Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.538/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_538/2012

Arrêt du 17 janvier 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Kolly, Kiss et Niquille.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Mes Pierre-Yves Tschanz et Perrine Duteil, et par
Me Boris Vittoz,
recourante,

contre

Y.________ Ltd, représentée par Mes Xavier Favre-Bulle et Marjolaine Viret,
intimée.

Objet
arbitrage international,

recours en matière civile contre la sentence rendue
le 9 juillet 2012 par le Tribunal arbitral CCI.

Faits:

A.
Par contrat du 8 juin 2000, la société de droit français X.________ a désigné
la société de droit irakien Y.________ Ltd (ci-après: Y.________) comme
représentant exclusif pour la vente, en Irak, de moteurs diesels destinés à des
centrales électriques. Fixée initialement à 5% du montant de la commande, la
rémunération des services du représentant a été arrêtée à 8,5% du montant en
question par avenant du 5 mars 2002. Un premier avenant, signé le 23 janvier
2002, avait étendu le champ d'application du contrat de représentation à un
accord devant être exécuté par X.________ avec une société de droit syrien
dénommée A.________.

Le 6 mars 2002, X.________ a exécuté un contrat par lequel elle s'était engagée
à vendre à A.________ dix moteurs diesels pour le prix de 161 millions d'euros.
Par lettre du 6 avril 2002, la société française a informé Y.________ qu'elle
avait inclus 6'000'000 d'euros dans le prix total du contrat à titre de
commission additionnelle pour le représentant.

Le 8 juillet 2002, X.________ a promis à une société B.________. de lui verser
une commission de 3,5% sur le contrat A.________. Ladite société lui a adressé,
de ce chef, une facture, datée du 1er octobre 2002, portant sur la somme de
4'970'000 euros, soit 3,5% de 142'000'00 euros, sous déduction d'une avance de
70'000 euros.

B.
Le 19 octobre 2009, Y.________, se fondant sur la clause arbitrale incluse dans
le contrat de représentation, a déposé une requête d'arbitrage, dirigée contre
Y.________, en vue d'obtenir le paiement de 22'894'600 euros à titre de
commissions.

Un tribunal arbitral de trois membres a été constitué sous l'égide de la
Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le siège de
l'arbitrage étant fixé à Lausanne, la procédure soumise au Règlement
d'arbitrage de la CCI et le droit suisse applicable au fond.

La défenderesse X.________ a invité le Tribunal arbitral à constater qu'il
n'avait pas été régulièrement constitué, subsidiairement qu'il n'était pas
compétent pour connaître des prétentions élevées par Y.________ et, en tout
état de cause, à débouter celle-ci des fins de sa demande.

Par sentence du 9 juillet 2012, le Tribunal arbitral, après avoir écarté toutes
les objections de nature procédurale soulevées par la défenderesse, a condamné
X.________ à payer à Y.________ la somme de 10'400'000 euros avec intérêts à 5%
dès le 22 juin 2005. Pour aboutir à ce montant, il a tenu le raisonnement
suivant: s'agissant du contrat A.________, l'assiette de la commission de 8,5%,
après déduction de divers frais et taxes en rapport avec la livraison des
choses commandées, doit être fixée à 142'000'000 euros. Il en résulte une
commission de 12'070'000 euros, dont à déduire, en accord avec la demanderesse,
les 4'970'000 euros versés par la défenderesse à B.________, ce qui laisse un
solde de 7'100'000 euros. A ce montant, il convient d'ajouter une partie de la
commission additionnelle de 6'000'000 euros mentionnée dans la susdite lettre
du 6 avril 2012, à savoir 3'300'000 euros. Seul ce dernier montant, et non pas
l'intégralité de la commission additionnelle stipulée, peut être porté en
compte afin d'éviter que la commission totale de 15'370'000 euros (i.e.
12'070'000 euros + 3'300'000 euros) n'excède le 10%, marge de tolérance en sus,
du prix des choses vendues; en effet, suivant les usages du commerce, une
commission supérieure à ce pourcentage est de nature à éveiller le soupçon que
la part excédentaire ne sert pas à rémunérer le travail lui-même du
représentant, mais est utilisée à des fins de corruption ou pour d'autres
paiements. Cela étant, il sied de préciser que les preuves administrées n'ont
pas permis d'établir que la défenderesse ait accepté que des pots-de-vin
fussent versés à des officiels syriens, auquel cas l'accord correspondant eût
été frappé de nullité en vertu de l'art. 20 CO.

C.
Le 14 septembre 2012, X.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours
en matière civile. Elle y demande au Tribunal fédéral de déclarer incompétent
le Tribunal arbitral ayant rendu la sentence du 9 juillet 2012 et, en tout état
de cause, d'annuler cette sentence. La recourante a sollicité, en outre,
l'octroi de l'effet suspensif à titre superprovisoire, requête qui a été admise
par ordonnance présidentielle du 20 septembre 2012, ainsi qu'à titre définitif,
requête qui est toujours en suspens.

Le Tribunal arbitral a indiqué, dans une lettre de son président datée du 4
octobre 2012, qu'il n'avait rien à ajouter à sa sentence, laquelle s'expliquait
par elle-même.
Dans sa réponse du 2 novembre 2012, Y.________ (ci-après: l'intimée) conclut au
rejet du recours en tant qu'il est recevable.

Les 22 novembre et 10 décembre 2012, la recourante et l'intimée ont déposé,
respectivement, une réplique et une duplique dans lesquelles elles ont maintenu
leurs précédentes conclusions.

Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une
langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée.
Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le
Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant
lui, celles-ci se sont servies toutes deux du français. Dès lors, le présent
arrêt sera rendu dans cette langue.

2.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est
recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par
les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du
recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions
prises par la recourante ou encore des motifs de recours invoqués, aucune de
ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose
donc à l'entrée en matière.

3.
3.1 En vertu de l'art. 77 al. 3 LTF, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs qui ont été invoqués et motivés par le recourant. En l'espèce, la
recourante ne reprend qu'un certain nombre des différents moyens qu'elle avait
soulevés devant les arbitres et que ceux-ci ont rejetés. Conformément à la
disposition citée, seuls les moyens exposés dans le mémoire de recours seront
donc examinés ci-après.

3.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par le Tribunal
arbitral (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les
constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière
manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui
exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). En revanche, comme c'était déjà
le cas sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 129
III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal
fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence
attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à
l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux
sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du
recours en matière civile (cf. art. 99 al. 1 LTF).

3.3 A l'appui de sa demande d'effet suspensif, la recourante a produit un
certain nombre de pièces nouvelles afin de démontrer, notamment, que son
adverse partie n'existerait pas. Cette manière de faire, contraire aux
principes qui viennent d'être rappelés, n'est pas admissible. Elle l'est
d'autant moins que le Tribunal arbitral a rejeté l'exception que la recourante
avait soulevée devant lui à ce propos (sentence, n. 30 à 35, spéc. n. 34), sans
que l'intéressée lui en fasse grief dans son mémoire de recours. Pour le
surplus, l'arrêt prononcé ce jour rend sans objet la requête d'effet suspensif
formulée par la recourante, de sorte que le débat touchant l'existence de
l'intimée, qui n'a été ouvert que dans le cadre de ladite requête, doit être
considéré comme clos.

4.
4.1 Dans un premier moyen, la recourante, se fondant sur l'art. 190 al. 2 let.
b LDIP, soutient que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour
connaître de la demande qui lui était soumise. Selon elle, en effet, la demande
d'arbitrage aurait été introduite, pour le compte de l'intimée, par des
représentants sans pouvoirs dont les actes n'auraient jamais été ratifiés.

L'intimée conteste la recevabilité de ce premier moyen au motif que celui-ci
aurait dû être soulevé sur la base de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP, la question
du pouvoir de représentation des mandataires relevant, à son avis, de
l'introduction de l'instance, au sens de l'art. 181 LDIP, et ayant trait, par
conséquent, à la régularité de la constitution du Tribunal arbitral. En tout
état de cause, elle juge mal fondées, sinon irrecevables, les critiques
formulées par la recourante sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.

4.2 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les
questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la
compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral. Le cas échéant, il reverra
aussi l'application du droit étranger pertinent; il le fera également avec une
pleine cognition, mais se ralliera à l'avis majoritaire exprimé sur le point
considéré, voire, en cas de controverse entre la doctrine et la jurisprudence,
à l'opinion émise par la juridiction suprême du pays ayant édicté la règle de
droit applicable (arrêt 4A_50/2012, précité, ibid.). Il n'en devient pas pour
autant une cour d'appel. Aussi ne lui incombe-t-il pas de rechercher lui-même,
dans la sentence attaquée, les arguments juridiques qui pourraient justifier
l'admission du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. C'est bien plutôt
à la partie recourante qu'il appartient d'attirer son attention sur eux, pour
se conformer aux exigences de l'art. 77 al. 3 LTF (ATF 134 III 565 consid. 3.1
et les arrêts cités).

En revanche, le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait que dans
les limites susmentionnées (cf. consid. 3.2), même lorsqu'il statue sur le
moyen pris de l'incompétence du Tribunal arbitral (arrêt 4A_488/2011 du 18 juin
2012 consid. 4.3).

4.3 Les parties divergent d'opinions sur le point de savoir si le grief en
question relève de la lettre a (thèse de l'intimée) ou de la lettre b (thèse de
la recourante) de l'art. 190 al. 2 LDIP.
4.3.1 Si l'on en croit la recourante, pareille dispute serait vaine. Selon
elle, en effet, dès lors que le grief a été invoqué avec toute la précision
voulue, le Tribunal fédéral doit l'examiner, quelle que soit la lettre de
l'art. 190 al. 2 LDIP à laquelle il convient de le rattacher.

Semblable avis méconnaît la véritable nature du recours en matière civile
dirigé contre une sentence arbitrale internationale et n'est, de surcroît, pas
compatible avec les termes de l'art. 77 al. 3 LTF.
4.3.2 Selon l'argumentation que l'intimée a présentée dans sa réponse (n. 33)
et développée dans sa duplique (p. 7), l'absence de pouvoirs de représentation
d'un mandataire dans la procédure arbitrale n'affecterait pas la compétence,
mais la régularité de la constitution du tribunal arbitral, de sorte que le
grief correspondant serait justiciable de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP. Ainsi,
s'il s'avérait qu'une procédure arbitrale a été conduite par un falsus
procurator, à l'insu et sans ratification de la partie prétendument
représentée, le tribunal arbitral qui a rendu la sentence querellée n'aurait
jamais été valablement constitué à cette fin, faute d'avoir été saisi d'une
requête d'arbitrage par qui de droit.

Une telle argumentation revêt un caractère assez artificiel. En la
généralisant, on pourrait tout aussi bien assimiler à des hypothèses de
constitution irrégulière du tribunal arbitral un certain nombre de cas de
figure que jurisprudence et doctrine s'accordent pourtant à rattacher au grief
d'incompétence visé par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Dans une telle optique,
il serait, par exemple, possible de soutenir qu'une sentence rendue sur la base
d'une convention d'arbitrage non valable ou ne liant pas la partie qui a
introduit la demande d'arbitrage l'a été par un Tribunal arbitral
irrégulièrement constitué, motifs pris, dans la première hypothèse, de ce que
les arbitres ne pouvaient pas tirer leurs pouvoirs d'un acte qui ne déployait
pas d'effets juridiques et, dans la seconde, de ce qu'ils ont été mis en oeuvre
par une personne ne pouvant déduire aucun droit de la convention d'arbitrage.
En bref, et en forçant quelque peu le trait, les questions touchant la
compétence objective et subjective du tribunal arbitral pourraient être
regardées, dans leur quasi-intégralité, comme des problèmes de régularité de
constitution du tribunal arbitral et être examinées, en tant que telles, sous
l'angle de l'art. 190 al. 2 let. a LDIP.

En réalité, rien ne justifie d'étendre le champ d'application de cette
disposition au-delà des limites qui lui ont été assignées jusqu'ici, ni,
partant, de restreindre celui du grief d'incompétence (art. 190 al. 2 let. b
LDIP), sous peine de mettre en péril la sécurité du droit. Aussi, par
régularité de la constitution du tribunal arbitral, au sens de l'art. 190 al. 2
let. a LDIP, ne faut-il entendre, en principe et sur le vu de la note marginale
du chiffre IV du chapitre 12 de la LDIP ("Tribunal arbitral"), que la manière
dont les arbitres ont été nommés ou remplacés (art. 179 LDIP) et les questions
relatives à leur indépendance (art. 180 LDIP). Les autres problèmes relèvent
soit du grief tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (art. 190 al. 2 let.
b LDIP), soit de l'un des autres motifs de recours spécifiques prévus par
l'art. 190 al. 2 LDIP (let. c à e), telle l'incompatibilité avec l'ordre public
procédural (art. 190 al. 2 let. e LDIP).
4.3.3 La question présentement litigieuse concerne les pouvoirs de
représentation des personnes physiques ayant agi pour le compte de l'intimée
dans la procédure arbitrale. Elle n'a pas trait aux modalités selon lesquelles
le Tribunal arbitral a été désigné, non plus qu'à l'indépendance et à
l'impartialité de ses membres, mais, bien plutôt, au point de savoir si le
Tribunal arbitral, régulièrement constitué, a été saisi par des personnes aptes
à le faire ou par un falsus procurator. Cette question ressortit à la
compétence ratione personae, comprise dans un sens large. Par conséquent, à
l'instar du Tribunal arbitral, qui la qualifie d'objection to jurisdiction
(sentence, p. 23, ch. VI), il convient de l'examiner au regard de l'art. 190
al. 2 let. b LDIP.

4.4 Sur la question controversée, le Tribunal arbitral s'est exprimé comme il
suit (sentence, n. 41):

"The delegation of power granted by Mr C.________ to Mr D.________ to initiate
these proceedings should be valid according to Iraqi and Swiss Law, which do
not request any special form to the contrary of Spanish Law. This having been
said, whether or not Spanish law shall govern the issue of the authority
granted to Mr D.________ as contended by the Respondent [i.e. la recourante] is
a question that does not need to be solved because the lawyers in charge of
representing the Claimant [i.e. l'intimée] in these proceedings were not the
law firm E.________ selected by Mr D.________ but Messrs F.________ and
G.________. It ist true that these attorneys were appointed at a time, i.e. on
December 23, 2009 (...) when Mr C.________ was no longer the general manager of
the Claimant . According to the Respondent, such appointment should have been
made by Mr H.________ who during the period starting from November 7, 2009
replaced Mr C.________ as general manager of the company. However, this
contention should not affect Messrs F.________ and G.________'s authority to
represent the Claimant before the Arbitral Tribunal, and this for the reason
that the alleged lack of power of Messrs F.________ and G.________ could be
cured by a ratification of their appointment by the actual manager of the
company, i.e. Mr C.________ who reacquired his position of general manager of
Y.________ after November 19, 2011. In this respect, it should be noted that
when asked by Messrs F.________ and G.________ to confirm or infirm the threat
he allegedly made to prevent Mr I.________ from testifying, Mr C.________
reacted to this request by adressing a letter to these lawyers which was read
at the end of the hearing. Therefore, Mr C.________'s positive reaction as to
the request of these two lawyers should be interpreted as a confirmation or
ratification of their power to represent the Claimant in this case."
4.4.1 En premier lieu, la recourante reproche aux arbitres de ne pas avoir
examiné le contenu du droit irakien relatif à la représentation des personnes
morales, applicable in casu en vertu de l'art. 187 al. 1 LDIP en liaison avec
les art. 154 al. 1 et 155 let. i LDIP. Elle renvoie, à ce propos, à l'extrait
d'un mémoire qu'elle avait déposé dans la procédure arbitrale et qu'elle a
annexé à son acte de recours.

De recevabilité douteuse, vu sa motivation étique, ce moyen apparaît, quoi
qu'il en soit, infondé. Sans doute le Tribunal arbitral n'a-t-il pas examiné
les règles du droit des sociétés irakien et, singulièrement, les dispositions
de ce droit régissant le pouvoir de représentation des personnes agissant pour
la société. Cependant, s'il a pu se dispenser de le faire, c'est en raison de
l'argumentation juridique qu'il a développée dans le passage précité de sa
sentence. Il a, en effet, retenu qu'un organe apte à engager seul l'intimée
(C.________) avait ratifié, par un acte concluant, les démarches procédurales
entreprises antérieurement au nom de celle-ci par des représentants sans
pouvoirs (les avocats F.________ et G.________). Or, la recourante ne soutient
pas qu'un tel raisonnement violerait le droit irakien ni ne démontre à quelles
dispositions ou principes de ce droit il porterait atteinte. Il n'y a donc pas
lieu d'examiner cette question (cf. consid. 4.2 ci-dessus).
4.4.2 En second lieu, la recourante met en exergue un extrait du passage
précité dans lequel le Tribunal arbitral souligne que C.________, qui n'était
plus un organe de l'intimée depuis le 7 novembre 2009, a retrouvé son poste de
directeur général de cette société le 19 novembre 2011. Elle relève aussi que
l'acte de ratification admis par les arbitres - i.e. une lettre adressée par le
prénommé aux avocats F.________ et G.________ - a été effectué avant l'audience
tenue par eux du 26 au 29 septembre 2011 à Paris, puisqu'il a été porté à leur
connaissance lors de cette audience. Partant de cette double prémisse, la
recourante en tire la conclusion que les démarches de ces deux avocats n'ont
pas été valablement ratifiées, dès lors que l'acte pertinent à cet égard a été
posé à une époque où C.________ n'était pas encore redevenu un organe de
l'intimée.

Une date constitue un fait. A la rigueur du droit, il n'est ainsi pas possible
d'y toucher dans le cadre d'un recours en matière d'arbitrage international,
que la constatation y relative soit arbitraire ou découle d'une inadvertance
manifeste (cf. consid. 3.2 ci-dessus). Il est toutefois un principe général en
vertu duquel quiconque participe à la procédure doit se conformer aux règles de
la bonne foi (cf. art. 52 du Code de procédure civile [CPC]; RS 272). Ces
règles commandent notamment de ne pas adopter une attitude contradictoire (ATF
135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169 et les arrêts cités). C'est pourtant pareil
comportement que l'on peut imputer à la recourante, lorsqu'elle fonde sa
démonstration sur la date, précitée, du 19 novembre 2011 dont la mention, dans
le passage sus-indiqué, est sans doute le fruit d'un lapsus calami à en juger
par les explications détaillées de l'intimée sur ce point (réponse, p. 17, n.
35 et note 31). En effet, sous le n. 32 (p. 19) de sa sentence, le Tribunal
arbitral expose que, selon la thèse de la recourante, le remplacement
temporaire de C.________ au poste de directeur général de l'intimée, qui avait
débuté le 7 novembre 2009, a pris fin le 8 juillet 2011 ("Respondent in
particular focuses on the false representation by Claimant that Mr C.________
was at the material time general manager of the company whereas from November
7, 2009 to 8 July 2011 it was Mr H.________"). Dès lors, la recourante ne peut
pas, de bonne foi, venir soutenir aujourd'hui que C.________ n'a retrouvé son
poste de directeur général de l'intimée que le 19 novembre 2011, comme indiqué
par inadvertance dans le passage topique de la sentence attaquée (n. 41, p.
24), alors qu'elle avait elle-même exposé dans la procédure arbitrale que la
date pertinente était le 8 juillet 2011. Par conséquent, la critique qu'elle
adresse aux arbitres s'en trouve privée de fondement, attendu qu'à cette
dernière date ou le lendemain au plus tard, le prénommé avait déjà été rétabli
dans son statut d'organe de l'intimée et était apte, partant, à poser l'acte de
ratification retenu par le Tribunal arbitral.

Quoi qu'il en soit, il ressort de l'historique de la procédure arbitrale
figurant dans la sentence (n. 6, p. 7 à 11) qu'un certain nombre de démarches
ont été effectuées postérieurement au 19 novembre 2011 au nom de l'intimée par
les avocats F.________ et G.________, en particulier le dépôt d'une écriture
finale (Post-Hearing Brief) en date du 30 mars 2012. La recourante ne prétend
pas que de tels actes aient été accomplis à l'insu ou contre le gré de
C.________. Or, dans la mesure où ils l'ont été alors que celui-ci avait déjà
retrouvé son poste de directeur général de l'intimée, l'absence de réaction de
l'intéressé ne pourrait être interprétée autrement, du point de vue juridique,
que comme une ratification tacite des pouvoirs que, par hypothèse, ces deux
avocats se seraient arrogés. Ainsi, le moyen soulevé par la recourante devrait
être de toute façon rejeté quand bien même la date du 19 novembre 2011 serait
retenue.

5.
Dans un deuxième groupe de moyens, la recourante se plaint de la violation de
son droit d'être entendue, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, à un double
titre.

5.1 Le Tribunal arbitral se voit, tout d'abord, reprocher d'avoir utilisé, pour
admettre la ratification par l'intimée des actes des avocats F.________ et
G.________, un élément de preuve totalement étranger à cette problématique, à
savoir la lettre de C.________ à ces deux avocats, dont il a déjà été question
plus haut (cf. consid. 4.4.2). Selon la recourante, ce moyen de preuve n'avait,
en effet, été administré qu'à la seule fin d'établir la réalité des menaces
dont un témoin cité par elle aurait été prétendument l'objet de la part de
C.________. Or, en dépit des assurances qu'ils lui avaient données, les
arbitres, contre toute attente, avaient détourné ce moyen de preuve de son but
exclusif pour en inférer l'existence de la ratification litigieuse.

En argumentant de la sorte, la recourante paraît vouloir plaider l'effet de
surprise. Selon la jurisprudence à laquelle elle fait visiblement allusion, les
arbitres peuvent avoir exceptionnellement l'obligation d'interpeller les
parties lorsqu'ils envisagent de fonder leur décision sur une norme ou une
considération juridique qui n'a pas été évoquée au cours de la procédure et
dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence (arrêt 4A_46/2011 du
16 mai 2011 consid. 5.1.1 et les arrêts cités). Cette jurisprudence, que le
Tribunal fédéral applique de manière restrictive, ne concerne pas
l'établissement des faits. En ce domaine, le droit d'être entendu permet certes
à chaque partie de s'exprimer sur les faits essentiels pour la sentence à
rendre, de proposer ses moyens de preuve sur les faits pertinents et de prendre
part aux séances du tribunal arbitral (arrêt 4A_110/2012 du 9 octobre 2012
consid. 3.1 et les références). Il n'exige pas, en revanche, des arbitres
qu'ils sollicitent une prise de position des parties sur la portée de chacune
des pièces produites, pas plus qu'il n'autorise l'une des parties à limiter
l'autonomie du tribunal arbitral dans l'appréciation d'une pièce déterminée en
fonction du but assigné par elle à cet élément de preuve. Aussi bien, comme
l'intimée le souligne à juste titre, si chaque partie pouvait décider par
avance, pour chaque pièce produite, quelle sera la conséquence probatoire que
le tribunal arbitral sera autorisé à en tirer, le principe de la libre
appréciation des preuves, qui constitue un pilier de l'arbitrage international
(BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 2e
éd. 2010, n° 1238), serait vidé de sa substance.

En l'espèce, la recourante aurait pu tenter de s'opposer à la production de la
pièce litigieuse, si elle estimait avoir de bonnes raisons de le faire. En
revanche, une fois la production admise, elle ne pouvait pas restreindre la
cognition des arbitres à l'égard de cet élément de preuve en fixant elle-même
le champ d'application de celui-ci. Au demeurant et quoi qu'elle en dise, on ne
peut pas se convaincre, à la lecture de l'extrait du procès-verbal de
l'audience qu'elle a produit sous pièce 16, de ce qu'elle aurait reçu de la
part du président du Tribunal arbitral la ferme assurance que les arbitres
s'interdiraient de tirer des conclusions juridiques de l'existence même de ce
document pour s'en tenir exclusivement à son contenu. Il est constant, par
ailleurs, que les parties ont eu l'occasion de se déterminer sur cet élément de
preuve dans leurs mémoires après enquêtes respectifs qu'elles ont déposés
postérieurement à la tenue de ladite audience. Dans ces conditions, le grief
tiré de la violation du droit d'être entendu tombe à faux sur ce point.

En tout état de cause, pour le motif sus-indiqué (cf. consid. 4.4.2, dernier
§), le grief en question, serait-il fondé, il ne s'ensuivrait pas
nécessairement l'admission du recours sur le problème de la compétence, étant
donné que les actes des avocats F.________ et G.________ ont été ratifiés
tacitement par le directeur général de l'intimée après le dépôt de la pièce
litigieuse.

5.2 Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190
al. 2 let. d LDIP, n'exige pas qu'une sentence arbitrale internationale soit
motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose, toutefois,
aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes
pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités). Ce devoir
est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne
prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve
présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Si la
sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour
la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il
appartient de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours.
Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant,
les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou,
s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral.
Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments
invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre
de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir
pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute
pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Invoquant ces principes jurisprudentiels, la recourante reproche au Tribunal
arbitral de n'avoir pas tenu compte des pièces qu'elle avait produites en temps
utile et dans les formes requises pour démontrer l'existence de liens entre
C.________ et le groupe Al-Qaïda, circonstance qui interdisait, selon elle, de
faire droit à la demande de l'intimée. Elle a tort. En effet, dans sa sentence,
le Tribunal arbitral se réfère expressément à la thèse du financement du
terrorisme, reprise par la recourante dans son mémoire après enquêtes en
complément de ses écritures antérieures, thèse qui repose sur les accusations
lancées par le gouvernement irakien à l'encontre de C.________ (n. 80). Puis il
constate que la recourante, à qui cette preuve incombait, n'a pas réussi à
établir le bien-fondé des accusations portées par elle à l'encontre de cette
personne, de sorte que sa thèse ne peut qu'être écartée (n. 81). Sans doute
semblable opinion apparaît-elle assez péremptoire dans son expression. Il en
appert néanmoins de manière incontestable que le problème soulevé par la
recourante n'a pas échappé aux arbitres et que ceux-ci n'ont pas vu dans les
éléments probatoires versés au dossier de l'arbitrage de quoi étayer ces
accusations-là. Qu'ils n'aient pas détaillé les raisons de leur conviction à ce
sujet n'est pas déterminant, sauf à vouloir introduire par la bande une
obligation de motiver les sentences arbitrales internationales. En tout cas, la
recourante ne fournit pas le moindre indice que des documents décisifs,
provenant de sources fiables autres que celles émanant de personnes,
d'organisations ou d'États impliqués dans la crise irakienne, auraient échappé
à l'attention du Tribunal arbitral. Son argumentation se résume, dès lors, à
une critique irrecevable de l'appréciation des preuves à laquelle se sont
livrés les arbitres.

En définitive, le moyen pris de la violation du droit d'être entendu se révèle
infondé dans ses deux branches.

6.
Dans un dernier moyen, la recourante soutient que le Tribunal arbitral a rendu
une sentence incompatible avec l'ordre public, au sens de l'art. 190 al. 2 let.
e LDIP, en admettant la validité d'un contrat entaché de corruption.

6.1 Les promesses de versement de pots-de-vin, d'après la conception juridique
suisse, sont contraires aux moeurs et, partant, nulles en raison du vice
affectant leur contenu. Selon un point de vue confirmé, elles contreviennent
également à l'ordre public (ATF 119 II 380 consid. 4b). Encore faut-il, pour
que le grief correspondant soit admis, que la corruption soit établie, mais que
le Tribunal arbitral ait refusé d'en tenir compte dans sa sentence (arrêt
4P.208/2004 du 14 décembre 2004 consid. 6.1; arrêt 4P.115/1994 du 30 décembre
1994 consid. 2d; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, 2e éd. 2010,
p. 536, note 666).

6.2 En l'espèce, contrairement à ce que prétend la recourante, le Tribunal
arbitral n'a pas tenu pour acquis qu'une partie de la commission due à
l'intimée était destinée au versement de pots-de-vin à des officiels syriens
(sentence, n. 84), auquel cas, de son propre aveu, il n'eût pas été en mesure
d'ordonner un paiement en faveur de la société irakienne, le contrat de
représentation étant alors frappé de nullité (sentence, n. 83). Se référant aux
usages du commerce et se prévalant de sa propre expérience professionnelle, il
a toutefois considéré, par une sorte de fiction juridique, qu'une commission
excédant le 10%, marge de tolérance en sus, du prix des choses vendues était
susceptible d'éveiller le soupçon que la part excédentaire ne servirait pas à
rémunérer le travail en tant que tel du représentant, mais serait utilisée à
des fins de corruption ou pour d'autres paiements. Pour se conformer à cet
usage commercial, il a donc réduit, à due concurrence, la commission
additionnelle de 6 millions d'euros, afin que la rémunération totale des
services de l'intimée ne dépassât pas le plafond de 10%, en tenant compte d'une
marge de tolérance (sentence, n. 86). Puis, au terme de son analyse, il a
indiqué que la commission totale allouée à l'intimée n'était pas propre à
susciter un soupçon de corruption, en précisant qu'une telle possibilité,
évoquée par la recourante dans sa dernière écriture, avait été totalement
exclue par l'un des témoins de cette partie (sentence, n. 93 en liaison avec le
n. 6, p. 10).

Quelle que soit la pertinence de ce raisonnement juridique, qui échappe à
l'examen du Tribunal fédéral, on ne peut pas en déduire que les arbitres ont
considéré comme avérés les éléments constitutifs de la corruption. La
recourante est d'autant plus malvenue à soutenir le contraire que, selon une
autre constatation des arbitres, elle considérait elle-même comme non prouvées
les allégations, faites à l'audience du Tribunal arbitral par deux témoins de
l'intimée, selon lesquelles cette dernière aurait eu l'intention d'effectuer,
voire aurait effectué, des paiements à des tiers, en particulier à des
officiels syriens (sentence, n. 82 en liaison avec le n. 6, p. 10).

Cela étant, il y a lieu de réserver à cet ultime moyen le même sort qu'aux
précédents.

7.
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et indemniser son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 40'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 50'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du
Tribunal arbitral CCI.

Lausanne, le 17 janvier 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Carruzzo