Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.481/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_481/2012

Arrêt du 14 décembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les juges Klett, présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Jean-Pierre Bloch,
demandeur et recourant,

contre

Z.________,
représenté par Me Daniel Meyer,
défendeur et intimé.

Objet
responsabilité contractuelle

recours contre l'arrêt rendu le 22 juin 2012 par la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
Z.________ a pratiqué la gestion de fortune sous la raison individuelle « ... »
à Carouge. Au mois d'octobre 2008, il a souscrit les actions de A.________ SA,
nouvellement fondée, et, ayant conclu avec elle un contrat de transfert de
patrimoine, il a partiellement libéré les actions en apportant l'actif de son
entreprise individuelle.

B.
Par contrat du 28 avril 2008, Z.________ s'est chargé de gérer les avoirs que
X.________ déposerait sur un compte à ouvrir auprès d'une société de courtage à
Londres. Le même jour, X.________ a signé les documents d'ouverture du compte
et il a versé 48'440 dollars étasuniens, contre-valeur de 50'000 francs.
Le contrat était accompagné d'un document intitulé « exemples de stratégies
avec risque lié », également signé par le gérant et son client. Deux stratégies
de placement y étaient présentées, l'une comportant l'achat d'une action cotée
et d'une option de vente sur la même action, l'autre l'achat d'une option
d'achat et d'une option de vente sur la même action cotée. La première
stratégie était prudente et l'autre plus risquée. Les deux étaient illustrées
par un exemple concret d'après le cours de l'action cotée Google Inc., avec
calculs; les risques de perte maximum étaient respectivement chiffrés à 4,54%
et 43,35% du capital investi.
A concurrence de 45'870 dollars, Z.________ a placé le capital de X.________ en
actions dénommées « BIDU », semble-t-il émises par une entreprise de services
informatiques active en Chine. Il a fait vendre ces titres le 20 novembre 2008
à un prix qui n'est pas connu. Au 5 décembre 2008, l'avoir en compte s'élevait
à 6'375 dollars. Par suite d'une opération sur devises, l'avoir est remonté à
11'957 dollars au 18 décembre 2008. Le 20 avril 2009, ayant demandé à récupérer
le solde du compte, X.________ a reçu 11'949,66 dollars.

C.
Le 14 septembre 2010, X.________ a ouvert action contre Z.________ devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève. Le défendeur devait être
condamné à payer 36'490,34 dollars à titre de dommages-intérêts, avec intérêts
au taux de 5% par an dès le 20 avril 2009.
Le défendeur a conclu au rejet de l'action. Parmi d'autres moyens, il soutenait
que A.________ SA lui avait succédé dans ses obligations envers le demandeur et
il contestait sa qualité pour défendre.
Le tribunal s'est prononcé le 20 octobre 2011. Accueillant partiellement
l'action, il a condamné le défendeur à payer 26'688,50 dollars, avec intérêts
selon les conclusions de la demande.
Le défendeur a appelé du jugement et le demandeur a usé de l'appel joint. La
Chambre civile de la Cour de justice a statué le 22 juin 2012; donnant
entièrement gain de cause au défendeur, elle a annulé le jugement et rejeté
l'action.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que le
défendeur soit condamné à payer 33'576,60 dollars avec intérêts au taux de 5%
par an dès le 20 avril 2009.
Le défendeur conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur
litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. b LTF); le mémoire de recours a été introduit en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et il satisfait aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations
de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99
al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire
arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133
II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2
LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait
ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
Il est constant que les parties se sont liées le 28 avril 2008 par un contrat
de mandat et que le demandeur a chargé son cocontractant d'effectuer en son
nom, avec un capital qu'il lui a confié et dans le but d'augmenter ce
patrimoine, certains placements ou autres opérations qu'il lui incombait de
déterminer lui-même. La gestion du défendeur ayant engendré une perte, celui-ci
est poursuivi sur la base de l'art. 398 al. 2 CO, selon lequel le mandataire
est responsable, envers le mandant, de la bonne et fidèle exécution du mandat.
Le Tribunal de première instance et la Cour de justice ont jugé que le
défendeur reste tenu aux obligations qu'il a alors contractées, nonobstant le
transfert de patrimoine intervenu en faveur de A.________ SA, et que la qualité
pour défendre lui incombe donc. En l'état de la cause, cette qualité doit être
tenue pour établie car elle n'est pas contestée dans la réponse au recours.
Les deux autorités précédentes ont aussi jugé qu'en plaçant presque tout le
capital confié sur une seule valeur, soit l'action « BIDU », sans aucune espèce
de diversification ni couverture, le défendeur a violé ses devoirs contractuels
et engagé sa responsabilité.
Le Tribunal de première instance a interprété le contrat en ce sens que le
défendeur aurait dû placer trois quarts du capital confié selon la stratégie
prudente et un quart selon la stratégie plus spéculative envisagées l'une et
l'autre lors de l'attribution du mandat. Il a calculé que dans cette hypothèse,
la perte n'aurait pas pu excéder 7'244,50 dollars d'après les exemples présents
dans les documents contractuels. Ayant constaté une perte effective au montant
de 33'913 dollars, le tribunal a alloué la différence à titre de
dommages-intérêts, soit 26'688,50 dollars.
Selon la Cour de justice, le marché des actions a connu une forte diminution
des cours sur les principales places boursières du monde entier, dès le 15
septembre 2008. Au regard de cette situation, selon son appréciation, il eût
incombé au demandeur d'établir le dommage au moyen d'une comparaison entre le
résultat effectivement obtenu par le défendeur et celui, supposé plus
favorable, d'un portefeuille hypothétique de même valeur initiale, géré
conformément au contrat, pendant la même période et par un gérant normalement
compétent et attentif. Le demandeur n'ayant proposé aucune base de comparaison
appropriée, il n'a, selon la Cour, pas allégué ni prouvé les éléments de fait
nécessaires à une estimation du dommage selon l'art. 42 al. 2 CO, de sorte
qu'il ne peut pas obtenir de dommages-intérêts. C'est pourquoi la Cour annule
le jugement et rejette l'action.

3.
La notion juridique du dommage est commune aux responsabilités contractuelle et
délictuelle (art. 99 al. 3 CO; ATF 87 II 290 consid. 4a p. 291): consistant
dans la diminution involontaire de la fortune nette, le dommage correspond à la
différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce
même patrimoine aurait si l'événement dommageable - ou la violation du contrat
- ne s'était pas produit. Il peut survenir sous la forme d'une diminution de
l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou
d'une non-diminution du passif (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471; 132 III
359 consid. 4 p. 366; 132 III 321 consid. 2.2.1 p. 323/324).
Dans plusieurs contestations concernant la responsabilité du gérant de fortune,
le Tribunal fédéral a admis que le dommage peut être déterminé selon la méthode
décrite par la Cour de justice, c'est-à-dire par comparaison entre le résultat
du portefeuille effectivement en cause et celui d'un portefeuille hypothétique
constitué et géré conformément au contrat et pendant la même période (arrêts
4A_351/2007 du 15 janvier 2008, consid. 3.2.2; 4C.18/2004 du 3 décembre 2004,
consid. 2, Pra 2005 n° 73 p. 566). Cette méthode permet de prendre en
considération, à l'avantage du gérant fautif, la perte que le mandant aurait
probablement subie aussi avec un gérant consciencieux, par l'effet d'une baisse
généralisée des cours dans la période en cause (arrêt 4C.158/2006 du 10
novembre 2006, consid. 4); cela se justifie car une perte de ce genre ne se
trouve pas en lien de causalité avec l'exécution défectueuse du contrat.

4.
Selon l'art. 42 al. 1 CO, la preuve d'un dommage incombe à celui qui en demande
réparation. L'art. 42 al. 2 CO prévoit que si le montant exact du dommage ne
peut pas être établi, le juge le détermine équitablement, en considération du
cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée. Cette
dernière disposition tend à instaurer une preuve facilitée en faveur du lésé;
néanmoins, elle ne le libère pas de la charge de fournir au juge, dans la
mesure où cela est possible et où on peut l'attendre de lui, tous les éléments
de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent
ou facilitent son estimation; elle n'accorde pas au lésé la faculté de formuler
sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de
n'importe quelle ampleur. Au demeurant, l'estimation du dommage relève de la
constatation des faits et elle échappe donc, sous réserve de la protection
contre l'arbitraire, au contrôle du Tribunal fédéral (ATF 131 III 360 consid.
5.1 p. 363/364; voir aussi ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471).
Si, dans le procès, le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de
fournir des éléments utiles à l'estimation, l'une des conditions dont dépend
l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas
échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du
bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n'est pas apportée et, en
conséquence, conformément au principe de l'art. 8 CC (cf. ATF 126 III 189
consid. 2b p. 191/192), le juge doit refuser la réparation (arrêt 4A_154/2009
du 8 septembre 2009, consid. 6).

5.
La Cour de justice retient que la gestion insuffisamment prudente du défendeur
n'était pas conforme à ses devoirs contractuels. A l'appui du recours en
matière civile, le demandeur insiste très abondamment, mais inutilement, sur
cet élément qui n'est plus à démontrer. Ses critiques concernent surtout les
constatations de la Cour relative à la réelle et commune intention des parties
lors de la conclusion du contrat; elles n'ont pas d'incidence sur l'issue de la
cause et elles sont donc irrecevables au regard de l'art. 97 al. 1 LTF.
Au sujet du dommage donnant lieu à réparation, le demandeur présente une
argumentation confuse. S'il avait su que le défendeur placerait son capital
selon une stratégie divergeant de celle contractuellement convenue, il ne le
lui aurait prétendument pas confié et il l'aurait donc intégralement conservé,
sans subir aucune perte. Il reconnaît cependant qu'une gestion même prudente et
conforme au contrat pouvait comporter le placement du capital en actions; il
admet pour ce motif qu'à concurrence de 2'906,40 dollars, la perte subie par
lui n'est pas imputable à la mauvaise gestion du défendeur. Il calcule ce
chiffre d'après l'exemple de stratégie prudente présent dans les documents
contractuels.
La baisse généralisée des cours dès le 15 septembre 2008 est un fait notoire
qui n'est d'ailleurs pas contesté par le demandeur. Pour appliquer correctement
l'art. 398 al. 2 CO et déterminer l'ampleur du dommage à réparer par le
défendeur, il s'imposait de prendre cette baisse en considération, de sorte que
le dommage ne pouvait pas être établi autrement qu'au moyen de la méthode
comparative déjà décrite. Au regard de la jurisprudence précitée relative à
l'art. 42 al. 2 CO, il incombait au demandeur d'alléguer une base de
comparaison pertinente. L'exemple tiré des documents contractuels n'est que
sommairement rapporté dans la décision attaquée; on sait néanmoins qu'il ne se
rapporte qu'à une seule action cotée et qu'il n'a aucun lien avec la période
concernée. Il ne constitue donc pas une base de comparaison pertinente. Le
demandeur se prétend hors d'état, en raison de son inexpérience dans le domaine
financier, de présenter un portefeuille hypothétique aux fins de la
comparaison, mais il pouvait et devait se faire conseiller dans ce but, en vue
du procès, et cet argument ne parvient donc pas à mettre en évidence une
violation du droit. Au contraire, l'autorité précédente juge avec raison que
l'action en dommages-intérêts doit être rejetée parce que la preuve du dommage
n'a pas été apportée.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés
sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter
l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre
partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

3.
Le demandeur versera une indemnité de 2'500 fr. au défendeur, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 14 décembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin