Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.288/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_288/2012

Arrêt du 9 octobre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg
Liatowitsch, Kolly et von Werdt.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.X.________, représenté par Me Reza Vafadar,
recourant,

contre

1. Banque A.________ SA, représentée par Me Michel Bergmann,
2. Banque B.________ SA, représentée par Me Daniel Tunik,
3. C.________, représenté par Me Julien Fivaz,

intimés.

Objet
reddition de compte; procédure provisionnelle,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 13 avril 2012 par la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
A.a Feu H.X.________ possédait les nationalités suisse, iranienne, dominicaine
et britannique. Il est décédé en 2001 à Genève, lieu dont il était originaire,
sans laisser de testament.

L'acte de famille indique qu'il était marié à F.X.________ et père de trois
enfants, soit un fils et une fille issus de sa relation maritale, ainsi qu'un
fils dénommé A.X.________, né en 1986 d'une relation extra-conjugale.

Selon l'acte de décès, H.X.________ était domicilié à Tunis, en Tunisie.
A.b Le 5 juin 2002, A.X.________, représenté par sa mère, a saisi le Tribunal
de première instance de Tunis pour qu'il désigne un liquidateur de la
succession.

Le tribunal a déclaré le droit tunisien applicable et fait droit à la requête
par décision du 2 décembre 2003, confirmée définitivement par la Cour de
cassation tunisienne le 19 octobre 2009; dans les considérants de son arrêt,
cette autorité a confirmé que la mission du liquidateur s'étendait à l'ensemble
des biens de la succession, y compris ceux situés à l'étranger.

Le jugement précité du 2 décembre 2003 a été reconnu en Suisse et déclaré
exécutoire par décision du Tribunal de première instance genevois du 5 octobre
2010. Cette reconnaissance a été l'objet d'une requête en constatation de
nullité formée le 21 juin 2011; elle a été écartée en date du 20 octobre 2011.
A.c Parallèlement, la veuve et les deux autres enfants du défunt avaient saisi
la justice de paix genevoise le 11 juin 2002 afin qu'elle ouvre la succession
en application du droit suisse. Dans un premier temps, cette procédure a été
suspendue dans l'attente de la décision des autorités tunisiennes; puis, le 18
février 2010, la justice de paix s'est déclarée incompétente pour connaître de
la succession. Le 8 juin 2010, la Cour de justice a annulé ce jugement et
invité la justice de paix à instruire la question du domicile du défunt. En
date du 13 avril 2012, cette procédure était toujours pendante.

B.
B.a Le 7 septembre 2011, A.X.________, domicilié à Genève, a déposé devant le
Tribunal de première instance du canton de Genève une demande en reddition de
compte par voie de mesures provisionnelles au sens de l'art. 262 CPC. En
substance, il requérait que les banques A.________ SA à Genève, A.________ SA à
Zurich et B.________ SA à Genève soient contraintes, sous menace de la peine
prévue à l'art. 292 CP, de lui remettre dans les trente jours toute la
documentation relative aux comptes ouverts par feu H.X.________, ainsi que par
toute entité juridique dont le prénommé était l'ayant droit économique. La
requête visait notamment les relevés bancaires périodiques, les rapports de
visite concernant les coffres au nom du prénommé et/ou de sa veuve
F.X.________, les dossiers au sens de l'art. 7 LBA et les conventions de
rétrocessions pour apports d'affaires conclues entre les banques et des tiers.

Le requérant demandait en outre que l'avocat C.________ soit contraint,
toujours sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de lui remettre dans
les trente jours un rapport écrit, détaillé et chronologique sur les faits et
actes entrepris dans l'exercice de tout mandat exécuté pour le compte de feu
H.X.________, ainsi que toute documentation concernant des sociétés nommément
désignées, respectivement toutes autres sociétés ou entités/trusts dans
lesquelles le défunt détenait des participations et/ou dont il était l'ayant
droit économique.

Le requérant fondait sa prétention sur les mandats que le défunt avait conclus
avec les parties intimées (art. 400 al. 1 CO) et sur sa qualité d'héritier
réservataire.
B.b Par ordonnance du 8 décembre 2011, le Tribunal de première instance a
déclaré la requête irrecevable. En substance, il a considéré que la voie des
mesures provisionnelles n'était pas ouverte s'agissant d'obtenir une reddition
de compte fondée sur l'art. 400 al. 1 CO. Pour le surplus, le requérant n'avait
pas demandé l'application de la procédure sommaire prévue pour les cas clairs
(art. 257 CPC), dont les conditions n'étaient au demeurant pas réalisées.
B.c Le requérant a fait appel de ce jugement auprès de la Chambre civile de la
Cour de justice. Il a renouvelé ses conclusions contre C.________, la Banque
B.________ SA et contre A.________ SA à Zurich, en précisant que celle-ci avait
une succursale de fait à Genève. Il a précisé ses conclusions à l'encontre de
B.________ SA en y ajoutant les noms précis de diverses sociétés et d'une
personne physique. Un bordereau de nouvelles pièces a été déposé.

Par arrêt du 13 avril 2012, la cour a rejeté l'appel et confirmé le jugement
entrepris. Elle a laissé indécise la question de la recevabilité des pièces.

C.
A.X.________ saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, dans
lequel il réitère les conclusions prises en appel.

A.________ SA s'en remet à justice sur la recevabilité du recours et conclut à
son rejet sur le fond. La Banque B.________ SA conclut à l'irrecevabilité du
recours, subsidiairement à son rejet dans la mesure où il est recevable.
C.________ conclut au rejet du recours.

L'autorité précédente se réfère à son arrêt.
Par ordonnance du 18 juin 2012, la Présidente de la cour de céans a refusé
d'octroyer l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité clôturant la
procédure, soit une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (cf. ATF 134 III
426 consid. 1.1; 133 III 629 consid. 2.2 p. 631; 133 V 477 consid. 4.1.1). Par
ailleurs, l'autorité précédente a estimé, sans donner lieu à des critiques du
recourant ou des intimés, que la valeur litigieuse de ce litige civil de nature
pécuniaire (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b p. 446) était largement supérieure
au minimum légal de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). La voie du recours
en matière civile est ainsi ouverte.

1.2 Le recours permet en principe de faire valoir une violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF). Toutefois, lorsque la décision déférée porte sur
des mesures provisionnelles, les motifs de recours sont limités, en ce sens que
seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée (art. 98
LTF).
Par "mesures provisionnelles", le législateur entend des décisions à caractère
temporaire qui règlent une situation juridique dans l'attente d'une
réglementation définitive au travers d'une décision principale ultérieure
(Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation
judiciaire fédérale, FF 2001 4133; ATF 133 III 399 consid. 1.5).

S'agissant des droits constitutionnels - telle la prohibition de l'arbitraire
consacrée à l'art. 9 Cst. - prévaut le principe de l'invocation: le recourant
doit soulever expressément le grief et exposer de manière claire et
circonstanciée, si possible documentée, en quoi consiste la violation du droit
constitutionnel invoqué (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 638 consid. 2; 134 II
244 consid. 2.2).

2.
2.1 Le recourant invoque une violation des art. 261 et 262 CPC. En substance,
il reproche à la Cour de justice d'avoir considéré que la requête fondée sur
l'art. 400 al. 1 CO, tendant à la remise de documents, d'informations et de
rapports d'activité, ne peut pas être l'objet de la protection provisoire
prévue aux dispositions précitées.

2.2 Se pose la question du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, eu égard à
l'art. 98 LTF (cf. supra, consid. 1.2).

Il est évident que les mesures provisionnelles ordonnées en vertu des art. 261
ss CPC répondent à la notion de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98
LTF. Elles ont un caractère temporaire et ne sont que l'accessoire d'une action
au fond, qui réglera définitivement la situation juridique. Si le procès au
fond n'est pas déjà pendant, ces mesures doivent être validées par l'ouverture
d'une action, laquelle débouchera sur un jugement entraînant la caducité de ces
mesures (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC). En conséquence, lorsque le juge est
saisi d'une requête visant à mettre un justiciable au bénéfice de la protection
temporaire des art. 261 ss CPC, la décision à intervenir devra le plus souvent
être qualifiée de décision sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 98
LTF. Toutefois, il convient encore de s'assurer que la décision prise par le
juge des mesures provisionnelles n'entraîne pas un effet définitif sur la
prétention en cause.

2.3 Dans son message, le Conseil fédéral a invoqué trois motifs conduisant à
limiter le pouvoir d'examen en matière de mesures provisionnelles: tout
d'abord, le caractère temporaire de ces mesures implique que le Tribunal
fédéral risque de devoir réexaminer les mêmes questions juridiques en cas de
recours contre la décision principale définitive. Ensuite, ces mesures peuvent
être ordonnées sur la base de simples vraisemblances et d'une analyse sommaire
du droit; il serait incohérent d'octroyer un plein pouvoir de cognition au
Tribunal fédéral. Enfin, il s'agit de ne pas ouvrir les voies de recours plus
largement que sous l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ; RS 3
521), afin d'éviter une surcharge du Tribunal fédéral, notamment en matière
civile (cf. Message précité, FF 2001 4134; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la
LTF, 2009, n° 2 ad art. 98 LTF).

Sous l'empire de l'OJ, les décisions sur mesures provisionnelles pouvaient tout
au plus être l'objet d'un recours en nullité ou d'un recours de droit public
pour violation des droits constitutionnels, à l'exclusion d'un recours en
réforme (cf. par ex. ATF 127 III 390 consid. 1a; JEAN-FRANÇOIS POUDRET, in
Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, p.
279). Ce recours ordinaire n'était ouvert que contre des décisions finales
(art. 48 al. 1 OJ). Cette notion, plus restrictive que celle consacrée à l'art.
90 LTF, englobait toute décision qui, d'une part, mettait un terme à la
procédure entre les parties et, d'autre part, statuait sur le fond de la
prétention ou s'y refusait pour un motif empêchant définitivement le
justiciable d'actionner la même partie en invoquant la même prétention (cf. par
ex. ATF 132 III 785 consid. 2 p. 789). Le caractère final ou non d'une décision
se déterminait exclusivement en fonction de l'effet qu'elle revêtait sur le
droit déduit en justice, indépendamment de la procédure suivie et de la
qualification donnée à la décision. Ainsi, une décision rendue en procédure
sommaire pouvait être qualifiée de finale, pour autant qu'elle réglât
définitivement le sort de l'action; tel était en principe le cas si la décision
avait été rendue à l'issue d'une procédure probatoire complète et se fondait
sur une motivation exhaustive en droit (ATF 126 III 445 consid. 3b p. 447; 120
II 352 consid. 1b p. 354; POUDRET, op. cit., p. 267 n. 1.1.2 et p. 277 n. 1.1.5
ad art. 48 OJ). Sous réserve d'exceptions (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b), les
décisions rendues en matière de mesures provisionnelles ne remplissaient pas
ces exigences et n'étaient donc pas considérées comme des décisions finales au
sens de l'art. 48 al. 1 OJ (arrêt 4P.311/2004 du 2 mars 2005 consid. 1.2, rés.
in SJ 2005 I 492; cf. ATF 112 II 193 consid. 1b p. 196).

Sous l'OJ, le Tribunal fédéral avait été saisi d'un recours en réforme contre
une décision rejetant une demande en consultation des comptes de la société
anonyme au motif que la créancière requérante ne justifiait pas d'un intérêt
digne de protection (art. 697h al. 2 CO). Conformément au droit cantonal, la
décision avait été rendue en procédure sommaire, sur la base de la
vraisemblance des faits et après une administration limitée des moyens de
preuve. Le Tribunal fédéral avait en substance relevé que la prétention
invoquée ne pouvait pas donner lieu à une seconde procédure, puisqu'une fois la
consultation exercée, la prétention de la requérante était épuisée. En
conséquence, la décision rendue en procédure sommaire était revêtue de
l'autorité de chose jugée en vertu du droit fédéral, et pouvait faire l'objet
d'un recours en réforme. Le justiciable ne devait pas être privé de cette voie
de recours du fait de l'application erronée d'une procédure sommaire limitant
le degré de la preuve et l'administration des moyens de preuve (ATF 120 II 352
).

2.4 Il découle de ce qui précède que si la décision prise par le juge dans une
procédure sommaire ou provisoire a un effet définitif sur le sort de l'action
et exclut une procédure ordinaire ultérieure, il ne se justifie pas de
restreindre les motifs de recours contre une telle décision. Ce qui valait sous
l'OJ vaut aussi sous la LTF. En d'autres termes, lorsqu'il s'agit de définir le
pouvoir d'examen dont dispose le Tribunal fédéral pour contrôler une décision
rendue par le juge des mesures provisionnelles, il faut déterminer si cette
décision revêt ou non un effet définitif, c'est-à-dire final au sens où
l'entendait l'ancien art. 48 OJ, plus restrictif que l'art. 90 LTF.

La jurisprudence ne dit pas autre chose lorsqu'elle précise que la
qualification d'une décision comme jugement de fond ou comme mesure
provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF ne dépend pas de la procédure dont
émane cette décision, mais bien de l'effet - provisoire ou définitif - que
celle-ci revêt pour la prétention en cause: il s'agit de rechercher si la
décision tranche définitivement une question de droit, sur la base d'un examen
complet des faits et du droit, avec autorité de chose jugée (ATF 133 III 589
consid. 1 p. 590).

2.5 En l'occurrence, le juge des mesures provisionnelles au sens des art. 261
ss CPC a renoncé à entrer en matière sur une demande en reddition de compte
fondée sur l'art. 400 al. 1 CO, en faisant valoir que s'il statuait sur cette
question, sa décision entraînerait un effet définitif pour la prétention en
cause. En se refusant précisément à rendre une telle décision, il a laissé la
porte ouverte à une procédure permettant un examen complet de la cause en fait
et en droit. Sa décision ne revêt donc pas un effet définitif pour la
prétention en cause. Il s'ensuit que l'art. 98 LTF est applicable, et que les
motifs de recours sont restreints.

2.6 Le recourant invoque une violation des art. 261 ss CPC et explique pour
quels motifs il estime erronée l'analyse juridique de la Cour de justice.
Toutefois, il ne se plaint pas d'arbitraire dans l'application de ces
dispositions. Il plaide certes que la décision attaquée est arbitraire, mais en
faisant valoir qu'elle méconnaîtrait des éléments ressortant des pièces
produites et qualifierait à tort la succession de conflictuelle. La
recevabilité du grief prête ainsi à discussion. Le recourant invoque aussi
l'art. 29 Cst. et une violation du droit d'être entendu, mais ses explications
ne permettent pas d'inférer qu'il reprocherait à l'autorité intimée un refus de
statuer, ce qui aurait pu poser la question d'une éventuelle possibilité de
contrôler librement l'application du CPC (cf. arrêt 5A_453/2011 du 9 décembre
2011 consid. 1.2, in Plädoyer 2012 cahier 3 p. 68).

Cela étant, il importe peu que le recourant n'ait pas invoqué l'arbitraire en
relation avec les art. 261 ss CPC. En effet, le raisonnement juridique de la
Cour de justice en est clairement exempt, pour les motifs exposés ci-dessous.

2.7 Sur le principe, le juge ne peut pas ordonner dans le cadre provisionnel
une mesure qui, de par sa nature, implique un jugement définitif de la
prétention à protéger (cf. ISAAK MEIER, Grundlagen des einstweiligen
Rechtsschutzes, 1983, p. 37, qui cite l'exemple d'une action constatatoire).
Cette situation doit être distinguée de la mesure d'exécution anticipée
provisoire telle que l'interdiction de faire concurrence qui peut, en pratique,
revêtir un effet définitif (cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome II, 2010,
p. 334 n. 1830 et ATF 131 III 473).

Le droit à la consultation des comptes de la SA (art. 697h CO) est une
prétention de droit privé pouvant donner lieu à une action en justice.
Toutefois, il n'est typiquement pas possible de procéder selon la voie
provisionnelle. Une condamnation à présenter les comptes a pour effet de régler
définitivement le sort du droit à la consultation et n'appelle pas de
validation: une fois les comptes consultés, il n'y a plus de place pour une
procédure ordinaire sur le même objet (ATF 120 II 352 consid. 1a et 2b).

Le droit à l'information et à la reddition de compte fondé sur le contrat de
mandat est un droit accessoire indépendant, qui peut en tant que tel faire
l'objet d'une action en exécution (WALTER FELLMANN, Commentaire bernois, 1992,
n° 88 ad art. 400 CO). Plusieurs auteurs sont d'avis que la voie des mesures
provisionnelles ne peut pas être utilisée pour concrétiser un tel droit. Ces
auteurs relèvent que si le juge ordonne au mandataire de fournir l'information
ou les documents requis, il règle définitivement le sort de la prétention;
celle-ci s'"épuise" avec la communication de l'information, qui offre entière
satisfaction au mandant (HOHL, op. cit., p. 334 s. n. 1831 et 1836 s.; YVES
WALDMANN, Informationsbeschaffung durch Zivilprozess, 2009, p. 266 et 272 s.,
approuvé par REMO MÜLLER, Konto und Erbgang - Informationsfluss zwischen Bank/
Post und den Erben [...], in Jusletter 29 mars 2010, p. 26 note 115; ces deux
derniers auteurs réservent toutefois des exceptions; apparemment contra JULIEN
BROQUET, L'action en reddition de comptes et en restitution de l'art. 400 al. 1
CO, in Quelques actions en exécution, 2011, p. 73 s., pour qui la voie
provisionnelle peut également être envisagée, même s'il admet qu'elle est ainsi
détournée de son but originel).

Au vu de ce qui précède, il n'était pas insoutenable d'appliquer à la reddition
de compte de l'art. 400 al. 1 CO le même raisonnement que celui tenu par la
jurisprudence pour le droit à la consultation des comptes de la SA.

Le recourant objecte que l'ancien droit genevois connaissait la reddition de
compte par voie provisionnelle et que cette solution devrait s'appliquer par
analogie. Il est vrai que l'art. 324 al. 2 let. b de l'ancienne loi de
procédure civile genevoise (aLPC/GE) autorisait le juge des mesures
provisionnelles à ordonner la reddition de comptes lorsque le droit du
requérant était évident ou reconnu. Toutefois, la doctrine n'avait pas manqué
de souligner le caractère atypique de cette "mesure provisionnelle" et de
remettre en question sa qualification (cf. notamment LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI,
Reddition de comptes et droit aux renseignements, SJ 2006 II 23 s. et 40).
Conformément à la lettre même de la loi, doctrine et jurisprudence genevoises
n'admettaient cette voie procédurale que si le requérant justifiait d'un droit
certain, et pas seulement vraisemblable. Une validation par une procédure
ultérieure n'était pas nécessaire. La jurisprudence fédérale avait relevé
l'effet définitif de la décision ordonnant une telle mesure et admis la
possibilité de recourir en réforme (ATF 126 III 445; cf. aussi arrêt non publié
5C.235/2004 du 24 mars 2005 consid. 1.2, qui se réfère à l'ATF 120 II 352). Le
recourant ne saurait donc se méprendre sur la nature "provisionnelle" des
décisions qui étaient rendues en application de l'art. 324 al. 2 let. b aLPC/
GE.

2.8 Dans une argumentation très sommaire, le recourant paraît en outre se
plaindre d'une violation de son droit à obtenir une décision motivée. Pour
autant que recevable, le grief devrait de toute façon être rejeté, dès lors que
les raisons du refus d'appliquer la procédure provisionnelle ressortent
clairement de la décision attaquée. Au demeurant, le recourant paraît surtout
reprocher à la Cour de justice d'avoir opté pour une opinion doctrinale qui lui
est défavorable; or, encore une fois, l'analyse juridique portée par l'autorité
intimée n'a rien d'arbitraire.

3.
3.1 Le recourant se plaint ensuite d'arbitraire dans l'application de l'art.
257 CPC. La cour cantonale aurait exclu à tort la voie de la procédure sommaire
pour les cas clairs.

3.2 La procédure pour les cas clairs prévue à l'art. 257 CPC permet au juge de
statuer sur la prétention avec autorité de chose jugée, si les conditions
d'application de cette procédure sommaire sont réalisées. La prétention est
jugée sur le fond; elle n'est pas seulement déclarée exécutoire à titre
provisoire - comme tel pouvait être le cas dans certaines procédures
cantonales. L'admission de la requête exclut toute procédure ordinaire
ultérieure (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse,
FF 2006 6959).

La procédure pour les cas clairs n'est donc pas une procédure provisionnelle au
sens de l'art. 98 LTF, de sorte que les motifs de recours ne sont pas
restreints. Le Tribunal fédéral revoit librement l'application de l'art. 257
CPC.

3.3 Selon l'art. 257 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure
sommaire à condition que, d'une part, l'état de fait ne soit pas litigieux, ou
qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que, d'autre
part, la situation juridique soit claire (let. b). Cette seconde condition est
réalisée si l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente
au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence
éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2). Cette procédure accélérée est une
option pour le justiciable (Message précité, FF 2006 6959), qui doit donc la
solliciter, ce qui n'implique pas nécessairement d'utiliser les termes "cas
clairs". En cas de doute, l'autorité doit interpeller le requérant (FRANÇOIS
BOHNET, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 19 ad art. 257
CPC).

3.4 La recevabilité du grief est douteuse. En effet, la Cour de justice a
relevé que d'une part, le recourant n'avait pas requis d'entrée de cause
l'application de cette procédure et que d'autre part, l'état de fait de la
succession était particulièrement conflictuel et la situation juridique
particulièrement délicate. Le recourant ne critique pas le premier motif
invoqué par la cour et se contente d'expliquer pour quelles raisons le cas
clair était à son sens réalisé. Or, la jurisprudence exige, sous peine
d'irrecevabilité, d'argumenter sur tous les motifs de l'arrêt attaqué dans la
mesure où chacun d'eux suffit à sceller le sort de la cause (cf. ATF 133 IV 119
consid. 6.3). Quoi qu'il en soit, supposé recevable, le grief devrait de toute
façon être rejeté pour les motifs exposés ci-dessous.

3.5 Le droit de l'héritier à obtenir des informations peut avoir un fondement
contractuel ou successoral. Lorsque l'héritier exerce par une action séparée
une prétention de nature contractuelle fondée sur les contrats conclus par le
de cujus, il doit établir d'une part la relation contractuelle du défunt avec
les tiers intimés, d'autre part l'acquisition de cette prétention par voie
successorale. Même si la prétention a un fondement contractuel, il n'en demeure
pas moins que la légitimation pour faire valoir ce droit relève, elle, du droit
successoral (cf. ATF 132 III 677 consid. 3.4.2 - 3.4.4; 135 III 185 consid.
3.4.2; ANDREAS SCHRÖDER, Erbrechtliche Informationsansprüche oder: die Geister,
die ich rief...", successio 2011 p. 193 s.; BREITSCHMID/MATT,
Informations-ansprüche der Erben und ihre Durchsetzung, successio 2010, p.
92-93; MÜLLER, op. cit., p. 18 note 72).

Lorsque l'héritier se prévaut d'un droit à l'information sur des avoirs dont le
défunt était seulement l'ayant droit économique, il fait valoir un droit
successoral, et non pas contractuel (ATF 136 III 461 consid. 4 et 5.2; arrêt
5A_638/2009 du 13 septembre 2010 consid. 4.1, rés. in recht 2011 134 et PJA
2012 868).

3.6 Dans le cas concret, le recourant entend être renseigné non seulement sur
des avoirs dont le défunt était directement titulaire, mais aussi sur des
comptes dont le défunt était ayant droit économique. Ses conclusions relèvent
donc partiellement du statut successoral, dont on ne saurait soutenir qu'il est
clair. Une procédure en ouverture de la succession en Suisse était toujours
pendante lorsque l'autorité précédente a rendu sa décision. Même si le jugement
tunisien du 2 décembre 2003 a été reconnu en Suisse, se pose la question de la
portée de cette reconnaissance par rapport à la procédure pendante. De
surcroît, même en présupposant l'applicabilité du droit tunisien, l'on ignore
de quelle façon ce droit règle la question de l'information sur des avoirs
détenus par des entités dont le défunt était seulement l'ayant droit
économique.

Le recourant se prévaut certes aussi d'un droit contractuel à l'information,
régi par le droit suisse à défaut d'accord contraire (art. 117 LDIP). Il doit
toutefois justifier de l'acquisition de ce droit par voie successorale. Le
recourant ne plaide à juste titre pas que la succession serait clairement régie
par le droit suisse - lequel lui reconnaît effectivement la qualité d'héritier
réservataire (art. 457 et 471 CC). Il soutient qu'il jouirait clairement de la
même position en droit tunisien, comme l'attesteraient les décisions produites.
Son statut ne serait du reste pas contesté par les intimés.

Les prétendus aveux judiciaires des intimés sont inexistants. Les allégués sur
la qualité d'héritier réservataire selon le droit tunisien n'ont pas été admis
par les intimés, qui se sont référés aux jugements tunisiens en contestant les
allégations pour le surplus. Quant à la communication partielle d'informations
par deux des intimés (cf. arrêt, p. 3 let. A), elle ne saurait s'interpréter
comme une reconnaissance claire de la qualité d'héritier réservataire au regard
du droit tunisien.

Le jugement tunisien du 2 décembre 2003, confirmé par la Cour de cassation
tunisienne le 19 octobre 2009, désigne un liquidateur chargé de répartir
l'entier de la succession entre les héritiers, sans constater qui sont ces
héritiers. Il a certes été fait droit à une requête émanant du recourant, mais
ce simple élément ne permet pas de conclure que la qualité d'héritier,
respectivement d'héritier réservataire, a été clairement reconnue au recourant
par les tribunaux tunisiens, et encore moins que les droits contractuels du
défunt ont clairement été transmis au recourant.

Il s'ensuit que l'autorité d'appel n'a pas enfreint le droit fédéral en
considérant que la situation juridique n'était pas claire.

4.
4.1 Dans un ultime grief, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 158
CPC, qui autorise l'administration de preuve anticipée. La Cour d'appel aurait
en outre violé son droit d'être entendu en s'abstenant de discuter ce moyen,
qui avait déjà été soulevé en appel.

4.2 Il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si le droit d'obtenir une
décision motivée a réellement été enfreint, dès lors que l'éventuel vice peut
de toute façon être couvert dans le cadre de la présente procédure.

L'action en reddition de compte peut certes servir à recueillir les éléments
nécessaires pour intenter une autre action, notamment successorale. Il n'en
demeure pas moins qu'elle concrétise un droit matériel à l'information, dont la
Cour de justice a jugé sans arbitraire qu'il devait être établi sur la base
d'un examen complet des faits et du droit, dès lors que la prétention s'épuise
avec la fourniture de l'information. Le recourant ne saurait contourner cette
exigence en prétendant être mis au bénéfice d'une disposition régissant
l'administration des preuves. Le grief se révèle infondé.

5.
Les considérations qui précèdent privent d'objet les autres griefs du
recourant. En particulier, les moyens de fait, qui reposent partiellement sur
des pièces nouvelles produites en appel dont la recevabilité a été laissée
indécise, sont sans pertinence pour l'issue du litige. Dès lors que le
recourant avait choisi une voie procédurale erronée, il importait peu de savoir
s'il était menacé d'un préjudice difficilement réparable et s'il avait un
intérêt à obtenir les renseignements requis dans la perspective d'une action
successorale ou d'une action en responsabilité contre les mandataires.

6.
En bref, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. En
conséquence, le recourant supportera les frais judiciaires et versera une
indemnité de dépens à chacun des trois intimés (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1
et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le recourant versera à chacun des trois intimés une indemnité de 6'000 fr. à
titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 9 octobre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti