Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.236/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_236/2012

Arrêt du 2 août 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________, représentée par Me Claudio Fedele,
recourante,

contre

1. Banque Y.________ SA, représentée par Me Emma Lombardini Ryan,
2. Caisse de chômage Z.________,
intimées.

Objet
contrat de travail; résiliation immédiate,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des
prud'hommes, du 8 mars 2012.

Faits:

A.
A.a Par contrat du 14 juin 2002, la banque W.________ SA, ayant son siège à
Genève, devenue par la suite la banque Y.________ SA (ci-après: Y.________ ou
la banque), a engagé X.________, domiciliée à ..., en qualité de collaboratrice
avec entrée en fonction le 1er septembre 2002. Après diverses promotions,
X.________ est devenue, le 1er avril 2007, responsable du département Special
Investor Group Personnel (SIGPE). Son salaire annuel était en dernier lieu -
selon les constatations cantonales - de 134'004 fr.; elle recevait par ailleurs
une indemnité de repas de 130 fr. par mois et une participation mensuelle de 90
fr. pour ses cotisations d'assurance maladie; chaque année, un bonus lui a été
versé, auquel s'ajoutaient des actions bloquées de l'employeur.

Selon les instructions édictées par la banque à l'intention de ses
collaborateurs, chaque employé est responsable de ses mots de passe donnant
accès au système informatique; avant de s'absenter de son poste de travail,
l'employé est tenu de se déconnecter, de manière à empêcher un tiers d'accéder
aux données qu'il gère.

A l'instar des autres services de Y.________ chargés d'administrer les comptes
de clients, les activités du département SIGPE étaient régies par le système
dit "des 4 yeux". Selon cette règle, lorsqu'une subordonnée de X.________
initiait une opération après avoir reçu des instructions données par le
titulaire d'un compte (dans les cas où le client n'initiait pas lui-même
l'opération dans le système), il appartenait dans un second temps à X.________
de valider la transaction, à tout le moins lorsque celle-ci portait sur une
somme supérieure à 20'000 fr.; ce système est destiné à empêcher un employé de
disposer seul des actifs appartenant à un titulaire de compte; il tend
également à prévenir des erreurs.

Les prescriptions de Y.________ prévoyaient encore une procédure particulière
de "call back" pour les transactions excédant 100'000 fr. Dans ce cas, un
collaborateur de la banque devait rappeler le donneur d'ordre pour s'assurer
qu'il était bien l'auteur des instructions communiquées.
Enfin, pour détecter d'éventuelles anomalies, X.________ devait vérifier
quotidiennement le journal des transactions enregistrées la veille par son
département, de même qu'elle devait contrôler le journal hebdomadaire publié
chaque lundi.
A.b Le 18 février 2010, une dispute s'est produite entre X.________ et deux de
ses subordonnées. Depuis lors, X.________ ne leur adressait plus la parole.

Informé de cet incident, le supérieur de X.________, A.________, s'est
entretenu avec elle, puis l'a reçue le 18 mars 2010 en compagnie de ses
subordonnées en vue de tenter de les concilier. X.________ s'est rapidement
emportée et A.________ a mis fin à la discussion.

Avisé de la situation par A.________, le supérieur de ce dernier, B.________, a
reçu X.________, puis, le vendredi 26 mars 2010, les trois subordonnées de
celle-ci. Ces dernières lui ont alors déclaré que X.________ leur avait
communiqué ses propres mots de passe informatiques, de manière à ce qu'elles
puissent elles-mêmes valider les transactions depuis son terminal durant ses
absences; les trois intéressées rappelaient également les clients de la banque
lorsque les ordres reçus requéraient la procédure de call back; de surcroît,
elles contrôlaient elles-mêmes le journal des transactions à la place de
X.________. Les collaboratrices se plaignaient par ailleurs d'avoir été
soumises à un mobbing de la part de la précitée.

B.________ a demandé à ces trois interlocutrices de confirmer par écrit leurs
déclarations, ce qu'elles ont fait dans un courrier électronique le premier
jour ouvrable suivant, soit le lundi 29 mars 2010 à 15 h.27. A la suite de
l'entretien, B.________ a également alerté le contrôle interne de la banque,
qui a effectué des contrôles pendant deux ou trois jours. Il a également saisi
de l'affaire le comité exécutif de Y.________, puis la directrice du service
des ressources humaines.
Le 1er avril 2010, veille du Vendredi Saint (qui est jour férié dans le canton
de Genève), la directrice du service des ressources humaines a saisi le service
juridique de la banque. Le même jour, X.________ est partie pour ses vacances
de Pâques, qu'elle avait été autorisée à prendre.

Dès son retour, le lundi 12 avril 2010 à 09h.15, B.________ a entendu
X.________, en compagnie de la directrice des ressources humaines et de la
directrice du service juridique. X.________ a reconnu qu'elle avait remis ses
mots de passe à ses trois assistantes et que la procédure des "4 yeux" n'était
pas respectée en ce sens que la même personne de son département initiait une
opération, avant de la valider elle-même; elle a également admis qu'elle ne
respectait pas systématiquement la procédure de call back; enfin, elle a
reconnu qu'elle avait confié la vérification du journal des transactions à ses
subordonnées.

Après s'être entretenus encore avec des responsables du service juridique,
B.________ et la directrice des ressources humaines ont licencié X.________, à
13 h.30, avec effet immédiat, en lui remettant un courrier qui confirmait cette
décision.

Son salaire, avec le solde de vacances, lui a été payé jusqu'au 12 avril 2010.

B.
Le 23 septembre 2010, X.________ a ouvert action devant les autorités
genevoises contre Y.________, lui réclamant le paiement de son salaire jusqu'au
30 juin 2010 (26'800 fr.80) auquel s'ajoutaient sa part du treizième salaire
courant jusqu'à cette date (2'233 fr.40), les pertes subies sur une réduction
de ses intérêts hypothécaires (1'191 fr.65), ainsi que sur les contributions de
l'employeur aux primes d'assurance maladie et aux frais de repas et de boissons
(568 fr.), un solde de vacances (8'506 fr.30), enfin la contre-valeur des
actions bloquées (12'000 fr.); elle a également réclamé une indemnité nette de
six mois de salaire pour licenciement immédiat injustifié (61'848 fr.), ainsi
que la délivrance d'un certificat de travail sans mention des motifs de la
résiliation. Elle a soutenu qu'elle avait agi par souci d'efficacité, qu'aucun
préjudice n'avait été causé et que les fautes qui lui étaient reprochées ne
justifiaient pas un licenciement immédiat.

La banque s'est opposée à la demande en totalité.

La Caisse de chômage Z.________ est intervenue à la procédure en tant que
créancière subrogée à concurrence de 6'507 fr.25 avec intérêts, somme
correspondant aux indemnités versées pour la période du 16 avril au 30 juin
2010.

Par jugement du 31 mai 2011, le Tribunal des prud'hommes a rejeté la demande,
considérant que le licenciement immédiat était justifié, car X.________ avait
gravement violé ses obligations contractuelles et son devoir de fidélité
pendant environ trois ans.
Saisie d'un appel de X.________ qui reprenait l'intégralité de ses conclusions,
la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice genevoise, a confirmé le
jugement attaqué par arrêt du 8 mars 2012.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt précité. Invoquant l'art. 337 CO, elle soutient que les faits ne
justifieraient pas un congé immédiat et que l'employeur aurait tardé à
prononcer le licenciement. Elle conclut ainsi à l'annulation de la décision
attaquée et reprend ses conclusions sur le fond. Subsidiairement, elle demande
le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

L'intimée propose le rejet du recours.

Les parties ont répliqué et dupliqué.

La Caisse de chômage intervenante n'a pas participé à la procédure fédérale.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement (et
en remise d'un certificat de travail modifié) et qui a donc qualité pour
recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu
en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur
recours en dernière instance cantonale (art. 75 LTF) dans une affaire
pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en
droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours est recevable,
puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42
LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc être formé pour violation du
droit fédéral (art. 95 let. a LTF), en particulier des dispositions du code des
obligations relatives au contrat de travail.

Le Tribunal fédéral applique d'office le droit dont il peut contrôler le
respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par les arguments soulevés
dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il
peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été
invoqués ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 4 p. 317
s.; 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Compte tenu de l'exigence de
motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité
(art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les
griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580 consid. 1.3 p.
584). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, le
Tribunal fédéral ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit
constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal
que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine). .

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte -
notion qui correspond à celle d'arbitraire telle que l'entend l'art. 9 Cst. (
ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui veut s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136
I 184 consid. 1.2 p. 187). En l'espèce, il faut constater que la recourante ne
se prévaut avec précision d'aucune des circonstances prévues par l'art. 105 al.
2 LTF; en conséquence, dans la mesure où elle présenterait des faits qui ne
sont pas contenus dans la décision attaquée, il n'y a pas lieu d'en tenir
compte.

1.4 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
2.1 Il est constant que les parties sont convenues que la recourante fournirait
son travail à l'intimée, laquelle s'engageait en échange à la rémunérer. Il
n'est pas douteux que les parties ont conclu un contrat individuel de travail
au sens de l'art. 319 al. 1 CO.

L'employeur a résilié le contrat en invoquant l'art. 337 al. 1 CO, qui instaure
le congé immédiat pour justes motifs.

Le point de savoir si les conditions d'application de cette disposition sont
réunies en l'espèce constitue la seule question litigieuse.

2.2 Selon l'art. 337 al. 1, 1ère phrase, CO, l'employeur et le travailleur
peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs.
Doivent notamment être considérées comme telles toutes les circonstances qui,
selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a
donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être
admise de manière restrictive; d'après la jurisprudence, les faits invoqués à
l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de
confiance qui constitue le fondement du contrat de travail; seul un manquement
particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le
manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que
s'il a été répété malgré un avertissement; par manquement du travailleur, on
entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de
travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation
immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31 et les arrêts cités).

Le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison
du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction
dans l'entreprise (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31 et l'arrêt cité). Le
contenu de l'activité confiée, en particulier dans le domaine bancaire, peut
aussi impliquer un rapport de confiance particulièrement solide entre
l'employeur et le travailleur (cf. arrêt 4A_569/2010 du 14 février 2011 consid.
2.1, in JdT 2012 II 211).
En vertu de l'art. 321d al. 2 CO, le travailleur a l'obligation de suivre les
instructions particulières qui lui ont été données par son employeur. La
désobéissance à un ordre - pour autant que celui-ci reste dans les limites du
contrat - peut constituer un juste motif de résiliation immédiate lorsque
l'injonction ou la prescription concerne des intérêts importants de
l'employeur; dans un tel cas, suivant les intérêts en jeu, la résiliation
immédiate est justifiée, même sans avertissement préalable (arrêt 4A_152/2011
du 6 juin 2011 consid. 2.3.1, in JdT 2012 II 212).
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il
applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il
prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la
position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports
contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements. Le Tribunal
fédéral revoit avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance
cantonale; il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles
établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation,
ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer aucun rôle, ou à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments
qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre
les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles
aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (
ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 129 III 380 consid. 2 p. 382; 127 III 351
consid. 4a p. 354)

2.3 In casu, il ressort des constatations cantonales - qui lient le Tribunal
fédéral (art. 105 al. 1 LTF) - que la recourante avait connaissance des
instructions données par l'employeur sur la manière d'accomplir le travail.
Elle avait donc l'obligation contractuelle de suivre les directives données
(art. 321d al. 1 CO). Elle n'avait pas compétence pour décider, à la place de
l'employeur, de la manière dont le travail devait être exécuté. En particulier,
elle ne pouvait pas décider de supprimer les mesures de précaution voulues par
l'employeur sous le prétexte que le travail pourrait être exécuté plus
facilement ou plus rapidement.
Les instructions données touchaient des intérêts majeurs de l'entreprise. Il
s'agissait en effet d'éviter des erreurs et surtout qu'un employé indélicat
puisse détourner des fonds. L'importance de la procédure mise en place ne
pouvait échapper à la recourante.

A cela s'ajoute que la recourante assumait une fonction de cadre et qu'il
s'agissait d'assurer la fiabilité d'opérations financières, de sorte que
l'employeur pouvait attendre de la recourante qu'elle respecte fidèlement les
procédures prescrites.
En donnant pour instructions à ses subordonnées de valider elles-mêmes, grâce
aux codes d'accès qu'elle leur avait donnés, les opérations qu'elles
initiaient, la recourante a mis à néant le système de sécurité conçu par
l'employeur afin d'éviter qu'une employée indélicate ne puisse détourner seule
les fonds d'un client. Il s'agit là d'un manquement caractérisé à une
obligation essentielle imposée par l'employeur; les faits sont d'autant plus
graves qu'ils se sont produits de manière répétée pendant environ trois ans.

A cela s'ajoute que la recourante - à l'insu de l'employeur - a fait preuve de
la plus grande désinvolture à l'égard des autres instructions données. Qu'un
cadre donne ses codes informatiques à un subordonné ne peut qu'inciter celui-ci
à penser qu'il s'agit d'un acte banal et qu'il peut également procéder de la
même façon à l'égard d'un autre employé. La sécurité des données informatiques
est donc sérieusement mise en péril. Par ailleurs, il a été établi que la
recourante ne respectait pas la procédure de "call back" et qu'elle ne
contrôlait pas - comme elle le devait - le journal des opérations. Lors de
l'audition des témoins, il est apparu qu'elle dissimulait également ses
absences, ce qui est également de nature à susciter la méfiance de l'employeur.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, on peut comprendre que l'employeur ait
perdu toute confiance en la recourante et qu'il n'ait pas pu tolérer plus
longtemps sa présence dans la banque.

Il faut encore rappeler qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait de justes
motifs permettant un licenciement immédiat, que l'employeur ait effectivement
subi un préjudice (ATF 124 III 25 consid. 3b p. 29; cf. également: arrêt 4A_152
/2011 du 6 juin 2011 déjà cité, consid. 2.3.1). Peu importe également que
d'autres personnes aient par ailleurs, avant ou après, commis des violations de
leurs obligations contractuelles.

Ainsi, les deux juridictions cantonales successives n'ont pas abusé de leur
pouvoir d'appréciation en admettant qu'il y avait en l'occurrence de justes
motifs pour un congé abrupt.

2.4 La recourante soutient que l'employeur a tardé à prononcer le licenciement
immédiat, de sorte qu'il serait déchu du droit de le faire.
L'art. 337 CO ne fixe aucun délai pour communiquer une résiliation immédiate.
Toutefois, pour que l'on puisse admettre que la continuation du rapport de
travail était devenue insupportable, il faut non seulement que l'analyse
objective des circonstances aboutisse à cette conclusion, mais encore que l'on
puisse constater, d'un point de vue subjectif, que la situation était
effectivement devenue insupportable (cf. arrêt 4A_569/2010 du 14 février 2010
déjà cité, consid. 2.1). Or, si l'employeur tolère en connaissance de cause la
présence de l'employé dans l'entreprise pendant un certain temps encore, on
doit en déduire que la continuation du rapport de travail ne lui est pas
devenue à ce point insupportable qu'il ne puisse pas attendre l'expiration
ordinaire du contrat.
Ainsi, la jurisprudence considère que la partie qui résilie un contrat de
travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de
réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations; un délai de deux à
trois jours ouvrables de réflexion est présumé approprié; un délai
supplémentaire n'est accordé à celui qui entend résilier le contrat que lorsque
les circonstances particulières du cas concret exigent d'admettre une exception
à la règle (ATF 130 III 28 consid. 4.4 p. 34).

Il faut cependant aussi tenir compte du temps nécessaire pour élucider les
faits, étant toutefois précisé que l'employeur doit prendre immédiatement et
sans discontinuer toutes les mesures nécessaires pour clarifier la situation
(arrêt 4C.188/2006 du 25 septembre 2006 consid. 2). Suivant les circonstances,
il peut être d'ailleurs justifié de mener les investigations en secret (arrêt
4A_169/2007 du 20 août 2007 consid. 3.2). Le délai de réflexion de trois jours
ouvrables est considéré comme sévère et il peut être étendu en fonction d'une
appréciation des circonstances concrètes; ainsi, il a été jugé qu'un délai
d'une semaine était approprié s'il était nécessaire de recueillir l'approbation
des organes d'une personne morale (arrêt 4A_454/2007 du 5 février 2008 consid.
2.4 et les références citées).

2.5 Dans le cas présent, le représentant de l'employeur devait accueillir avec
circonspection les déclarations des trois collaboratrices, puisque celles-ci
intervenaient dans le contexte d'un conflit personnel aigu. Il était légitime
qu'il s'efforce, dans un premier temps, de contrôler la véracité de ces
assertions. Il a donc simultanément ordonné un contrôle interne et demandé aux
trois collaboratrices d'assumer par écrit leurs accusations. Il a reçu les
déclarations écrites dans l'après-midi du jour ouvrable suivant, soit le lundi
29 mars 2010.

On peut admettre que les faits n'ont pas été établis de façon suffisante avant
la fin de la journée du lundi 29 mars 2010. Il faut par ailleurs tenir compte
de la procédure relativement complexe qui existe au sein d'une grande
entreprise (cf. arrêt 4A_454/2007 du 5 février 2008 consid. 2.4). Ainsi, le
représentant de l'employeur a saisi le comité exécutif de la banque et la
directrice des ressources humaines; ensuite le service juridique de la banque a
été informé de l'affaire. Les nécessités de la procédure interne justifient de
considérer comme légitime un délai de réflexion, afin d'investigation, d'au
moins trois jours ouvrables. Si l'on ajoute trois jours pleins après le 29 mars
2010, on constate que le licenciement pouvait intervenir au plus tôt le jeudi
1er avril 2010. Il s'agissait de la veille du week-end de Pâques et on sait
d'expérience qu'il est difficile de réunir plusieurs personnes ce jour-là. La
cour cantonale a elle-même retenu - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral -
que la recourante est partie pour ses vacances de Pâques ce même jour. On ne
saurait donc, sans tomber dans une analyse trop formaliste des circonstances
concrètes, reprocher à la banque de ne pas avoir tenu une séance de
licenciement ce jour-là.

La jurisprudence rappelée ci-dessus a toujours indiqué qu'elle comptait le
délai de réflexion en jours ouvrables. Or, les jours du week-end de Pâques
pendant lesquels la banque était fermée ne peuvent évidemment pas être
considérés comme des jours ouvrables et ne comptent pas. Ensuite, la recourante
était en vacances jusqu'au lundi 12 avril 2010. Pendant ce délai
supplémentaire, on ne saurait dire que l'employeur a montré, par des actes,
qu'il pouvait encore tolérer la présence de l'employée dans l'entreprise,
puisque, précisément, celle-ci n'était pas présente.

Le lundi 12 avril 2010, une séance a eu lieu, dès 09h.15, afin d'entendre pour
la première fois la version de la recourante. Dès lors que celle-ci a reconnu
les faits qui lui étaient reprochés, il a été décidé, après d'ultimes
consultations, de lui notifier son licenciement immédiat oralement et par
écrit, ce qui fut fait à 13h.30.

Il sied d'admettre que l'employeur a agi avec la célérité requise aussi bien
pour établir les faits que pour prendre sa décision et la notifier. On ne peut
en tout cas pas déduire de son attitude qu'il était prêt à poursuivre la
relation de travail nonobstant les faits dénoncés. La recourante reproche à
l'employeur d'avoir attendu son retour de vacances. Il était cependant légitime
qu'il souhaite entendre sa version des faits avant de prendre sa décision
définitive. La recourante ne peut d'ailleurs, sans violer le principe de la
bonne foi, se plaindre de ce que l'employeur lui ait donné l'occasion de se
défendre contre les reproches qui lui étaient adressés.

Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant que les
conditions étaient remplies pour une résiliation immédiate du contrat de
travail.

2.6 La recourante a repris ses conclusions sur le fond pour le cas où le
Tribunal fédéral admettrait qu'il n'y avait pas lieu à congé immédiat. Dès lors
que la conclusion est inverse, il n'y a plus de raison de se pencher sur ses
diverses prétentions. Au demeurant, la recourante n'explique pas d'une manière
conforme aux exigences de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF pourquoi le rejet de l'une
ou l'autre de ces conclusions aurait violé le droit fédéral sur la base de
l'état de fait retenu dans l'arrêt attaqué.

Le recours doit être rejeté.

3.
Les frais judiciaires, fixés en tenant compte du fait que la valeur litigieuse
dépasse le seuil de 30'000 fr. (art. 65 al. 4 let. c LTF), et les dépens sont
mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre des prud'hommes.

Lausanne, le 2 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet