Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.272/2012
Zurück zum Index I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012
Retour à l'indice I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 2012


Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_272/2012

Arrêt du 14 juin 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Carruzzo.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Albert J. Graf,
recourant,

contre

Y.________ GmbH,
intimée.

Objet
exécution d'un jugement d'évacuation d'un locataire; refus de l'effet
suspensif,

recours contre la décision prise le 12 avril 2012 par la Présidente de la
Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
Par arrêt du 13 décembre 2010, confirmant un jugement du Tribunal des baux et
loyers du canton de Genève du 15 juin 2010, le congé signifié pour le 30 juin
2008 à X.________, locataire, par Y.________ GmbH (ci-après: Y.________),
bailleresse, en relation avec des locaux d'un immeuble sis à Carouge, dans
lesquels était exploité un établissement public, a été déclaré valable par la
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du même canton, la demande du
locataire tendant à en constater l'inefficacité, voire à en obtenir
l'annulation, étant rejetée.

Le 28 février 2011, la bailleresse a requis l'évacuation du locataire. Statuant
le 11 mai 2011, le Tribunal des baux et loyers a condamné X.________ à évacuer
immédiatement les locaux en question. La Chambre des baux et loyers de la Cour
de justice a confirmé le jugement de première instance par arrêt du 17 octobre
2011. Un recours en matière civile interjeté par X.________ contre cet arrêt a
été déclaré irrecevable par la Présidente de la Ire Cour de droit civil du
Tribunal fédéral en date du 21 décembre 2011 (cause 4A_708/2011).

B.
Le 4 janvier 2012, Y.________ a déposé une requête tendant à l'exécution du
jugement d'évacuation du 11 mai 2011.

Après avoir entendu les parties, le Tribunal des baux et loyers, statuant le 15
mars 2012, a autorisé la requérante à faire exécuter ledit jugement par la
force publique dès le 31 mai 2012. Il ressort du considérant topique de cette
décision que le délai accordé à fin mai 2012 devait permettre à l'intimé de
trouver de nouveaux locaux et de terminer son activité actuelle, le Tribunal
des baux et loyers soulignant, à cet égard, que l'intéressé connaissait déjà la
situation depuis 2008 et avait eu, dès lors, la possibilité d'anticiper ses
recherches.

Le 5 avril 2012, X.________ a formé, contre le jugement du 15 mars 2012, un
recours, au sens des art. 319 ss CPC, assorti d'une requête d'effet suspensif.

Par décision du 12 avril 2012, la Présidente de la Chambre des baux et loyers
de la Cour de justice a refusé l'effet suspensif pour les motifs suivants:
"l'exécution du jugement a été fixée au 31 mai 2012; le recourant ne rend pas
vraisemblable un préjudice difficilement réparable; la courte durée présumable
de la procédure de recours".

C.
Le 14 mai 2012, X.________ a adressé au Tribunal fédéral un mémoire intitulé
"Recours constitutionnel subsidiaire". Il a conclu, principalement, à
l'annulation de la décision du 12 avril 2012 et à l'octroi de l'effet suspensif
pour la procédure de recours cantonale, requérant à titre subsidiaire le renvoi
du dossier à la magistrate intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision
accordant l'effet suspensif.

La requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif au recours à titre
superprovisoire a été rejetée par ordonnance présidentielle du 22 mai 2012.

L'intimée et la Présidente de la Chambre des baux et loyers, qui a produit le
dossier de la cause, n'ont pas été invitées à déposer une réponse.

Considérant en droit:

1.
La décision prise le 12 avril 2012 par la Présidente de la Chambre des baux et
loyers de la Cour de justice genevoise est une décision incidente visée par
l'art. 93 al. 1 LTF. Elle est de nature à causer un préjudice irréparable au
recourant, si comme celui-ci le soutient, l'exécution à bref délai du jugement
d'évacuation du 11 mai 2011, telle qu'elle a été autorisée par le Tribunal des
baux et loyers dans son jugement du 15 mars 2012, entraînerait un dommage -
cessation d'activité avec licenciement du personnel et perte d'un
investissement de plusieurs centaines de milliers de francs - qui ne pourrait
pas être réparé au cas où, à l'issue de la procédure d'appel, le recourant
obtiendrait une décision l'autorisant à différer de plusieurs mois la remise
des locaux à l'intimée. La décision attaquée est donc susceptible de recours
selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF.

2.
La décision attaquée a été prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), quant à
l'objet du litige principal, et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1
LTF). Selon le recourant, la valeur litigieuse serait de 55'380 fr. Il ressort
de cette évaluation, quel qu'en soit le bien-fondé, de même que du calcul
effectué dans l'arrêt 4A_708/2011 précité (consid. 2), que la valeur litigieuse
atteint en tout cas le seuil fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF pour la
recevabilité du recours en matière civile dans les affaires pécuniaires
relatives au droit du bail à loyer. Il s'ensuit que cette voie de droit est
ouverte en l'espèce, si bien que celle du recours constitutionnel subsidiaire
ne l'est pas (art. 113 LTF). Cependant l'intitulé erroné du présent recours ne
nuit pas à son auteur, dès lors que les griefs fondés sur le droit
constitutionnel, qui y sont soulevés, ont également leur place dans un recours
en matière civile, sous l'angle de la violation du droit fédéral au sens de
l'art. 95 let. a LTF (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382).

Le recours a été introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les
formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF).

3.
La décision qui octroie ou refuse l'effet suspensif est une décision sur
mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 II 192 consid. 1.5 p.
196 s.). En conséquence, seule peut être invoquée, à son encontre, la violation
des droits constitutionnels (arrêt 4D_13/2012 du 6 mars 2012 consid. 3.1 et
l'arrêt cité).

4.
En vertu de l'art. 105 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral ne peut compléter les
constatations de l'autorité précédente que si les faits ont été établis de
façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(cf. arrêt 4A_280/209 du 31 juillet 2009 consid. 1.4).

En l'espèce, le recourant se contente de formuler quinze allégations de fait,
en se référant à des pièces du dossier cantonal et en s'en remettant pour le
surplus à l'appréciation du Tribunal fédéral (recours, ch. III./2.). Il précise
qu'il se réfère expressément aux constatations de fait de la décision attaquée
et prie le Tribunal fédéral d'en faire de même. Or, ladite décision ne contient
pas la moindre constatation de fait. Comme le recourant n'expose pas en quoi
cet état de choses résulterait d'une appréciation arbitraire des preuves ou
d'une violation du droit, les conditions autorisant un complètement de l'état
de fait de la décision entreprise ne sont pas réalisées dans le cas
particulier. Abstraction sera, dès lors, faite des allégations en question dans
le cadre de l'examen des griefs articulés dans le recours.

5.
Le recourant reproche à la magistrate intimée d'avoir violé l'interdiction de
l'arbitraire et commis un déni de justice formel.

5.1 L'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une
autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait
préférable. Le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque
celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction
claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée
pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit
insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 136
III 552 consid. 4.2 p. 560).

Commet un déni de justice formel, et viole par conséquent l'art. 29 al. 1 Cst.,
l'autorité qui ne statue pas ou n'entre pas en matière sur un recours ou un
grief qui lui est soumis dans les formes et délais légaux, alors qu'elle était
compétente pour le faire (ATF 135 I 6 consid. 2.1; 134 I 229 consid. 2.3).

5.2 Considérée à la lumière de ces principes jurisprudentiels, la motivation du
recours laisse fortement à désirer et ne suffit en aucun cas à démontrer la
réalité des violations de droits constitutionnels imputées à la magistrate
cantonale.

Qualifier l'argumentation juridique critiquée de "défaillante, lapidaire,
respectivement inopportune", ou de génératrice d'une "situation ubuesque",
comme le fait le recourant, ne saurait remplacer une motivation exposant en
quoi cette décision ne serait pas compatible avec les deux garanties
constitutionnelles invoquées.

S'agissant du déni de justice formel dont se plaint le recourant, il ne saurait
en être question in casu, étant donné que la magistrate intimée s'est penchée
sur la requête d'effet suspensif qui lui était soumise et a statué sur cette
requête en expliquant pourquoi elle jugeait qu'il n'y avait pas lieu de
l'accueillir.

Quant aux motifs retenus par elle pour justifier le refus d'octroyer l'effet
suspensif au recours cantonal, ils sont certes concis, mais cette circonstance
s'explique par la nature même de la décision incidente à rendre. Ils sont du
reste suffisants pour que le destinataire de cette décision puisse se rendre
compte des raisons qui ont poussé l'auteur de celle-ci à rejeter sa requête
d'effet suspensif. Pour le surplus, quand bien même ils pourraient être en
partie discutés, voire sembler discutables, ces motifs ne font pas apparaître
la décision qu'ils étayent comme arbitraire dans son résultat, ce qui seul
importe.

Il faut bien voir, en effet, sur un plan général et en replaçant la décision
querellée dans son contexte, que l'on a affaire à un congé qui a été signifié
pour le 30 juin 2008 déjà et à une procédure d'évacuation qui a débuté le 28
février 2011, a donné lieu à un jugement d'expulsion prononcé le 11 mai 2011 et
a pris fin, au niveau fédéral, le 21 décembre 2011. Aussi le refus obstiné du
recourant de quitter les lieux en dépit d'un jugement d'évacuation en force et
la multiplication des démarches procédurales visant à retarder à tout prix un
départ inéluctable ont de quoi susciter des interrogations sous l'angle du
respect des règles de la bonne foi (cf. art. 52 CPC).

Pour le surplus, il n'y avait rien d'insoutenable, de la part de la présidente
de l'autorité chargée de statuer sur le recours de X.________, à prévoir, à la
date du 12 avril 2012, que la procédure de recours serait sans doute de courte
durée et de sous-entendre qu'elle prendrait fin, selon toute vraisemblance,
avant le 31 mai 2002, date à partir de laquelle l'intimée pourrait faire
exécuter le jugement d'évacuation par la force publique. La magistrate
cantonale pouvait donc admettre sans arbitraire qu'à fin mai 2012, l'autorité
de recours aurait déjà rendu sa décision, partant que l'octroi de l'effet
suspensif au recours ne s'imposait pas, rien n'empêchant d'ailleurs le
recourant de formuler une nouvelle requête d'effet suspensif au cas où cette
prévision se révélerait erronée. Semblable raisonnement rendait sans portée
concrète le troisième motif, fondé sur l'absence de démonstration du risque
d'un préjudice difficilement réparable, puisqu'il supposait qu'un tel risque ne
se concrétiserait pas avant droit jugé sur le recours cantonal pendant. Point
n'est donc besoin d'examiner les critiques formulées dans le recours au sujet
de ce motif-là.

Le présent recours ne peut, dès lors, qu'être rejeté dans ces conditions.

6.
Le recourant, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF). En revanche, il n'aura pas à indemniser l'intimée,
celle-ci n'ayant pas été invitée à déposer une réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Présidente de la Chambre
des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 14 juin 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Carruzzo