Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.374/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_374/2012

Arrêt du 6 novembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
SI X.________ SA,
représentée par Me Christian Buonomo,
recourante,

contre

A.________,
représentée par Me Laurence Cruchon,
intimée.

Objet
bail à ferme non agricole; résiliation

recours contre l'arrêt rendu le 21 mai 2012 par la Chambre des baux et loyers
de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
La société SI X.________ SA est propriétaire d'un immeuble sis 65, route de
B.________ à C.________. Le bâtiment comprend au rez-de-chaussée un
café-restaurant entièrement équipé, à l'enseigne « D.________ ».
La SI X.________ SA a confié la gérance libre de son café-restaurant à
E.________, laquelle a abruptement quitté la Suisse au mois de mai 2008.
A.________, qui travaillait déjà dans le café-restaurant, s'est montrée
disposée à en reprendre l'exploitation en son propre nom.
La SI X.________ SA et A.________ ont signé un contrat de gérance libre le 11
juin 2008. Ce contrat, rédigé par un agent de fonds de commerce mandaté par la
société propriétaire, prévoit que A.________ remplace E.________ du fait du
départ de cette dernière pour l'étranger. L'art. 2 stipule que le contrat "est
prévu pour une durée de trois années à partir du 1er juin 2006 jusqu'au 31 mai
2009". Le deuxième alinéa de cette clause indique que le "contrat peut être
résilié de part et d'autre, moyennant un préavis de six mois avant son
échéance, par pli recommandé". La clause fixant la redevance mensuelle précise
qu'"en cas de prolongation du contrat au-delà du délai contractuel du 31 mai
2009, les parties s'entendront afin de fixer de nouvelles modalités de loyer et
gérance et de refaire un nouveau contrat le cas échéant".
Par lettre et formule officielle datées du 24 octobre 2008, mais postées le 12
novembre 2008, adressées à A.________, la SI X.________ SA a résilié le contrat
de gérance libre pour le 31 mai 2009. Il était expliqué que la société
propriétaire avait l'intention d'effectuer des travaux importants de rénovation
du bâtiment.

B.
A.________ a contesté le congé par requête du 22 décembre 2008 adressée à la
commission de conciliation compétente, concluant principalement à son
annulation et subsidiairement à une prolongation de bail de six ans.
Par décision du 25 juin 2009, la commission de conciliation a déclaré nul le
congé daté du 24 octobre 2008.
La SI X.________ SA a saisi le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève,
concluant en dernier lieu à ce qu'il soit constaté que le contrat de gérance
libre, signé le 11 juin 2008, de durée déterminée, est venu à échéance le 31
mai 2009, à ce que A.________ soit déboutée de ses conclusions en prolongation
de bail, à ce que son évacuation soit prononcée et à ce qu'elle soit déboutée
de toutes autres ou contraires conclusions.
Par jugement du 15 septembre 2010, le Tribunal des baux et loyers a constaté
que le bail conclu entre les parties était de durée déterminée et qu'il a pris
fin le 31 mai 2009; il a accordé à A.________ une unique prolongation de bail
de deux ans, échéant au 31 mai 2011.
La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 16 mai 2011 sur
l'appel de A.________. Elle a annulé le jugement. Les juges ont retenu que le
contrat était conclu pour une durée indéterminée et que le congé daté du 24
octobre 2008 est nul, cela parce que la nullité retenue par la commission de
conciliation n'a pas été valablement contestée.

C.
SI X.________ SA a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile.
Selon ses conclusions, le tribunal devait constater que le contrat avait pris
fin de plein droit le 31 mai 2009; subsidiairement, il devait constater que le
contrat était conclu pour une durée indéterminée et qu'il avait été valablement
résilié avec effet au 31 mai 2009; dans les deux hypothèses, une prolongation
unique du contrat pour une durée de deux ans, expirant le 31 mai 2011, n'était
plus contestée.
Le Tribunal fédéral s'est prononcé le 2 décembre 2011 (arrêt 4A_379/2011). Il a
confirmé l'arrêt attaqué en tant que ce prononcé constatait que le contrat dit
de gérance libre souscrit par les parties le 11 juin 2008 était conclu pour une
durée indéterminée. Pour le surplus, admettant partiellement le recours, il a
annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la Cour de justice pour nouvelle
décision. Cette autorité était invitée à compléter ses constatations de fait et
à statuer sur la validité du congé daté du 24 octobre 2008.
La Cour de justice a rendu un nouvel arrêt le 21 mai 2012; elle a retenu que le
congé est nul parce que la date à laquelle il devait prendre effet, soit le 31
mai 2009, était certes indiquée dans la lettre d'accompagnement mais pas dans
l'avis officiel de résiliation.

D.
Agissant derechef par la voie du recours en matière civile, SI X.________ SA
requiert le Tribunal fédéral de constater la validité du congé. Elle acquiesce
par avance à une prolongation unique du contrat jusqu'au 31 décembre 2012.
L'intimée conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Dans son précédent arrêt, le Tribunal fédéral a retenu que les parties se sont
liées par un contrat de bail à ferme non agricole conclu pour une durée
indéterminée. La Cour de justice a dûment fondé sa nouvelle décision sur ces
considérants de droit (cf. ATF 135 III 334 consid. 2). Elle a examiné la
validité du congé au regard des art. 298 CO et 9 de l'ordonnance du Conseil
fédéral du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et
de locaux commerciaux (OBLF).
A teneur de l'art. 298 al. 1 à 3 CO, le congé des baux à ferme portant sur des
habitations ou des locaux commerciaux doit être donné par écrit (al. 1). Le
bailleur doit donner le congé en utilisant une formule agréée par le canton,
indiquant au fermier la manière dont il doit procéder s'il entend contester le
congé ou demander la prolongation du bail (al. 2); à défaut, le congé est nul
(al. 3). Jusque dans leur libellé, ces règles sont identiques à celles posées
par les art. 266l et 266o CO pour la résiliation des baux à loyer d'habitations
ou de locaux commerciaux.
Selon l'art. 9 al. 1 let. b OBLF, la formule destinée à notifier au locataire
le congé au sens de l'art. 266l al. 2 CO doit comporter, parmi d'autres
indications, la date à laquelle le congé sera effectif.
La Cour de justice constate que la date à laquelle le congé litigieux devait
prendre effet, soit le 31 mai 2009, était indiquée dans la lettre qui
accompagnait la formule de résiliation agréée, mais pas dans ce document-ci; en
raison de cette lacune dans la formule, elle juge le congé nul selon l'art. 298
al. 3 CO.

2.
D'après son texte et aussi d'après sa note marginale, l'art. 9 OBLF s'applique
à la formule prévue par l'art. 266l al. 2 CO pour la résiliation du bail à
loyer, tandis que la formule prévue par l'art. 298 al. 2 CO pour la résiliation
du bail à ferme n'est pas mentionnée. Néanmoins, les art. 266l al. 2 et 298 al.
2 CO sont rédigés en termes identiques et ils doivent être mis en relation avec
les mêmes dispositions sur la protection contre les congés ou la prolongation
du contrat, soit les art. 271 à 273c CO qui sont applicables en matière de bail
à ferme non agricole par le renvoi de l'art. 300 al. 1 CO. De ces similitudes,
il faut conclure que l'art. 9 OBLF s'applique non seulement à la formule prévue
par l'art. 266l al. 2 CO pour le bail à loyer, mais aussi à celle prévue par
l'art. 298 al. 2 CO pour le bail à ferme; cela n'est d'ailleurs pas mis en
doute par la recourante.

3.
L'art. 19 OBLF se rapporte à la formule prévue par l'art. 269d CO pour la
signification de hausses de loyer ou d'autres modifications du contrat que le
bailleur introduit de manière unilatérale. Selon l'art. 253b al. 1 CO, ces
règles sont applicables par analogie en matière de bail à ferme non agricole.
L'art. 19 al. 1 let. a ch. 4 et 19 al. 1 let. b ch. 3 OBLF prévoit que la
formule doit indiquer les motifs précis d'une hausse de loyer ou d'une
modification unilatérale du contrat. Or, dans un arrêt du 6 juin 1994, le
Tribunal fédéral a jugé qu'une hausse de loyer est nulle lorsque les motifs
avancés par le bailleur n'apparaissent pas dans la formule et ne sont indiqués
que dans une lettre d'accompagnement (ATF 120 II 206 consid. 3b p. 208). La
Cour de justice se réfère à ce précédent pour retenir, par analogie, que la
formule régie par l'art. 9 OBLF doit impérativement indiquer la date à laquelle
un congé doit prendre effet, et qu'une information insérée seulement dans une
lettre d'accompagnement n'est pas suffisante.
Par suite de l'arrêt du 6 juin 1994, le Conseil fédéral a introduit un
assouplissement dans son ordonnance du 9 mai 1990: depuis le 1er août 1996,
l'art. 19 al. 1bis OBLF prévoit que si le motif de la hausse de loyer ou de la
modification unilatérale du contrat figure dans une lettre accompagnant la
formule agréée, le bailleur doit se référer expressément à cette lettre dans la
formule. Cette modification de l'ordonnance dénote que les exigences des art. 9
et 19 OBLF doivent être appliquées strictement, conformément à l'arrêt du 6
juin 1994, puisque le Conseil fédéral a voulu atténuer la portée de cet arrêt
sur le point spécifiquement concerné, sans apporter d'autres tempéraments aux
règles précédemment édictées. Il est donc exclu d'appliquer par analogie l'art.
19 al. 1bis OBLF à l'exigence fixée par l'art. 9 al. 1 let. b OBLF. Au
demeurant, même si une pareille démarche était en principe admissible, elle ne
serait d'aucun secours à l'intimée: en effet, il ne ressort pas des nouvelles
constatations de la Cour de justice que la formule datée du 24 octobre 2008
contienne un quelconque renvoi à la lettre d'accompagnement.

4.
La recourante se plaint d'un formalisme prétendument excessif. Elle affirme
erronément qu'un congé est valable lorsque la signature du bailleur n'est pas
apposée sur la formule officielle mais seulement sur la lettre
d'accompagnement. C'est le contraire qui est vrai: le congé est nul si la
formule n'est pas signée (arrêt 4C.308/2004 du 10 novembre 2004, consid.
2.2.2).
La recourante invoque aussi l'art. 266a al. 2 CO concernant le bail à loyer,
qui est identique à l'art. 296 al. 3 CO relatif au bail à ferme. Ils prévoient
l'un et l'autre que lorsque le délai ou le terme de congé n'est pas respecté
par la partie qui déclare à l'autre la résiliation du contrat, cette
résiliation produit effet pour le prochain terme pertinent. Ces dispositions
tendent exclusivement à réparer une éventuelle erreur sur la date à laquelle la
résiliation peut prendre effet (ATF 135 III 441 consid. 3.3 in fine p. 445);
elles ne dispensent pas le bailleur de notifier la résiliation conformément aux
prescriptions déterminantes de la loi et de l'ordonnance.
Selon une monographie dont la recourante fait état, « la lettre de congé ou le
formulaire officiel » doit indiquer « la date (l'échéance) pour laquelle le
bail est résilié; selon les circonstances, les expressions ''immédiatement'',
''sans délai'' ou ''pour le plus prochain terme'' peuvent être suffisantes »
(David Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 629). Dans cet exposé, l'auteur
envisage indistinctement une résiliation signifiée par le bailleur ou par le
locataire, alors que seul ce cocontractant-là est astreint à l'usage de la
formule officielle; l'auteur n'affirme pas que le bailleur puisse à son gré
renoncer à établir une formule complète. Pour le surplus, il est très douteux
qu'une locution telle que « pour le plus prochain terme » soit admissible au
regard de l'art. 9 al. 1 let. b OBLF, mais il n'est pas nécessaire de discuter
plus longuement ce point car la recourante n'a rien inséré de semblable dans sa
formule du 24 octobre 2008. L'arrêt 4C.16/2001 du 8 janvier 2002, aussi
mentionné dans le mémoire de recours, ne concerne pas le droit du bail. Enfin,
au regard des règles sur la forme à observer pour le congé, il importe peu que
la recourante ait peut-être cru de bonne foi que le contrat était conclu pour
une durée déterminée.
Le droit du bail est caractérisé par de strictes exigences de forme et il
n'admet en principe pas de dérogation aux règles de forme édictées pour la
protection du locataire (ATF 120 II 206 consid. 3a p. 208). La Cour de justice
a dûment tenu compte de cette maxime et elle a correctement appliqué l'art. 298
al. 2 et 3 CO, avec l'art. 9 al. 1 let. b OBLF, en retenant que le congé du 24
octobre 2008 est nul.

5.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 3'500 francs.

3.
La recourante versera une indemnité de 4'000 francs à l'intimée, à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 6 novembre 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin