Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.36/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 1/2}
4A_36/2012

Arrêt du 26 juin 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente,
Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Piaget.

Participants à la procédure
1. Ethical Coffee Company SA,
2. Ethical Coffee Company (Suisse) SA,
toutes les deux représentées par
Me François Besse,
recourantes,

contre

1. Société des produits Nestlé SA,
2. Nestlé Nespresso SA,
toutes les deux représentées par Me Amédée Kasser et
Me Ralph Schlosser,
3. Media SA Turn Management AG,
4. Media Markt Aigle SA,
5. Media Markt Basel AG,
6. Media Markt Biel-Brügg AG,
7. Media Markt Chur AG,
8. Media Markt Conthey SA,
9. Media Markt Crissier SA,
10. Media Markt Genève SA,
11. Media Markt Grancia SA,
12. Media Markt Granges-Paccot,
13. Media Markt Kriens AG,
14. Media Markt Lyssach AG,
15. Media Markt Meyrin SA,
16. Media Markt Muri b. Bern AG,
17. Media Markt Oftringen AG,
18. Media Markt Pratteln AG,
19. Media Markt St. Gallen AG,
20. Media Markt Zürich AG,
toutes les dix-huit représentées par
Me Ivan Cherpillod,
intimées.

Objet
protection des marques,

recours contre l'ordonnance de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 11 novembre 2011.

Faits:

A.
A partir des années 1970, la Société des produits Nestlé SA (ci-après : la
Société Nestlé), active dans le secteur alimentaire et ayant son siège à Vevey,
a mis au point une capsule enfermant une dose de café moulu qui permet, au
moyen d'une machine, de réaliser une tasse de café sans manipuler la poudre. La
société Nestlé Nespresso SA (ci-après : Nespresso), ayant son siège à Lausanne,
a reçu de sociétés du groupe Nestlé la licence pour fabriquer et commercialiser
ces capsules (ci-après : les capsules Nespresso). Lesdites capsules, aisément
identifiées par les consommateurs - comme le montre deux sondages effectués en
2010 et 2011 -, connaissent un grand succès commercial.
A la requête de la Société Nestlé, un brevet a été délivré pour les capsules
Nespresso le 31 décembre 1977 par le Bureau fédéral de la propriété
intellectuelle. Il a été radié le 16 décembre 1996 après la durée maximale de
protection.
Un brevet européen a également été délivré pour cette capsule, sur requête du
28 janvier 1992 de la Société Nestlé, et il a été radié le 31 janvier 2005
après treize annuités.
Le 28 juin 2000, la Société Nestlé a déposé auprès de l'Institut Fédéral de la
Propriété Intellectuelle une demande d'enregistrement d'une marque
tridimensionnelle pour sa capsule. Cette marque a été inscrite le 15 juillet
2001 comme marque imposée dans le commerce. L'inscription a été renouvelée pour
une nouvelle période de dix ans à partir du 29 juin 2010.
L'inscription de cette marque tridimensionnelle a été acceptée dans certains
pays étrangers, mais refusée dans d'autres. Une demande de protection à titre
de marque communautaire présentée devant l'Office européen d'harmonisation dans
le marché intérieur s'est heurtée à un refus pour le motif que la marque
n'avait pas acquis de caractère distinctif.

B.
Dès le 15 décembre 2010, la chaîne de magasins Denner SA a mis sur le marché
des capsules de café concurrentes, utilisables dans les mêmes machines,
produites par la Société Alice Allison SA.
Invoquant leur droit exclusif à la marque ainsi qu'une violation de la loi sur
la concurrence déloyale, la Société Nestlé et Nespresso ont déposé, en main du
Président du Tribunal de commerce de St-Gall, une requête de mesures
provisionnelles et superprovisionnelles.
Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 10 janvier 2011, le président
saint-gallois a fait interdiction à Alice Allison SA et à Denner SA de
distribuer ou commercialiser ces capsules concurrentes.
Cette décision a été partiellement rapportée dans l'ordonnance sur mesures
provisionnelles du 4 mars 2011; le président saint-gallois a alors considéré
que la marque ne pouvait pas être protégée, parce que la forme du produit était
techniquement nécessaire.
La Société Nestlé et Nespresso ayant recouru au Tribunal fédéral, celui-ci, par
arrêt du 28 juin 2011, a annulé la décision attaquée, pour arbitraire et
violation du droit d'être entendu, et a renvoyé la cause à l'autorité cantonale
pour procéder à une expertise sommaire (cause 4A_178/2011; arrêt publié in ATF
137 III 324).
Par ordonnance du 29 août 2011, le président saint-gallois a rapporté
partiellement son ordonnance sur mesures superprovisionnelles et a décidé de
procéder à une expertise.

C.
Les sociétés Ethical Coffee Company SA à Fribourg et Ethical Coffee Company
(Suisse) SA également à Fribourg (ci-après : les sociétés ECC) ont mis en vente
en Suisse, au mois de février 2011, d'autres capsules concurrentes, par
l'intermédiaire de certains commerces appartenant au groupe Casino. Ces
capsules ont cependant été retirées des magasins quelques jours après leur mise
sur le marché. En septembre 2011, le groupe Media Markt a annoncé qu'il allait
commercialiser dans ses supermarchés les capsules des sociétés ECC, qui sont
compatibles avec les machines à café utilisées avec les capsules Nespresso. Le
28 septembre 2011, ces capsules ont été trouvées dans le magasin Media Markt de
Crissier.

D.
Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du 30 septembre
2011, la Société Nestlé et Nespresso ont demandé au juge délégué du Tribunal
cantonal vaudois d'interdire aux sociétés ECC et aux sociétés du groupe Media
Markt de commercialiser les capsules des sociétés ECC.
Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 30 décembre 2011, le juge
délégué a prononcé l'interdiction sollicitée sous menace des peines de l'art.
292 CP, astreignant les parties requérantes à fournir des sûretés.
Les sociétés ECC ont produit une expertise privée concluant que la forme des
capsules correspondait à une nécessité technique. Les parties requérantes ont
fait entendre l'un de leurs employés qui a affirmé le contraire. Elles ont
également sollicité, à titre subsidiaire, la mise en ?uvre d'une expertise.
Par ordonnance sur mesures provisionnelles du 11 novembre 2011, le juge délégué
du Tribunal cantonal vaudois a fait interdiction aux sociétés ECC ainsi qu'aux
sociétés du groupe Media Markt d'offrir, commercialiser, distribuer, vendre,
promouvoir, exporter, entreposer ou utiliser de quelque autre manière, dans le
commerce, des capsules de café correspondant à la forme de celles
commercialisées par les sociétés Nestlé et Nespresso, sous menace des peines
prévues par l'art. 292 CP. Il a astreint par ailleurs la Société Nestlé et
Nespresso à déposer une garantie à première demande de deux millions de francs
pour l'hypothèse où ces sociétés seraient condamnées à des dommages-intérêts
pour le motif que la mesure serait injustifiée. Il a fixé aux parties
requérantes un délai au 29 février 2012 pour déposer une demande au fond sous
peine de caducité des mesures provisionnelles. Il a statué par ailleurs sur les
frais et dépens.

E.
Les sociétés ECC exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral
contre l'ordonnance du 11 novembre 2011. Se plaignant d'arbitraire (art. 9
Cst.) et d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), elles
concluent, sous suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi
de la cause à l'autorité précédente pour que l'instruction soit complétée et
qu'une nouvelle décision soit rendue.
La Société Nestlé et Nespresso concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au
rejet du recours avec suite de frais et dépens.
Par lettre du 27 février 2012, les sociétés du groupe Media Markt ont fait
savoir qu'elles renonçaient à participer à la procédure devant le Tribunal
fédéral. Ces sociétés avaient déjà informé la Société Nestlé et Nespresso, dans
le cadre de la procédure cantonale, qu'elles renonçaient à commercialiser les
capsules d'ECC jusqu'à la fin de la procédure de mesures provisionnelles.
Les autres parties ont répliqué et dupliqué.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours est dirigé contre une décision sur mesures provisionnelles. Ces
mesures ont été prises à la condition qu'une procédure sur le fond soit
introduite dans le délai imparti et elles ne peuvent déployer leurs effets que
jusqu'à décision définitive sur le fond. S'il est vrai que les mesures
provisionnelles ont été ordonnées avant l'ouverture de la procédure sur le
fond, elles n'ont pas une validité indépendante, mais sont destinées à se
greffer sur une procédure principale sans laquelle elles ne peuvent pas
subsister. Il faut donc considérer que l'on se trouve en présence d'une
décision incidente qui, dès lors qu'elle ne porte pas sur la compétence ou la
récusation (art. 92 LTF), ne peut donner lieu à un recours au Tribunal fédéral
qu'aux conditions fixées par l'art. 93 LTF (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 327
s.; 134 I 83 consid. 3.1 p. 86 s.; arrêt 4A_254/2007 du 29 janvier 2008 consid.
1.1, publié in sic! 7-8/2008 p. 524).
S'agissant de mesures provisionnelles, il est évidemment d'emblée exclu de
mettre fin immédiatement à la procédure sur le fond (cf. art. 93 al. 1 let. b
LTF). Il faut donc examiner si la décision attaquée peut causer un préjudice
irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF).

1.2 Le préjudice, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, doit être de nature
juridique; il ne peut s'agir d'un préjudice de fait ou d'un préjudice purement
économique, comme l'allongement ou le renchérissement de la procédure (ATF 137
V 314 consid. 2.2.1 p. 317; 136 IV 92 consid. 4 p. 95; 135 II 30 consid. 1.3.4
p. 36; récemment: arrêt 4A_478/2011 du 30 novembre 2011 consid. 1.1). Le
préjudice doit être irréparable, c'est-à-dire qu'il ne doit pas pouvoir être
supprimé par une décision finale ultérieure qui serait favorable à la partie
recourante (ATF 137 V 314 consid. 2.2.1 p. 317; 134 IV 92 consid. 4 p. 95; 134
III 188 consid. 2.1 p. 190).
Dans un ATF 134 I 83 (consid. 3.1 p. 87), la jurisprudence a affirmé qu'une
décision sur mesures provisionnelles était toujours de nature à causer un
préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le Tribunal
fédéral est revenu sur ce principe formulé de manière trop générale et il s'est
réservé à l'avenir d'examiner la question plus attentivement, en exigeant du
recourant qu'il explique désormais en quoi la décision entreprise est de nature
à lui causer un préjudice irréparable, sauf si ce point découle manifestement
de la décision attaquée ou de la nature de la cause (ATF 137 III 324 consid.
1.1 p. 328 s.; arrêt 4A_72/2012 du 12 avril 2012 consid. 1.2 et les arrêts
cités; pour des cas d'application: cf. notamment arrêts 4A_460/2011 du 20
décembre 2011 consid. 1.1; 4A_223/2011 du 12 juillet 2011; 4D_106/2011 du 30
janvier 2012 consid. 4; 4D_90/2011 du 20 décembre 2011 consid. 2.2).
1.3
1.3.1 Il faut d'emblée souligner la différence qui existe entre le cas d'espèce
et celui examiné à l'ATF 137 III 324 évoqué plus haut. Le recours à l'origine
de ce dernier arrêt émanait de la Société Nestlé et de Nespresso, soit d'une
entreprise déjà solidement implantée sur le marché, qui pouvait établir
relativement facilement, en montrant l'évolution de son chiffre d'affaires et
de son bénéfice en rapport avec un produit déterminé, l'impact, à une période
donnée, d'une concurrence qui serait illicite.
La situation qui doit être jugée ici est inverse. Le recours est interjeté par
le concurrent (les sociétés ECC) qui est empêché de lancer son produit sur le
marché. Ce concurrent subit un préjudice qui va au-delà du préjudice financier
qui résulterait de la perte de certaines affaires déterminées. En raison de
l'interdiction qui lui a été signifiée, il est en effet limité de façon
générale dans son développement économique par rapport à l'autre partie avec
laquelle il est en concurrence; il risque ainsi, par rapport à celle-ci, de
perdre des parts de marché. Dans ce contexte, on voit mal comment ce concurrent
(les sociétés ECC) pourrait être indemnisé à l'issue de la procédure (notamment
au moyen de dommages-intérêts), même si celle-ci devait lui être favorable (cf.
ATF 130 II 149 consid. 1.1 p. 153; 127 II 132 consid. 2b p. 137; sur le
constat, expressément: arrêt 2A.206/2001 du 24 juillet consid. 3 c, publié in
sic! 8/2001 p. 723, qui renvoie à l'ATF 125 II 613 consid. 6b p. 623).
Il n'y a pas lieu de revenir sur ce constat déjà admis par la jurisprudence
puisqu'il paraît effectivement extrêmement difficile de démontrer le
développement économique auquel une partie aurait pu prétendre sur la base d'un
produit qui n'a finalement pas pu être lancé au moment choisi. Le résultat du
lancement d'un nouveau produit dépend de multiples facteurs, rattachés à une
période donnée, comme les moyens mis en ?uvre pour la production, la
commercialisation et la publicité, ainsi que la réaction du public, qui dépend
elle-même des possibilités alternatives, voire de la conjoncture à un moment
déterminé.
Force est ainsi de constater qu'en l'occurrence on ne se trouve pas en présence
de simples difficultés probatoires, qui ne peuvent donner lieu à un préjudice
de nature juridique. En partant du constat qui précède, on doit au contraire
admettre que si les recourantes n'avaient pas d'autre choix que d'attendre la
décision finale, elles seraient pratiquement dans l'impossibilité de démontrer
le préjudice réellement subi (résultant du développement économique non
réalisé) et qu'elles risquent de n'avoir aucun moyen à leur disposition le
moment venu pour faire valoir leur droit à une indemnisation; elles sont
exposées à un préjudice qu'une décision favorable ne pourrait pas faire
disparaître (entièrement), ce qui constitue un préjudice irréparable de nature
juridique. Savoir si un tel risque existe ou non en l'espèce est une question
qui touche le bien-fondé de la requête, et ne peut donc être tranchée au stade
de la recevabilité du recours (cf. arrêt 4A_478/2011 déjà cité consid. 1.1).
1.3.2 C'est d'ailleurs bien ce que soutiennent les recourantes lorsqu'elles
évoquent une atteinte grave et irréparable à leurs produits, et surtout, à leur
image. Elles ne visent ainsi pas un préjudice qui résulterait d'affaires
déterminées qui leur auraient échappé; en mettant explicitement en évidence
l'atteinte à leur image, elles suggèrent plutôt, dans une perspective future,
la crainte d'une réaction négative du public vis-à-vis de leur entreprise et de
leurs produits et, implicitement, la crainte de perdre ainsi des parts de
marché.
Certes, la motivation fournie par les recourantes est très succincte et elle ne
serait certainement pas suffisante (cf. art. 42 al. 2 LTF) si le recours,
émanant d'une société déjà bien implantée sur le marché, avait pour objet une
décision rejetant une requête de mesures provisionnelles (cf. supra au début du
consid. 1.3.1); l'existence d'un préjudice irréparable ne serait alors pas
aisément reconnaissable, la société en question pouvant relativement facilement
démontrer l'impact de la concurrence illicite sur son chiffre d'affaires et son
bénéfice et donc obtenir des dommages-intérêts en conséquence, le cas échéant
sous l'angle de l'art. 42 al. 2 CO. Il incomberait dès lors à cette société
d'offrir une motivation permettant de comprendre en quoi la décision attaquée
est, de son point de vue, de nature à lui causer un préjudice irréparable.
En l'espèce, la motivation est toutefois fournie par les parties qui sont
empêchées, suite aux mesures provisionnelles admises par l'autorité cantonale,
de lancer leur produit sur le marché en raison d'un concurrent. Le préjudice
irréparable résulte de cette situation particulière de concurrence et donc, en
quelque sorte, de la nature de la cause (cf. supra consid. 1.3.1). La
motivation fournie par les recourantes, placée dans cette perspective
particulière, permet de comprendre en quoi la décision attaquée est de nature à
leur causer un préjudice irréparable, de sorte qu'on peut admettre qu'elle
respecte l'exigence qui a été fixée dans la jurisprudence récente (ATF 137 III
324 consid. 1.1 p. 328 s.).
On se trouve donc en présence d'une mesure de nature à causer un préjudice
irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.

1.4 La décision attaquée, qui se rapporte à la matière civile (art. 72 al. 1
LTF), n'a pas été rendue sur recours comme le prescrit de manière générale
l'art. 75 LTF. Cependant, l'art. 5 al. 1 let. a CPC prévoit que le droit
cantonal doit instituer une juridiction statuant en instance cantonale unique
pour les litiges portant sur des droits de la propriété intellectuelle. L'art.
5 al. 2 CPC précise que cette juridiction est également compétente pour statuer
sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance. On se trouve donc
dans un cas où une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique, de sorte
que le recours est recevable (art. 75 al. 2 let. a LTF), quand bien même la
décision attaquée n'a pas été rendue sur recours.
Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - une loi fédérale prévoit une
instance cantonale unique, le recours est recevable sans égard à la valeur
litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF).
Le recours a été interjeté par des parties qui ont succombé dans leurs
conclusions touchant leurs intérêts patrimoniaux et qui ont donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF). Il a été déposé dans la forme (art. 42 LTF) et
dans le délai (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) prévus par la loi, étant rappelé
que la suspension des délais à la fin de l'année (art. 46 al. 1 let. c LTF) ne
s'applique pas dans les procédures concernant des mesures provisionnelles (art.
46 al. 2 LTF).

1.5 Lorsque - comme c'est le cas en l'espèce - le recours est formé contre une
décision portant sur des mesures provisionnelles, seule la violation des droits
constitutionnels peut être invoquée (art. 98 LTF).
Le Tribunal fédéral ne peut examiner si un droit constitutionnel a été violé
que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise dans l'acte de
recours (art. 106 al. 2 LTF).
En l'espèce, les recourantes se plaignent d'arbitraire (art. 9 Cst.) et d'une
violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).

1.6 Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base
des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF).
Comme le recours n'est ouvert que pour violation d'un droit constitutionnel
(art. 98 LTF), le Tribunal fédéral ne pourrait revenir sur l'état de fait que
s'il y avait eu violation d'un droit constitutionnel et à la condition que la
partie recourante l'ait invoquée et motivée avec précision (ATF 133 III 393
consid. 7.1 p. 398, 585 consid. 4.1 p. 588).
En parlant d'appréciation arbitraire des preuves, les recourantes discutent en
réalité l'analyse juridique des faits retenus (la distinction entre l'art. 2
let. a et l'art. 2 let. b LPM), ainsi que leur droit à la preuve, sous l'angle
de la vraisemblance s'agissant de mesures provisionnelles (cf. art. 8 CC), ce
qui constituent des questions de droit. En conséquence, il n'y a pas lieu de
s'écarter de l'état de fait contenu dans l'arrêt attaqué.

1.7 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
S'agissant d'un recours en réforme (art. 107 al. 1 LTF), la partie recourante
doit en principe prendre des conclusions sur le fond; elle ne peut conclure à
l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité
précédente que si le Tribunal fédéral, dans l'hypothèse où il admet le recours,
n'est de toute manière pas en mesure de statuer lui-même sur le fond (ATF 134
III 379 consid. 1.3 p. 383; 133 III 489 consid. 3.1 p. 489 s.). Cette condition
est ici remplie, puisque le Tribunal fédéral, s'il suit l'argumentation des
recourantes, ne pourrait pas statuer lui-même sur le fond ou même sur les
mesures provisoires, mais ne peut que renvoyer la cause à l'autorité
précédente, puisqu'il ne lui appartient pas de compléter lui-même
l'administration des preuves, ce qui fait l'objet du recours. Les conclusions,
telles qu'elles sont formulées, sont donc recevables.

2.
2.1 Selon les constatations cantonales qui lient le Tribunal fédéral (art. 105
al. 1 LTF), la Société Nestlé a fait enregistrer la forme de la capsule
Nespresso comme marque de forme en trois dimensions (art. 1 al. 2 de la loi
fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de
provenance [LPM; RS 232.11]). L'enregistrement est valable pendant dix ans et
peut être prolongé, sur demande, de dix en dix ans (art. 10 al. 1 et 2 LPM). Le
titulaire de la marque a le droit exclusif d'en faire usage pour distinguer ses
produits ou ses services et d'en disposer (art. 13 al. 1 LPM). Il peut en
interdire l'usage par des tiers (art. 13 al. 2 LPM). Il a été constaté en
l'espèce que la Société Nestlé a accordé une licence d'utilisation à la société
Nespresso (cf. art. 18 LPM).

2.2 La personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la
marque peut demander au juge civil de l'interdire si elle est imminente ou de
la faire cesser si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. a et b LPM); la
personne qui dispose d'une licence exclusive peut intenter une action
indépendamment de l'inscription de la licence au registre, pour autant que le
contrat de licence ne l'exclue pas explicitement (art. 55 al. 4 LPM).
La personne habilitée à agir peut également requérir des mesures
provisionnelles, notamment pour assurer à titre provisoire la prévention ou la
cessation du trouble (art. 59 let. d LPM). La procédure d'obtention des mesures
provisionnelles est régie par les art. 261 à 269 CPC. Le tribunal ordonne les
mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable
qu'une prétention dont il est titulaire fait l'objet d'une atteinte ou risque
de l'être et que cette atteinte pourrait lui causer un préjudice difficilement
réparable (art. 261 al. 1 CPC). Le tribunal peut ordonner toute mesure
provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice (art. 262 CPC).
Si l'action au fond n'est pas encore pendante, le tribunal qui ordonne des
mesures provisionnelles impartit au requérant un délai pour le dépôt de la
demande, sous peine de caducité des mesures ordonnées (art. 263 CPC). Il peut
l'astreindre à fournir des sûretés si les mesures provisionnelles risquent de
causer un dommage à la partie adverse, étant précisé que le requérant répond du
dommage causé par des mesures provisionnelles injustifiées (art. 264 al. 1 et 2
CPC). Le tribunal qui a ordonné des mesures provisionnelles prend également les
dispositions d'exécution qui s'imposent (art. 267 CPC).
Selon la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD;
RS 241), est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui
est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne
foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et
clients (art. 2 LCD). Agit de façon déloyale, notamment celui qui prend des
mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les
oeuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 al. 1 let. d LCD).

2.3 Les sociétés ECC se sont opposées aux mesures provisionnelles sollicitées
en faisant valoir que la marque enregistrée ne pouvait pas être protégée, parce
que la forme de la capsule Nespresso était dictée par son utilisation dans la
machine à café.
Selon l'art. 2 let. b LPM, sont exclues de la protection comme marques les
formes qui constituent la nature même du produit et les formes du produit ou de
l'emballage qui sont techniquement nécessaires.
Au stade de la procédure sur mesures provisionnelles, les sociétés ECC devaient
seulement rendre vraisemblable le caractère non protégeable de la marque (ATF
132 III 83 consid. 3.2 p. 86).
Le juge cantonal ne pouvait pas éluder la question préjudicielle qui lui était
posée en se retranchant derrière le fait que la marque avait été enregistrée au
registre suisse tenu par l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle. En
effet, il incombe au juge civil de statuer sur la validité d'une marque (entre
autres auteurs: VON BÜREN/MARBACH/DUCREY, Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht, 3e éd. 2008, n. 575 p. 120). Saisi d'une requête de mesures
provisionnelles, le juge doit examiner la question sous l'angle de la
vraisemblance (cf. art. 261 al. 1 CPC).
Le juge cantonal ne pouvait pas non plus se retrancher derrière la constatation
selon laquelle la capsule Nespresso s'était imposée dans l'esprit des
consommateurs comme marque. En effet, cette circonstance ne peut justifier la
protection que s'il s'agit d'un signe appartenant au domaine public (art. 2
let. a LPM). En revanche, si la forme est techniquement nécessaire, sa
protection est absolument exclue par l'art. 2 let. b LPM, sans qu'il y ait à
examiner si elle s'est imposée comme marque. La portée propre de l'art. 2 let.
b LPM consiste en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou
les formes du produit ou de l'emballage qui sont techniquement nécessaires,
demeurent exclues de la protection légale même si leur utilisation comme marque
a pu s'imposer dans le commerce; à la différence des autres signes appartenant
au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d'une forme de
ce genre ne permet pas d'en obtenir le monopole dans le cadre du droit des
marques (ATF 131 III 121 consid. 2 p. 123 s.; 129 III 514 consid. 2.3 p. 517).
L'objection soulevée par les sociétés ECC devait être examinée avec d'autant
plus d'attention qu'il ressort de la chronologie des faits - établie d'une
manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que la Société
Nestlé a tout d'abord considéré la capsule Nespresso comme une invention. Or,
la loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (LBI; RS 232.14)
limite à vingt ans la durée de protection des brevets (art. 14 LBI). Le
législateur entendait récompenser l'inventeur pour son activité novatrice en
lui accordant le monopole de la commercialisation pendant une durée limitée à
vingt ans; après l'expiration de ce délai, il a voulu que l'invention tombe
dans le domaine public et que la libre concurrence puisse à nouveau jouer son
rôle. Cette volonté du législateur ne saurait être éludée, lorsque l'invention
se matérialise dans un objet, en faisant ensuite inscrire celui-ci comme une
marque de forme en trois dimensions (art. 1 al. 2 LPM) avec cette conséquence
que la protection d'une marque peut se renouveler indéfiniment de dix ans en
dix ans (art. 10 al. 1 et 2 LPM).
Pour respecter la volonté du législateur, une invention tombée dans le domaine
public après l'expiration de la durée de monopole doit pouvoir être réalisée
par un concurrent. S'il n'est pas possible de fabriquer une capsule de forme
différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une
autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace,
il faudrait en déduire que la protection de la capsule Nespresso comme marque
est exclue par l'art. 2 let. b LPM (cf. ATF 137 III 324 consid. 3.2.2 p. 330;
129 III 514 consid. 2.4.2 p. 519 et consid. 3.2.1 et 3.2.2 p. 522).
Il faut ajouter que la question à examiner n'est pas seulement de savoir s'il
est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même
manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. La capsule
de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative au sens
de la jurisprudence évoquée plus haut que si elle n'entre pas dans le champ de
protection (Schutzumfang) de la capsule Nespresso; il convient donc aussi de se
demander si la ou les autres formes se distingueraient suffisamment, dans
l'esprit du public acheteur, de la capsule Nespresso pour éviter d'entrer dans
sa sphère de protection (cf. art. 3 LPM).
Si la forme est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne sauraient
faire interdiction à un concurrent d'utiliser, en soi, une même capsule, faute
de quoi la concurrence serait tout simplement impossible. Dans ce contexte, on
ne saurait en effet accorder à la marque litigieuse, par le détour de la LCD,
une protection que la législation sur les marques lui refuse expressément (cf.
ATF 84 II 221 consid. 3 p. 227; 80 II 171 consid. 1 p. 174; IVAN CHERPILLOD, Le
droit suisse des marques, 2007, p. 55). Il va toutefois de soi que la LCD
pourra être appliquée si la mise sur le marché des mêmes capsules procède d'un
comportement déloyal, notamment si les insertions publicitaires accompagnant
leur vente sont de nature à faire naître une confusion avec les éventuels
slogans déjà utilisés par le concurrent (cf. art. 2 et 3 al. 1 let. d LCD; cas
de figure évoqué dans l'ATF 137 III 324, partie "Faits" let. B p. 326 s.).

2.4 Pour rendre vraisemblable l'absence de validité de la marque, les sociétés
ECC ont produit une expertise privée qui s'exprime dans ce sens. S'il est vrai
que ce document montre que l'objection n'est pas soulevée à la légère, il ne
suffit pas pour établir la vraisemblance requise en raison de la provenance
unilatérale du document (ATF 137 III 324 consid. 2.2.2 p. 330; 132 III 83
consid. 3.4 p. 87 s.). Pour les mêmes raisons, la déclaration d'un employé de
Nestlé ne peut pas suffire à établir la vraisemblance contraire. S'agissant
d'une question technique controversée et décisive, le juge cantonal - qui admet
n'avoir pas de connaissances techniques particulières (arrêt attaqué p. 38) -
se devait de demander une expertise sommaire à un technicien indépendant, comme
dans le cas parallèle qui est pendant devant le Tribunal de commerce de
Saint-Gall (ATF 137 III 324 consid. 3.2 p. 329 ss).
Alors qu'une expertise constituait le moyen de preuve adéquat pour élucider, au
moins sous l'angle de la vraisemblance, le point technique déterminant, le juge
cantonal a clos l'administration des preuves et a tranché en faveur de la
Société Nestlé et de la société Nespresso sans disposer d'aucun élément de
preuve sérieux. Sa décision est donc entachée d'arbitraire (art. 9 Cst.; sur la
notion d'arbitraire: cf. ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I 316 consid. 2.2.2
p. 318 s.; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560) et doit être annulée.
Il n'est pas nécessaire de se demander s'il y a eu, de surcroît, une violation
du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), étant observé que l'expertise en
l'espèce a été sollicitée non pas par les recourantes, mais par la Société
Nestlé et par la société Nespresso.
Il a déjà été jugé que la procédure sur mesures provisionnelles n'exclut pas
d'ordonner une expertise (cf. art. 254 CPC; ATF 137 III 324 consid. 3.2.2 p.
331) et il n'y a pas lieu d'y revenir.
Comme dans le cas saint-gallois parallèle, on peut aussi signaler que le juge
délégué peut en tout temps rapporter ou modifier sa décision sur mesures
superprovisionnelles (arrêt 4A_178/2011 du 28 juin 2011 consid. 4 non publié à
l'ATF 137 III 324).

3.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être admis.
L'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée à la cour cantonale
pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Les frais et les dépens doivent être mis solidairement à la charge de la
Société Nestlé et de la société Nespresso qui succombent (art. 66 al. 1 et 5,
art. 68 al. 2 et 4 LTF).
Faisant usage du pouvoir d'appréciation que la loi lui accorde (art. 66 al. 1
et 68 al. 1 LTF), le Tribunal fédéral ne mettra pas de frais et de dépens à la
charge des sociétés du groupe Media Markt, qui ne sont pas intervenues dans la
procédure fédérale et qui ont constamment manifesté la volonté de s'en remettre
aux décisions de justice.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
L'ordonnance attaquée est annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente
pour nouvelle décision.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis solidairement à la charge
de la Société des produits Nestlé SA et de Nestlé Nespresso SA.

4.
La Société des produits Nestlé SA et Nestlé Nespresso SA, débitrices
solidaires, verseront à Ethical Coffee Company SA et à Ethical Coffee Company
(Suisse) SA, créancières solidaires, une indemnité totale (pour les deux
sociétés) de 9'000 francs.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 26 juin 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Piaget