimée l'avait annexée à sa réponse à l'appel comme
pièce 103. Du reste, dans le passage cité sous n. 61 du recours, le président
de la Formation a certes indiqué aux parties que celle-ci baserait sa sentence
sur les seuls documents en sa possession, à l'exclusion de documents
additionnels, mais il a toutefois apporté la précision suivante: "[a]nd of
course, the expert witness statements". Or, la déclaration en cause entrait
sans nul doute dans cette dernière catégorie, c'est-à-dire dans les éléments de
preuve que la Formation se réservait de retenir pour étayer sa sentence.

Pour le surplus, il ressort des explications fournies dans la réponse du TAS
que la Formation a estimé, lors de la susdite audience, que la production de
nouveaux documents à un stade aussi tardif de la procédure ne pouvait pas être
admise. C'est le lieu de rappeler que le droit à la preuve, qui constitue l'un
des éléments du droit d'être entendu, n'est pas violé si une mesure probatoire
n'a pas été requise en temps utile (arrêt 4A_150/2012 du 12 juillet 2012
consid. 4.1 et les arrêts cités). Le recourant ne peut donc pas venir se
plaindre aujourd'hui de la violation de son droit à la preuve s'il n'a pas
demandé suffisamment tôt la production des documents se rapportant à la
déclaration écrite du professeur C.________. Il y est d'autant moins légitimé
que, selon ses propres dires, l'auteur de cette déclaration avait reconnu, dans
celle-ci, ne pas avoir transmis ces documents au TAS (réplique, p. 5, note de
pied 3).

Enfin, les arguments avancés par le recourant aux pages 4 à 6 de sa réplique
(n. 13 à 22) sont formulés de manière par trop sibylline pour que la Cour de
céans puisse les prendre en considération.

Cela étant, le recourant se plaint à tort d'une violation de son droit d'être
entendu sur ce point.
4.2.3 Le recourant intitule ainsi la seconde branche du même moyen: "[v]
iolation du droit d'être entendu résultant de l'usage par le Tribunal arbitral
de précédentes sentences du TAS non soumises à un débat contradictoire (art.
190 al. 2 let. d)" (p. 16). Force est, toutefois, de constater qu'il n'est pas
du tout question de cela dans l'énoncé subséquent de ce grief où l'on cherche
d'ailleurs en vain la référence à de telles sentences.

En réalité, le recourant soulève ici le problème du full scan spectrum (cf.
consid. 4.2.1 ci-dessus). Selon lui, la Formation n'aurait pas du tout abordé
la question qu'il avait soulevée devant elle, à savoir le type de scan qu'il
aurait fallu exécuter: un scan pour chaque ion (thèse du recourant) ou un scan
pour tous les ions (thèse de l'intimée). Elle se serait reposée à tort sur le
fait que la déclaration du professeur C.________, citée sous n. 85 de la
sentence, n'avait pas été contestée, étant donné que cette déclaration n'avait
pas trait à la question soulevée. En effet, exécuter un full scan par GC/MS est
précisément ce que le recourant considère comme problématique du point de vue
des exigences prévues par le document technique TD2010IDCR de l'AMA (recours,
n. 71 à 78).

Le prétendu déni de justice formel invoqué par le recourant n'existe pas. Aussi
bien, la Formation a exposé la question soulevée par ce dernier (sentence, n.
82 à 84), puis a indiqué un motif - la déclaration écrite, non contestée, du
professeur C.________, citée sous n. 85 de la sentence, au sujet des full scan
data, - qui lui permettait, à son avis, de ne pas trancher cette question. A
supposer que le recourant ne cherche pas, sous le couvert du droit d'être
entendu, à provoquer, par ce biais, un examen de l'application du droit de
fond, ce que proscrit la jurisprudence en la matière (arrêt 4P.202/2003 du 24
novembre 2003 consid. 2.2 et les références), encore faudrait-il qu'il démontre
de manière un tant soit peu précise, s'agissant d'un problème éminemment
technique, en quoi le motif retenu par la Formation n'autorisait pas celle-ci à
se dispenser d'examiner la question litigieuse. Le simple fait d'alléguer que
l'exécution d'un full scan par GC/MS est problématique au regard des exigences
prévues par un document technique de l'AMA (recours, n. 76) et la remarque
formulée en note de pied 11 à la page 17 du recours quant au contexte dans
lequel la susdite déclaration a été faite apparaissent manifestement
insuffisants à cet égard.

4.3 Cela étant, le moyen pris de la violation du droit d'être entendu se révèle
infondé dans ses deux branches.

5.
Le recourant reproche, enfin, à la Formation d'avoir porté atteinte à l'ordre
public procédural.

5.1 L'ordre public procédural, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP,
garantit aux parties le droit à un jugement indépendant sur les conclusions et
l'état de fait soumis au Tribunal arbitral d'une manière conforme au droit de
procédure applicable; il y a violation de l'ordre public procédural lorsque des
principes fondamentaux et généralement reconnus ont été violés, ce qui conduit
à une contradiction insupportable avec le sentiment de la justice, de telle
sorte que la décision apparaît incompatible avec les valeurs reconnues dans un
Etat de droit (ATF 132 III 389 consid. 2.2.1). Au demeurant, l'ordre public
procédural n'est qu'une garantie subsidiaire et constitue, à ce titre, une
norme de précaution pour les vices de procédure auxquels le législateur
n'aurait pas songé en adoptant les autres lettres de l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF
138 III 270 consid. 2.3).

5.2 D'après le recourant, la Formation aurait violé l'ordre public procédural
en se basant "sur de simples affirmations contenues dans le rapport d'expert,
alors qu'elle a exclu du dossier des documents qui, selon cet expert, étaient
censés prouver ces dires" (recours, n. 80). Si tant est que l'on puisse saisir
la portée de cet ultime grief, en dépit de sa formulation pour le moins
ambiguë, il saute aux yeux que celui-ci ne consiste qu'en une présentation,
sous un autre angle, du moyen tiré de la violation du droit d'être entendu qui
a été rejeté par la Cour de céans. En le soulevant derechef au titre de la
violation de l'ordre public procédural, le recourant méconnaît le caractère
subsidiaire de cette garantie. On peut d'ailleurs aussi se demander si le grief
en question ne consiste pas en une simple critique, irrecevable, de
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la Formation. Quant à la
nécessité, invoquée par le recourant dans ce contexte, d'assortir le régime
antidopage très strict auquel sont soumis les athlètes de garanties minimales
de procédure, elle ne saurait être mise en doute. Toutefois, en l'espèce, le
recourant n'a pas réussi à établir qu'il n'aurait pas bénéficié de telles
garanties. Il se plaint, dès lors, à tort d'une violation de l'ordre public
procédural.

6.
Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal
Arbitral du Sport (TAS).

Lausanne, le 28 février 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Carruzzo