Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.294/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_294/2012; 4A_300/2012

Arrêt du 8 octobre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
A.________ architecture SA,
B.________ architecture SA,
représentées par Me Jean-Yves Schmidhauser,
demanderesses et recourantes (4A_300/2012),

contre

X.________ SA,
représentée par Me Olivier Carrard,
défenderesse et recourante (4A_294/2012).

Objet
contrat d'architectes; honoraires; résiliation

recours contre l'arrêt rendu le 13 avril 2012 par la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
Sur un bien-fonds dont elle était propriétaire à Plan-les-Ouates, la société
X.________ SA a projeté la réalisation d'un complexe immobilier destiné aux
activités technologiques, comprenant cinq bâtiments et des garages souterrains,
pour un coût approximatif de 115 millions de francs.
A cette fin, le 1er juin 2001, elle a conclu un contrat avec les sociétés
A.________ architecture SA, et B.________ architecture SA. Celle-ci se
chargeaient conjointement de réaliser les plans, préparer et analyser les
soumissions, puis diriger les travaux de construction. Leur contribution était
divisée en dix-sept prestations partielles, correspondant chacune à une
fraction du coût total de l'ouvrage. Les prestations convenues ne s'étendaient
pas à l'aménagement intérieur, à la promotion du projet ni à la mise en
location des locaux. Après que le contrat eut été complété de deux avenants le
25 février puis le 1er juillet 2002, les honoraires convenus étaient fixés au
montant forfaitaire de 5'220'000 fr., hors taxes, pour l'ensemble des
prestations. Ces honoraires étaient indexés à l'indice officiel du coût de la
vie, l'indice 102 du mois de juin 2001 faisant référence.
Les sociétés d'architecture n'étaient pas autorisées à passer des commandes de
travaux et de fournitures pour le compte de la maîtresse de l'ouvrage. Les
frais d'intervention de tiers, soit notamment d'expertise et « d'avis »,
seraient « pris en charge selon entente préalable ».
La relation des parties était pour le surplus soumise au règlement SIA n° 102
du 28 janvier 1984.

B.
La maîtresse de l'ouvrage a mandaté M.________ en qualité « d'administrateur de
promotion et pilote du projet », avec mission de rechercher des locataires et
leur fournir les informations et documents techniques nécessaires à la
conclusion des baux. M.________ entrait au conseil d'administration de la
société, avec droit de signature collective à deux. Un budget lui était
attribué; néanmoins, il devait soumettre ses dépenses à l'approbation de sa
mandante.
Lors d'une séance de travail le 8 mars 2003, il fut décidé d'entente avec la
maîtresse de l'ouvrage que les sociétés d'architecture fourniraient à
M.________ un « support de commercialisation » pour l'implantation des surfaces
louées. Le prix de cette prestation hors forfait était évalué à 25'000 fr. et
il devait être prélevé sur le budget confié à M.________.
Dès juin 2003, les sociétés d'architecture ont réalisé une étude d'implantation
pour un institut de recherche technologique qui envisageait le transfert de ses
activités dans le futur complexe. L'institut a payé cette étude. Au mois de
février 2004, alors que le projet immobilier était en suspens mais avec
l'accord verbal de M.________, elles ont réalisé une étude complémentaire pour
laquelle elles demandent d'être rétribuées.
Dans le cadre du forfait, les sociétés d'architecture devaient notamment
réaliser une étude technique des façades. Elles ont sous-traité cette étude à
un bureau spécialisé qu'elles ont rémunéré par 45'837 fr.60. Au même bureau de
spécialistes, elles ont demandé une étude supplémentaire consistant dans
l'élaboration des règles d'exécution de toutes les pièces de serrurerie des
façades, règles que, ensuite, les entreprises soumissionnaires devraient
uniformément suivre dans la préparation de leurs offres. Cette étude
supplémentaire ne s'inscrivait pas dans le forfait. Les sociétés
d'architectures ont néanmoins versé une rémunération au montant de 102'220 fr.;
elles prévoyaient de se faire rembourser, le moment venu, par l'entreprise
adjudicataire.

C.
Les sociétés d'architecture ont accompli 58,75% des prestations comprises dans
le forfait. En dix-huit versements, de juillet 2001 à septembre 2003, la
maîtresse de l'ouvrage a payé des honoraires au total de 3'283'952 fr., puis
elle a refusé tout paiement supplémentaire.
L'avancement du projet s'est trouvé ralenti puis bloqué par l'opposition et les
recours d'un propriétaire voisin dans la procédure d'autorisation de
construire. Après que cette autorisation fut devenue définitive en mai 2004, la
maîtresse de l'ouvrage a laissé le projet en suspens. Elle n'a pas répondu aux
demandes des sociétés d'architecture qui souhaitaient connaître ses intentions.
Ces sociétés ont veillé à faire prolonger l'autorisation de construire qui
arrivait à expiration. Plus tard, elles ont averti la maîtresse de l'ouvrage
qu'une demande de prolongation supplémentaire devrait être motivée et qu'elles
n'étaient pas en mesure de la présenter. Elles ont plusieurs fois demandé si le
contrat était maintenu. Dans une lettre du 11 mai 2007, le conseil de la
maîtresse de l'ouvrage leur a répondu « qu'il n'y avait plus de contrat depuis
fort longtemps ». Dès novembre 2005, elles avaient consulté un avocat et
réclamé - mais sans succès - divers paiements à titre d'honoraires et de
remboursement de frais.

D.
Le 21 décembre 2007, A.________ architecture SA, et B.________ architecture SA
ont ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal de première instance
du canton de Genève. La défenderesse devait être condamnée à payer 558'232
fr.90 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 14 mai 2007, à titre
d'honoraires, d'indexation des honoraires, de remboursement de frais et
d'indemnité pour résiliation du contrat en temps inopportun. Le tribunal était
requis de lever l'opposition de la défenderesse au commandement de payer qui
lui avait été notifié le 23 octobre 2007 dans la poursuite n° ... de l'office
de Egg.
La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 9 juin 2011. Il a condamné la défenderesse à
payer les montants ci-après aux demanderesses, créancières solidaires:
197'361 fr.25 avec intérêts dès le 20 octobre 2007, à titre de solde du forfait
contractuel, y compris l'indexation et la TVA;
102'220 fr. avec intérêts dès le 21 septembre 2004, pour réparation du dommage
correspondant au coût de l'étude supplémentaire des façades;
3'227 fr.75 en capital, avec intérêts dès le 1er mai 2004 sur 1'994 fr.55, dès
le 15 octobre 2004 sur 433 fr.20 et dès le 20 octobre 2007 sur 800 fr., pour
remboursement de frais de photocopies et autres débours.
A concurrence de ces sommes, le tribunal a donné mainlevée de l'opposition au
commandement de payer; pour le surplus, il a rejeté l'action.

E.
Persistant à réclamer 558'232 fr.90 en capital, y compris la rémunération de
prestations hors forfait et une indemnité pour résiliation du contrat, les
demanderesses ont appelé du jugement.
La défenderesse a elle aussi appelé du jugement. Elle devait être libérée de
l'obligation de rembourser le coût de l'étude supplémentaire des façades; de
plus, le solde du forfait contractuel devait être réduit à 15'871 fr., y
compris l'indexation, avec intérêts dès le 21 septembre 2004.
La Cour de justice a statué le 13 avril 2012. Elle a partiellement accueilli
l'appel des demanderesses et elle a accueilli celui de la défenderesse. Selon
son arrêt, cette partie doit payer, outre le remboursement de frais et débours
qui n'était plus litigieux, 15'871 fr. avec intérêts dès le 21 septembre 2004,
pour solde du forfait contractuel, et 231'689 fr.70 avec intérêts dès le 20
octobre 2007, à titre d'indemnité pour résiliation du contrat en temps
inopportun. A concurrence de ces sommes, la mainlevée de l'opposition est
confirmée.

F.
Agissant par la voie du recours en matière civile, les demanderesses saisissent
le Tribunal fédéral de conclusions difficilement intelligibles; il ressort
toutefois de cette écriture qu'elles persistent à réclamer, comme dans les
instances précédentes, 558'232 fr.90 en capital.
La défenderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et
subsidiairement à son rejet.

G.
Agissant également par la voie du recours en matière civile, la défenderesse
requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour de justice en ce
sens qu'elle ne doive aucune indemnité pour résiliation du contrat.
Les demanderesses concluent au rejet de son recours.

Considérant en droit:

1.
Les deux recours étant dirigés contre la même décision, il y a lieu de joindre
les causes et de statuer par un arrêt unique.

2.
Les recours sont dirigés contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Leurs auteurs ont pris part à l'instance
précédente et succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur
litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. b LTF); les mémoires de recours ont été introduits en temps utile
(art. 100 al. 1 LTF) et ils satisfont aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3
LTF).
Le recours en matière civile est ouvert pour violation du droit fédéral (art.
95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les
droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des
parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient
cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante
soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397
consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur
la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué
et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p.
88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations
de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99
al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire
arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133
II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2
LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait
ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Contrairement à l'opinion de la défenderesse, le recours de ses adverses
parties est recevable alors même que certains des arguments présentés divergent
des constatations déterminantes.

3.
Il est constant que la maîtresse de l'ouvrage et les sociétés d'architecture se
sont liées par un contrat d'architecte dit global, mixte, où certaines des
prestations de l'architecte relèvent du contrat de mandat et d'autres du
contrat d'entreprise (ATF 134 III 361 consid. 5.1 p. 363; 127 III 543 consid.
2a p. 545; 114 II 53 consid. 2b p. 55/56).

4.
En l'état de la cause, la maîtresse de l'ouvrage admet que les sociétés
d'architecture ont accompli 58,75% des prestations initialement convenues et
qu'elles ont droit à la même quote-part de la rémunération forfaitaire
également convenue. A ce titre, devant la Cour de justice, la défenderesse a
reconnu devoir 15'871 fr. en sus des montants au total de 3'283'952 fr. déjà
versés. Un différend subsiste au sujet de l'indexation de cette rémunération.
Le Tribunal de première instance a retenu que les honoraires sont devenus
exigibles à la résiliation du contrat, au mois de mai 2007, et qu'ils devaient
être indexés globalement à cette date. L'indice de référence ayant progressé de
101,8 à 107,4 depuis juin 2001, soit de 5,5%, le tribunal a majoré dans la même
proportion la rémunération non indexée de 3'066'750 fr. (58,75% de 5'220'000
fr.); il a ajouté la TVA au taux de 7,6% puis il a déduit les montants déjà
versés. C'est ainsi qu'il a arrêté le solde encore dû à 197'361 fr.25.
La Cour de justice a adopté une approche différente. Elle a dressé un tableau
des dix-neuf factures présentées par les sociétés d'architecture, toutes
acquittées par la maîtresse de l'ouvrage, hormis la dernière au montant de
15'871 fr. hors TVA. La Cour a indexé chaque montant séparément, d'après
l'indice à la date de l'exigibilité, et elle a comptabilisé les différences
positives ou négatives - l'indice ayant varié soit au-dessus, soit au-dessous
de la référence 102 adoptée par les cocontractants - entre le montant nominal
et le montant indexé. La somme de ces différences atteint 717 fr. en faveur de
la maîtresse de l'ouvrage; c'est pourquoi la Cour n'alloue rien aux
demanderesses au delà de ce qui est reconnu par leur adverse partie sur ce chef
de la contestation.
A tort, les demanderesses rejettent cette dernière approche et réclament que
celle du premier juge soit confirmée. Une clause d'indexation telle que celle
introduite dans le contrat du 1er juin 2001 a pour but de stabiliser la valeur
intrinsèque des paiements futurs nonobstant les fluctuations de la monnaie. La
méthode de la Cour de justice atteint exactement cet objectif: chacun des
paiements successifs de la maîtresse de l'ouvrage se trouve soit augmenté, soit
réduit à la valeur que son montant nominal était censé avoir lors de la
conclusion du contrat. Au contraire, rien ne justifie d'indexer en bloc, plus
de trois ans après le dernier versement et sans égard à la valeur de la monnaie
au moment où ces prestations sont intervenues, une rémunération totale dont le
paiement s'est réparti par tranches sur plus de deux ans. Le caractère
forfaitaire de cette rémunération est ici dépourvu d'incidence; il signifie
seulement que le montant à acquitter ne varie pas en fonction du travail plus
ou moins abondant nécessaire à l'accomplissement des prestations d'architecte
convenues. Au regard du principe de la confiance qui régit l'interprétation des
manifestations de volontés entre cocontractants (cf. ATF 135 III 410 consid.
3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681), les demanderesses n'ont pas pu
croire de bonne foi que la clause d'indexation serait comprise et appliquée
comme elles l'ont d'abord obtenu.

5.
Les sociétés d'architecture ont aussi accompli des prestations exorbitantes de
celles initialement convenues et rémunérées par le forfait. En vertu des art.
374 ou 394 al. 3 CO, elles ont droit à la rétribution des prestations
supplémentaires que la maîtresse de l'ouvrage leur a commandées pendant
l'exécution du contrat, alors même qu'aucune rémunération n'aurait été
explicitement convenue, tandis qu'elles ne peuvent en principe rien réclamer
pour des prestations non commandées (Peter Gauch, Der Werkvertrag, 5e éd.,
2011, nos 785 p. 315 et 1310 p. 527).

5.1 Les sociétés d'architecture réclament 20'444 fr., TVA comprise, pour le «
support de commercialisation » réalisé à l'intention de M.________. Cette
prestation leur a été explicitement commandée lors d'une séance de travail du 8
mars 2003, où participaient notamment M.________ et les deux représentants
autorisés de la maîtresse de l'ouvrage, N.________ et O.________.
Selon la Cour de justice, la commande est intervenue « avec l'accord » de la
maîtresse de l'ouvrage mais celle-ci « n'a pas indiqué que les architectes
devaient percevoir une rémunération en plus de celle octroyée à M.________ dans
le budget initial pour cette même prestation. Le montant [...] faisait partie
du budget total de promotion confié à M.________, à charge pour lui de
rémunérer les architectes. »
Le raisonnement n'est guère plus développé dans la réponse au recours. La
maîtresse de l'ouvrage y expose que M.________ « disposait d'un budget d'un
pour cent de la [valeur totale du projet] pour l'ensemble des activités de
promotion et de commercialisation, à charge pour lui de l'utiliser à bon
escient et de se réserver une marge correspondant à sa propre rémunération ».
Elle-même conservait toutefois un « droit de regard » sur ses démarches. Lors
de la séance de travail, elle a simplement approuvé, par ses représentants, une
commande que M.________ passait aux sociétés d'architecture. M.________ leur a
ainsi sous-traité une partie de sa propre mission et c'est lui, exclusivement,
qui s'est obligé à les rétribuer.
A bien comprendre cette argumentation, le budget d'un pour cent était une
rémunération forfaitaire promise à M.________ et il incombait à celui-ci de
commander personnellement et en son propre nom, à ses propres frais et risques
mais tout de même sous le contrôle de la maîtresse de l'ouvrage, les
prestations nécessaires à la commercialisation.
Au delà d'une simple allusion au « budget total de promotion confié à
M.________ », ce régime contractuel censément établi entre la maîtresse de
l'ouvrage et M.________ n'a pas été constaté par la Cour de justice. Cette
autorité n'a en tout cas pas constaté, dans sa décision, que ce régime
contractuel fût clairement connu des sociétés d'architecture au 8 mars 2003.
Cette connaissance ne saurait se présumer car ledit régime apparaît tout à fait
insolite en tant que M.________, qui était pourtant membre du conseil
d'administration, devait traiter et contracter en son propre nom avec les
tiers. Les sociétés d'architecture ignoraient ainsi un élément très singulier
et important du contexte juridique; c'est pourquoi, lors de la séance de
travail et selon le principe de la confiance déjà mentionné, elles ont pu
admettre de bonne foi que la maîtresse de l'ouvrage leur passait commande d'une
prestation destinée à la commercialisation de son projet immobilier, cela quel
que fût le budget ou compte qui serait débité dans ses livres. Il s'ensuit que
la maîtresse de l'ouvrage est débitrice des honoraires correspondants.
Dans son mémoire, celle-ci ne met pas en doute que le montant en cause soit
correctement évalué au regard de l'art. 374 CO, d'après la valeur du travail et
des dépenses nécessaires à la prestation concernée. La débitrice s'est trouvée
en demeure au plus tard dès le commandement de payer, de sorte que les
demanderesses sont fondées à réclamer 20'444 fr. avec intérêts au taux de 5%
par an dès le 20 octobre 2007.

5.2 Les sociétés d'architecture réclament 3'766 fr., TVA comprise, pour l'étude
complémentaire relative à l'installation d'un institut technologique dans les
bâtiments à construire. Cette prestation leur a été commandée verbalement par
M.________, à qui elles l'ont proposée; elles soutiennent que cette commande
oblige la maîtresse de l'ouvrage.
M.________ ne jouissait que d'une procuration collective, selon les art. 460
al. 2 et 718a al. 2 CO, et X.________ SA ne l'avait pas autrement autorisé à
passer des commandes en son nom. Dans ces conditions, il n'avait a priori pas
le pouvoir de la représenter selon l'art. 32 al. 1 CO.
Selon la jurisprudence relative à l'art. 33 al. 3 CO, un pouvoir de
représentation apparent, néanmoins opposable au représenté, peut toutefois
exister si le tiers avec qui le représentant a traité pouvait inférer des
circonstances, selon le principe de la confiance, que ce pouvoir existait
réellement (ATF 120 II 197 consid. 2 p. 198 et ss).
Il est certes constaté en fait, dans la décision attaquée, que les architectes
ont eu de nombreux contacts avec M.________, lors de séances de travail. La
Cour de justice n'a en revanche pas constaté que M.________ ait régulièrement
passé des commandes hors forfait, sans contrôle de la maîtresse de l'ouvrage,
puis que celle-ci, informée de ces commandes, n'ait jamais élevé d'objection.
Les sociétés d'architecture ne peuvent donc pas se prévaloir d'une procuration
tacite ou apparente en faveur de M.________. Il est sans importance que ce
dernier ait peut-être représenté la maîtresse de l'ouvrage dans le cadre et
pour les besoins de l'exécution des prestations dûment convenues ou commandées.
Les sociétés d'architecture arguent longuement mais vainement de la séance de
travail du 8 mars 2003 et du titre « d'administrateur de promotion et pilote du
projet » conféré à M.________. Lors de la séance, ce dernier n'a pas reçu
l'autorisation de commander des prestations hors forfait pour la maîtresse de
l'ouvrage. L'étude complémentaire relative à l'institut technologique n'a pas
non plus été commandée lors de cette séance. L'étude était de toute évidence
une prestation distincte du « support de commercialisation » alors discuté, car
s'il en était autrement, les sociétés d'architecture n'auraient pas jugé utile
de se la faire commander séparément par M.________ et elles n'auraient pas non
plus demandé une rémunération séparée. Faute d'une commande qui lui soit
opposable, la maîtresse de l'ouvrage n'est pas débitrice de cette rémunération.

6.
Les sociétés d'architecture ont dépensé 102'220 fr. pour une étude
supplémentaire des façades qui ne leur a été commandée ni dans le cadre du
forfait ni séparément. Elles demandent d'être remboursées sur la base de l'art.
402 al. 1 CO, selon lequel le mandant doit rembourser les avances et frais que
le mandataire a faits pour l'exécution régulière du mandat. Cette disposition
appartient au droit dispositif, de sorte que les cocontractants peuvent
valablement régler autrement le sort des frais encourus par le mandataire
(arrêt 4C.17/2003 du 28 janvier 2004, consid. 3.3.1, RNRF 86/2005 p. 104).
L'argumentation présentée passe entièrement sous silence que selon le contrat
du 1er juin 2001, les frais d'intervention de tiers, soit notamment d'expertise
et « d'avis », seraient « pris en charge selon entente préalable ». Or, il est
constant que la maîtresse de l'ouvrage n'a pas été préalablement consultée au
sujet de l'étude supplémentaire des façades. Comme la Cour de justice le
relève, rien n'empêchait les sociétés d'architecture de recueillir son avis en
temps utile. Celles-ci insistent vainement sur la pertinence de cette étude
dans la perspective d'une future mise en soumission des travaux de
construction. L'avancement du projet immobilier et l'exécution de la mission
confiée aux architectes n'ont pas atteint ce stade. La maîtresse de l'ouvrage
avait le droit d'abandonner son projet et de résilier le mandat, même par une «
décision soudaine et unilatérale ». En engageant une dépense importante sans
l'accord préalable que leur mandante avait contractuellement réservé, les
sociétés d'architecture se sont exposées au risque d'une semblable décision ou
de toute autre cause entraînant l'interruption du projet. Contrairement à leur
opinion, la défenderesse n'est pas tenue de rembourser une dépense qu'elle n'a
pas approuvée et dont elle n'utilisera pas la contrepartie.

7.
La décision attaquée accorde aux sociétés d'architecture une indemnité arrêtée
à 231'689 fr.70, soit dix pour cent de la partie du forfait qui est restée
inexécutée, pour résiliation du contrat en temps inopportun. La Cour de justice
a appliqué l'art. 1.14.3 du règlement SIA n° 102 dans sa version de 1984, que
les parties ont intégré à leur convention. Les art. 1.14.1, 1.14.2 et 1.14.3 du
règlement se lisent comme suit:
Dans la mesure où les parties sont soumises aux règles du mandat, celui-ci peut
être révoqué ou répudié en tout temps.
Si le mandant révoque le contrat, il est tenu de payer les honoraires
correspondant aux prestations accomplies selon le contrat jusqu'à la date de la
révocation, ainsi que tous les frais que l'architecte a dû engager et qu'il
peut prouver.
Si la révocation a lieu en temps inopportun et si l'architecte n'a commis
aucune faute, il a droit en outre à une indemnité égale à dix pour cent des
honoraires correspondant aux prestations non accomplies, ou davantage lorsque
le préjudice prouvé dépasse ce pourcentage.

7.1 La défenderesse tient la stipulation d'une indemnité proportionnelle au
gain manqué pour contraire à l'art. 404 CO, en tant que celui-ci garantit de
manière impérative le droit inconditionnel de résilier un mandat.
Selon la jurisprudence, l'art. 404 CO est applicable à la résiliation du
contrat d'architecte global (ATF 109 II 462 consid. 3d in fine p. 466; voir
aussi ATF 127 III 543 consid. 2a p. 545; 110 II 380 consid. 2 in fine p. 382)
et cette disposition est impérative en ce sens que le droit du mandant de
révoquer le contrat en tout temps, consacré par l'art. 404 al. 1 CO, ne peut
être ni supprimé ni limité conventionnellement; en particulier, l'exercice de
ce droit ne peut pas être entravé par une clause pénale (ATF 109 II 467 consid.
3e et 4 p. 467; arrêt 4C.318/1988 du 23 mai 1989, consid. 1a, SJ 1989 p. 521).

7.2 Aux termes de l'art. 404 al. 2 CO, celle des parties qui révoque ou répudie
le mandat en temps inopportun doit indemniser l'autre partie du dommage qu'elle
lui cause. La révocation en temps inopportun est celle que le mandant ne
justifie par aucun motif sérieux et qui entraîne un préjudice particulier pour
le mandataire, tels que les frais désormais inutilement engagés en vue de
l'exécution du mandat concerné, ou les gains auxquels le mandataire a renoncé
en vue de se consacrer à ce même mandat. L'art. 404 al. 2 CO ne permet pas
d'exiger le remplacement du gain que la continuation du mandat aurait procuré
au mandataire. La notion de l'inopportunité de la révocation est étroitement
liée au préjudice qui en résulte. La révocation est conforme aux règles du
contrat de mandat même si elle ne procède d'aucun motif objectif; c'est
pourquoi seule l'existence d'un préjudice particulier justifie une sanction à
l'exercice inopportun du droit de révocation (ATF 106 II 157 consid. 2c p. 160;
voir aussi ATF 110 II 380 consid. 4b p. 386; 109 II 462 consid. 4d p. 469).
Les cocontractants peuvent valablement prévoir que la révocation en temps
inopportun autorisera le mandataire à réclamer une peine conventionnelle
(quinze pour cent des honoraires déjà perçus par un architecte: ATF 109 II 462
consid. 4b p. 468; 110 II 380 consid. 3a p. 383), le cas échéant sujette à
réduction selon l'art. 163 al. 3 CO, ou une indemnité forfaitaire (limitée par
le Tribunal fédéral à dix pour cent des honoraires qu'un gérant d'immeubles
aurait perçus à l'avenir: arrêt 4C.318/1988, consid. 3) en relation avec le
préjudice particulier qui peut être raisonnablement supputé d'après la nature
et l'importance du contrat. En revanche, une peine conventionnelle ou une
indemnité forfaitaire plus importante, destinée à remplacer le gain manqué par
le mandataire, est incompatible avec l'art. 404 al. 1 CO (ATF 110 II 380
consid. 4 p. 385, commenté par Raymond Jeanprêtre in JdT 1985 I 279/280; arrêt
4C.318/1988, ibidem).

7.3 La défenderesse soutient que par l'effet de l'art. 1.14.2 in fine du
règlement n° 102 (elle se réfère aux mots « ainsi que tous les frais que
l'architecte a dû engager et qu'il peut prouver »), l'architecte a droit dans
tous les cas à la réparation du préjudice particulier résultant de la
révocation du mandat, et que dans l'hypothèse particulière d'une révocation en
temps inopportun, l'art. 1.14.3 lui assure en outre une compensation -
partielle - du gain manqué. C'est pourquoi elle tient cette dernière
disposition pour contraire à l'art. 404 al. 1 CO.
Bien que repris de la note précitée de Raymond Jeanprêtre, ce raisonnement est
erroné. Dans le système du règlement, les frais envisagés à l'art. 1.14.2 sont
ceux prévus à l'art. 5.5 du même texte (notamment les frais de déplacement ou
de voyage, d'acquisition ou de fabrication de documents, d'expertises ou d'avis
sollicités d'entente avec le mandant, les émoluments et autres débours), soit
les avances et frais autrement régis par l'art. 402 al. 1 CO, que le maître de
l'ouvrage doit rembourser en sus des honoraires et des éventuels
dommages-intérêts. Il ne s'agit pas des frais de personnel ou d'infrastructure
que l'architecte a engagés pour se mettre en mesure d'exécuter le contrat
pendant la durée prévisible du projet de construction, frais qui constituent
typiquement, avec les sacrifices résultant du renoncement à d'autres affaires,
le préjudice particulier dont la réparation pourrait être réclamée sur la base
de l'art. 404 al. 2 CO. De tels frais sont au contraire couverts de manière
forfaitaire par l'art. 1.14.3. La même disposition habilite aussi l'architecte
à prouver et à se faire réparer un préjudice qui excéderait l'indemnité
forfaitaire; or, cette clause se révélerait dépourvue de tout sens si le
préjudice envisagé était de toute manière, comme la défenderesse le prétend,
couvert par l'art. 1.14.2. Certes, la règle d'indemnisation forfaitaire fait
référence au gain manqué de l'architecte, mais elle assure néanmoins,
d'ailleurs bien mieux qu'une référence aux honoraires déjà perçus, un rapport
adéquat entre la réparation à allouer et le préjudice particulier objectivement
présumable. Elle met l'indemnité en relation avec l'activité que l'architecte
aurait encore dû fournir d'après le contrat. La quotité de dix pour cent des
honoraires est admissible au regard de la jurisprudence. Par conséquent, la
défenderesse n'est pas fondée à se plaindre d'une condamnation contraire à
l'art. 404 al. 1 CO.

7.4 La stipulation d'une indemnité forfaitaire a précisément pour but de
renforcer la position de l'architecte en le dispensant d'apporter la preuve du
préjudice particulier concrètement subi par suite de la révocation du mandat,
preuve qui lui incomberait selon les art. 8 CC et 42 al. 1 et 2 CO (ATF 109 II
462 consid. 4a p. 468). La défenderesse se plaint donc aussi à tort d'une
condamnation contraire à ces dispositions. Elle ne met pas en doute qu'elle ait
résilié le contrat en temps inopportun et elle ne conteste pas non plus le
calcul de l'indemnité.

8.
Il résulte de la discussion qui précède que le recours des demanderesses doit
être partiellement admis, ce qui entraîne la réforme de la décision attaquée;
le recours de la défenderesse doit être rejeté.
Le succès des demanderesses ne porte que sur une quote-part très réduite des
prétentions qu'elles persistaient à élever (moins de sept pour cent) et il ne
se justifie donc pas d'opérer une répartition de l'émolument judiciaire à
prélever pour leur recours. La défenderesse doit acquitter l'autre émolument;
les dépens peuvent être compensés.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes sont jointes.

2.
Le recours des demanderesses est partiellement admis et l'arrêt de la Cour de
justice est réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à leur payer
solidairement les sommes ci-après, avec intérêts au taux de 5% par an dès les
dates indiquées:
1'994 fr.55 dès le 1er mai 2004;
15'871 fr. dès le 21 septembre 2004;
433 fr.20 dès le 15 octobre 2004;
231'689 fr.70 dès le 20 octobre 2007;
20'444 fr. dès le 20 octobre 2007;
800 fr. dès le 20 octobre 2007.

3.
A concurrence de ces sommes, l'opposition de la défenderesse est levée dans la
poursuite n° ... de l'office des poursuites de Egg.

4.
Le recours de la défenderesse est rejeté.

5.
Les demanderesses acquitteront un émolument judiciaire de 6'500 francs.

6.
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 6'000 francs.

7.
Il n'est pas alloué de dépens.

8.
La cause est renvoyée à la Cour de justice pour statuer à nouveau sur les frais
et dépens des instances précédentes.

9.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 8 octobre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin