Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.186/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_186/2012

Arrêt du 19 juin 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes les juges Klett, présidente, Rottenberg Liatowitsch et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Olivier Carrel,
demandeur et recourant,

contre

Z.________ SA,
représentée par Me Jean-Yves Hauser,
défenderesse et intimée.

Objet
procédure civile; avance de frais

recours contre l'arrêt rendu le 12 mars 2012 par la Cour de modération du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Considérant en fait et en droit:

1.
Le 21 décembre 2011, X.________ a ouvert action en libération de dette contre
Z.________ SA, laquelle exerce contre lui une poursuite au montant de 1'502'429
fr.70, devant le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine.
Par décision du 10 janvier 2012, le Président du Tribunal civil a invité le
demandeur à effectuer le versement de 25'000 fr. à titre d'avance des frais
judiciaires présumés, dans un délai échéant le 13 février 2012.
Le demandeur ayant recouru contre cette décision, la Cour de modération du
Tribunal cantonal a statué le 12 mars 2012. Elle a rejeté le recours, dans la
mesure où celui-ci était recevable.

2.
Agissant principalement par la voie du recours en matière civile et
subsidiairement par celle du recours constitutionnel, le demandeur requiert le
Tribunal fédéral de réduire le montant de l'avance de frais à 5'000 francs.
La défenderesse conclut principalement à l'irrecevabilité des recours et
subsidiairement à leur rejet.

3.
En l'état de la cause, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions
de la demande, tant devant le Tribunal civil (art. 91 al. 1 CPC) que devant le
Tribunal fédéral (art. 51 al. 1 let. c LTF); d'après la décision présentement
attaquée, elle correspond au montant de la poursuite.
A raison de cette valeur (art. 74 al. 1 let. b LTF) et de la nature de la
contestation portée devant le Tribunal civil (art. 72 al. 1 LTF), le recours en
matière civile est en principe recevable; le recours constitutionnel,
subsidiaire (art. 113 LTF), est donc d'emblée exclu.

4.
La décision du 10 janvier 2012 n'a pas mis fin à l'instance introduite devant
le Tribunal civil; il s'agit au contraire d'une décision incidente assujettie à
l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 327/328; 134 I 83 consid.
3.1 p. 86/87). La recevabilité du recours suppose que cette décision soit de
nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a
LTF. Selon la jurisprudence relative à l'art. 45 aPA, qui doit être ici
transposée, une décision incidente par laquelle une avance de frais est exigée
afin de garantir le paiement des frais de justice présumés, avec
l'avertissement qu'à défaut le recours sera déclaré irrecevable, est
susceptible de causer un préjudice irréparable (ATF 128 V 199 consid. 2 p. 201;
133 V 402 consid. 1.2 p. 403). Le recours en matière civile est donc recevable
au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.

5.
La décision du 10 janvier 2012 est fondée sur l'art. 98 CPC, selon lequel le
tribunal peut exiger de la partie demanderesse une avance à concurrence de la
totalité des frais judiciaires présumés.
En règle générale, selon l'art. 104 al. 1 CPC, le montant des frais judiciaires
est arrêté définitivement dans la décision finale, d'après le tarif cantonal
prévu par l'art. 96 CPC. Au moment de réclamer une avance conformément à l'art.
98 CPC, le juge doit donc évaluer les frais présumables en tenant compte du
tarif (Richard Kuster, in Schweizerische Zivilprozessordnung, Baker & McKenzie,
éd., 2010, n° 6 ad art. 98 CPC).
Aux termes de l'art. 20 al. 1 et 2 du règlement fribourgeois sur la justice
(RJ), du 30 novembre 2010, le Tribunal civil perçoit un émolument de 100 à
50'000 fr. (al. 1); en cas de difficultés spéciales, ou si la valeur litigieuse
est supérieure à 250'000 fr., cet émolument peut être augmenté jusqu'au double
du maximum prévu (al. 2). La Cour de modération déduit de ces dispositions
qu'en l'espèce, compte tenu de la valeur litigieuse, l'émolument pourrait
atteindre 100'000 fr., de sorte que le versement de 25'000 fr. exigé à titre
d'avance s'inscrit dans les limites du tarif. Ce point est incontesté.

6.
Le demandeur fait valoir que l'art. 98 CPC n'impose pas au tribunal de
percevoir une avance de frais et qu'il lui confère au contraire un pouvoir
d'appréciation, celui-ci portant aussi bien sur le principe d'une avance que
sur son montant. Il reproche aux autorités précédentes de n'avoir pas
correctement exercé ce pouvoir d'appréciation et d'avoir, en particulier,
surestimé la complexité et les difficultés de la cause. Il explique pourquoi, à
son avis, la constatation des faits ne nécessitera qu'une procédure probatoire
très réduite, et il fait aussi valoir que deux contestations similaires, entre
lui et la défenderesse, sont déjà pendantes devant le Tribunal civil. Il
reproche aussi aux autorités précédentes de n'avoir pas pris en considération
sa situation pécuniaire prétendument modeste.
Selon l'art. 11 al. 2 RJ, lorsque le tarif prévoit un émolument global
variable, le montant en est arrêté par le juge saisi, eu égard notamment à la
valeur litigieuse, à la complexité de la procédure et à la situation économique
de la partie amenée à payer les frais.
Le demandeur ne mentionne pas cette disposition de droit cantonal et au regard
de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'appartient pas à la cour de céans d'examiner
d'office si les autorités précédentes l'ont éventuellement appliquée d'une
manière incompatible avec l'art. 9 Cst. Au demeurant, rapporté au maximum de
100'000 fr. admissible selon le tarif, le montant de 25'000 fr. semble
approprié tant à une valeur litigieuse très élevée qu'à une contestation
exempte de difficultés particulières et à un assujetti qui n'est pas
spécialement aisé.

7.
Indépendamment du tarif cantonal, les règles concernant l'assistance judiciaire
garantissent que chacun puisse accéder à la justice même si ses ressources ne
lui permettent pas d'assumer les coûts d'un procès, pour autant que la cause ne
paraisse pas dépourvue de toute chance de succès (art. 29 al. 3 Cst.; art. 117
à 122 CPC). L'assistance judiciaire comprend notamment l'exonération des frais
judiciaires et de leur avance (art. 118 al. 1 let. a et b CPC). Elle est totale
ou partielle (art. 118 al. 2 CPC); dans cette seconde hypothèse, le plaideur
n'est exonéré que de la part des frais et avances dépassant ce que ses
ressources lui permettent d'affecter au procès (Denis Tappy, in Code de
procédure civile commenté, 2011, n° 25 ad art. 118; Frank Emmel, in Kommentar
zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Thomas Sutter-Somm et al., éd., 2010,
n° 13 ad art. 118 CPC; Roland Köchli, in Schweizerische Zivilprozessordnung,
Baker & McKenzie, n° 10 ad art. 118 CPC).
Sous réserve des dispenses de frais que les cantons peuvent prévoir soit dans
le cadre de leur tarif, soit sur la base de l'art. 116 al. 1 CPC, les
dispositions sur l'assistance judiciaire règlent exhaustivement l'exonération
totale ou partielle de l'avance des frais par suite d'une situation économique
défavorable de la partie assujettie. En dépit d'une opinion exprimée par le
Conseil fédéral dans son Message relatif au code de procédure civile suisse (FF
2006 p. 6905/6906), fondée sur des considérations d'équité, partagée par
certains auteurs (notamment Benedikt Suter et Cristina von Holzen, in Kommentar
zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Thomas Sutter-Somm et al., n° 10 ad
art. 98 CPC; Viktor Rüegg, in Commentaire bâlois, n° 2 ad art. 98 CPC) et
avancée à l'appui du recours, l'art. 98 CPC n'autorise pas la partie
demanderesse à exiger une réduction de l'avance alors que les conditions dont
dépendent l'assistance judiciaire, relatives aux ressources insuffisantes de
cette partie (art. 118 let. a CPC) et aux chances de succès de la demande (art.
118 let. b CPC), ne sont pas satisfaites (Kuster, op. cit., n° 6 ad art. 98
CPC).
En particulier, l'équité ne justifie pas qu'un plaideur - même peu fortuné -
obtienne une réduction de l'avance alors que sa demande en justice n'offre
peut-être aucune chance de succès. Or, il n'incombe pas au juge de l'avance de
frais d'évaluer les chances de succès de la demande (Francesco Trezzini, in
Commentario al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2011, p. 395/
396). Même au regard des principes de la célérité et de l'économie de la
procédure, il est raisonnablement exigible de la partie demanderesse qu'elle
introduise une requête d'assistance judiciaire, avec les justificatifs à
produire selon l'art. 119 al. 2 CPC, lorsqu'elle revendique une dispense ou une
réduction de l'avance de frais.
Dans la présente affaire, le demandeur ne sollicite pas l'assistance judiciaire
et il reconnaît textuellement, dans son mémoire de recours, que sa situation
financière ne lui permet « juste pas » d'y prétendre. Il lui incombe donc de
verser l'avance de frais exigée en application de l'art. 98 CPC et évaluée
d'après le tarif cantonal.

8.
Le recours en matière civile se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son
rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à
percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut
prétendre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel est irrecevable.

2.
Le recours en matière civile est rejeté.

3.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.

4.
Le demandeur versera une indemnité de 2'500 fr. à la défenderesse, à titre de
dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Fribourg.

Lausanne, le 19 juin 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin