Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.251/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_251/2012

Arrêt du 28 août 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
Syndicat A.________, soit:
1. B.________ & Cie,
2. C.________ SA,
3. D.________ SA,
4. E.________ SA,
5. Hoirie de feu X.________, soit:
A. A.X.________,
B. B.X.________,
C. C.X.________,
tous représentés par Me Pierre Banna,
recourants,

contre

Z.________, représenté par Me Romolo Molo,
intimé.

Objet
bail à loyer,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des
baux et loyers, du 19 mars 2012.

Faits:

A.
Par contrat du 14 novembre 2008, le Syndicat A.________ (société simple
composée de plusieurs personnes) a cédé à Z.________ l'usage de bureaux de
121,4 m2 au premier étage d'un immeuble au Petit-Lancy, destinés à
l'exploitation d'un cabinet de physiothérapie. Il était convenu que le bail
prenait effet le 16 novembre 2008 et se terminait le 30 novembre 2013, une
reconduction tacite étant ensuite possible d'année en année. Le loyer annuel a
été fixé initialement à 42'432 fr. sans les charges avec une clause
d'adaptation à l'évolution de l'indice officiel suisse des prix à la
consommation.

B.
Par requête du 9 décembre 2008 adressée à la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers de Genève, Z.________ a contesté le loyer initial,
qu'il estimait abusif, en expliquant qu'il avait été contraint de conclure le
contrat en raison de la pénurie de locaux commerciaux. Il a conclu à ce que le
loyer annuel soit fixé à 27'000 fr.

Les bailleurs ont soutenu que les conditions n'étaient pas remplies pour
contester le loyer initial, et, subsidiairement, ont estimé que le loyer devait
être fixé à 39'212 fr.20 sans les charges.

L'essai de conciliation n'ayant pas abouti, Z.________ a saisi le Tribunal des
baux et loyers du canton de Genève, lequel, par jugement du 29 novembre 2010
communiqué le 13 décembre 2010, a déclaré irrecevable la contestation du loyer
initial.

Z.________ a appelé de ce jugement, concluant principalement à ce qu'il soit
annulé et à ce que le loyer initial soit fixé à 32'168 fr.20 par année, les
bailleurs devant être condamnés à lui rembourser le trop-perçu.

Dans leur mémoire-réponse du 4 mars 2011, les bailleurs ont fait valoir pour la
première fois durant la procédure qu'ils avaient vendu les locaux litigieux en
date du 28 janvier 2010 à V.________ et W.________, l'acquisition ayant fait
l'objet d'une publication dans la Feuille d'Avis Officielle n° xxx du ... 2010.
Estimant qu'ils avaient perdu toute légitimation passive, ils ont conclu au
déboutement de leur partie adverse.
Le locataire a maintenu ses conclusions et demandé subsidiairement le renvoi de
la cause au premier juge afin qu'il ajoute V.________ et W.________ aux parties
défenderesses et rende un nouveau jugement au fond.

Statuant par arrêt du 19 mars 2012, la Chambre des baux et loyers de la Cour de
justice genevoise a annulé le jugement attaqué et renvoyé la cause au Tribunal
des baux et loyers pour suite d'instruction au sens des considérants et nouveau
jugement. En substance, elle a retenu qu'elle pouvait prendre en considération
le transfert de propriété qui avait été ignoré des premiers juges et que ce
fait justifiait le renvoi de la cause en première instance en vue d'instruire
sur la question d'une substitution d'office.

C.
Les membres du Syndicat A.________, soit la succession de X.________
(A.X.________, B.X.________ et C.X.________), B.________ & Cie, C.________ SA,
D.________ SA et E.________ SA, exercent par un acte unique un recours en
matière civile au Tribunal fédéral. Invoquant une violation arbitraire des art.
434, 148, 292 et 300 de l'ancienne loi genevoise de procédure civile, ainsi
qu'une violation de l'art. 261 al. 1 CO, les recourants concluent à
l'annulation de l'arrêt attaqué et à la constatation qu'ils ont perdu la
légitimation passive, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour
cantonale.

L'intimé propose le rejet du recours.

Les parties ont répliqué et dupliqué.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure, puisque celle-ci va se
poursuivre devant le Tribunal des baux et loyers. Il ne s'agit donc pas d'une
décision finale au sens de l'art. 90 LTF.

Il n'y a pas trace d'une décision même partielle sur l'objet de la demande, de
sorte que l'on ne se trouve pas non plus en présence d'une décision partielle
au sens de l'art. 91 let. a LTF. La cour cantonale n'a pas décidé davantage de
mettre une partie hors de cause, de sorte qu'elle n'a pas mis fin à la
procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). L'autre cas
de figure de la décision partielle n'entre conséquemment pas en ligne de
compte.
S'agissant d'une pure décision de renvoi, celle-ci doit être qualifiée de
décision incidente (ATF 137 V 314 consid. 1 p. 315; 136 V 369 consid. 1.2 p.
371 s.; 135 III 212 consid. 1.2 p. 216, 329 consid. 1.2 p. 331). Comme elle ne
porte pas sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 LTF),
elle ne peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral qu'aux
conditions fixées par l'art. 93 al. 1 LTF.

Cette disposition prévoit deux hypothèses alternatives:
- soit la décision attaquée peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1
let. a LTF);
- soit l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale
qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1
let. b LTF).

S'agissant de la première condition, le risque de préjudice invoqué doit être
d'ordre juridique, c'est-à-dire qu'il ne peut pas consister simplement dans le
fait que la procédure se prolonge et qu'elle coûte donc plus chère (ATF 137 III
380 consid. 1.2.1 p. 382, 522 consid. 1.3 p. 525). Par ailleurs, le risque doit
porter sur un préjudice irréparable, c'est-à-dire un préjudice qu'une décision
finale favorable au recourant ne ferait pas disparaître entièrement (ATF 138
III 46 consid. 1.2 p. 47; 137 III 324 consid. 1.1 p. 328, 380 consid. 1.2.1 p.
382, 522 consid. 1.3 p. 525).

En l'espèce, quelle que soit la décision qui sera rendue par le Tribunal des
baux et loyers, les parties recourantes pourront encore en appeler devant la
Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, puis devant le Tribunal
fédéral. Que les parties recourantes soient ou non mises hors de cause, que
l'on mette en cause ou non d'office les acquéreurs ou qu'on leur permette ou
non d'intervenir, les premières pourront de toute manière se plaindre devant le
Tribunal fédéral, si elles s'y croient fondées, d'une transgression du droit
fédéral ou d'une violation arbitraire des règles de procédure cantonale. On ne
discerne aucun préjudice irréparable, si ce n'est l'allongement et le
renchérissement de la procédure, hypothèses qui, comme on l'a vu, n'entraînent
pas un préjudice de nature juridique permettant de recourir en application de
l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
Le recours n'est pas recevable sous l'angle de la norme précitée.

Il ne l'est pas plus si l'on se penche sur la seconde condition alternative
prévue par l'art. 93 al. 1 let. b LTF. En effet, pour que celle-ci soit
réalisée, il faudrait qu'une décision finale immédiate émanant du Tribunal
fédéral permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. A moins
que cela ne soit évident, il incombe à la partie recourante d'indiquer de
manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses, quelles
preuves - déjà offertes ou requises - devraient encore être administrées et en
quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF
133 III 629 consid. 2.4.2 p. 633 et les arrêts cités).

En l'espèce, le renvoi pourrait tout au plus impliquer une audition des
acquéreurs, ce qui ne saurait constituer des probatoires fastidieux et
dispendieux. On ne voit pas - et les parties recourantes ne le disent pas non
plus - quelle autre mesure probatoire serait encore nécessaire. Que les
acquéreurs puissent être admis à la procédure et prendre des conclusions en
rendant la cause plus complexe est sans pertinence, puisque l'art. 93 al. 1
let. b LTF ne vise que la procédure probatoire, soit l'administration des
preuves (cf. arrêt 4A_23/2008 du 28 mars 2008 consid. 1.3).

Ainsi, la seconde condition alternative prévue par l'art. 93 al. 1 LTF n'est
pas non plus remplie, parce que l'on ne voit pas qu'une décision du Tribunal
fédéral conduise à éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Partant,
il n'est même pas nécessaire de se demander si, comme l'exige également l'art.
93 al. 1 let. b LTF, le Tribunal fédéral pourrait rendre lui-même immédiatement
une décision finale.

Le recours est irrecevable dans toute son étendue.

2.
Au demeurant, le recours au Tribunal fédéral, contrairement à ce que semblent
penser les parties recourantes, ne pourrait pas conduire à les mettre hors de
cause.
Savoir si la cour cantonale pouvait prendre en considération ce transfert de
propriété qui n'avait pas été constaté par le juge de première instance est une
pure question de procédure cantonale (art. 405 al. 1 CPC). Les parties
recourantes admettent que la cour le pouvait, parce qu'il s'agissait d'un fait
qui devait être établi d'office. Il n'y a pas lieu d'y revenir, car le Tribunal
fédéral ne peut pas entrer en matière sur une question de droit cantonal qui
n'a pas donné lieu à un grief formulé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF).

Lorsque, après la conclusion d'un contrat de bail, la propriété du bien
immobilier est transférée à autrui, le bail conclu avec le précédent
propriétaire passe de plein droit à l'acquéreur (art. 261 al. 1 CO), sous
réserve de son droit de résiliation prévu par l'art. 261 al. 2 CO. En
conséquence, l'acquéreur devient, dès l'inscription au registre foncier (avec
effet rétroactif au moment de l'inscription au journal: ATF 128 III 82 consid.
1b p. 84), à la fois le propriétaire de l'immeuble et le nouveau bailleur; il
succède au précédent bailleur dans la relation contractuelle par le seul effet
de la loi (ATF 128 III 82 consid. 1a p. 84; 127 III 273 consid. 4c/aa p. 277).

Ce transfert n'a cependant pas d'effet rétroactif et ne porte donc pas sur des
créances déjà échues à l'encontre du précédent bailleur (ATF 127 III 273
consid. 4c/aa p. 277 s.; HIGI, Zürcher Kommentar, n° 27 ad art. 261-261a CO;
LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, p. 687 s., ch. 4.1.6).

En l'espèce, le locataire demande au juge de fixer le loyer initial entre le
début du bail et le moment du transfert, puis de condamner ses parties
adverses, le cas échéant, à restituer le trop-perçu.

A supposer que la demande soit fondée, il est évident que les parties
recourantes, qui étaient bailleresses durant cette période et qui ont encaissé
les loyers qui s'y rapportent, restent seules tenues de restituer un éventuel
trop-perçu. Une telle obligation ne passe pas aux acquéreurs, qui n'ont pas
encaissé les loyers éventuellement indus. Les parties recourantes n'ont donc
pas perdu la légitimation passive et ne sauraient être mises hors de cause.

Les parties recourantes ne peuvent pas non plus éviter une mise en cause des
acquéreurs.

Ces derniers, qui n'ont pas résilié le bail (art. 261 al. 2 CO), sont liés,
après le transfert de propriété, par le même contrat que celui conclu avec les
précédents bailleurs; le loyer applicable est ainsi celui en vigueur au moment
de l'aliénation (cf. LACHAT, op. cit., p. 687), soit en l'occurrence le loyer
qui résultera de la procédure judiciaire en cours. Autrement dit, les
acquéreurs, pour la période de bail qui commence après le transfert de
propriété, sont directement concernés par l'issue de cette procédure.

Comme le juge établit les faits d'office - sous l'ancien droit: cf. art. 274d
al. 3 CO; sous le nouveau droit: cf. art. 243 al. 2 let. c et 247 al. 2 let. a
CPC -, on doit admettre qu'il dispose d'une grande latitude dans la conduite de
la procédure. Dans la situation d'espèce, on pourrait imaginer, en s'inspirant
de l'art. 261 al. 3 CC, qu'il avise les acquéreurs de la procédure en cours et
leur impartisse un délai pour intervenir. Cependant, pour éviter des
difficultés dans l'hypothèse où, suivant les cas de figure, les acquéreurs
auraient intérêt à s'abstenir de toute réaction, la jurisprudence a fait un pas
de plus et a admis qu'il résultait de l'art. 261 al. 1 CO que les acquéreurs
étaient substitués de plein droit aux précédents bailleurs dans les procès en
cours pour les droits et obligations résultant du contrat après le moment du
transfert (ATF 127 III 273 consid. 4c/aa p. 277; arrêt 4C.291/2006 du 28
novembre 2006 consid. 1.3). La doctrine a approuvé ce cas de substitution de
parties en vertu du droit fédéral (LACHAT, op. cit., p. 688 ch. 4.1.8 et les
auteurs cités). Les acquéreurs doivent donc être considérés comme parties en
cause pour ce qui concerne la fixation du loyer se rapportant à la période
postérieure au transfert de propriété.

Il est certes possible de se demander si la cour cantonale n'aurait pas pu
prendre elle-même les mesures nécessaires, plutôt que de renvoyer la cause au
juge de première instance. Il s'agit là d'une question de procédure cantonale
(art. 405 al. 1 CPC) que le Tribunal fédéral n'a pas à revoir d'office (art. 95
et 96 LTF). Quoi qu'il en soit, un détour procédural inutile a pour seul effet
d'allonger et de renchérir la procédure, ce qui - comme on l'a vu - ne donne
pas lieu à un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF,
ouvrant la voie à un recours immédiat au Tribunal fédéral.
On peut d'ailleurs comprendre que la cour cantonale ait choisi de renvoyer la
cause à l'autorité précédente puisque, le transfert étant déjà intervenu à
l'époque de la première instance, cette voie permet de rectifier le cours de
procédure.

3.
Le recours étant irrecevable, les frais judiciaires et les dépens sont mis
solidairement à la charge des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5,
art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis solidairement à la charge
des recourants.

3.
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimé une indemnité de
6'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des baux et loyers.

Lausanne, le 28 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet