Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.261/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_261/2012

Arrêt du 20 août 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
A.________,
B.________ Ltd,
représentés par Me Christian Fischele,
recourants,

contre

M.________ SA, représentée par Me Matteo Inaudi,
N.________ AG,
intimées.

Objet
procédure civile; exécution

recours contre l'arrêt rendu le 23 mars 2012 par la Chambre civile de la Cour
de justice du canton de Genève.

Faits:

A.
Au mois de décembre 2008, A.________ et la société B.________ Ltd ont
conjointement saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une
demande de mesures provisionnelles qu'ils dirigeaient contre M.________ SA
(ci-après: la banque) et la société de conseil financier N.________ AG. Ils se
disaient légitimes propriétaires d'un bon du trésor étasunien et d'autres
valeurs qui se trouvaient en dépôt auprès de la banque et qu'ils s'apprêtaient
à revendiquer. Selon leurs conclusions, le tribunal devait d'abord interdire
aux parties citées d'aliéner les valeurs concernées, puis ordonner la saisie
conservatoire provisionnelle de ces valeurs et leur dépôt auprès des services
financiers du pouvoir judiciaire genevois.
La banque a déclaré s'en rapporter à justice dans le cadre restreint des
mesures provisionnelles; elle a réservé ses droits en prévision de l'éventuelle
action au fond.
Le tribunal a tenu audience le 23 février 2009; un accord est alors intervenu.
Le tribunal a rendu une ordonnance le lendemain 24. Il a donné acte à
N.________ AG de ce que celle-ci s'engageait à restituer les valeurs aux
requérants dans un délai de vingt jours, et de ce que dans l'intervalle, elle
s'engageait à les transférer à la trésorerie générale de l'Etat de Genève. Il a
donné acte à la banque de ce que celle-ci s'en rapportait à justice et ne
s'opposait pas au transfert des valeurs. En tant que de besoin, les parties
citées étaient condamnées à se conformer à leurs engagements.
Lesdits engagements sont restés inexécutés et la banque s'est prévalue d'un
droit de gage sur les avoirs qu'elle détenait en dépôt. Au printemps de 2009,
A.________ a saisi le Procureur général d'une demande d'exécution forcée puis
d'une plainte pénale pour insoumission aux décisions de l'autorité.
La banque a modifié sa raison sociale pour devenir M.________ SA.

B.
Le 10 mars 2011, A.________ et B.________ Ltd ont saisi le Tribunal de première
instance d'une requête d'exécution qu'ils dirigeaient contre les mêmes parties
adverses. Ils réclamaient diverses mesures de contraintes destinées à
l'exécution de l'ordonnance du 24 février 2009.
La banque s'est opposée à la requête. Elle se prévalait d'un droit de gage sur
les valeurs concernées; de plus, elle soutenait que les mesures provisionnelles
auraient dû être validées par une action judiciaire au fond et qu'à défaut,
l'ordonnance du 24 février 2009 était périmée. N.________ AG n'a pas procédé.
Le tribunal s'est prononcé le 31 octobre 2011; en substance, il a accueilli la
requête. Il a ordonné « l'exécution immédiate » de l'ordonnance du 24 février
2009. Il a condamné N.________ AG à restituer les valeurs en cause dans un
délai de vingt jours dès l'entrée en force du jugement. Il a condamné cette
partie et la banque à payer solidairement une amende d'ordre au montant de
5'000 fr. si, dans ce même délai, elles n'avaient pas « exécuté leurs
engagements ». Il les a en outre condamnées à payer solidairement une amende de
500 fr. pour chaque jour d'inexécution du jugement, dès son entrée en force.
Enfin, le tribunal a ordonné « au besoin » le recours à la force publique.

C.
La banque a attaqué le jugement. Devant la Cour de justice, A.________ et
B.________ Ltd ont conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement.
La Cour a statué le 23 mars 2012. Elle a accueilli l'argumentation de la banque
selon laquelle l'ordonnance du 24 février 2009 était périmée faute d'avoir été
validée par une action au fond. Elle a réformé le jugement en ce sens que seule
N.________ AG - qui, elle, n'avait pas recouru - est condamnée à restituer les
valeurs et est exposée aux mesures de contrainte.

D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, A.________ et B.________ Ltd
requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de «
prononcer l'exécution de l'ordonnance du 24 février 2009 », c'est-à-dire de
confirmer le jugement du Tribunal de première instance.
M.________ SA a pris position sur une demande d'effet suspensif qui a été
partiellement accueillie par ordonnance du 12 juin 2012. Elle a ensuite pris
position sur le recours et conclu à son rejet. Elle a enfin déposé une demande
de sûretés en garantie des dépens; elle affirmait alors, mais sans pouvoir
l'établir, qu'elle avait rédigé et envoyé cette demande en même temps que sa
prise de position sur la demande d'effet suspensif.
N.________ AG n'a pas procédé devant le Tribunal fédéral. Il ressort du
registre du commerce que le juge compétent a prononcé sa dissolution par suite
de carences dans son organisation, le 21 mai 2012.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile parce que concernant l'exécution d'une décision antérieure en
matière civile (art. 72 al. 2 ch. 1 LTF). Ses auteurs ont pris part à
l'instance précédente et succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF).
La valeur litigieuse correspond à celle des biens en cause (art. 51 al. 2 LTF);
elle excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1
let. b LTF). Le mémoire de recours a été introduit en temps utile (art. 100 al.
1 LTF) et il satisfait aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). Le recours n'est pas recevable
pour violation du droit cantonal, hormis les droits constitutionnels cantonaux
(art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans pertinence en matière
civile (art. 95 let. d LTF). Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement
juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105
al. 1 LTF).

2.
Selon la jurisprudence déterminante pour l'application de l'art. 62 al. 2 LTF,
la partie intimée qui entend obtenir des sûretés en garantie des dépens doit
les requérir avant de procéder devant le Tribunal fédéral (ATF 118 II 87
consid. 2 p. 88; 79 II 295 consid. 3 p. 305; voir aussi ATF 132 I 134 consid.
2.2 p. 137/138). En l'espèce, l'intimée n'est plus autorisée à réclamer des
sûretés alors qu'elle a déjà pris position sur le recours.

3.
Le 10 mars 2011, les recourants ont présenté la requête d'exécution prévue par
l'art. 338 CPC, destinée à faire ordonner des mesures de contrainte ou
d'exécution par substitution aptes à assurer l'exécution forcée d'une décision
judiciaire. L'art. 341 al. 1 CPC imposait au juge saisi de vérifier si cette
décision, c'est-à-dire l'ordonnance du 24 février 2009, était exécutoire; à la
différence du Tribunal de première instance, la Cour de justice a jugé que
l'ordonnance n'était pas exécutoire; elle a pour ce motif libéré l'intimée des
mesures de contrainte que le tribunal avait adoptées contre elle.
L'ordonnance du 24 février 2009 est intervenue en application du droit de
procédure civile cantonal en vigueur jusqu'à la fin de 2010 et la Cour en a
examiné la portée au regard de ce droit. Cette approche n'est pas contestée par
les recourants.
Ceux-ci invoquent l'art. 9 Cst. et se plaignent d'une application arbitraire
des règles déterminantes, soit les art. 329 et 330 al. 1 de la loi de procédure
civile genevoise (LPC gen.): l'ordonnance autorisant une mesure provisionnelle
était périmée de plein droit si elle n'avait pas été mise à exécution dans les
trente jours de sa date (art. 329), et l'effet de la mesure cessait de plein
droit s'il n'y avait pas eu, dans les trente jours dès la signification du
procès-verbal d'exécution, accord entre les parties ou demande introduite en
justice (art. 330 al. 1). Selon la doctrine, une mesure provisionnelle ordonnée
d'accord entre les parties était aussi soumise à l'exigence de la validation
par une action au fond, cela parce que la partie citée peut acquiescer sur
mesures provisionnelles sans pour autant acquiescer aussi sur la prétention au
fond annoncée par la partie requérante; il n'y avait en revanche pas lieu à
validation lorsque, devant le juge des mesures provisionnelles, les parties
avaient convenu d'une mesure durable ou passé un accord incluant la prétention
au fond (Bernard Bertossa et al., Commentaire de la loi de procédure civile du
canton de Genève, n° 6 ad art. 330 LPC).

4.
Les recourants persistent à soutenir que le 23 février 2009, leur droit à la
restitution des valeurs déposées auprès de l'intimée a été définitivement
reconnu par un accord au fond.
Selon la décision attaquée, l'accord n'a porté que sur des mesures
provisionnelles nécessitant d'être validées par une action au fond; la Cour se
réfère ici aux conclusions que l'intimée avait prises préalablement à
l'audience, où elle déclarait s'en rapporter à justice sur mesures
provisionnelles et réserver ses droits sur le fond. La Cour observe que la
restitution des valeurs, telle que prévue par l'accord, aurait rendu « inutile
» une action en validation; néanmoins, selon son appréciation, il était «
parfaitement envisageable » que N.________ AG admît à titre provisionnel de
restituer ces biens et fît ensuite valoir, dans l'action au fond, d'éventuels
moyens tirés de ses relations contractuelles avec l'un ou l'autre des
requérants.
Les recourants contestent cette appréciation. Ils soulignent que, comme la Cour
l'a dûment relevé, ils n'auraient plus aucun intérêt à introduire une action au
fond, destinée à faire reconnaître leur droit à la restitution des valeurs, si
ces mêmes valeurs leur étaient restituées conformément à l'accord. De cela, ils
déduisent qu'il s'agit d'un accord au fond plutôt que d'un accord restreint aux
mesures provisionnelles. Ils soulignent aussi que la restitution promise par
les parties citées va au delà d'un simple acquiescement à la saisie
conservatoire qui était demandée par voie de mesures provisionnelles, avec
dépôt des valeurs auprès des services financiers du pouvoir judiciaire; de cela
également, ils déduisent que l'accord porte sur le fond plutôt que sur des
mesures provisionnelles.

5.
Les termes de l'accord intervenu à l'audience du 23 février 2009 n'ont pas été
constatés et ils ne sont connus que par l'ordonnance rendue le lendemain par le
tribunal: ce prononcé fait état d'engagements pris par les parties et aucune
d'elles ne l'a contesté.
N.________ AG s'est obligée à restituer les valeurs dans un délai de vingt
jours, sans réserves ni conditions, et sans se ménager aucune possibilité
concrète de les récupérer selon l'issue d'une action judiciaire que ses
adverses parties devraient encore introduire. A première vue, N.________ AG
abandonnait donc entièrement toute prétention sur les biens en litige. Si tel
est le sens de l'accord, celui-ci est définitif et aucune action en validation
n'a été réservée, même de manière seulement implicite.
N.________ AG s'est cependant aussi obligée à « transférer dans l'intervalle »
les valeurs à la trésorerie générale de l'Etat de Genève. Dans sa réponse au
recours, l'intimée expose avec pertinence que ce transfert ne peut être que
conservatoire et que « l'intervalle » dont il est question ne peut guère se
rapporter qu'à la durée d'une action judiciaire destinée à élucider les droits
respectifs des parties.
Enfin, la banque a déclaré s'en rapporter à justice et ne pas s'opposer au «
transfert » des valeurs. Par là, elle a sans aucun doute acquiescé au transfert
conservatoire des valeurs auprès de la trésorerie de l'Etat; en revanche, elle
ne paraît pas avoir aussi acquiescé à leur restitution immédiate et définitive
aux requérants.
L'ordonnance est ainsi ambiguë et son interprétation prête à discussion.
L'opinion défendue par les recourants est certes défendable mais l'appréciation
contraire retenue par la Cour de justice l'est aussi. Or, le Tribunal fédéral
n'intervient pour violation de l'art. 9 Cst. que lorsque la décision attaquée
se révèle objectivement insoutenable dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4
p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). La Cour n'a donc pas contrevenu à cette
disposition constitutionnelle en jugeant que les mesures ordonnées le 24
février 2009 auraient dû être validées par une action au fond, conformément à
l'art. 330 al. 1 LPC gen., et que l'ordonnance n'est plus exécutoire parce que
la validation a été omise.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument à percevoir
par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'intimée M.________ SA peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de sûretés en garantie des dépens est rejetée.

2.
Le recours est rejeté.

3.
Les recourants acquitteront un émolument judiciaire de 15'000 francs.

4.
Les recourants verseront une indemnité de 17'000 fr. à l'intimée M.________ SA,
solidairement entre eux et à titre de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève.

Lausanne, le 20 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin