Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.484/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_484/2012

Arrêt du 28 février 2013
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par Me Maud Volper,
recourante,

contre

A.Y.________, représentée par Me François Zutter,
intimée.

Objet
bail à loyer, congé,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des
baux et loyers, du 29 juin 2012.

Faits:

A.
Par contrat du 29 septembre 1995, V.________ SNC ont cédé à H.Y.________ et sa
fille A.Y.________, moyennant le paiement d'un loyer mensuel, l'usage d'un
appartement de cinq pièces destiné à l'habitation dans l'immeuble sis 29 rue
... à Genève. Le bail, conclu initialement du 1er octobre 1995 au 30 septembre
1996, était renouvelable ensuite tacitement d'année en année, sauf congé donné
trois mois à l'avance.
A la suite du décès de H.Y.________, A.Y.________ est devenue l'unique
locataire du logement au terme d'un avenant du 15 février 2006.
A une date indéterminée, V.________ SNC ont vendu l'immeuble à W.________ SA,
laquelle a vendu l'appartement cité à X.________ SA le 11 décembre 2006.
La société X.________ SA, qui a son siège à Genève, est active dans le domaine
de l'achat et de la vente de biens immobiliers. Elle a acheté l'appartement en
cause dans un lot de sept appartements, sis 29 et 31 rue ..., pour lesquels
elle a payé 4'226'000 fr. Elle a revendu six de ces sept appartements,
respectivement en date du 3 décembre 2007, du 27 mai 2008, du 18 décembre 2008,
du 3 septembre 2009, du 30 mars 2010 et du 29 novembre 2010, pour un montant
total de 6'950'000 fr.
Par courrier du 28 octobre 2008, X.________ SA a informé A.Y.________ de son
intention de vendre l'appartement qu'elle occupait pour la somme de 1'500'000
fr. Elle lui a proposé d'acheter son logement, tout en précisant qu'elle avait
déjà des acquéreurs privés intéressés par ce bien pour leur usage personnel.
Par avis de résiliation du 7 septembre 2009, X.________ SA a résilié le bail de
A.Y.________ pour le 30 septembre 2010, au motif qu'elle entendait vendre
l'appartement libre de tout occupant.
La locataire s'est opposée à la résiliation du bail.

B.
Par décision du 26 mai 2010, la Commission de conciliation en matière de baux
et loyers du canton de Genève a déclaré la résiliation valable et a accordé à
la locataire une prolongation du bail de trois ans, soit jusqu'au 30 septembre
2013. La commission a estimé que la résiliation ne constituait pas un
congé-vente et que la locataire n'avait pas démontré l'existence d'une
disproportion évidente entre les intérêts en présence.
A.Y.________ a saisi le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève,
sollicitant l'annulation du congé, subsidiairement une prolongation de bail de
quatre ans, échéant au 30 septembre 2014.
En cours de procédure, il a été établi que A.Y.________ exerçait la profession
de médecin hospitalier et réalisait un salaire net mensuel d'environ 8'000 fr.
Elle vit dans l'appartement avec sa mère F.Y.________, alors âgée de 69 ans,
dont les revenus bruts s'élevaient à 58'709 fr. par an et qui disposait d'une
fortune mobilière nette de 746'903 fr. A.Y.________ a déclaré qu'elle était
prête à déménager à la campagne si cela était nécessaire.
Le représentant de la bailleresse a expliqué que celle-ci vendait ses
appartements à des acquéreurs, qui généralement souhaitaient y habiter
eux-mêmes; il était donc important pour elle que l'appartement soit libre de
tout occupant au moment de la vente. Le réviseur de la société a affirmé que
celle-ci devait vendre avec profit un ou deux objets chaque année, faute de
quoi elle subirait des pertes qui pourraient l'obliger à cesser son activité.
Il a été indiqué que les revenus de la société provenaient à raison de 60% à
80% de la vente des appartements; la société verse des salaires à trois
employés, dont un courtier qui bénéficie de commissions en fonction des ventes
effectuées.
Par jugement du 18 octobre 2011, le Tribunal des baux et loyers a annulé le
congé notifié le 7 septembre 2009. Il a considéré que le congé revêtait un
caractère purement spéculatif.
Saisie d'un appel formé par la bailleresse, la Chambre des baux et loyers de la
Cour de justice genevoise, par arrêt du 29 juin 2012, a confirmé le jugement
attaqué. La cour cantonale a estimé en substance que le congé était abusif
parce que la bailleresse se livrait à la spéculation immobilière.

C.
X.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt précité. Invoquant l'interdiction de l'arbitraire ainsi qu'une
violation des art. 8 CC et 271 CO, elle conclut à l'annulation de cette
décision, à ce qu'il soit constaté que le congé donné pour le 30 septembre 2010
est valable et à ce qu'aucune prolongation du bail ne soit accordée à la
locataire; subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à la cour
cantonale.
L'intimée propose le rejet du recours.
La recourante a répliqué.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à faire
constater la validité du congé donné et qui a donc qualité pour recourir (art.
76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en
dernière instance cantonale (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en matière de droit du
bail (art. 74 al. 1 let. a LTF; ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390 s.), le
recours est par principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art.
100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi .

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF.
Le Tribunal fédéral applique d'office le droit dont il peut contrôler le
respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés
dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il
peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été invoqués ou,
à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de
celle de l'autorité précédente (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336; 137 II 313
consid. 4 p. 317 s.). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art.
42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p.
389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Par exception à la règle selon laquelle
il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière
sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du
droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de
manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397
consid. 1.4 in fine).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137
II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF).
La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356). Si
la partie recourante entend se plaindre d'arbitraire dans l'appréciation des
preuves et l'établissement des faits, elle doit motiver son grief d'une manière
qui corresponde aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid.
4.1.2 p. 62). Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si
elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun
fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
S'il admet le recours, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond ou
renvoyer l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle
décision (art. 107 al. 2 LTF).

2.
2.1 Invoquant l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.; pour la définition
de l'arbitraire: cf. ATF 138 I 305 consid. 4.3 p. 319), la recourante se plaint
en réalité de l'appréciation juridique opérée par la cour cantonale de données
factuelles dûment constatées dans l'arrêt attaqué. Cette argumentation est
impropre à démontrer que l'état de fait lui-même devrait être rectifié ou
complété sous peine d'arbitraire.
La recourante semble également se plaindre du fait que la cour cantonale n'a
pas pris en considération des pièces qu'elle aurait manifestement pu produire
en première instance. La décision cantonale est sur ce point conforme à l'art.
317 al. 1 CPC. Dans la mesure où la recourante voudrait produire de nouvelles
pièces devant le Tribunal fédéral, elle n'y est pas autorisée par l'art. 99 al.
1 LTF.

2.2 La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 8 CC, comme
règle sur le fardeau de la preuve, en mettant à la charge de la bailleresse
l'obligation de prouver qu'il lui était impossible de vendre l'appartement pour
le prix de 1'500'000 fr. s'il était occupé par des locataires.
Il résulte de l'art. 8 CC que la partie demanderesse doit prouver les faits qui
fondent sa prétention, tandis que sa partie adverse doit prouver les faits qui
entraînent l'extinction ou la perte du droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p.
323). Il est donc exact - comme le soutient la recourante - qu'il incombait à
la locataire, en tant que demanderesse dans l'action en annulation, d'apporter
la preuve des faits permettant de conclure que le congé est contraire aux
règles de la bonne foi; il n'en demeure pas moins que la partie adverse doit
contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les
éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par
elle (arrêt 4C.61/2005 du 27 mai 2005 consid. 4.3.1, in SJ 2006 I p. 34). Que
le fardeau de la preuve ait incombé à l'intimée n'enlève rien au fait que la
recourante, si elle invoquait dans la discussion un fait favorable à sa thèse,
devait prouver la véracité de ce qu'elle avançait. De toute manière, la cour
cantonale a conclu sur ce point (cf. consid. 3.2.2 de l'arrêt attaqué in fine)
que même si cette preuve avait été apportée, sa décision n'aurait pas été
modifiée. Or, un point de fait ne peut en principe pas être discuté devant le
Tribunal fédéral s'il n'est pas susceptible d'influer sur le sort de la cause
(art. 97 al. 1 LTF).

2.3 La recourante soutient que la cour cantonale a violé l'art. 271 al. 1 CO en
retenant que le congé d'espèce contrevenait aux règles de la bonne foi du fait
qu'il y aurait une disproportion manifeste des intérêts en présence.
Il résulte de l'arrêt déféré que l'autorité cantonale a admis le caractère
abusif du congé pour le motif que la bailleresse se livre à la spéculation
immobilière, réalisant d'importants profits entre l'achat et la vente des
appartements.
Il faut déterminer si cette argumentation enfreint ou non le droit fédéral.
2.3.1 En premier lieu, il sied d'observer que l'on se trouve en présence d'un
congé ordinaire, donné en respectant le préavis convenu et l'échéance du
contrat.
Lorsque le bail est de durée indéterminée - ce qui est le cas en l'espèce en
raison de la clause de tacite reconduction -, chaque partie peut le résilier en
observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long
ou un autre terme ont été convenus (art. 266a al. 1 CO). Le bail est un contrat
qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue;
arrivé au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacun à la
faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant.
En principe, chacune des parties est donc libre de mettre fin à la relation de
bail pour l'échéance prévue, en respectant les conditions du préavis
contractuel (arrêts 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16
janvier 2012 consid. 2.2; 4A_631/2010 du 4 février 2011 consid. 2.3). La
résiliation n'est soumise à aucune condition particulière; chaque partie peut
résilier le bail sans devoir disposer pour ce faire d'un juste motif (arrêt
4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1). Lorsque le congé pour l'échéance
est donné par le propriétaire - comme c'est le cas en l'espèce -, il lui permet
de recouvrer la possession de la chose, que ce soit pour la vendre avec profit
(arrêt 4C.267/2002 du 18 novembre 2002 consid. 2.3, in SJ 2003 I p. 261), pour
la relouer à un nouveau locataire moyennant un loyer plus élevé mais non abusif
(arrêt 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1), pour effectuer des travaux
(ATF 135 III 112 consid. 4.2 p. 119 s.) ou pour en changer l'affectation (ATF
136 III 190 consid. 3 p. 194).
Un congé donné par le bailleur pour des motifs économiques, c'est-à-dire en vue
d'en tirer un profit, est en principe valable, l'ordre juridique suisse
permettant à chacune des parties, sous réserve de dispositions particulières,
d'optimaliser sa situation économique (ATF 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110;
avec une formulation plus succincte: ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192).
Le congé n'est pas annulable du seul fait que le choix qui a été opéré n'est
pas celui qui apparaît le plus opportun à un tiers observateur (cf. ATF 136 III
190 consid. 3 in fine p. 194).
Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut pas procéder à la pesée
entre l'intérêt du bailleur à récupérer son bien et celui du locataire à rester
dans les locaux loués; la comparaison entre les intérêts n'intervient que dans
le cadre d'une prolongation du bail. Partant, il est sans pertinence, pour
statuer sur l'annulation du congé, de savoir si l'intérêt du locataire à se
maintenir dans les lieux est plus grand que l'intérêt du bailleur à le voir
partir (arrêts déjà cités 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_414/2009
du 9 décembre 2009 consid. 3.1).
2.3.2 La cour cantonale a manifestement été choquée par le fait que la
recourante, en achetant et revendant des appartements, pouvait réaliser un
profit considérable.
Il y a lieu préalablement de souligner qu'en achetant en bloc plusieurs
appartements, la recourante prend le risque de ne pas trouver de preneur pour
l'un ou l'autre des objets, de ne pas pouvoir le revendre pour le prix escompté
ou encore de devoir le garder pendant un temps relativement long.
Quoi qu'il en soit, la réaction de la cour cantonale s'explique manifestement
par le fait que l'on se trouve en présence de deux marchés qui obéissent à des
régimes juridiques différents.
Le marché immobilier, c'est-à-dire celui de l'achat et de la vente des biens
immobiliers, est entièrement régi par le principe de la liberté économique et
celui de la liberté contractuelle. En l'état actuel du droit, le juge ne peut
pas intervenir dans la fixation des prix d'achat ou de vente, sous réserve, le
cas échéant, de la présence d'une lésion (art. 21 CO).
Sur le marché locatif en revanche, le législateur a pris des mesures pour
protéger les locataires contre des loyers abusifs, posant pour principe que le
loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif
(art. 269 CO).
Même s'il est évident qu'il existe un rapport étroit entre les deux marchés -
puisque le prix d'achat détermine en principe le loyer admissible -, le juge ne
peut pas intervenir sur le montant convenu pour la vente ou l'achat du bien
immobilier; il a seulement la possibilité, dans le cadre de la fixation d'un
loyer, de considérer que le prix d'achat est manifestement exagéré (art. 269
CO).
Il n'est pas douteux que l'activité exercée par la recourante est en principe
licite.
Ayant déclaré le congé abusif pour le motif qu'elle juge indésirable l'activité
de la recourante, la cour cantonale a en réalité sous-entendu que cette
activité ne devrait pas exister. En l'absence de toute disposition légale dans
ce sens, cette conception heurte de front la liberté économique, garantie par
l'art. 27 Cst.
En annulant le congé et en maintenant en conséquence durablement la locataire
dans l'appartement, le juge des baux entrave manifestement l'activité
économique de la recourante dans le but d'exercer - sans base légale - une
pression sur la formation des prix dans le marché immobilier.
2.3.3 Selon l'art. 271 al. 1 CO, le congé est annulable lorsqu'il contrevient
aux règles de la bonne foi.
Doit être considéré comme contraire aux règles de la bonne foi le congé qui ne
répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, qui est
purement chicanier ou encore qui est fondé sur un motif qui ne constitue
manifestement qu'un prétexte (ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192 et les arrêts
cités).
Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit,
utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion
grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement,
attitude contradictoire) permettent de dire si le congé contrevient ou non aux
règles de la bonne foi (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; sur les cas typiques
d'abus de droit: ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169).
La cour cantonale a admis en l'espèce que le congé était abusif en raison d'une
disproportion manifeste des intérêts en présence.
Il ressort des constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral (art.
105 al. 1 LTF) - que la locataire exerce la profession de médecin hospitalier
et qu'elle dispose d'un revenu confortable; elle vit dans l'appartement avec sa
mère, qui est certes relativement âgée mais ne souffre pas - toujours selon les
constatations cantonales - d'un quelconque handicap; la mère de la locataire a
elle-même certains revenus et une fortune non négligeable. La locataire a
déclaré qu'elle serait prête à déménager à la campagne si cela était
nécessaire. Ainsi, il apparaît que la locataire n'a pas de difficultés
financières particulières, qu'il ne se pose aucun problème de santé et qu'elle
n'a aucun besoin impérieux de se loger à proximité de l'endroit où elle se
trouve actuellement. On est donc très loin du cas de jurisprudence où il a été
jugé que des intérêts purement financiers étaient en disproportion manifeste
avec un problème humain particulièrement pénible (arrêt 4A_300/2010 du 2
décembre 2010 consid. 4.3).
Quant à la bailleresse, la cour cantonale a constaté qu'elle avait une
structure du personnel conçue pour l'achat et la vente de biens immobiliers et
n'a pas écarté l'affirmation du réviseur selon laquelle la société doit vendre
un ou deux objets par année pour fonctionner normalement. S'agissant de vendre
isolément un appartement (donc probablement à une personne qui souhaite
l'habiter elle-même), il est évident que la vente est plus facile si
l'appartement est libre de tout occupant (cf. arrêt 4C.267/2002 du 18 novembre
2002 consid. 2.3). La recourante a donc un intérêt économique certain à voir
partir la locataire pour vendre l'appartement dans de meilleures conditions.
Partant, on ne peut pas dire qu'il y ait une disproportion choquante entre les
intérêts en présence, de sorte que la cour cantonale a violé l'art. 271 al. 1
CO en annulant le congé.
2.3.4 Selon l'art. 273 al. 5 CO, lorsque l'autorité compétente rejette une
requête en annulation du congé introduite par le locataire, elle examine
d'office si le bail peut être prolongé.
Il n'est pas nécessaire de rappeler les principes qui régissent une telle
prolongation; il suffit à ce sujet de renvoyer à la jurisprudence publiée (ATF
136 III 190 consid. 6 p. 195; 135 III 121 consid. 2 p. 123). Il faut souligner
que le juge du fait dispose en cette matière d'un large pouvoir d'appréciation
(ATF 135 III 121 ibidem).
Il ne ressort nullement des constatations cantonales, au vu des profits qui ont
été constatés, que la recourante serait dans une situation financière difficile
et aurait un besoin pressant de vendre cet appartement. Il n'apparaît pas non
plus que le fait de différer le projet de vente pourrait affecter sérieusement
le prix obtenu. En revanche, on ne peut pas nier que la locataire, qui habite
dans l'appartement depuis longtemps, se trouve dans la situation désagréable de
devoir se chercher un autre logement, de déménager et de s'adapter à un autre
environnement. Il paraît légitime de lui accorder un peu de temps pour trouver
une solution de remplacement. La commission de conciliation - qui avait analysé
le cas correctement - avait accordé une prolongation de trois ans. Il faut
toutefois maintenant tenir compte du fait que les deux décisions cantonales
successives ont pu donner à la locataire l'impression qu'elle pouvait rester
durablement dans l'appartement et qu'elle n'avait pas à chercher des locaux de
remplacement. Il paraît donc légitime - l'intérêt purement financier de la
recourante n'étant pas particulièrement pressant - de lui accorder une année de
plus, soit le maximum prévu par la loi (art. 272b al. 1 CO).

3.
La recourante obtient gain de cause sur la question litigieuse devant le
Tribunal fédéral, de sorte que les frais et dépens doivent être mis à la charge
de l'intimée (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Le congé donné le 7 septembre 2009 par la recourante à l'intimée pour le 30
septembre 2010 est valable. Le bail est prolongé jusqu'au 30 septembre 2014.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

4.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des baux et loyers.

Lausanne, le 28 février 2013

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet