Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.296/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_296/2012

Arrêt du 12 novembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Philippe Girod,
demandeur et recourant,

contre

Banque cantonale A.________,
représentée par Me Pascal Tourette,
défenderesse et intimée.

Objet
enrichissement illégitime; restitution

recours contre l'arrêt rendu le 13 avril 2012 par la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
X.________ a vécu en ménage commun avec Z.________, laquelle gérait leurs
affaires financières. Il lui a confié la carte et aussi, semble-t-il, le code
personnel permettant d'opérer des prélèvements sur son compte ouvert auprès de
la Banque cantonale B.________. Elle s'occupait de prélever elle-même puis de
lui remettre l'argent nécessaire à ses besoins personnels, et elle acquittait
de la même manière les charges du ménage. Par ailleurs, elle recevait et
ouvrait la totalité de son courrier.
A l'insu de X.________ mais en son nom, au moyen d'une signature contrefaite,
Z.________ a sollicité et obtenu un prêt de la Banque cantonale A.________ au
montant de 15'000 francs. Cette somme a été versée le 5 novembre 2007 sur le
compte déjà ouvert auprès de la Banque cantonale B.________.

B.
Afin d'obtenir le remboursement du prêt, la Banque cantonale A.________ a
entrepris une poursuite contre X.________. Par l'office des poursuites
compétent, elle a fait établir un commandement de payer au montant de 14'342
fr.30 avec intérêts au taux de 8,9% par an dès le 28 mai 2009, dans la
poursuite n° .... Z.________ a retiré ce commandement de payer le 19 juin 2008
et nul n'a pas fait opposition.
Toujours à l'insu de son compagnon, et en usant d'un nouvel artifice,
Z.________ a obtenu de la Banque cantonale A.________ qu'elle acceptât un
remboursement du prêt par mensualités de 300 francs.
Selon ses dires, X.________ a appris l'existence du prêt à la fin de 2008 ou au
début de 2009. Il a averti la banque qu'il n'avait pas signé le contrat et
qu'il ignorait l'affectation de la somme prêtée. Le 9 février 2009, il a déposé
plainte pénale contre Z.________, laquelle avait récemment quitté la Suisse.
Le 8 février 2010, X.________ a reçu un avis de saisie pour une dette au
montant de 11'986 fr.80 dans la poursuite n° ....

C.
Le 25 mars 2010, X.________ a ouvert action contre la Banque cantonale
A.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Le
tribunal était requis de prononcer que la défenderesse n'avait aucune créance
contre le demandeur par suite du contrat de prêt daté du 5 octobre 2007; le
tribunal était également requis d'annuler la poursuite.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 10 novembre 2011; accueillant l'action, il a
constaté que la défenderesse n'a aucune prétention contre le demandeur en
relation avec le prêt et il a annulé la poursuite.
La Cour de justice a statué le 13 avril 2012 sur l'appel de la défenderesse;
elle a annulé le jugement, constaté que la créance élevée dans la poursuite n°
... est fondée, et déclaré que cette poursuite ira sa voie.

D.
Agissant principalement par la voie du recours en matière civile et
subsidiairement par celle du recours constitutionnel, le demandeur saisit le
Tribunal fédéral de conclusions semblables à celles déjà prises devant le
Tribunal de première instance puis la Cour de justice.
La défenderesse conclut principalement à l'irrecevabilité des deux recours et
subsidiairement à leur rejet.
Le demandeur a présenté une demande d'assistance judiciaire qu'il a ensuite
retirée.

Considérant en droit:

1.
L'action entreprise par le demandeur est celle prévue par l'art. 85a al. 1 LP,
accordant au débiteur poursuivi le droit d'agir en tout temps au for de la
poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un
sursis a été consenti.

2.
Dans les affaires pécuniaires civiles, le recours ordinaire au Tribunal fédéral
n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève, en règle générale, à
30'000 fr. au moins (art. 74 al. 1 let. b LTF); il est recevable sans égard à
la valeur litigieuse lorsque la contestation soulève une question juridique de
principe (art. 74 al. 2 let. a LTF). En l'espèce, la valeur litigieuse minimum
n'est pas atteinte.
Selon la jurisprudence, il y a question juridique de principe lorsque dans
l'intérêt général, en particulier dans l'intérêt de la sécurité juridique, une
question controversée doit être résolue par la juridiction suprême afin de
parvenir à une interprétation et à une application uniforme du droit fédéral (
ATF 137 III 580 consid. 1.1 p. 582/583; 135 III 1 consid. 1.3 p. 4; 135 III 397
consid. 1.2 p. 399).
La Cour de justice retient qu'il n'existe pas de relation contractuelle entre
les parties, que le demandeur s'est trouvé enrichi sans cause valable par le
versement du prêt et qu'il est tenu de le restituer en vertu de l'art. 62 CO.
Selon la Cour, le demandeur n'est pas parvenu à établir qu'il n'était plus
enrichi au moment de la demande de restitution, et elle rejette donc
l'objection que celui-ci prétend fonder sur l'art. 64 CO.
Contrairement à l'opinion soumise au Tribunal fédéral, l'application de cette
disposition au cas de l'enrichi ayant donné à un tiers le pouvoir de disposer
de ses biens ne soulève aucune question controversée dont la solution soit
impérieusement nécessaire. L'incidence d'une éventuelle faute du lésé, dans les
circonstances qui ont conduit à l'enrichissement sans cause, ne soulève non
plus aucune question de ce genre. Il s'ensuit que le recours en matière civile
est irrecevable.

3.
Le recours constitutionnel est dirigé contre un jugement final rendu en
dernière instance cantonale (art. 90 et 117 LTF). Ce jugement n'est pas
susceptible d'un autre recours au Tribunal fédéral (art. 113 LTF). Le demandeur
a pris part à l'instance précédente et succombé dans des conclusions concernant
son patrimoine personnel (art. 115 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1
et 117 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), ce recours est
en principe recevable.
Le recours constitutionnel ne peut être exercé que pour violation des droits
constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral ne se saisit que des
griefs soulevés et motivés de façon détaillée par la partie recourante (art.
106 al. 2 et 117 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p.
246; 133 III 439 consid. 3.2 p. 444). Il doit statuer sur la base des faits
constatés dans la décision attaquée; il ne peut rectifier ou compléter que les
constatations de fait auxquelles l'autorité précédente est parvenue en
violation des droits constitutionnels, pour autant que la partie recourante
mette en évidence, de façon également détaillée, les constatations ainsi
viciées (art. 118 LTF; ATF 133 III 439 ibidem; voir aussi ATF 136 II 489
consid. 2.8 p. 494; 133 III 393 consid. 7.1 p. 398).

4.
Le demandeur invoque la protection contre l'arbitraire conférée par l'art. 9
Cst.
Une décision est arbitraire, donc contraire à cette disposition
constitutionnelle, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il
ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; il faut
encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs
pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité
cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même
préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560; 135 V
2 consid. 1.3 p. 4/5).
En matière d'appréciation des preuves et de constatation des faits, l'autorité
tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune
raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore
lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des constatations
insoutenables (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p.
560; 129 I 8 consid. 2.1).

5.
Aux termes de l'art. 64 CO, il n'y a pas lieu à restitution dans la mesure où
celui qui a reçu indûment établit qu'il n'est plus enrichi lors de la
répétition, à moins qu'il ne se soit dessaisi de mauvaise foi de ce qu'il a
reçu, ou qu'il n'ait dû savoir, en se dessaisissant, qu'il pouvait être tenu à
restituer.
Selon la jurisprudence, l'enrichi de bonne foi n'est tenu à restituer que dans
la mesure de l'enrichissement qui subsiste lors de la répétition de l'indu; il
ne doit pas être placé dans une situation inférieure à celle qui serait la
sienne si le versement indu ne s'était pas produit. Est enrichi non seulement
celui qui est encore en possession du montant reçu à tort, et éventuellement de
ses intérêts, mais aussi celui qui a, par exemple, utilisé cette somme pour
payer des dettes ou son entretien. En revanche, n'est plus enrichi celui qui,
par libéralité, a fait don à un tiers du montant reçu sans droit, ou qui l'a
consacré à des dépenses non nécessaires ou à des avantages non durables, tels
que des voyages d'agrément ou d'autres loisirs, c'est-à-dire, d'une manière
générale, à des valeurs extra-patrimoniales (arrêt 4C.264/1993 du 23 décembre
1993, consid. 5a, SJ 1994 p. 269; ATF 102 V 91 consid. III/2 p. 99). Autrement
dit, celui qui a reçu un paiement indu n'est plus enrichi, au moment de la
répétition, dans la mesure où il a fait entre-temps des dépenses dont il se
serait abstenu s'il n'avait pas eu la somme concernée à sa disposition (Gilles
Petitpierre, in Commentaire romand, 1re éd., n° 19 ad art. 64 CO; voir aussi
Benoît Chappuis, même ouvrage, 2e éd., nos 26 à 28 ad art. 64 CO).
Selon la décision attaquée, le demandeur n'a pas produit les relevés de son
compte bancaire et il n'a donc pas établi qu'il n'était plus enrichi lors de la
répétition. A l'appui du recours constitutionnel, ce plaideur affirme que les
relevés de compte n'auraient de toute manière apporté aucune information sur
l'emploi de la somme versée à titre de prêt, et que la disparition de tout
enrichissement résulte par ailleurs de saisies qui ont été opérées contre lui.
Le demandeur admet donc, avec cette argumentation, qu'il n'a pas prouvé
l'affection de la somme en cause à des libéralités ou à des dépenses
voluptuaires que lui-même ou sa compagne n'auraient pas faites si la
défenderesse ne leur avait rien versé au début de novembre 2007. Au regard de
la jurisprudence précitée, cela suffit à entraîner le rejet du moyen de défense
tiré de l'art. 64 CO. La Cour de justice aurait pu se dispenser de discuter la
bonne ou mauvaise foi du demandeur et il n'y a donc pas lieu de s'arrêter aux
critiques que celui-ci développe contre ces considérations adventices de
l'autorité précédente.
La demandeur a délibérément mis sa compagne en mesure d'intercepter tous les
envois qui lui étaient destinés et d'accéder sans restriction à son avoir en
banque; par la suite, il s'est durablement abstenu d'exercer aucun contrôle sur
l'usage des pouvoirs ainsi conférés. La décision attaquée le contraint à
assumer les conséquences d'un abus de ces pouvoirs; quoiqu'il s'en plaigne
amèrement, cela ne présente rien de contraire au sentiment de la justice et de
l'équité. La décision attaquée échappe au grief d'arbitraire, ce qui conduit au
rejet du recours constitutionnel.

6.
A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en matière civile est irrecevable.

2.
Le recours constitutionnel est rejeté.

3.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 1'000 francs.

4.
Le demandeur versera une indemnité de 1'500 fr. à la défenderesse, à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 12 novembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin