Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.54/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_54/2012

Arrêt du 27 juin 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Elliott Geisinger et
Me Anne-Carole Cremades,
recourante,

contre

Y.________ Inc.,
représentée par Me Dominique Brown-Berset et Me Dominique Ritter,
intimée.

Objet
arbitrage international; composition irrégulière du tribunal arbitral,

recours contre la sentence finale rendue le 8 décembre 2011 par le Tribunal
arbitral CCI.

Faits:

A.
Représenté par the United States Army Corps of Engineers (CoE), le gouvernement
américain a confié à la société américaine Y.________ Inc. (ci-après:
Y.________) des travaux sur une base aérienne en Irak. Par contrat du 17 juin
2004, Y.________ a sous-traité une partie des travaux à la société turque
X.________. En 2005, la société américaine a résilié le contrat de
sous-traitance aux torts de X.________ (for default). La société turque a
contesté le bien-fondé de la résiliation.

B.
B.a Par requête du 25 mai 2005, X.________ a mis en oeuvre l'arbitrage prévu
dans le contrat de sous-traitance. Un tribunal arbitral de trois membres a été
constitué sous l'égide de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de
Commerce Internationale (CCI). La clause arbitrale fixe le siège du Tribunal
arbitral à Genève et soumet la cause au droit américain. La requérante a conclu
notamment à ce que Y.________ soit condamnée à lui verser un peu plus de
8'000'000 USD. Pour sa part, Y.________ a conclu au rejet de la demande et,
notamment, à la condamnation de X.________ à lui payer plus de 4'000'000 USD.

Le Tribunal arbitral a clos la procédure probatoire le 5 avril 2007. Dans sa
sentence rendue le 25 juin 2009, il a considéré que la résiliation for default
du contrat de sous-traitance était justifiée; il a rejeté la demande de
X.________ et admis la demande en dommages-intérêts de Y.________ à hauteur de
2'421'095 USD. Par ailleurs, il a condamné X.________ à participer aux
honoraires d'avocat de Y.________ à hauteur de 300'000 USD.

X.________ a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
la sentence du 25 juin 2009 (cause 4A_433/2009).

Parallèlement, elle a présenté une requête en rectification et interprétation
de ladite sentence auprès du Tribunal arbitral.

Le 31 décembre 2009, le Tribunal arbitral a rendu un addendum qui rectifie
partiellement la sentence du 25 juin 2009, en ce sens que le montant à payer
par X.________ est réduit à 479'613 USD.
Par arrêt du 26 mai 2010, le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours,
annulé la sentence du 25 juin 2009 et, par voie de conséquence, la sentence
additionnelle du 31 décembre 2009, et renvoyé la cause au Tribunal arbitral. Il
a jugé que, sur un point, le Tribunal arbitral n'avait pas respecté le droit
d'être entendu de X.________, plus précisément qu'il n'avait pas satisfait à
son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents en ne prenant pas en
considération les allégués de X.________ au sujet d'une retenue de 30% -
correspondant à un montant de 382'148 USD - que Y.________ aurait effectuée sur
un acompte dû à la société turque, élément important pour la fixation des
dommages-intérêts (consid. 2.4).
B.b Après le renvoi de l'affaire au Tribunal arbitral, X.________ a, par lettre
du 16 septembre 2010, demandé aux trois arbitres de démissionner. En substance,
elle considérait qu'après avoir rectifié sa sentence du 25 juin 2009, puis vu
cette sentence et la sentence rectificative annulées par le Tribunal fédéral,
le Tribunal arbitral n'était plus en mesure de se prononcer sereinement dans
cette affaire sans défendre son propre travail.

Par lettre du 3 novembre 2010, les membres du Tribunal arbitral ont refusé de
démissionner, considérant qu'ils continuaient à être impartiaux et indépendants
des parties.

Le 3 décembre 2010, X.________ a déposé une demande de récusation du Tribunal
arbitral. Elle y invoquait principalement une perte de confiance dans les
arbitres. Présentant les circonstances de l'affaire comme extraordinaires, elle
faisait valoir que le Tribunal arbitral, après avoir mis près de deux ans pour
clore la procédure, avait rendu en juin 2009 une sentence entachée d'une
erreur, dont la rectification avait conduit à la réduction des
dommages-intérêts en faveur de Y.________ d'environ 80%. X.________ mettait
également en avant la raison pour laquelle le Tribunal fédéral avait, par la
suite, annulé la sentence du 25 juin 2009, soit le fait pour les arbitres
d'avoir omis de prendre en compte des arguments importants avancés par
X.________ sur un point pertinent; elle estimait que le Tribunal arbitral avait
également commis la même erreur sur d'autres points, comme la validité de la
résiliation du contrat signifiée par Y.________, ce qui, même si cela ne
constituait pas un motif de recours au Tribunal fédéral, devait être pris en
considération.

Lors de sa séance plénière du 22 décembre 2010, la Cour internationale
d'arbitrage de la CCI a rejeté la demande de récusation des membres du Tribunal
arbitral. Dans une lettre aux parties du 23 décembre 2010, la Cour s'est
toutefois déclarée préoccupée de la manière dont l'arbitrage était mené et a
demandé au Tribunal arbitral de lui fournir d'ici au 28 janvier 2011 des
informations sur la procédure à venir, en particulier sur l'étendue du réexamen
et sur le calendrier prévisionnel; la Cour annonçait qu'elle examinerait alors
s'il convenait de lancer le processus de remplacement des arbitres conformément
à l'art. 12 al. 2 du règlement d'arbitrage CCI.

Par lettre du 24 décembre 2010, le Tribunal arbitral a demandé aux parties de
lui indiquer les points qu'elles souhaitaient voir réexaminés. X.________ a
mentionné douze points qui, selon elle, devaient être reconsidérés, soit
notamment celui ayant entraîné l'annulation de la sentence, la validité de la
résiliation du contrat par Y.________ et le remboursement des frais de
l'arbitrage. X.________ informait par ailleurs le Tribunal arbitral qu'elle ne
participerait désormais plus à la procédure. Pour sa part, Y.________ a demandé
que l'examen du Tribunal arbitral se limite au point ayant conduit à
l'annulation de la sentence.

Par ordonnance procédurale du 25 janvier 2011, le Tribunal arbitral a décidé de
ne reconsidérer sa sentence que sur le point discuté au considérant 2.4. de
l'arrêt du Tribunal fédéral, soit sur la question de savoir si le montant de
382'148 USD devait être compris dans les dommages-intérêts dus par X.________ à
Y.________.

Le 4 mars 2011, Y.________ a annoncé qu'elle renonçait au montant précité de
382'148 USD afin de limiter les frais et la durée de l'arbitrage; ce montant
pouvait ainsi être déduit des dommages-intérêts fixés à 479'613 USD dans la
sentence additionnelle, de sorte que le montant revenant à Y.________ était de
97'465 USD.

Par lettre du 17 juin 2011, le Tribunal arbitral a pris acte de la renonciation
de Y.________; il a également demandé aux parties de prendre position sur la
question des frais de l'arbitrage pour le cas où il réexaminerait ce point. Les
parties ont déposé leurs écritures sur les frais le 6 juillet 2011.

Le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale le 8 décembre 2011. Comme dans
le dispositif de la sentence du 25 juin 2009, il a déclaré que Y.________ était
habilitée à signifier à X.________ une résiliation for default (ch. 1 du
dispositif) et a rejeté la demande de X.________ tendant à convertir la
résiliation en une résiliation for convenience (ch. 2 du dispositif). Il a
ensuite condamné X.________ à payer à Y.________ 97'465 USD à titre de
dommages-intérêts et 200'000 USD pour les frais de l'arbitrage.

C.
X.________ interjette un recours en matière civile. Elle demande au Tribunal
fédéral d'annuler la sentence du 8 décembre 2011 et de prononcer la récusation
du Tribunal arbitral dans son entier. Elle conclut également à l'anonymisation
du nom des parties dans la version de l'arrêt qui sera publiée sur Internet et,
le cas échéant, au recueil officiel.

Dans sa réponse, Y.________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au
rejet du recours.

Pour sa part, le Tribunal arbitral considère qu'il n'avait aucune raison de se
retirer et que sa décision de ne revoir que deux points de la sentence n'a rien
à voir avec un prétendu défaut d'impartialité.

X.________ a déposé des observations sur la réponse de Y.________ et la prise
de position du Tribunal arbitral.

Y.________ a fourni des observations supplémentaires.

Considérant en droit:

1.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues
par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF).

1.1 Le siège du tribunal arbitral est en Suisse et aucune des parties n'y avait
son domicile au moment de la conclusion de la clause d'arbitrage; les
dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (cf. art. 176
al. 1 LDIP).

1.2 La recourante est directement touchée par la sentence finale attaquée qui,
en particulier, la condamne à payer une somme d'argent à l'intimée; elle a
ainsi un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette
sentence n'ait pas été rendue en violation des garanties découlant de l'art.
190 al. 2 LDIP, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF).

1.3 Déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et art. 100 al. 1 LTF) contre
une sentence finale et dans la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF), le
recours est en principe recevable, sous réserve de l'examen de la recevabilité
des conclusions et du grief qui y sont formulés.

1.4 Outre l'annulation de la sentence attaquée, la recourante demande au
Tribunal fédéral de prononcer la récusation du Tribunal arbitral dans son
entier. Après avoir laissé la question ouverte dans plusieurs arrêts, le
Tribunal fédéral a récemment admis la recevabilité d'une telle conclusion, par
exception au caractère cassatoire du recours en matière civile contre une
sentence arbitrale internationale (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4 p. 615 s.).

1.5 L'intimée voudrait que le recours, qu'elle qualifie d'abusif, soit déclaré
irrecevable en application de l'art. 42 al. 7 LTF. La question peut rester
indécise dans la mesure où, comme on le verra par la suite, l'unique grief
soulevé dans le recours est de toute manière mal fondé.

1.6 Le recours ne peut être formé que pour l'un des motifs énumérés de manière
exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP. Le Tribunal fédéral examine uniquement les
griefs invoqués et motivés conformément aux exigences strictes posées en la
matière par l'art. 106 al. 2 LTF (art. 77 al. 3 LTF; ATF 134 III 186 consid. 5;
cf. ATF 128 III 50 consid. 1c p. 53 s.).

Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par le tribunal
arbitral (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut pas rectifier ou compléter d'office
les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière
manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF
excluant l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). En revanche, comme sous
l'empire de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 129 III
727 consid. 5.2.2 p. 733; 128 III 50 consid. 2a p. 54 et l'arrêt cité), le
Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la
sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est
soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de
preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de
la procédure du recours en matière civile (cf. art. 99 al. 1 LTF).

1.7 La conclusion de la recourante tendant à l'anonymisation des noms des
parties dans le présent arrêt n'a pas de portée propre, dès lors que,
conformément à l'art. 27 al. 2 LTF et à la pratique en la matière, cet arrêt
sera publié sous une forme anonyme.

2.
Invoquant l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, la recourante se plaint de la
désignation ou de la composition irrégulière du Tribunal arbitral qui a rendu
la sentence attaquée.

2.1 Après que les membres du Tribunal arbitral eurent refusé de démissionner,
la recourante avait déposé une demande de récusation fondée sur l'art. 11 du
règlement d'arbitrage CCI. La Cour internationale d'arbitrage de la CCI a
rejeté cette demande qui visait les trois arbitres, tout en demandant au
Tribunal arbitral des informations sur la procédure en vue du lancement
éventuel d'un processus de remplacement. Émanant d'un organisme privé, cette
décision, qui ne pouvait pas faire l'objet d'un recours direct au Tribunal
fédéral (cf. arrêt 4A_14/2012 du 2 mai 2012 destiné à la publication, consid.
2.2.1), ne lie pas la cour de céans, laquelle peut donc revoir librement si les
circonstances invoquées à l'appui de la demande de récusation sont de nature à
fonder le grief de composition irrégulière du Tribunal arbitral (ATF 136 III
605 consid. 3.1 p. 608; 128 III 330 consid. 2.2 p. 332).
2.2
2.2.1 A l'instar d'un tribunal étatique, un tribunal arbitral doit présenter
des garanties suffisantes d'indépendance et d'impartialité. Le non-respect de
cette règle conduit à une désignation ou à une composition irrégulière relevant
de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP. Pour dire si un tribunal arbitral présente de
telles garanties, il faut se référer aux principes constitutionnels développés
au sujet des tribunaux étatiques. Néanmoins, il convient de tenir compte des
spécificités de l'arbitrage, et singulièrement de l'arbitrage international,
lors de l'examen des circonstances du cas concret (ATF 136 III 605 consid. 3.2
p. 608 et les arrêts cités).

La garantie d'un tribunal indépendant et impartial résultant de l'art. 30 al. 1
Cst. et de l'art. 6 ch. 1 CEDH permet d'exiger la récusation d'un juge dont la
situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son
impartialité. Elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à
l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une
partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention
effective est établie, car une disposition relevant du for intérieur ne peut
guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence d'une
prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant,
seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en
compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la
récusation n'étant pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 3 s. et les arrêts
cités).

L'impartialité subjective - qui est présumée jusqu'à preuve du contraire -
assure à chacun que sa cause sera jugée sans acception de personne.
L'impartialité objective tend notamment à empêcher la participation du même
magistrat à des titres divers (par exemple comme membre d'une autorité, comme
conseil d'une partie, comme expert ou comme témoin) dans une même cause et à
garantir l'indépendance du juge à l'égard de chacun des plaideurs (ATF 136 III
605 consid. 3.2.1 p. 609 et les arrêts cités).
2.2.2 Selon la recourante, après le renvoi de l'affaire par le Tribunal
fédéral, le Tribunal arbitral se serait trouvé dans une situation telle que ses
membres auraient été privés de l'indépendance d'esprit et de la sérénité
indispensables pour remettre le dossier à plat - en particulier, pour corriger
d'autres erreurs que celle sanctionnée par le Tribunal fédéral - avant de
rendre une nouvelle sentence finale. Les circonstances qui auraient donné lieu
à cette situation seraient le temps écoulé jusqu'au prononcé de la première
sentence (deux ans), l'erreur «de taille» ayant conduit à une réduction de 80%
du montant des dommages-intérêts dans la sentence rectificative et l'annulation
de la première sentence pour violation du droit d'être entendu. De plus, la
menace de destitution comprise dans la lettre du 23 décembre 2010 de la Cour
internationale d'arbitrage de la CCI aurait encore accru la pression sur les
arbitres, les empêchant de reprendre l'affaire avec le temps et la liberté
d'esprit nécessaires.

La recourante invoque également le manque d'impartialité du Tribunal arbitral
vis-à-vis de l'objet du litige (issue conflict). Dans le contexte inhabituel
ayant entouré l'annulation de la première sentence et de son addendum, les
arbitres auraient été dépourvus de l'indépendance d'esprit que le réexamen de
l'affaire exigeait, car un réexamen complet aurait abouti à une nouvelle remise
en cause de leur propre travail et à des délais supplémentaires.
2.2.3 La recourante part de l'idée que, après l'annulation de la sentence
finale et de la sentence additionnelle par le Tribunal fédéral, les arbitres
pouvaient revoir tous les points examinés dans la première sentence, y compris
la validité de la résiliation du contrat for default, mais que, vu les
circonstances particulières du cas, ils n'étaient pas en mesure de prendre
sereinement en considération la demande de la recourante allant dans ce sens.

Ce faisant, la recourante se méprend sur la portée de l'arrêt du Tribunal
fédéral annulant les sentences et renvoyant la cause au Tribunal arbitral. Même
si, contrairement à l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire, la LTF
ne le prévoit pas expressément, l'autorité à laquelle la cause est renvoyée est
liée par les considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 135 III 334
consid. 2 et les arrêts cités). Il en va de même lorsque l'autorité concernée
est un tribunal arbitral (BERGER/KELLERHALS, International and Domestic
Arbitration in Switzerland, 2e éd. 2010, n° 1654 p. 479; JEAN-FRANÇOIS POUDRET,
Le recours au Tribunal fédéral suisse en matière d'arbitrage international
(Commentaire de l'art. 77 LTF), in ASA Bulletin 2007, p. 686; cf. ATF 112 Ia
166 consid. 3e p. 172). Cela signifie en particulier que les arbitres ne
peuvent examiner que les questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi et
qu'ils sont au surplus liés par leur première sentence (SÉBASTIEN BESSON, Le
recours contre la sentence arbitrale internationale selon la nouvelle LTF
(aspects procéduraux), in ASA Bulletin 2007 p. 21; cf. ATF 112 Ia 166 consid.
3e p. 172; cf. également arrêt 4A_360/2011 du 31 janvier 2012 consid. 6.2 in
fine). C'est dire que, dans le cas présent, le Tribunal arbitral, appelé à se
prononcer à nouveau, pouvait seulement examiner les arguments de la recourante
liés à la retenue de 30% correspondant au montant de 382'148 USD, ce qu'il
n'aura finalement même pas à faire puisque l'intimée renoncera à ce montant par
lettre du 4 mars 2011; en revanche, les arbitres n'avaient pas à revoir les
autres points tranchés dans les sentences des 25 juin et 31 décembre 2009. Ceci
posé, la question de l'attitude des arbitres face à l'étendue du réexamen ne
saurait donc être pertinente pour juger d'une éventuelle prévention. Et comme
le Tribunal arbitral n'avait pas à revoir d'autres points que celui en rapport
avec la retenue susmentionnée, on ne voit pas comment il pourrait lui être
reproché d'avoir manqué d'indépendance d'esprit lors du réexamen de la cause
et, par conséquent, d'avoir fait preuve d'un défaut d'impartialité par rapport
à l'objet du litige.

Au surplus, il convient de rappeler que des fautes de procédure ou une décision
matériellement erronée ne suffisent pas à fonder l'apparence de prévention d'un
arbitre ou d'un tribunal arbitral, sauf erreurs particulièrement graves ou
répétées constituant une violation manifeste de ses obligations (ATF 115 Ia 400
consid. 3b p. 404; 113 Ia 407 consid. 2a p. 409 s.; arrêt 4A_539/2008 du 19
février 2009 consid. 3.3.2). En l'espèce, le Tribunal arbitral a rectifié sa
sentence du 25 juin 2009 à la suite de la requête de la recourante. On voit mal
que ce comportement puisse traduire une prévention apparente à l'égard de la
recourante. Par ailleurs, après l'annulation de la première sentence et de la
sentence additionnelle par le Tribunal fédéral, la cause est retournée chez les
mêmes arbitres. En effet, comme la recourante le rappelle à juste titre, le
même Tribunal arbitral est en principe compétent pour statuer derechef en cas
d'annulation d'une sentence par le Tribunal fédéral (encore récemment, consid.
3.1 non publié de l'arrêt précité du 2 mai 2012 destiné à la publication). Or,
en l'espèce, rien ne justifie de déroger à ce principe, la violation du droit
d'être entendu retenue dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 mai 2010
n'apparaissant manifestement pas comme une erreur si grave qu'un signe de
prévention doive en être déduit. Enfin, il n'y a pas à prendre en compte
d'éventuelles autres erreurs prétendument commises par le Tribunal arbitral,
lesquelles ne sont même pas décrites dans le mémoire de recours.

Sur le vu de ce qui précède, le moyen tiré de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP se
révèle mal fondé, ce qui conduit au rejet du recours.

3.
La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Président du
Tribunal arbitral.

Lausanne, le 27 juin 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Godat Zimmermann