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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.479/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_479/2012

Arrêt du 13 novembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente,
Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
Société X.________, représentée par Me Xavier-Romain Rahm,
recourante,

contre

A.________,
intimé.

Objet
société coopérative; annulation d'une décision de l'assemblée générale; requête
de conciliation; décision incidente,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 22 juin 2012 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
A.a A.________ est sociétaire de la Société X.________, sise à ... dans le
canton de Genève. Le but statutaire de cette entité est d'acquérir et de
détenir des terrains destinés à être loués à ses membres pour la culture
maraîchère exclusivement.

Par courrier du 20 octobre 2010, la société a signifié à A.________ que le
comité avait prononcé son exclusion. Elle l'a informé de son droit de déférer
cette décision à l'assemblée générale dans un délai de trente jours.

Par courrier du 20 novembre 2010, A.________ a interjeté un recours auprès de
l'assemblée générale de la société. Il en a adressé une copie au Tribunal de
première instance du canton de Genève. A la suite de cet envoi, une audience de
conciliation s'est tenue devant l'autorité précitée le 19 janvier 2011; à son
terme, A.________ s'est vu délivrer une autorisation d'introduire.
A.b Le 14 mars 2011, l'assemblée générale ordinaire de la société a prononcé
l'exclusion de A.________ et la résiliation de son bail.

B.
B.a Par acte du 10 mai 2011, A.________ a assigné la société devant le Tribunal
de première instance. A la forme, il concluait à la recevabilité de son action,
interjetée dans le délai "minimum" de deux mois, et à ce qu'il lui soit donné
acte de ce que l'essai de conciliation avait eu lieu le 19 janvier 2011; au
fond, il concluait à l'annulation des décisions rendues par l'assemblée
générale le 14 mars 2011 et par le comité le 20 octobre 2010. La société
défenderesse a conclu à l'irrecevabilité de la demande faute de conciliation
préalable et, sur le fond, au déboutement du demandeur.

Par jugement du 17 novembre 2011, le Tribunal de première instance a déclaré la
demande irrecevable. Il a principalement retenu que la procédure, engagée
encore en 2010, était soumise au droit de procédure cantonal et que le
demandeur n'avait pas respecté le délai de trente jours à compter de la
délivrance de l'autorisation d'introduire (art. 64 al. 3 aLPC/GE). Dans une
motivation subsidiaire, il a relevé que la solution ne serait pas différente si
l'on devait considérer que le demandeur avait formulé une nouvelle demande le
10 mai 2011; en effet, celle-ci serait soumise au nouveau droit de procédure
fédéral, et il y aurait lieu de constater le défaut d'audience de conciliation
(art. 197 CPC), qui constitue une condition de recevabilité de la demande.
B.b Le demandeur a interjeté appel. Statuant par arrêt du 22 juin 2012, la
Chambre civile de la Cour de justice a annulé le jugement de première instance
et transmis la cause au Tribunal de première instance en sa qualité d'autorité
de conciliation.

L'autorité d'appel a fait en substance les considérations suivantes: le premier
acte du 20 novembre 2010 ayant donné lieu à l'audience de conciliation du 19
janvier 2011 visait l'annulation de la décision du comité du 20 octobre 2010,
tandis que le second acte du 10 mai 2011 tendait à faire annuler la décision de
l'assemblée générale du 14 mars 2011. En conséquence, il fallait voir dans le
dépôt du second acte non pas l'introduction de la cause non conciliée le 19
janvier 2011, mais l'introduction d'une nouvelle demande portant sur un nouvel
objet, demande qui était soumise au nouveau droit de procédure fédéral. La
tentative de conciliation, obligatoire pour cette demande (art. 197 CPC),
n'avait certes pas eu lieu; toutefois, le Tribunal de première instance exerce
aussi les compétences d'autorité de conciliation (art. 86 al. 2 let. b LOJ/GE;
RSG E 2.05), de sorte qu'il lui appartenait de convoquer une audience de
conciliation.

C.
La société défenderesse (recourante) interjette un recours en matière civile
auprès du Tribunal fédéral; elle conclut à ce que la demande soit déclarée
irrecevable. Pour sa part, le demandeur (intimé), qui agit sans avocat, conclut
principalement à l'irrecevabilité du recours, faute de valeur litigieuse
suffisante, et subsidiairement à son rejet.

Par ordonnance du 26 septembre 2012, la Présidente de la cour de céans a
accordé l'effet suspensif. Par la suite, les parties ont encore déposé des
observations.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours (art. 29 al. 1
LTF; ATF 137 III 417 consid. 1).

1.1 L'arrêt attaqué annule un jugement final du Tribunal de première instance
et renvoie la cause à cette autorité pour suite de la procédure. Il s'agit
d'une décision incidente notifiée séparément (art. 92 et 93 LTF).

1.2 La recourante plaide que la décision incidente concerne la compétence, et
qu'elle peut dès lors être immédiatement attaquée (art. 92 LTF). Or, il n'en
est rien. La compétence fonctionnelle et locale du Tribunal de première
instance pour procéder à une éventuelle tentative de conciliation dans la
présente cause est incontestée (art. 197 ss CPC; art. 86 al. 2 let. a et b LOJ/
GE). La question controversée est autre; elle porte sur le point de savoir si
le Tribunal de première instance, en sa qualité d'autorité de conciliation,
était ou non tenu de procéder à une tentative de conciliation dans le cas
d'espèce ou, autrement dit, si l'autorité de conciliation a été valablement
saisie d'une requête de conciliation. Il ne s'agit donc pas d'un problème de
compétence.

1.3 A titre subsidiaire, la recourante soutient que la décision incidente est
néanmoins immédiatement attaquable parce que l'admission du recours conduirait
à une décision finale et permettrait d'éviter une procédure probatoire dont la
longueur et les coûts seraient disproportionnés par rapport aux intérêts en
cause (art. 93 al. 1 let. b LTF).

En ce qui concerne cette dernière condition, la possibilité de recourir pour
des motifs d'économie doit être interprétée restrictivement, car il s'agit
d'une exception à la règle selon laquelle le Tribunal fédéral, en sa qualité de
cour suprême, ne devrait en principe se prononcer qu'une seule fois dans la
même cause. Il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût,
s'écarte notablement des procès habituels. Si l'administration des preuves doit
se limiter à entendre les parties, à leur permettre de produire des pièces et à
procéder à l'interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n'est pas
justifié; il en va différemment s'il faut envisager des mesures telles qu'une
expertise complexe, plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins,
ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATF 134
III 426 consid. 1.3.2; 133 III 629 consid. 2.1. et 2.4.2; arrêt 2C_111/2011 du
7 juillet 2011 consid. 1.1.3, in SJ 2012 I 97).
Contrairement à ce que soutient la recourante, il n'existe pas de
jurisprudence, et encore moins de jurisprudence constante selon laquelle la
notion de procédure probatoire longue et coûteuse serait relative et
impliquerait de tenir compte des intérêts en jeu; elle ne cite d'ailleurs aucun
arrêt dans ce sens. Au contraire, la règle selon laquelle le Tribunal fédéral
ne devrait connaître qu'une fois de la même affaire doit s'appliquer aussi
strictement, sinon plus, dans les causes objectivement peu importantes; ainsi,
si les possibilités de recours sont limitées dans les causes à faible valeur
litigieuse (cf. art. 74 al. 1, art. 113 et art. 116 LTF), le recours immédiat
contre une décision incidente rendue dans ce type de cause ne saurait
logiquement être plus largement ouvert que dans une cause plus importante.

En l'espèce, la recourante affirme, sans autre démonstration ni précision,
qu'il y aurait lieu de procéder à l'audition de témoins, à des constats
d'huissiers et à un transport sur place. En tout état de cause, il est exclu de
qualifier ces mesures de procédure probatoire longue et coûteuse.

1.4 L'arrêt attaqué est ainsi une décision incidente non susceptible de recours
immédiat. Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours.

2.
La recourante succombe et supporte en conséquence les frais judiciaires pour la
présente procédure (art. 66 LTF). Il n'est pas alloué de dépens à l'intimé, qui
procède sans l'assistance d'un avocat (cf. ATF 129 II 297 consid. 5).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 13 novembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti