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I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.508/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
4A_508/2012

Arrêt du 9 janvier 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente,
Corboz, Kolly, Kiss et Niquille.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
1. Ethical Coffee Company SA, r
2. Ethical Coffee Company (Suisse) SA,
toutes deux représentées par Me François Besse,
recourantes,

contre

1. Société des Produits Nestlé S.A.,
2. Nestlé Nespresso SA,
toutes deux représentées par Me Amédée Kasser et
Me Ralph Schlosser,
intimées.

Objet
protection des marques; mesures provisionnelles,

recours en matière civile contre l'ordonnance rendue le 21 août 2012 par le
Juge délégué de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
A.a A partir des années 1970, la Société des Produits Nestlé S.A. (ci-après:
Nestlé), active dans le secteur alimentaire et ayant son siège à Vevey, a mis
au point une capsule en aluminium enfermant une dose de café moulu qui, une
fois insérée dans une machine à café, permet de réaliser une tasse de café sans
manipuler la poudre. Nestlé a fait breveter cet objet. La société Nestlé
Nespresso SA (ci-après: Nespresso), sise à Lausanne, a reçu la licence pour
fabriquer et distribuer ces capsules (ci-après: les capsules Nespresso), qui
connaissent un grand succès commercial.

Le brevet délivré par le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle a été
radié le 16 décembre 1996, à l'issue de la durée maximale de protection. Quant
au brevet européen, il a été radié le 31 janvier 2005 après treize annuités.
A.b Le 28 juin 2000, Nestlé a déposé auprès de l'IFPI (Institut Fédéral de la
Propriété Intellectuelle) une demande d'enregistrement de marque
tridimensionnelle pour sa capsule. Cette marque a été inscrite le 15 juillet
2001 comme marque imposée dans le commerce. L'inscription a été renouvelée pour
une nouvelle période de dix ans à partir du 29 juin 2010.

L'inscription de cette marque tridimensionnelle a été acceptée dans certains
pays étrangers, mais refusée dans d'autres. Une demande de protection à titre
de marque communautaire présentée devant l'Office européen d'harmonisation dans
le marché intérieur s'est heurtée à un refus pour le motif que la marque
n'avait pas acquis de caractère distinctif.
A.c Dès le 15 décembre 2010, la chaîne de magasins Denner SA a mis sur le
marché des capsules de café concurrentes, produites par la société Alice
Allison SA, et utilisables dans les machines destinées aux capsules Nespresso.
Invoquant leur droit exclusif à la marque ainsi qu'une violation de la loi sur
la concurrence déloyale, Nestlé et Nespresso ont saisi le Président du Tribunal
de commerce de Saint-Gall d'une requête de mesures provisionnelles et
superprovisionnelles. Par ordonnance superprovisionnelle du 10 janvier 2011,
interdiction a été faite à Alice Allison SA et à Denner SA de distribuer ou
commercialiser ces capsules concurrentes. Cette décision a été partiellement
rapportée par ordonnance de mesures provisionnelles du 4 mars 2011; le
Président du Tribunal de commerce saint-gallois a alors considéré que la marque
ne pouvait pas être protégée, parce que la forme du produit était techniquement
nécessaire.

Nestlé et Nespresso ont recouru au Tribunal fédéral. Par arrêt du 28 juin 2011,
la cour de céans a annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle mette en ?uvre une expertise sommaire (arrêt 4A_178/
2011, publié in ATF 137 III 324).
A.d Au mois de février 2011, les sociétés Ethical Coffee Company SA et Ethical
Coffee Company (Suisse) SA, toutes deux sises à Fribourg (ci-après : les
sociétés ECC), ont mis en vente en Suisse d'autres capsules concurrentes, par
l'intermédiaire de certains commerces appartenant au groupe Casino. Ces
capsules ont cependant été retirées des magasins quelques jours après leur mise
sur le marché. En septembre 2011, le groupe Media Markt a annoncé qu'il allait
commercialiser les capsules des sociétés ECC, qui sont compatibles avec les
machines à café utilisées pour les capsules Nespresso. Le 28 septembre 2011,
ces capsules étaient en vente dans le magasin Media Markt de Crissier.

B.
B.a Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du 30
septembre 2011, Nestlé et Nespresso ont demandé au Juge délégué de la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois d'interdire aux sociétés ECC et aux
sociétés du groupe Media Markt de commercialiser les capsules des sociétés ECC.
Par ordonnance de mesures superprovisionnelles rendue le même jour, soit le 30
septembre 2011, le Juge délégué a fait droit à la requête en interdisant aux
sociétés intimées d'offrir, commercialiser, distribuer, vendre, promouvoir,
exporter, entreposer ou utiliser de quelque autre manière dans le commerce les
capsules de café des sociétés ECC correspondant à la forme des capsules
Nespresso (chiffre I du dispositif), sous menace de la peine d'amende prévue
par l'art. 292 CP (ch. II); il a par ailleurs astreint Nestlé et Nespresso à
déposer des sûretés de 30'000 fr. pour assurer le paiement d'éventuels
dommages-intérêts pouvant résulter des mesures ordonnées (ch. III).

Les sociétés ECC ont produit une expertise privée concluant que la forme des
capsules répondait à une nécessité technique. Les parties requérantes ont fait
entendre un de leurs employés qui a affirmé le contraire; elles ont également
sollicité, à titre subsidiaire, la mise en ?uvre d'une expertise.

Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 11 novembre 2011, envoyée pour
notification le 16 décembre 2011, le Juge délégué de la Cour civile a confirmé
les mesures ordonnées à titre superprovisionnel, tout en augmentant à deux
millions de francs le montant des sûretés à fournir. Il a fixé aux parties
requérantes un délai au 29 février 2012 pour déposer une demande au fond, sous
peine de caducité des mesures provisionnelles. L'écriture en question a été
déposée en temps utile.
B.b Les sociétés ECC ont interjeté un recours en matière civile auprès du
Tribunal fédéral. Les sociétés du groupe Media Markt ont fait savoir qu'elles
renonçaient à participer à la procédure de recours; elles avaient déjà informé
Nestlé et Nespresso qu'elles renonçaient à commercialiser les capsules des
sociétés ECC jusqu'à la fin de la procédure provisionnelle. Statuant par arrêt
du 26 juin 2012, la cour de céans a admis le recours et renvoyé la cause au
Juge délégué de la Cour civile vaudoise. Elle a en particulier considéré que le
Juge délégué se devait de demander une expertise sommaire à un technicien
indépendant avant de trancher la question controversée et décisive de savoir si
la forme des capsules est techniquement nécessaire et, partant, si l'absence de
validité de la marque est vraisemblable (arrêt 4A_36/2012, publié in sic! 2012
p. 627).
B.c Le 18 juillet 2012, les sociétés ECC ont requis le Juge délégué de lever
avec effet immédiat l'ordonnance superprovisionnelle du 30 septembre 2011.
Le Juge délégué a rendu le 21 août 2012 une nouvelle ordonnance, qualifiée
d'"ordonnance de mesures superprovisionnelles", dans la cause divisant
désormais Nestlé et Nespresso d'une part, et les sociétés ECC d'autre part. Il
a confirmé sa précédente décision de mesures superprovisionnelles du 30
septembre 2011 en tant qu'elle prononçait l'interdiction, sous menace de
sanction pénale, de commercialiser les capsules des sociétés ECC (confirmation
des ch. I et II du dispositif du 30 septembre 2011); en revanche, il a augmenté
de 30'000 fr. à deux millions de francs le montant des sûretés à fournir par
Nestlé et Nespresso.

C.
Les sociétés ECC (les recourantes) interjettent un recours en matière civile,
dans lequel elles concluent en toutes hypothèses à l'annulation de l'ordonnance
du 21 août 2012. A titre principal, elles entendent faire constater que la
décision superprovisionnelle du 30 septembre 2011 a définitivement cessé de
déployer ses effets au plus tard le 16 décembre 2011, en raison de la décision
sur mesures provisionnelles consécutive à l'audience du 11 novembre 2011.
Subsidiairement, elles requièrent la levée de l'ordonnance superprovisionnelle
du 30 septembre 2011, avec effet immédiat. Nestlé et Nespresso (les intimées)
concluent au rejet du recours dans la mesure où il n'est pas irrecevable. Les
deux parties ont par la suite déposé des observations supplémentaires.

Considérant en droit:

1.
Les intimées contestent la recevabilité du recours à un double titre:
l'exigence d'épuisement préalable des voies de droit cantonales ne serait pas
satisfaite; en outre, la décision ne serait pas susceptible de causer un
préjudice irréparable.

1.1 De l'avis des intimées, le présent recours est irrecevable dès lors qu'il
est dirigé contre une décision de mesures superprovisionnelles à laquelle
succédera nécessairement une ordonnance provisionnelle de l'autorité cantonale.
Les recourantes soutiennent en revanche que l'ordonnance attaquée, nonobstant
son intitulé, est en réalité une ordonnance de mesures provisionnelles qui,
comme telle, est susceptible d'être déférée au Tribunal fédéral.
1.1.1 Les mesures superprovisionnelles sont rendues en cas d'urgence
particulière; elles se distinguent des mesures provisionnelles (ordinaires)
uniquement par le fait qu'elles sont rendues sans que la partie adverse soit
entendue préalablement (art. 265 al. 1 CPC). Si le juge rend de telles mesures,
il doit ensuite rapidement entendre la partie adverse et statuer sans délai sur
la requête de mesures provisionnelles proprement dites (art. 265 al. 2 CPC). Il
rend alors une décision sur mesures provisionnelles qui remplace la décision
superprovisionnelle. Les mesures provisionnelles restent en principe en vigueur
jusqu'à l'entrée en force de la décision au fond; elle peuvent toutefois être
modifiées ou révoquées si les circonstances se sont modifiées après leur
prononcé, ou s'il s'avère par la suite qu'elles sont injustifiées (art. 268
CPC).

Les mesures provisionnelles rendues par un tribunal de première instance
peuvent être déférées à l'autorité cantonale supérieure par la voie de l'appel
ou du recours stricto sensu (art. 308 al. 1 let. b et art. 319 let. a CPC);
celles rendues par le tribunal supérieur, statuant sur recours ou comme
instance cantonale unique, peuvent être portées devant le Tribunal fédéral par
la voie du recours en matière civile ou du recours constitutionnel subsidiaire
(art. 98 LTF). Les mesures superprovisionnelles ne sont en revanche pas
susceptibles de recours, ni auprès de l'autorité cantonale supérieure
lorsqu'elles émanent d'une autorité inférieure, ni auprès du Tribunal fédéral.
L'exclusion de tout recours au Tribunal fédéral découle de l'obligation
d'épuiser les voies de recours cantonales; la procédure provisionnelle doit
être poursuivie devant l'autorité saisie afin d'obtenir le remplacement des
mesures superprovisionnelles par des mesures provisionnelles. Au demeurant,
cette exclusion du recours se justifie aussi par le fait que le requérant
parviendra en principe plus rapidement à ses fins en continuant la procédure
devant le juge saisi plutôt qu'en déposant un recours auprès d'une nouvelle
autorité (ATF 137 III 417).

Lorsqu'un recours dirigé contre des mesures provisionnelles est admis, que la
décision attaquée est annulée, et la cause renvoyée au juge précédent pour
nouvelle décision, la procédure se trouve ramenée au stade où elle se trouvait
juste avant que la décision annulée soit rendue, c'est-à-dire à un stade où les
mesures superprovisionnelles sont encore en vigueur. L'annulation de la
décision de mesures provisionnelles fait ainsi renaître les mesures
superprovisionnelles (arrêt 4A_178/2011 précité consid. 4, non publié à l'ATF
137 III 324; apparemment contra LORENZA FERRARI HOFER, Discussions d'arrêts
actuels, PJA 2012 p. 281 nn. 24-26).
1.1.2 Le juge à qui la cause est renvoyée doit à nouveau, et sans délai,
statuer sur la requête de mesures provisionnelles proprement dites, et donc
rendre une nouvelle décision de mesures provisionnelles (ordinaires) terminant
en principe la procédure provisionnelle, sous réserve d'éléments nouveaux (art.
268 al. 1 CPC). Il se peut toutefois que le juge ne soit pas en mesure de
statuer à bref délai, notamment lorsque, comme en l'espèce, il est tenu de
requérir au préalable une expertise technique succincte. Dans une telle
hypothèse, il lui appartient le cas échéant de statuer, au vu des éléments dont
il dispose à ce stade, sur le maintien, la modification ou la suppression des
mesures précédemment ordonnées à titre superprovisionnel, et ce, pour la durée
restante de la procédure provisionnelle, jusqu'à ce qu'il ait réuni les
éléments nécessaires pour se prononcer en principe définitivement sur les
mesures provisionnelles requises (cf. arrêt 4A_178/2011 précité consid. 4).

Une telle décision, qui pourrait être qualifiée d'intermédiaire, a un caractère
particulier. Elle intervient après l'audition des parties, mais avant que le
juge statue sur la requête de mesures provisionnelles proprement dites et mette
ainsi fin à la procédure provisionnelle, sous réserve d'éléments nouveaux.
Cette décision intermédiaire ne restera pas en vigueur jusqu'à la décision au
fond, mais devra être remplacée par une décision de mesures provisionnelles dès
que le juge disposera des éléments nécessaires pour rendre une telle décision,
ce qui pourra, selon les circonstances, prendre du temps. Se pose donc la
question de savoir si la décision intermédiaire doit être assimilée à une
décision de mesures provisionnelles ou à une décision de mesures
superprovisionnelles; en dépend l'existence ou non d'une possibilité de
recours.

Les mesures superprovisionnelles ont pour trait spécifique d'être rendues avant
l'audition de la partie adverse, en cas d'urgence particulière; l'exclusion de
toute voie de recours contre de telles mesures est notamment justifiée par le
fait qu'elles sont censées avoir une durée très limitée et être remplacées à
bref délai par des mesures provisionnelles attaquables. En conséquence, l'on ne
saurait assimiler à une telle protection superprovisoire des mesures prononcées
après audition des parties, et susceptibles de rester en vigueur durant un laps
de temps important. En bref, lorsque le juge statue sur le sort des mesures
superprovisionnelles réactivées par l'annulation d'une décision sur mesures
provisionnelles et qu'il le fait à titre intermédiaire, pour la durée restante
de la procédure provisionnelle, il rend une décision de mesures provisionnelles
susceptible de recours.

1.2 De l'avis des intimées, la décision attaquée - de nature incidente - n'est
pas susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1
let. a LTF, dès lors qu'elle n'est pas vouée à rester en vigueur jusqu'à la
décision finale au fond, mais seulement jusqu'à la décision sur mesures
provisionnelles, que le juge rendra dès réception du rapport d'expert.

La date à laquelle le juge pourra rendre une nouvelle décision fondée sur
l'expertise requise et ainsi clore la procédure provisionnelle est inconnue;
selon les circonstances, la procédure peut durer. Même si la décision au fond
interviendra à une date plus tardive que la décision sur mesures
provisionnelles, on ne discerne pas en quoi il y aurait une différence
essentielle dans la nature des durées des deux procédures qui imposerait une
interprétation différente de la notion de préjudice irréparable. Pour les
motifs exposés par la cour de céans dans son arrêt du 26 juin 2012 (4A_36/2012
précité consid. 1.3), il y a lieu d'admettre un risque de préjudice irréparable
découlant de la décision attaquée.

2.
Lorsque le recours est dirigé contre une décision portant sur des mesures
provisionnelles, ne préjugeant pas du sort de l'action au fond, seule peut être
invoquée la violation de droits constitutionnels, en particulier l'interdiction
de l'arbitraire (art. 9 Cst.) (art. 98 LTF; arrêt 4A_288/2012 du 9 octobre 2012
consid. 2.4, destiné à la publication). Le grief doit être expressément invoqué
et précisément motivé (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 232 consid. 1.2).

Aucun fait nouveau ne peut être présenté en instance fédérale (art. 99 al. 1
LTF). Pour introduire de vrais ou de faux nova, il convient d'adresser une
requête de modification au juge des mesures provisionnelles (art. 268 al. 1
CPC).

3.
Les recourantes se plaignent tout d'abord d'une application arbitraire des art.
265 et 268 CPC. Elles soutiennent que les mesures superprovisionnelles
ordonnées le 30 septembre 2011 sont définitivement tombées avec la décision
provisionnelle du 11 novembre 2011; l'annulation de cette dernière décision par
le Tribunal fédéral ne pouvait faire revivre des mesures superprovisionnelles
déjà éteintes, de sorte que le juge ne pouvait les maintenir par la décision
attaquée.

Cette opinion est erronée (cf. supra, consid. 1.1.1). Au demeurant, quand bien
même les mesures superprovisionnelles auraient été définitivement annulées par
l'ordonnance du 11 novembre 2011, il faudrait alors constater que par la
décision attaquée, le juge a ordonné de nouvelles mesures provisionnelles. Les
recourantes ne démontrent pas pour quel motif ces dernières seraient nulles.

4.
Les recourantes reprochent ensuite au juge précédent d'avoir appliqué
arbitrairement l'art. 261 al. 1 CPC en admettant que la marque de forme des
intimées était vraisemblablement valable. Elles relèvent que la cour de céans a
annulé les mesures provisionnelles du 11 novembre 2011 pour arbitraire, au
motif que le juge avait tranché en faveur des intimées sans disposer d'éléments
de preuve sérieux; en rendant la même décision que dans l'ordonnance annulée,
alors que la situation demeurait inchangée et que l'expertise n'avait pas
encore été ordonnée, l'autorité cantonale aurait versé dans l'arbitraire. Elle
aurait également appliqué de façon arbitraire les règles sur le fardeau de la
preuve quant à la validité de la marque.

4.1 A défaut d'éléments nouveaux, et en particulier avant le dépôt de
l'expertise exigée par la cour de céans dans son arrêt du 26 juin 2012, le juge
précédent ne pouvait pas rendre une nouvelle décision mettant fin à la
procédure de mesures provisionnelles. Il ne l'a pas fait. Les recourantes
perdent de vue que la décision attaquée est une décision intermédiaire, rendue
sur la base des éléments disponibles à ce stade, éléments par définition
insuffisants pour rendre une décision provisionnelle en principe définitive. Si
l'ordonnance du 11 novembre 2011, favorable aux intimées, a dû être annulée en
raison de l'insuffisance des éléments nécessaires pour trancher la requête de
mesures provisionnelles proprement dites, cela n'implique pas nécessairement de
priver les intimées de toute protection provisoire jusqu'à ce que puisse être
rendue une décision réglant en principe définitivement le sort de la requête.

4.2 Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable
qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte - ou risque
de l'être -, et qu'il s'expose de ce fait à un préjudice difficilement
réparable (art. 261 al. 1 CPC). Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en
se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est
produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se
dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1 p. 720; 130 III 321 consid. 3.3
p. 325); le juge peut en outre se limiter à un examen sommaire des questions de
droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3 p. 476; 108 II 69 consid. 2a p. 72).

L'enregistrement d'une marque n'intervient que si l'IFPI n'a constaté aucun
motif de nullité formel ou matériel (art. 30 de la loi fédérale du 28 août 1992
sur la protection des marques et des indications de provenance [LPM; RS
232.11]). Il n'est pas arbitraire d'en déduire que la marque est, de prime
abord et à défaut d'autres éléments, vraisemblablement valable (cf. KAMEN
TROLLER, Précis du droit suisse des biens immatériels, 2e éd. 2006, p. 421;
EUGEN MARBACH, Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. III/
1, Markenrecht, 2e éd. 2009, p. 146 n. 475; voir aussi LUCAS DAVID, Die Bindung
des Zivilrichters ans verwaltungsrechtliche Präjudiz, sic! 2012 p. 442).
L'arrêt de la cour de céans du 26 juin 2012 retient dans ce sens qu'il
appartenait aux recourantes de rendre vraisemblable que la marque des intimées
ne pouvait pas être protégée (cf. ATF 132 III 83 consid. 3.2).

En l'espèce, le juge précédent a retenu dans la décision attaquée que rien
n'entamait en l'état la vraisemblance de la validité de la marque. Les
recourantes ne présentent pas de critique spécifique sur ce point et ne
démontrent en particulier pas quels éléments ressortant du dossier impliquaient
d'admettre la vraisemblance de l'invalidité de la marque.

Les recourantes insistent sur le fait que dans des procédures opposant les
intimées à d'autres vendeurs de capsules à café, le juge des mesures
provisionnelles n'a pas interdit la commercialisation. Il s'agit là pour partie
de faits nouveaux irrecevables. Quoi qu'il en soit, le juge des mesures
provisionnelles statue à l'aune de la simple vraisemblance et la cour de céans
n'examine sa décision que sous l'angle restreint de l'arbitraire; le fait que
des décisions divergentes aient pu être rendues dans des procédures similaires
impliquant d'autres parties, au surplus pour des motifs inconnus,
n'impliquerait pas que le grief d'arbitraire soit fondé. Quant au grief soulevé
à propos du risque de confusion généré par la vente de capsules concurrentes,
les recourantes se placent exclusivement sur le terrain de l'inégalité de
traitement, sans soutenir ni démontrer - à supposer qu'elles puissent encore le
faire à ce stade - que l'admission d'un tel risque relèverait d'une application
arbitraire de la LPM.

5.
Les recourantes se plaignent encore d'arbitraire dans l'application de l'art.
261 al. 1 let. b CPC. Elles reprochent au juge précédent d'avoir procédé à une
appréciation arbitraire des intérêts en présence, en considérant à tort, et en
porte-à-faux avec l'arrêt du 26 juin 2012, que la commercialisation des
capsules entraînerait un préjudice irréparable pour les intimées, et supérieur
au préjudice que les recourantes subiraient en cas d'interdiction de la
commercialisation.

Les recourantes partent d'une fausse prémisse: il n'y a pas à opposer les
préjudices auxquels les parties sont exposées pour décider s'il y a lieu
d'interdire ou non la commercialisation d'un produit par voie de mesures
provisionnelles. Encore une fois, ces mesures sont prononcées si la partie
requérante rend vraisemblable qu'une prétention dont elle est titulaire est
l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (art. 261 al. 1 let. a CPC; art. 59
let. d LPM), et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice
difficilement réparable (art. 261 al. 1 let. b CPC). Il suffit que la partie
requérante risque un préjudice difficilement réparable - élément dont les
recourantes ne contestent pas en soi la réalisation; il n'est pas nécessaire
que ce préjudice soit plus important ou plus vraisemblable que celui
qu'encourrait la partie adverse au cas où les mesures requises seraient
ordonnées. Au besoin, des sûretés peuvent être ordonnées pour protéger la
partie adverse, ce qui a précisément été fait. Pour le surplus, les recourantes
ne prétendent pas qu'une mesure moins incisive aurait pu et dû être prononcée.
Elles ne critiquent pas le montant des sûretés requises.

6.
Les recourantes, enfin, se plaignent d'une violation du droit d'être entendu
pour cause de motivation insuffisante de la décision attaquée. Sous ce titre,
elles reprennent des critiques déjà présentées sous l'angle de l'arbitraire, et
rejetées. Il n'y a pas à entrer en matière.

7.
Les recourantes succombent. En conséquence, elles supportent les frais et
dépens de la présente procédure (art. 66 et 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge des
recourantes, solidairement entre elles.

3.
Les recourantes sont condamnées solidairement à verser aux intimées,
créancières solidaires, une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Juge délégué
de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 9 janvier 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti