Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.466/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_466/2012

Arrêt du 12 novembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Jean-Marie Allimann,
recourante,

contre

Z.________ SA, représentée par Me Olivier Vallat,
intimée.

Objet
contrat de travail, prohibition de concurrence,

recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura
du 19 juin 2012.

Faits:

A.
Z.________ SA, qui a son siège à ... (Jura), est une société active dans le
domaine du placement de personnel, qui disposait de janvier 2009 à juillet 2011
d'une succursale dans une autre localité du canton.

Par contrat de travail du 1er avril 2002, Z.________ SA a engagé X.________,
qui a une formation d'employée de commerce, en qualité de chargée de
recrutement à l'agence de .... Hormis une précédente activité de trois mois, la
prénommée n'avait jamais travaillé dans une agence de placement auparavant
(art. 105 al. 2 LTF).

Dès le 1er décembre 2003, la travailleuse a été promue responsable de l'agence
de .... Son contrat de travail a été remplacé par un avenant du 14 novembre
2003. A teneur de cet avenant, comme la salariée était titulaire du droit de
signature collective à deux, le délai de résiliation du contrat, après le temps
d'essai, a été fixé à six mois; l'avenant, à son art. 17, contenait une clause
de non-concurrence ayant le contenu suivant (art. 105 al. 2 LTF):
« Non concurrence

17.1 Après la fin du contrat et quelle que soit la cause du départ, l'employée
n'exercera pas pour son compte personnel, ni pour le compte d'autrui, à titre
lucratif ou gratuit, une activité de placement fixe ou temporaire et ne fera
pas concurrence à l'employeur d'une autre manière.

17.2 Cette prohibition s'étend aux territoires suivants: Canton du Jura, Canton
de Berne et Canton de Neuchâtel.

17.3 Cette prohibition vaut pour une période de 3 ans dès l'expiration du
contrat.

17.4 En cas de violation de la prohibition de concurrence, l'employée devra,
sur la base de la présente clause pénale, la somme de 100'000 francs. Elle
devra, en outre, réparer le dommage qui excédera le montant de la peine.

17.5 L'employeur se réserve le droit d'exiger la cessation de la contravention
».

D'après l'avenant en question, la salariée, en tant que responsable d'agence,
avait notamment pour mission d'identifier les entreprises à prospecter pour
chaque année et d'établir une liste de 150 entreprises soigneusement
sélectionnées d'après leur potentiel, d'identifier les meilleurs clients des
concurrents, d'établir les offres commerciales, de détecter l'émergence de
nouveaux clients potentiels locaux et en informer son responsable hiérarchique,
de mener les entretiens de recrutement, de rechercher et sélectionner les
candidats et de négocier les conditions de règlement des clients. Toutes ces
tâches ont été exercées par la travailleuse.
Il a été constaté que le dernier salaire annuel brut de l'employée se montait à
81'900 fr., correspondant à une rémunération brute de 6'300 fr. par mois,
versée treize fois l'an. Un intéressement de 6% était prévu en sus du salaire
fixe, mais cette rémunération complémentaire n'a pas été payée en raison de la
crise économique.

Le 16 août 2010, la travailleuse a informé l'employeur qu'elle désirait
résilier son contrat de travail de manière anticipée, soit pour la fin août
2010. Par courrier du 18 août 2010, celui-ci a accepté de mettre fin au contrat
pour le 31 août 2010, tout en rendant la travailleuse attentive à la clause
d'interdiction de concurrence stipulée dans l'accord qui les liait.

Le 26 août 2010, X.________ a signé un contrat de travail avec l'agence de
placement A.________ SA, société pour laquelle elle a débuté une activité de
consultante dès le 1er septembre 2010. Elle perçoit un salaire mensuel brut de
7'000 fr.

Par courrier recommandé du 27 septembre 2010, Z.________ SA, qui avait appris
par des clients que X.________ travaillait dorénavant pour A.________ SA, a
reproché à son ancienne employée d'avoir violé la prohibition de lui faire
concurrence et l'a invitée à lui faire parvenir, dans les dix jours, le montant
de la peine conventionnelle prévue par contrat, à savoir 100'000 fr.

X.________ n'a pas obtempéré.

B.
Par demande du 20 décembre 2010, Z.________ SA (demanderesse) a ouvert action
contre X.________ (défenderesse) devant le Conseil de prud'hommes du Tribunal
de première instance du canton du Jura. La demanderesse a réclamé à sa partie
adverse paiement de la peine conventionnelle de 100'000 fr. ainsi que la
réparation du préjudice concret qu'elle aurait subi (art. 340b al. 1 CO),
chiffré à 191'372 fr. Par un mémoire de demande complémentaire du 27 janvier
2011, la demanderesse a ordonné à la défenderesse de lui restituer sans délai
un véhicule de marque Toyota Urban Cruiser que la première avait acquis en
leasing et remis à son ex-employée.

La défenderesse a conclu à libération.

Par convention du 8 février 2011, homologuée le même jour par la Présidente du
Conseil de prud'hommes, la demanderesse a reconnu devoir à la défenderesse,
s'agissant du véhicule précité, la somme de 13'000 fr. sans intérêts, le
contrat de leasing étant repris par cette dernière; la convention précisait que
le capital de 13'000 fr. serait pris en compte à l'issue du litige relatif à la
prohibition de concurrence alléguée.

Par jugement du 22 novembre 2011, dont les motifs ont été communiqués le 20
décembre 2011, le Conseil de prud'hommes a condamné la défenderesse à payer à
la demanderesse la somme nette de 63'000 fr. à titre de peine conventionnelle
pour avoir violé la clause de prohibition de concurrence, dont à déduire le
montant de 13'000 fr. dû en vertu de la convention conclue entre les parties le
8 février 2011. Le Conseil de prud'hommes a jugé que la clause de prohibition
de concurrence prévue était valable, que l'engagement de la défenderesse au
sein de la société A.________ SA, laquelle dispose notamment du même champ de
clientèle que la demanderesse, constituait une transgression manifeste de
l'interdiction de concurrence convenue, que la demanderesse n'avait pas apporté
la preuve suffisante du lien de causalité naturelle et adéquate entre la
violation de ladite clause et le dommage effectif invoqué, que les parties
étaient en revanche convenues d'une clause pénale de 100'000 fr. en cas de
transgression de la prohibition de concurrence, mais qu'il se justifiait de
réduire le montant de la peine conventionnelle à 63'000 fr., compte tenu en
particulier du dernier salaire annuel de la travailleuse.

Saisie d'appels formés par les deux parties, la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura, par arrêt du 19 juin 2012, a confirmé le jugement
attaqué, sauf qu'elle a assorti la condamnation de la défenderesse à payer à la
demanderesse la somme nette de 63'000 fr. à titre de peine conventionnelle
d'intérêts à 5% l'an dès le 14 octobre 2010, sous déduction du même montant de
13'000 fr.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt cantonal. Elle requiert l'annulation de cette décision et qu'il soit
prononcé que la demanderesse est déboutée de toutes ses conclusions.

L'intimée propose le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie défenderesse qui a largement succombé dans ses
conclusions libératoires et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art.
72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière
instance cantonale (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en matière de droit du travail
(art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours est par principe recevable, puisqu'il a
été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus
par la loi.

1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est
pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation
retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un
recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité
précédente (ATF 137 II 313 consid. 1.4 p. 317 s.; 135 III 397 consid. 1.4 et
l'arrêt cité). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al.
1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le
Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas
tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les
questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées
devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p.
389; 135 III 397 consid. 1.4). Par exception à la règle selon laquelle il
applique le droit d'office, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un
droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou
intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la
partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été
établies de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion
d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356)
- ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136
I 184 consid. 1.2 p. 187). Une rectification de l'état de fait ne peut être
demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

1.5 Il sied d'emblée de relever que l'arrêt querellé ne contient pas d'état de
fait à proprement parler. Au lieu d'énoncer clairement les faits déterminants
qu'elle retient - comme l'exige l'art. 112 al. 1 let b LTF -, la cour cantonale
se contente, dans ses considérants de fait, de résumer le déroulement de la
procédure devant elle et d'expliciter les positions des plaideurs. Ce n'est que
dans ses considérants de droit que l'on trouve, disséminées dans le corps de
l'arrêt, des constatations factuelles essentielles pour la résolution du
litige. L'état de fait étant la pièce maîtresse de l'arrêt cantonal, il n'est
pas aisé pour le Tribunal fédéral de conduire son raisonnement juridique sur la
base d'un arrêt rédigé de la sorte. Il n'y a cependant pas lieu de renvoyer la
décision à l'autorité cantonale (art. 112 al. 3 LTF), car ces défauts
n'empêchent pas le Tribunal fédéral de statuer (cf. arrêt 4A_231/2010 du 10
août 2010 consid. 2.2, publié in SJ 2010 I p. 497). L'état de fait peut en
effet être complété d'office (art. 105 al. 2 LTF) en reproduisant notamment la
teneur de la clause de prohibition de concurrence figurant dans la version
motivée du jugement rendu le 22 novembre 2011 par le Conseil de prud'hommes.

2.
Il est constant que les parties ont été liées successivement par deux contrats
individuels de travail (cf. art. 319 CO), le premier conclu pour la période du
1er avril 2002 au 30 novembre 2003, le second ayant couru entre le 1er décembre
2003 et le 31 août 2010. Ce dernier contrat contenait une clause de prohibition
de concurrence au sens de l'art. 340 al. 1 CO. Le litige porte seulement sur la
validité de cette clause et sur les conséquences entraînées par sa violation.
La recourante ne conteste apparemment plus avoir enfreint la prohibition de
concurrence contenue dans l'avenant du 14 novembre 2003.

3.
La recourante soutient que, sur plusieurs points, l'état de fait retenu par la
cour cantonale a été établi de manière inexacte, c'est-à-dire arbitrairement.
S'agissant d'un grief de nature constitutionnelle, il appartient à la partie
recourante de démontrer l'arbitraire par une argumentation répondant aux
exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 249
consid. 1.4.3 p. 254 s.).
Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas
du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée
que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une
norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une
décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I
316 consid. 2.2.2 p. 318/319; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560).

Concernant l'appréciation des preuves, la décision n'est arbitraire que si le
juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve,
s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre
à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments
recueillis, il a fait une déduction insoutenable (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p.
62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 134 V 53 consid. 4.3).

3.1 Pour la recourante, l'autorité cantonale ne devait pas faire intervenir,
dans le cadre de sa réflexion sur la connaissance de la clientèle par la
travailleuse, un élément ayant trait aux secrets d'affaires, à savoir la
méthode de calcul des prix ayant cours chez l'intimée.

Il est soutenu dans la doctrine récente - à juste titre - que la maîtrise par
le travailleur des bases de calculation de l'employeur est rattachée à la
notion de secrets d'affaires, et non à la connaissance de la clientèle
(WOLFGANG PORTMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5e éd. 2011, n°
24 ad art. 321a CO et n° 3 ad art. 340 CO; RÉMY WYLER, Droit du travail, 2é éd.
2008, p. 600 let. c; PASCAL MOESCH, La prohibition de concurrence, in Panorama
en droit du travail, Rémy Wyler (éd.), Berne 2009, p. 341/342).

Il est vrai qu'en l'espèce la cour cantonale a intégré le savoir de la
travailleuse quant à la technique de calcul des prix prévalant chez son
ex-employeur dans le raisonnement qui l'a amenée à retenir que la recourante
avait connaissance de la clientèle de l'intimée. Mais elle a opéré cette
déduction à partir de toute une série d'autres éléments de fait qu'elle a
évoqués au considérant 3.4.1 de l'arrêt déféré: il s'agit de la connaissance
non seulement de la composition de la clientèle (employeurs intéressés à
engager des temporaires, travailleurs susceptibles d'être embauchés pour des
missions limitées dans le temps), mais également des besoins spécifiques
desdits clients, du fait que la défenderesse s'occupait elle-même de ces
clients et qu'elle était au courant singulièrement des compétences propres de
chaque demandeur d'emploi, lesquelles sont déterminantes pour les employeurs
potentiels. Il appert ainsi que la maîtrise par la recourante des techniques de
calcul de l'intimée n'a pas influé sur la constatation des magistrats
jurassiens que la travailleuse connaissait la clientèle de son ancien employeur
(cf. art. 97 al. 1 in fine LTF).

3.2 La recourante soutient que la cour cantonale a retenu de manière
indéfendable l'existence d'un lien de causalité naturelle entre les
connaissances qu'elle a acquises auprès de l'intimée et la possibilité de
causer à celle-ci un préjudice sensible au sens de l'art. 340 al. 2 in fine CO.
Il doit en effet exister une relation de causalité naturelle - et au surplus
adéquate - entre les connaissances qu'a le travailleur de la clientèle de
l'employeur et la possibilité de causer à ce dernier un préjudice (ATF 138 III
67 consid. 2.2.1 et 2.2.2; WYLER, op. cit., p. 600 ch. 2.5).

Un fait est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue une condition
sine qua non; le constat de la causalité naturelle relève du fait (ATF 133 III
462 consid. 4.4.2 p. 470; 132 III 715 consid. 2.2 p. 718).

Il y a manifestement un rapport de cause à effet entre le fait qu'un salarié
connaisse la clientèle de son employeur et l'éventualité qu'il mette à profit
cette liste de clients auprès d'un concurrent de celui-ci qui l'a engagé
immédiatement après la fin des relations de travail, de telle sorte que
l'ancien employeur en subisse un préjudice sensible. Le moyen est dénué de
fondement.

3.3 A suivre la recourante, la cour cantonale aurait omis de considérer la
nature de la clientèle de l'intimée et établi arbitrairement les faits s'y
rapportant. Les juges cantonaux auraient ainsi retenu de manière insoutenable
que les clients de l'intimée sont principalement des entreprises tertiaires de
la région, alors que celle-ci ne prospecte ses clients qu'auprès des
entreprises du secteur secondaire.

Cette circonstance n'a aucune influence sur le sort de la querelle. Ce qui
importe en l'occurrence, c'est que la recourante ait eu connaissance des
clients de l'intimée - constatation qui n'a pas été taxée d'arbitraire - et
nullement le domaine économique dans lequel ceux-ci exercent leur activité. Le
moyen est inconsistant.

4.
La recourante invoque une violation de l'art. 340 al. 2 CO. Elle fait valoir
que sa connaissance de la clientèle de l'intimée n'était pas de nature à lui
causer un dommage sensible, car toutes les agences de placement actives dans
l'arc jurassien disposaient du même fichier de clients. Les besoins potentiels
de ces clients constituent aussi des éléments publics, car ils peuvent être
déduits du but statutaire des entreprises. La recourante explique encore
longuement que les clients des agences temporaires, qu'ils soient employeurs ou
travailleurs, n'entretiennent de relations exclusives avec aucune de ces
agences, de sorte qu'il serait impossible d'envisager qu'un travailleur puisse
détourner un client d'une agence temporaire.

4.1 Selon l'art. 340 al. 2 CO, la prohibition de faire concurrence n'est
valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir
connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de
l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à
l'employeur un préjudice sensible. Comme on l'a vu, il est nécessaire qu'il y
ait une relation de causalité adéquate entre les connaissances acquises et le
risque, après la rupture des rapports de travail, de provoquer un préjudice
sensible à l'ancien employeur. Mais lorsque le travailleur fournit au client
une prestation qui se caractérise surtout par ses capacités personnelles, de
sorte que ce dernier attache plus d'importance auxdites capacités qu'à
l'identité de l'employeur, une clause de prohibition de concurrence fondée sur
la connaissance de la clientèle n'est pas valable (ATF 138 III 67 consid. 2.2).

Un fait constitue la cause adéquate d'un résultat s'il est propre, d'après le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraîner un résultat
du genre de celui qui s'est produit; le constat de la causalité adéquate relève
du droit (ATF 123 III 110 consid. 2 p. 111 et 3a p. 112).

4.2 Il a été retenu en fait de manière définitive (art. 105 al. 1 LTF) que la
recourante avait une parfaite connaissance et de la composition de la clientèle
de l'intimée et des besoins de celle-ci; de plus, elle savait de qui elle
pouvait espérer des commandes. Elle s'occupait des deux branches de clients de
l'intimée, à savoir des employeurs cherchant à engager du personnel temporaire
ainsi que des ouvriers en quête de missions de durée déterminée, quels que
soient leurs profils. Elle connaissait en plus le montant des salaires qui
étaient versés aux travailleurs.

Sur la base de ces constatations de fait, la cour cantonale n'a pas enfreint
l'art. 340 al. 2 CO en admettant que les connaissances sus-décrites de la
recourante, acquises auprès de l'intimée, étaient susceptibles, d'après le
cours ordinaire des choses de la vie, de provoquer un préjudice sensible à
celle-ci si elles étaient utilisées au bénéfice du nouvel employeur de la
défenderesse, société concurrente de son précédent employeur.

La critique est sans fondement.

5.
5.1 La recourante se plaint de transgressions de l'art. 340a al. 1 CO. Elle
affirme, d'une part, que la clause de prohibition de concurrence stipulée entre
les parties est excessive quant à son étendue géographique, car l'intimée ne
déploie son activité que sur l'arc jurassien, lequel n'inclut pas l'ensemble
des cantons de Berne et de Neuchâtel. D'autre part, la clause de prohibition de
concurrence compromettrait son avenir économique; à en croire la recourante,
reconnaître la validité de cette clause reviendrait à la contraindre à changer
de profession.

5.2 A teneur de l'art. 340a al. 1, 1re phrase, CO, la prohibition doit être
limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d'affaires, de façon
à ne pas compromettre l'avenir économique du travailleur contrairement à
l'équité.
5.2.1 Quant au lieu, l'interdiction de concurrence ne saurait s'étendre au-delà
du territoire sur lequel l'employeur déploie son activité (principe du marché).
En dehors de ce territoire, l'employeur ne dispose d'aucun intérêt digne de
protection à interdire au travailleur d'exercer une activité, qui ne peut lui
causer de préjudice (arrêt 4C.44/2002 du 9 juillet 2002 consid. 2.4; MANFRED
REHBINDER, Berner Kommentar, n° 2 ad art. 340a CO).

La clause de prohibition de concurrence litigieuse s'étend géographiquement aux
territoires des cantons du Jura, de Neuchâtel et de Berne. La cour cantonale a
constaté, sans se voir reprocher l'arbitraire, que cette limite correspond au
champ territorial des activités effectives de l'intimée. Du moment qu'il ne
saurait être nié que cette dernière a un intérêt au respect de la clause dans
le marché sur lequel elle est active, le moyen reposant sur la limitation quant
au lieu de ladite clause doit être rejeté.
5.2.2 L'interdiction de concurrence ne doit pas compromettre l'avenir
économique du travailleur contrairement à l'équité. A cet égard, il sied de
comparer les intérêts du salarié et ceux de l'employeur. La clause est valable
si les intérêts des deux parties sont d'égale valeur ou si ceux de l'employeur
l'emportent (GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2e
éd. 2012, n° 6 ad art. 340a CO; WYLER, op. cit., p. 603 infra).
Il résulte de l'état de fait déterminant que la recourante, qui a une formation
d'employée de commerce, a de multiples possibilités d'emplois et qu'elle n'est
en rien obligée de travailler au sein d'une agence de placement dans un des
trois cantons précités.

L'intérêt de l'intimée à empêcher la recourante d'utiliser ses connaissances de
la clientèle acquises auprès d'elle au profit d'un concurrent l'emporte
clairement sur celui de la défenderesse à travailler pour une agence de
placement exerçant sur le même marché que son ancien employeur. A considérer la
formation de la défenderesse, qui ouvre selon l'expérience générale de nombreux
débouchés, il n'est pas possible d'admettre que l'interdiction de concurrence
compromette son avenir économique, d'autant qu'elle n'avait travaillé que trois
mois dans le placement de personnel avant d'être engagée par la demanderesse.
Ce second pan du moyen est infondé.

6.
D'après la recourante, qui se réfère à l'art. 163 CO, il conviendrait de
réduire le montant de la peine conventionnelle dans une mesure plus importante
que celle admise par la cour cantonale. Elle fait valoir que l'intéressement
prévu en sus de son ancien salaire s'élevait à 3%, et non pas à 6% comme l'ont
retenu les magistrats jurassiens.

6.1 Si la clause de non-concurrence est transgressée par le travailleur,
l'employeur peut exiger notamment le paiement de la peine conventionnelle
prévue par le contrat (art. 340b al. 2 CO).

La clause pénale est soumise aux dispositions des art. 160 ss CO (cf. AUBERT,
op. cit., n° 3 ad art. 340b CO; PORTMANN, op. cit., n° 3 ad art. 340b CO). En
application de l'art. 163 al. 3 CO, le juge doit réduire le montant de la peine
conventionnelle dont la quotité est excessive. (ATF 133 III 43 consid. 3.3 p.
48, 201 consid. 5.2 p. 209 et les références).

Pour des motifs tenant à la fidélité contractuelle et à la liberté de
contracter, il convient de faire preuve de réserve dans le processus de
réduction, car les parties sont libres de fixer le montant de la peine (art.
163 al. 1 CO). L'intervention du juge dans le contrat n'est nécessaire dans la
mesure où le montant fixé est si élevé qu'il dépasse toute mesure raisonnable,
au point de n'être plus compatible avec le droit et l'équité (ATF 133 III 43
consid. 3.3.1 p. 48, 201 consid. 5.2 p. 509)

Une réduction de la peine conventionnelle se justifie en particulier lorsqu'il
existe une disproportion crasse entre le montant convenu et l'intérêt du
créancier à maintenir la totalité de sa prétention, mesuré concrètement au
moment où la violation contractuelle est survenue. Pour juger du caractère
excessif de la peine conventionnelle, il ne faut pas raisonner abstraitement,
mais, au contraire, prendre en considération toutes les circonstances concrètes
de l'espèce. Il y a ainsi lieu de tenir compte notamment de la nature et de la
durée du contrat, de la gravité de la faute du travailleur, du montant de sa
rémunération, de sa position hiérarchique et de l'absence de preuve par
l'employeur d'un dommage (ATF 133 III 43 consid. 3.3.2 p. 48 s., 201 consid 5.2
p. 509; WYLER, op. cit., p. 612 ch. 6.2; CHRISTIAN FAVRE ET AL, Le contrat de
travail, 2e éd. 2010, n° 2.1 ad art. 340b CO).

La doctrine admet que le salaire annuel du travailleur constitue la limite
supérieure de la clause pénale (cf. PORTMANN, op. cit., ibidem; WYLER, op.
cit., p. 612 ch. 6.2).

Dans un arrêt 4A_107/2011 du 25 août 2011 consid. 3.4, résumé in Jdt 2012 II
207, le Tribunal fédéral a jugé admissible une peine conventionnelle de 100'000
fr., qui correspondait à huit mois du revenu réalisé par le travailleur auprès
de son précédent employeur et à trois mois d'honoraires réalisés par
l'employeur en raison de l'activité développée par son employé.

6.2 In casu, le contrat de travail du 1er décembre 2003 prévoyait, en cas de
transgression de la clause de prohibition de concurrence, une peine
conventionnelle de 100'000 fr. La Cour civile, suivant les juges de première
instance, a considéré que la peine était excessive et l'a réduite au montant de
63'000 fr. au vu de la faute commise par la travailleuse, de la nature et de la
durée du contrat qui la liait à l'intimée ainsi que de la quotité de son
dernier salaire annuel.

A l'appui de son grief tendant à une nouvelle réduction de la clause pénale, la
recourante fait valoir que son contrat de travail ne prévoyait, en plus de son
salaire fixe, qu'un intéressement de 3%, et non pas de 6% comme l'a retenu la
Cour civile au considérant 8.2 de son arrêt. Il n'importe, dès l'instant où il
a été constaté, sans que l'arbitraire fût invoqué, qu'aucun intéressement n'a
été versé à la défenderesse du fait de la crise économique.

La peine conventionnelle arrêtée en instance cantonale correspond à un peu
moins de 77% du dernier salaire annuel brut perçu par la recourante (i.e.
76,92% de 81'900 fr.). Elle est donc inférieure à la limite supérieure
admissible préconisée en doctrine. Si elle peut paraître in abstracto élevée,
il faut tenir compte que les rapports contractuels ont existé plus de huit ans,
ce qui n'est pas une durée brève. La recourante était responsable d'agence, de
sorte qu'elle avait une position de cadre. En outre, la travailleuse a obtenu
de son employeur, à bien plaire, que son contrat prenne fin dans le mois, alors
que le préavis contractuel de résiliation était de six mois. Or dès le début du
mois suivant, elle a été engagée par une entreprise concurrente de l'intimée et
a utilisé pour ce nouvel employeur la connaissance de la clientèle qu'elle
avait pu acquérir chez la demanderesse, bien que celle-ci, avant le terme de
son contrat, l'eut formellement rendue attentive au respect de la clause de
non-concurrence convenue. La recourante a donc commis une faute qui doit être
qualifiée de grave.

Tout bien pesé, même s'il faut prendre en compte que l'intimée n'a pas prouvé
avoir subi un dommage effectif, la peine conventionnelle fixée par les
magistrats cantonaux, même si elle se situe dans le haut de la fourchette de ce
qui est admissible, n'est pas excessive, de sorte qu'il n'y a pas lieu de la
réduire une nouvelle fois.

Le grief est infondé.

7.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Les frais judiciaires et
les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1
et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 12 novembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet