Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.518/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_518/2012

Arrêt du 8 janvier 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________,
tous deux représentés par Me Carole Wahlen,
recourants,

contre

Z.________ SA, représentée par Me Philippe Conod,
intimée.

Objet
bail à loyer; autorisation de procéder; délai pour ouvrir action,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2012 par la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
Y.________ et X.________ sont les locataires, à Pully (VD), d'une chambre
dépendante dans un immeuble appartenant à Z.________ SA. Le 21 septembre 2011,
ils ont saisi l'autorité de conciliation en matière de baux à loyer d'une
requête en contestation du loyer initial. La tentative de conciliation s'est
soldée par un échec et la proposition de jugement formulée par la commission a
été rejetée. Une autorisation de procéder a été notifiée aux locataires le 16
décembre 2011, assortie de la mention suivante, en caractères gras:
"Les demandeurs sont en droit de porter l'action devant le Tribunal des baux
dans un délai de trente jours à compter de la délivrance de la présente
autorisation. Ce délai n'est pas suspendu par les féries (art. 145 al. 1 à 3
CPC).
Si l'action n'est pas intentée dans le délai susmentionné, la proposition de
jugement est considérée comme reconnue et déploie les effets d'une décision
entrée en force."

B.
B.a Le 19 janvier 2012, les locataires ont posté, à l'adresse du Tribunal des
baux du canton de Vaud, une demande dans laquelle ils concluaient à ce que le
loyer mensuel net soit réduit de 140 fr. et fixé à 180 fr. à compter du 16
septembre 2011. Ils requéraient en outre une diminution de la garantie de
loyer.

Par décision du 27 mars 2012, le tribunal a déclaré la demande irrecevable,
rayé la cause du rôle sans frais ni dépens et constaté que la proposition de
jugement rendue le 30 novembre 2011 déployait les effets d'une décision entrée
en force. En substance, le raisonnement tenu était le suivant: le délai de
trente jours pour saisir le tribunal après délivrance de l'autorisation de
procéder (art. 209 al. 4 CPC) n'était pas suspendu pendant les féries. L'art.
145 al. 2 let. a CPC excluait en effet les féries en procédure de conciliation.
Le délai en question ressortissait encore à la phase de conciliation. Il avait
commencé à courir le 17 décembre 2011, pour expirer le lundi 16 janvier 2012.
La demande postée le 19 janvier 2012 était donc tardive.
B.b Les locataires ont déféré cette décision à la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal vaudois, en concluant à la recevabilité de leur demande. La
bailleresse a conclu au rejet de l'appel.
Par arrêt du 9 juillet 2012, le Tribunal cantonal a rejeté l'appel et confirmé
la décision attaquée. Il a condamné solidairement les appelants à payer les
frais de deuxième instance (1'300 fr.) et à verser une indemnité de dépens à
l'intimée (1'200 fr.).

C.
Le 13 septembre 2012, les locataires (ci-après: les recourants) ont déposé un
recours en matière civile, dans lequel ils requièrent que la demande du 19
janvier 2012 soit déclarée recevable, que les frais de deuxième instance soient
mis à la charge de la bailleresse et que celle-ci soit condamnée à leur verser
une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.

La bailleresse (ci-après: l'intimée) déclare adhérer au recours en tant qu'il
conclut à la recevabilité de la demande, compte tenu de l'arrêt 4A_391/2012
rendu par la cour de céans le 20 septembre 2012. Elle conclut au rejet des
autres conclusions portant sur les frais et dépens.

L'autorité précédente se réfère à son arrêt.

Considérant en droit:

1.
Le présent recours en matière civile est recevable sur le principe. L'on relève
en particulier que la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. requise pour les
affaires de bail à loyer est atteinte (art. 74 al. 1 let. a LTF en relation
avec l'art. 51 al. 4 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.1). Au demeurant, la
contestation soulève une question qui, au moment du dépôt du recours, pouvait
être qualifiée de question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF) dès
lors qu'elle n'avait pas encore été tranchée par la jurisprudence fédérale (cf.
arrêt 4A_391/2012 du 20 septembre 2012 consid. 1).

2.
La cour de céans a déjà été saisie d'une affaire vaudoise similaire. Dans
l'arrêt précité du 20 septembre 2012, elle a considéré, en accord avec la
doctrine majoritaire, que le délai imparti par l'art. 209 al. 3 et 4 CPC pour
saisir le tribunal après délivrance de l'autorisation de procéder est suspendu
pendant les féries; ce délai échappe au champ d'application de l'art. 145 al. 2
let. a CPC, lequel exclut les féries judiciaires en procédure de conciliation.
Les motifs de cette prise de position sont exposés en détail dans cette
jurisprudence, à laquelle il peut être renvoyé (arrêt 4A_391/2012 précité,
consid. 2 destiné à la publication).

En l'occurrence, l'autorisation de procéder a été réceptionnée le 16 décembre
2011. Le délai de 30 jours pour saisir le tribunal a commencé à courir le
lendemain, soit le 17 décembre (art. 209 al. 4 CPC en liaison avec l'art. 142
al. 1 CPC). Il a été suspendu du 18 décembre 2011 au 2 janvier 2012 inclus
(art. 145 al. 1 let. c CPC). En conséquence, ce délai n'était pas échu lorsque
les locataires ont posté leur demande à l'adresse du Tribunal des baux le 19
janvier 2012. La demande est dès lors déposée en temps utile, comme l'admet du
reste désormais l'intimée.

En bref, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause
renvoyée à l'autorité précédente pour suite de la procédure.

3.
Doit encore être résolue la question des frais et dépens de la présente
procédure.

3.1 En procédure civile, un principe de base veut que les frais et dépens
soient répartis d'après le sort des conclusions (Erfolgsprinzip; ATF 119 Ia 1
consid. 6b; YVES DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, Commentaire, 2008, p.
760 s.). Suivant ce principe, la LTF prévoit qu'en règle générale, la partie
qui succombe supporte les frais judiciaires et verse une indemnité de dépens à
la partie ayant obtenu gain de cause (cf. art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2
LTF). Cette règle se fonde sur la présomption que la partie perdante a causé
les frais de l'instance (HUGO CASANOVA, Die Haftung der Parteien für
prozessuales Verhalten, 1982, p. 24 et 27). La partie qui prend des conclusions
dans un recours doit s'attendre à perdre et à en supporter les conséquences
financières. Si elle ne veut pas assumer un tel risque, elle doit se distancier
du procès en renonçant à prendre position (ATF 119 Ia 1 consid. 6b). La partie
qui succombe est celle dont les conclusions devant le Tribunal fédéral sont
écartées ou rejetées. Dans certains cas, une partie qui s'abstient de prendre
position peut être considérée comme la partie perdante dès lors que la décision
attaquée est modifiée à son détriment (cf. ATF 123 V 156 consid. 3; 128 II 90
consid. 2; cf. DONZALLAZ, op. cit., p. 763 s. et les réf. citées).

Pris de manière absolue, l'Erfolgsprinzip pourrait conduire à des iniquités, de
sorte que des correctifs sont aménagés (CASANOVA, op. cit., p. 24). La LTF
prévoit une règle d'équité, en ce sens qu'indépendamment de l'issue de la
procédure, les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a
engendrés, règle qui s'applique par analogie aux dépens (cf. art. 66 al. 3 et
art. 68 al. 4 LTF; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 6 ad art.
66 LTF). A ce titre, la collectivité publique dont dépend l'autorité intimée
peut exceptionnellement être amenée à verser des dépens, voire à assumer les
frais de justice. Une telle solution n'est admise que de façon exceptionnelle,
en particulier lorsque l'autorité précédente a indiqué de façon erronée les
voies de droit, n'a pas motivé sa décision conformément aux exigences
constitutionnelles (cf. ATF 133 I 234 consid. 3), a commis une erreur manifeste
- par exemple dans le calcul d'un délai - ou a commis de toute autre façon une
violation qualifiée du devoir de rendre la justice (cf. ATF 133 V 402 consid.
5; arrêt K 8/97 du 7 avril 1998 consid. 5a, non publié à l'ATF 124 V 130;
CORBOZ, op. cit., nos 17 et 20 ad art. 66 et n° 23 ad art. 68 LTF; THOMAS
GEISER, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2008, nos 7 et 25 ad art. 66
et nos 17 et 18 ad art. 68 LTF; HANSJÖRG SEILER, in Stämpflis Handkommentar,
Bundesgerichtsgesetz (BGG), 2007, n° 43 ad art. 66 et n° 34 ad art. 68 LTF).

3.2 Dans le cas concret, les recourants obtiennent gain de cause sur la
question du respect du délai de l'art. 209 al. 4 CPC. Devant le Tribunal
fédéral, l'intimée a adhéré à leur point de vue. Formellement parlant, elle ne
succombe pas. La situation est toutefois particulière. La décision attaquée est
modifiée à l'avantage des recourants, dans le sens contraire des conclusions
que l'intimée avait prises victorieusement devant l'autorité précédente. Son
revirement est dû à un concours de circonstances, à savoir que la jurisprudence
rendue entre le recours et la réponse lui a permis de réaliser que la position
défendue devant l'autorité précédente était clairement vouée à l'échec. Dans ce
cas particulier, il faut admettre que l'intimée succombe, dès lors qu'elle voit
la décision modifiée de façon contraire à la thèse qu'elle a soutenue jusqu'à
ce que la jurisprudence mette fin à toute équivoque. Par ailleurs, il n'y a pas
de motif exceptionnel qui justifierait de mettre les frais et/ou dépens à la
charge du canton (cf. CORBOZ, op. cit., n° 38 ad art. 66 LTF). Les juges
vaudois ont opté pour un courant doctrinal minoritaire, dans un domaine où
existait une incertitude caractérisée (cf. arrêt 4A_391/2012 consid. 1), alors
que d'autres cantons ont suivi la doctrine majoritaire (arrêt de la Cour de
justice genevoise du 12 avril 2012, DTA 2012 155, cité par le recourant). L'on
ne saurait voir là une violation caractérisée du devoir de rendre la justice.
Vu les circonstances, le présent arrêt sera rendu sans frais. L'intimée, pour
les motifs exposés ci-dessus, versera une indemnité de dépens de 2'500 fr. aux
recourants, créanciers solidaires.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à
l'autorité précédente pour suite de la procédure.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
L'intimée versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500
fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 janvier 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti