Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.172/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_172/2012, 4A_174/2012

Arrêt du 22 août 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
4A_172/2012
X.________, représenté par Me Freddy Rumo, avocat,
recourant,

contre

Y.________,
représenté par Me Jean-Marie Röthlisberger, avocat,
intimé,

et

4A_174/2012
Y.________, représenté par Me Jean-Marie Röthlisberger, avocat,
recourant,

contre

X.________, représenté par Me Freddy Rumo, avocat,
intimé.

Objet
contrat de travail; heures supplémentaires; gratifications,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Faits:

A.
A.a Entre le 1er octobre 1998 et le 31 décembre 2007, Y.________ a travaillé
comme ouvrier, puis chef d'atelier au service de X.________, lequel exploitait
en raison individuelle une entreprise de sertissage dans le canton de
Neuchâtel. Le contrat conclu le 30 octobre 1998 prévoyait notamment la
réglementation suivante: un salaire mensuel brut de 3'600 fr., payable 13 fois
l'an; un horaire de travail de 40 heures par semaine, à raison de 8 heures
quotidiennes; l'obligation pour l'employé, en cas de besoin, d'accomplir les
heures supplémentaires nécessaires à la bonne marche de l'entreprise.

En septembre 2002, Y.________ a été promu chef d'atelier; ce changement de
statut n'a fait l'objet d'aucune convention écrite. La nouvelle fonction
impliquait de donner des instructions aux sertisseurs et de les surveiller, de
préparer leur travail et de gérer les commandes. Du point de vue de
l'organisation du temps de travail, le chef d'atelier devait arriver un peu
avant les ouvriers le matin et rester un peu après leur départ en fin de
journée.
A.b En 2006, l'employeur a soupçonné Y.________ de travailler parallèlement
pour le compte d'un concurrent. Une procédure pénale a été ouverte contre
diverses personnes, Y.________ étant pour sa part accusé de faux témoignage. Il
a été libéré de cette charge par jugement pénal du 17 février 2009, au motif
qu'il avait été auditionné à tort en qualité de témoin. Il est toutefois
établi, nonobstant les dénégations du prénommé, qu'il a travaillé le soir dans
une autre entreprise de sertissage pendant deux mois et demi environ, à la fin
de l'année 2005 et aux alentours de la Foire de Bâle 2006. Le nombre d'heures
accomplies et la rémunération touchée n'ont pas pu être déterminés.

Le 9 octobre 2007, l'employé a résilié le contrat le liant à X.________ dans le
délai contractuel, soit pour le 31 décembre 2007. Dans un courrier du 21 mai
2008, l'employé a fait valoir des prétentions de 60'821 fr. à titre d'heures
supplémentaires et de 42'000 fr. à titre de gratifications 2006 et 2007.
A.c En sus de l'horaire contractuel de 40 heures hebdomadaires, l'employé a
effectué des heures supplémentaires. Celles-ci ont été rémunérées
trimestriellement, dès l'engagement de l'employé jusqu'au mois d'avril 2003.
Depuis lors, Y.________ n'a plus touché de rétribution pour ses heures
supplémentaires et n'a pas pu prendre de congé compensatoire. Au préalable,
l'employeur avait fait une communication sur les heures supplémentaires des
employés dotés de responsabilité (cf. au surplus infra, consid. 6.3).
Y.________ a continué à consigner au jour le jour ses heures supplémentaires,
sans les communiquer à son employeur. Il a cessé de tenir un tel décompte
lorsqu'une timbreuse a été installée dans l'entreprise en décembre 2006.
L'employé a par ailleurs touché des gratifications bisannuelles dès son entrée
en service jusqu'en 2005; il n'a ensuite plus rien obtenu. L'employeur a
expliqué qu'il avait supprimé cette prestation après avoir appris que son
employé travaillait pour un tiers. En 2009, pour la première fois, aucune
gratification n'a été versée dans l'entreprise en raison de la conjoncture
économique.

Au cours des relations contractuelles, Y.________ a touché les salaires et
gratifications suivantes:

année salaire mensuel gratification (juillet + décembre)
1998 3'600 500
1999 4'000 2'500 (1000 + 1'500)
2000 4'200 (selon certificat 3'000 (1'000 + 2'000)
du mois de juillet)
4'400 (selon certif. décembre)
2001 4'700 6'000 (2'000 + 4'000)
2002 5'000 (selon certif. juillet) 10'000 (4'000 + 6'000)
5'500 (selon certif. déc.)
2003 5'600 10'000 (4'000 + 6'000)
2004 5'625 13'000 (5'000 + 8'000)
2005 5'725 18'000 (8'000 + 10'000)
2006 5'785 -
2007 5'885 -

B.
B.a Le 10 juillet 2008, l'employé a ouvert action contre l'employeur devant
l'une des Cours civiles du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Dans ses
dernières conclusions, il requérait le paiement des sommes de 57'019 fr. 15
brut pour ses heures supplémentaires et de 42'000 fr. à titre de gratification
pour les années 2006 et 2007, ainsi que la délivrance d'un certificat de
travail. L'employeur a conclu au rejet de la demande, subsidiairement à la
constatation de la compensation entre l'éventuelle créance du demandeur et
celle du défendeur.

Par jugement du 15 avril 2011, la Juge instructeur de la Ire Cour civile a
condamné l'employeur à établir un certificat de travail dans le sens des
considérants (chiffre 2 du dispositif) et à payer la somme brute de 40'635 fr.
65 (chiffre 1 du dispositif), soit 36'000 fr. à titre de gratification pour les
années 2006 et 2007 et 4'635 fr. 65 à titre d'heures supplémentaires effectuées
entre avril et juin 2003.
B.b Les deux parties ont contesté cette décision devant la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal. L'employeur a conclu à l'annulation du chiffre 1 du
dispositif du jugement, qui le condamnait à payer 40'635 fr. 65. Quant à
l'employé, il a requis la confirmation de cette condamnation, ainsi que le
paiement de 57'019 fr. 15 à titre d'heures supplémentaires.

Par arrêt du 22 février 2012, le Tribunal cantonal a partiellement admis les
deux appels et réformé le jugement en ce sens que l'employeur doit verser à
l'employé non pas 40'635 f. 65, mais 52'592 fr., soit 16'000 fr. à titre de
gratification pour les années 2006 et 2007 et 36'592 fr. pour les heures
supplémentaires effectuées entre avril 2003 et décembre 2006.

C.
Tant l'employeur que l'employé exercent un recours en matière civile devant le
Tribunal fédéral.

L'employeur conclut au rejet de l'action intentée par l'employé et à la
constatation de la compensation entre l'éventuelle créance du demandeur et
celle du défendeur.

L'employé requiert l'annulation de l'arrêt et la condamnation de l'employeur au
paiement de 57'019 fr. 15 à titre d'heures supplémentaires et de 42'000 fr. à
titre de gratification pour les années 2006 (20'000 fr.) et 2007 (22'000 fr.).

Chaque recourant conclut par ailleurs au rejet du recours formé par la partie
adverse. L'autorité précédente renonce à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Vu la connexité évidente des deux recours, il se justifie de joindre les
procédures. Plutôt que de traiter les recours l'un à la suite de l'autre, les
différentes questions qu'ils posent seront abordées successivement en tenant
compte, pour chacune, des griefs soulevés par l'une et l'autre partie.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours.

2.1 Les deux recours visent une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière
civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance
statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur
litigieuse excède manifestement le seuil de 15'000 fr. requis dans les causes
de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Déposés dans le délai (art. 100
al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, ils sont recevables sur
le principe.

2.2 A teneur de l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable.
Sont ainsi prohibées les conclusions augmentées, en particulier celles portant
sur un montant plus élevé que celui demandé devant l'autorité précédente.

Telles qu'elles ont été formulées, les conclusions des parties reviennent à
supprimer l'obligation de délivrer un certificat de travail. De telles
conclusions sont irrecevables dès lors qu'elles visent un point qui n'était
plus litigieux devant la cour d'appel cantonale. Elles sont au demeurant
dépourvues de motivation et paraissent être le fruit d'une inadvertance des
parties.

L'employé a par ailleurs augmenté ses conclusions pécuniaires de 1'364 fr. 35.
En effet, alors qu'il demandait auparavant la somme totale de 97'654 fr. 80
(57'019 fr. 15 en sus des 40'635 fr. 65 obtenus en première instance), il
requiert désormais 99'019 fr. 15 (57'019 fr. 15 + 42'000 fr.). Un tel
accroissement est irrecevable.

3.
3.1 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a
LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office (art. 106 al. 1 LTF),
hormis les droits fondamentaux. Pour ceux-ci - notamment la prohibition de
l'arbitraire consacrée à l'art. 9 Cst. - prévaut le principe de l'allégation,
en ce sens que le recourant doit expressément soulever le grief et exposer de
manière claire et circonstanciée, si possible documentée, en quoi consiste la
violation du droit constitutionnel invoqué (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II
244 consid. 2.2; 133 II 249 consid. 1.4.2).

3.2 Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement
juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF),
sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui
correspond à celle d'arbitraire (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234) - ou en
violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Le
recourant qui entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les exceptions
précitées sont réalisées; à défaut, il ne peut être tenu compte d'un état de
fait divergent de celui de la décision attaquée (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 133
IV 286 consid. 6.2). En particulier, l'autorité de céans n'entre pas en matière
sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur
l'appréciation des preuves (ATF 137 II 353 consid. 5.1).
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas à tenir compte des résumés des faits
présentés par l'une et l'autre partie en préambule de leurs griefs.

4.
Les deux parties soulèvent une série de griefs à propos des heures
supplémentaires.

4.1 A teneur de l'art. 321c al. 3 CO, l'employeur est tenu de rétribuer les
heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en
versant le salaire normal majoré d'un quart au moins, sauf clause contraire
d'un accord écrit, d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective.

Constituent des heures supplémentaires, au sens de l'art. 321c CO, les heures
accomplies au-delà du temps de travail prévu par le contrat ou l'usage, par un
contrat-type ou une convention collective (cf. art. 321c al. 1 CO; ATF 116 II
69 consid. 4a).

4.2 La cour d'appel a retenu que l'employé avait accompli les heures
supplémentaires suivantes entre avril 2003 et décembre 2006:
2003: 347 heures;
2004: 321,5 heures;
2005: 194,5 heures;
2006: 181 heures.
La cour s'est fondée sur un horaire contractuel de 40 heures par semaine, ou
173,6 heures par mois, comme cela ressort implicitement du calcul qu'elle a
effectué pour déterminer le salaire horaire applicable à la rémunération de ces
heures supplémentaires (arrêt p. 20; cf. au surplus infra, consid. 7.2).
4.3
4.3.1 L'employeur reproche à la cour d'appel d'avoir méconnu le fait qu'en
avril 2003, les parties avaient conclu un nouveau contrat modifiant l'horaire
de travail de l'employé, en ce sens que ledit horaire intégrait la vingtaine ou
quarantaine de minutes supplémentaires quotidiennes inhérentes à la fonction de
chef d'atelier. Il fait observer qu'au moment de l'introduction de la
timbreuse, un temps de travail normal de 8 h 50 a été attribué à l'employé.
Cette modification de l'horaire aurait été compensée par un supplément de
salaire proportionnel de 500 fr. et par une augmentation de la gratification
plus substantielle que par le passé. Au demeurant, la position de cadre de
l'employé exclurait la notion même d'heures supplémentaires.
4.3.2 La jurisprudence admet qu'à défaut d'une réglementation expresse du temps
de travail, les cadres supérieurs ne peuvent prétendre à une indemnisation des
heures supplémentaires effectuées que lorsqu'ils se voient confier des tâches
excédant leur cahier des charges, ou lorsque l'ensemble du personnel a dû
fournir un nombre conséquent d'heures supplémentaires pendant une certaine
durée. Cela étant, l'art. 321c CO s'applique aussi aux cadres supérieurs dans
la mesure où leur horaire a été expressément défini par le contrat (ATF 129 III
171 consid. 2.1 p. 173).

Outre que la qualification de cadre dirigeant (cf. ATF 126 III 337 consid. 5)
ne paraît pas pouvoir être retenue en l'espèce, l'employeur soutient
précisément que le temps de travail de l'employé en tant que chef d'atelier
était réglementé, de sorte qu'il pouvait prétendre à une rétribution pour les
heures accomplies en sus.
4.3.3 L'arrêt attaqué ne constate pas que les parties auraient eu la réelle et
commune volonté d'augmenter l'horaire de travail. L'existence d'un tel accord
est une question de fait (cf. par ex. ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 681). Or,
l'employeur ne se plaint pas d'arbitraire dans l'établissement des faits. Dans
une démarche purement appellatoire, il se réfère au temps de travail introduit
dans le système de timbrage; or, il ne ressort pas de l'arrêt qu'un horaire de
base de 8 h 50 aurait été enregistré dans ledit système.
A défaut d'accord réel, il reste à examiner si l'employeur pouvait, selon le
principe de la confiance, considérer que l'employé avait accepté de voir son
horaire de base augmenté à 8 h 40 ou 8 h 50 par jour.

L'on peut inférer que la promotion de l'employé au rang de chef d'atelier
induisait une légère augmentation de son temps de travail quotidien puisque,
selon l'arrêt attaqué, il devait arriver un peu avant les autres ouvriers et
repartir un peu après ceux-ci. L'employé admet avoir touché une augmentation de
salaire de 500 fr. lors de sa promotion, intervenue en septembre 2002. La
gratification a augmenté cette année-là de 4'000 fr. pour atteindre 10'000 fr.,
alors que l'année précédente, elle avait passé de 3'000 fr. à 6'000 fr. Cela
étant, l'employé promu a continué dans un premier temps à toucher une
rétribution pour ses heures supplémentaires: l'arrêt attaqué indique en effet
que les heures supplémentaires ont été payées périodiquement, dès l'engagement
jusqu'en avril 2003. Or, l'arrêt ne dit pas qu'entre septembre 2002 et avril
2003, l'employé promu aurait été rémunéré sur la base d'un horaire supérieur à
40 heures. L'employeur lui-même ne le prétend pas, puisqu'il situe la prétendue
modification de son temps de travail au mois d'avril 2003. A cette époque, la
rétribution des heures supplémentaires a cessé suite à une communication de
l'employeur. Selon les explications concordantes données par les recourants
dans leurs mémoires, l'employeur avait fait savoir aux cadres, après
constatation d'abus, que leurs heures supplémentaires ne seraient plus
rétribuées. En 2003, le salaire a augmenté de 100 fr., tandis que la
gratification est restée la même.

Ces éléments font apparaître non pas une augmentation consentie de l'horaire de
travail, mais une modification relative à la rétribution des heures
supplémentaires. L'analyse de l'employeur ne résiste pas à l'examen; il cherche
en fait à contourner l'écueil que représente l'exigence de forme écrite pour
tout accord restreignant la rétribution des heures supplémentaires (art. 321c
al. 3 CO). En bref, la cour d'appel n'a pas enfreint le droit fédéral en
considérant que le temps de travail contractuellement dû était de 40 heures
hebdomadaires et que les heures accomplies en sus représentaient des heures
supplémentaires au sens de l'art. 321c CO.

5.
5.1
5.1.1 L'employeur reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire
en retenant les heures supplémentaires alléguées par l'employé sur la base de
simples relevés unilatéraux formellement contestés, et en partant de la
prémisse que l'employé n'avait pas compensé les 20 ou 40 minutes
supplémentaires quotidiennes liées à sa nouvelle fonction. Les relevés de
timbrage démontreraient que lorsque l'employé dépassait son horaire une
semaine, il compensait la semaine suivante. Il n'y aurait pas de motif de
penser qu'il en allait différemment avant l'introduction de la machine à
timbrer.
5.1.2 L'employeur conteste la force probante des décomptes de l'employé et s'en
prend ainsi à l'appréciation des preuves, ce qui suppose d'expliquer de façon
circonstanciée en quoi celle-ci serait entachée d'arbitraire. En l'occurrence,
l'employeur ne discute pas les autres éléments pris en compte par la cour
d'appel, à savoir le témoignage d'autres employés et les propres déclarations
de l'employeur. Il insiste sur le fait que les heures supplémentaires ont été
compensées, ce qu'il lui incombait de prouver. A l'en croire, cette preuve
ressortirait des relevés de timbrage. La simple consultation de ces documents,
auxquels l'employeur se contente de renvoyer, ne permet pas de vérifier la
thèse d'une compensation des heures (cf. infra, consid. 5.2.2); ceci suffit à
sceller le sort d'un grief fondé sur l'arbitraire.
5.1.3 L'employeur paraît aussi contester avoir eu connaissance des heures
supplémentaires effectuées par l'employé, mais il ne formule pas de grief
suffisamment étayé à cet égard.
5.2
5.2.1 Pour sa part, l'employé se plaint d'un établissement manifestement
inexact des faits dès lors qu'aucune heure supplémentaire n'a été retenue pour
l'année 2007. Il concède que la timbreuse était programmée de telle façon
qu'elle ne comptabilisait pas correctement ses heures supplémentaires.
Toutefois, si l'on passe en revue les relevés de timbrage en prenant un par un
les jours de travail et les heures accomplies par l'employé, il apparaît que
celui-ci a effectué 237,5 heures supplémentaires cette année-là.
5.2.2 Les relevés de la timbreuse versés au dossier (D 2/7 b à l) ont
enregistré, pour les mois de janvier à novembre 2007, les heures d'entrée et de
sortie de l'employé aussi bien le matin que l'après-midi. Ils comportent une
colonne censée indiquer le temps de travail effectif ("cumuls/Eff.") et une
colonne censée faire ressortir un solde positif ou négatif à la fin de chaque
jour ("crédit/débit"). Les chiffres figurant dans ces colonnes ne sont pas
exploitables; comme l'a relevé la cour d'appel, le temps de travail effectif
indiqué reste le même alors que les heures d'entrée et de sortie de l'employé
varient d'un jour à l'autre. En conséquence, la cour d'appel a refusé de
retenir des heures supplémentaires pour l'année 2007, en faisant valoir qu'on
pouvait attendre de l'employé qu'il établisse un relevé détaillé des heures
supplémentaires accomplies cette année-là, plutôt que de renvoyer l'autorité
judiciaire à rectifier les erreurs et inexactitudes de la timbreuse.

De deux choses l'une. Si la cour d'appel est arrivée à la conclusion que les
heures d'arrivée et de départ figurant sur ces relevés étaient aussi erronées,
elle pouvait conclure sans arbitraire que ces documents n'étaient pas propres à
établir les heures supplémentaires alléguées. En revanche, si elle a jugé qu'il
n'y avait pas de motif de mettre en doute l'enregistrement des temps de
présence, mais seulement les indications relatives au temps de travail effectif
et au solde positif ou négatif, il était arbitraire d'écarter ce moyen de
preuve. Il apparaît certes extrêmement fastidieux de décompter, sur la base des
quatre entrées et sorties journalières de l'employé, le nombre d'heures
effectivement accomplies en 2007. Toutefois, le juge aurait pu impartir un
délai à l'employé pour qu'il procède lui-même à ce travail et indique en marge
de chaque jour le nombre d'heures effectuées, et précise à la fin de chaque
mois s'il existait un solde positif (ou négatif), par rapport au nombre
d'heures contractuellement dues selon les constatations de l'arrêt attaqué,
soit 173,6 heures par mois ou 40 heures par semaine. La partie adverse et
l'autorité judiciaire auraient eu toute liberté de contrôler le résultat de la
synthèse effectuée par l'employé.

La cause doit donc être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle indique
si elle estime que les heures d'entrée et sortie de l'employé sont fiables et,
dans l'affirmative, pour qu'elle détermine, cas échéant avec le concours de
l'employé, si et combien d'heures supplémentaires ont été accomplies en 2007,
sur la base d'un horaire contractuel de 40 heures par semaine.

6.
Les parties soulèvent ensuite des griefs portant sur la prétention de l'employé
en indemnisation des heures supplémentaires. Pour sa part, l'employeur conteste
toute prétention en invoquant l'abus de droit.

6.1 La jurisprudence fédérale a déjà eu l'occasion de préciser que sous l'une
des formes prescrites par l'art. 321c al. 3 CO - accord écrit, contrat-type ou
convention collective -, les parties peuvent déroger au système légal de
rétribution et convenir que les heures supplémentaires accomplies à l'avenir ne
seront pas rémunérées, ou seront rémunérées sans supplément, et ce à tout le
moins lorsque la rémunération de ces heures est forfaitairement comprise dans
le salaire de l'intéressé (ATF 124 III 469 consid. 3a).

Selon le Message du Conseil fédéral, l'exigence de forme vise à sauvegarder le
principe du paiement du salaire, qui risquerait d'être largement abandonné si
les accords verbaux étaient tolérés, et à créer un régime clair pour
l'exception (Message du 25 août 1967 concernant la révision des titres 10 et
10bis du code des obligations, FF 1967 II 314). La règle de forme est
impérative; elle ne peut pas être écartée par convention (ADRIAN STAEHELIN,
Commentaire zurichois, 4ème éd. 2006, n° 23 ad art. 321c CO). Un accord verbal
n'est pas valable (REHBINDER/STÖCKLI, Commentaire bernois, 2010, n° 11 ad art.
321c CO). Selon la doctrine, les éventuelles prestations supplémentaires
fournies par l'employeur en vertu d'un accord non valable doivent être prises
en compte et déduites de la prétention en indemnisation des heures
supplémentaires invoquées (PHILIPPE CARRUZZO, Le contrat individuel de travail,
2009, p. 70 n° 14 in fine ad art. 321c CO; cf. aussi JUDITH
BREGNARD-LUSTENBERGER, Überstunden- und Überzeitarbeit, 2006, p. 192, et KUHN/
KOLLER, Aktuelles Arbeitsrecht für die betriebliche Praxis, vol. 3, partie 6
"Überstunden", chap. 4.1 p. 2 s., qui se réfèrent à une décision de
l'Arbeitsgericht de Zurich retenant l'abus de droit).

Par ailleurs, il convient de réserver le cas d'une dénonciation abusive du vice
de forme. Dans la pratique, une telle hypothèse a été retenue s'agissant d'un
employé qui avait expressément refusé le renfort proposé par son employeur au
motif qu'il préférait toucher un revenu supplémentaire. L'employeur avait
accepté cette solution uniquement moyennant renonciation de l'employé au
supplément prévu pour les heures supplémentaires; un accord verbal en ce sens
avait clairement été conclu (arrêt du gewerbliches Schiedsgericht de Bâle-Ville
rendu le 1er octobre 1981, in JAR 1982 100, cité par REHBINDER/STÖCKLI, op.
cit., n° 11 ad art. 321c CO).

De manière générale, lorsque le travailleur conteste la validité d'un accord en
invoquant la violation d'une règle impérative, il ne commet pas d'abus de
droit, sauf circonstances particulières; il ne doit en effet pas être privé de
la protection du droit impératif par le détour de l'art. 2 CC. Cette
disposition peut exceptionnellement trouver application, notamment lorsque
l'intérêt protégé par la norme de droit impératif disparaît ou a été assuré
d'une autre manière (ATF 129 III 493 consid. 5.1). Celui qui exécute un contrat
sans avoir connaissance du vice de forme ne commet pas d'abus à faire valoir le
vice ultérieurement. Toutefois, un abus de droit peut être retenu si l'ayant
droit tarde à faire valoir la nullité pour en retirer un avantage (arrêt 4A_462
/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.3.1 et 2.3.2, à paraître aux ATF; ATF 129 III
493 consid. 5.1 p. 498). Plus généralement, le simple fait de laisser s'écouler
du temps tout en agissant dans le délai de prescription ne dénote pas un abus,
sauf si le retard occasionne de manière reconnaissable des inconvénients pour
le débiteur, tels que la difficulté à établir la créance, ou s'il procure à
l'ayant droit un avantage injustifié (ATF 131 III 439 consid. 5.1 p. 443; 110
II 273 consid. 2).

6.2 L'employeur reproche à l'employé de commettre un abus de droit en agissant
en justice dix mois après la fin des relations contractuelles, à la veille de
l'audience de jugement pénal, alors qu'en avril 2003, il avait accepté la
suppression du paiement de ses heures supplémentaires et que depuis lors, il
s'était abstenu de présenter des décomptes et de contester les salaires payés
par l'employeur.

6.3 La règle de forme écrite, de nature impérative, n'a pas été respectée. Il
n'apparaît pas que l'employé ait eu connaissance de ce vice avant la présente
procédure. Une telle connaissance ne saurait se déduire du seul fait qu'il a
continué à tenir un décompte de ses heures à titre privé; cette attitude peut
tout aussi bien s'expliquer par le fait qu'il n'acceptait pas la décision de
l'employeur, mais n'entendait pas mettre en jeu leur relation contractuelle.
Par ailleurs, l'on ne saurait retenir que l'intérêt protégé par la règle de
forme a été assuré d'une autre manière. Celle-ci vise manifestement à éviter
des problèmes de preuve et à jouer un rôle d'avertissement pour l'employé, qui
doit être conscient de ce à quoi il renonce et ne pas s'engager à la légère.

En l'occurrence, les décisions cantonales ne se prononcent pas sur le contenu
exact de la communication faite par l'employeur avant la suppression du
paiement des heures supplémentaires en avril 2003. Toutefois, dans son recours,
l'employeur admet lui-même avoir annoncé que ces heures ne seraient plus
rétribuées en raison d'abus et qu'il était loisible aux "cadres" de donner leur
congé si cette solution ne leur convenait pas. L'employé a cessé de produire
des décomptes d'heures supplémentaires. En 2003, son salaire n'a augmenté que
de 100 fr. et la gratification est restée la même. Il n'a émis aucune
protestation. Les heures supplémentaires qu'il a accomplies depuis lors l'ont
été au su de l'employeur.

De telles circonstances n'établissent pas l'existence d'un accord clair de
l'employé quant à la non-rétribution des heures supplémentaires. A supposer
même qu'un consentement puisse être retenu, ce qui paraît fort douteux, il ne
pourrait l'être que sur la base d'un acte concluant interprété selon le
principe de la confiance. Or, l'exigence de forme écrite, qui est destinée au
premier chef à protéger l'employé, vise précisément à éviter une situation de
ce genre. Pour le surplus, l'employeur ne démontre pas quelles circonstances
particulières rendraient abusif, au sens de la jurisprudence rappelée
ci-dessus, le temps pris par l'employé avant d'ouvrir action.

Il s'ensuit qu'il n'était pas abusif d'invoquer le vice de forme.

6.4 La question de l'imputation d'éventuelles prestations supplémentaires ne se
pose pas. D'une part, il n'apparaît pas que les parties aient eu la volonté
concordante de rémunérer forfaitairement les heures supplémentaires par le
biais du salaire et/ou de la gratification. D'autre part, l'interprétation des
faits et comportements selon le principe de la confiance ne permet pas de
retenir que le salaire et/ou la gratification aurait inclu une rémunération
forfaitaire des heures supplémentaires. L'on se référera notamment à
l'évolution globale du salaire et de la gratification depuis le début des
relations, ainsi qu'à l'absence de modification en avril 2003, au moment où la
rétribution des heures supplémentaires a été supprimée.

6.5 En bref, la cour d'appel n'a pas enfreint le droit fédéral en considérant
que les heures supplémentaires accomplies dès avril 2003 devaient pleinement
être indemnisées sur la base de l'art. 321c al. 3 CO.

7.
7.1 Pour sa part, l'employé reproche à l'autorité intimée d'avoir fait une
erreur de calcul en retenant le montant de 36'592 fr. pour les heures
accomplies entre avril 2003 et décembre 2006. Après avoir rappelé le régime
légal de l'art. 321c al. 3 CO, selon lequel les heures supplémentaires sont
rétribuées au salaire normal majoré d'un quart, la cour cantonale aurait omis
d'appliquer cette majoration dans son calcul.

7.2 Le grief est bien fondé. La cour d'appel a indiqué pour chaque année
concernée (2003 à 2006) le nombre d'heures supplémentaires effectuées et leur a
appliqué un salaire horaire reconstitué de la façon suivante: elle a tout
d'abord recalculé le salaire mensuel en y intégrant le 13ème mois (en 2003:
5'600 x 13/12= 6'066 fr.; en 2004: 5'625 x 13/12 = 6'093 fr. 75; en 2005: 5'725
x 13/12 = 6'202 fr.; en 2006: 5'785 x 13/12 = 6'267 fr.). Elle a ensuite divisé
ce salaire mensuel par 173,6, ce qui correspond au nombre d'heures mensuelles
dues contractuellement (52 semaines de 40 heures, soit 2080, divisé par 12 mois
= ~173,6); le résultat de cette division représentait le salaire horaire pour
chaque année concernée, lequel a été multiplié par le nombre d'heures
effectuées chaque année. La cour d'appel a retenu une indemnisation totale de
36'592 fr. pour les heures supplémentaires accomplies entre avril 2003 et
décembre 2006.

Il résulte de ce qui précède que la majoration de 25 % prévue par la loi n'a
pas été prise en compte et doit être ajoutée. L'employé peut donc effectivement
prétendre au montant de 45'740 fr. (36'592 fr. + 25 %). Il lui a toutefois
échappé que le calcul est entaché d'une autre inadvertance manifeste concernant
l'année 2005. La cour a retenu un tarif horaire de 35,73 fr., soit plus
précisément 35,726 (6'202 fr./173,6 = 35,726). Or, si l'on multiplie 35,726 par
les 194,5 heures retenues, le résultat (abstraction faite des centimes) est de
6'948 fr., et non 6'648 fr. comme constaté dans l'arrêt. L'employé avait donc
droit à 300 fr. supplémentaires, montant qui doit encore être majoré de 25 %,
soit 375 fr. En définitive, l'employé a donc droit au montant revendiqué
(45'740 fr.) plus 375 fr., soit 46'115 fr., pour la rétribution de ses heures
supplémentaires. Le montant supplémentaire de 375 fr., non revendiqué par
l'employé, paraît s'inscrire dans la limite de ses conclusions (97'654 fr. 80).
Il est vrai que la cour d'appel doit encore statuer sur les heures
supplémentaires relatives à l'année 2007, mais l'employé requiert aussi le
paiement de 42'000 fr. de gratification, conclusion qui doit être entièrement
rejetée (cf. infra, consid. 8). Quoi qu'il en soit, la cour se prononcera sur
la question des heures supplémentaires afférentes à l'année 2007, puis
indiquera, eu égard aux conclusions précitées, si l'employé a droit à 45'740
fr. ou à 46'115 fr. pour la période d'avril 2003 à décembre 2006.

8.
8.1 Les deux recourants soulèvent ensuite le grief de violation de l'art. 322d
CO. En substance, l'employeur soutient qu'il a toujours été parfaitement clair
pour les deux parties que la gratification était à bien plaire, ce qui a été
rappelé dans chaque décompte de salaire. L'augmentation des heures de travail
liée au nouveau statut de l'employé aurait été compensée par une augmentation
proportionnelle du salaire, tandis que la gratification aurait été augmentée
moins pour ces heures supplémentaires que pour les responsabilités accrues. En
outre, les gratifications allouées seraient toujours restées accessoires par
rapport au salaire de base. Enfin, le comportement déloyal de l'employé
justifierait amplement le refus de toute gratification.

Quant à l'employé, il objecte que la réserve "à bien plaire" était dépourvue
d'effet pratique. En outre, la gratification serait devenue dès 2003 un élément
du salaire servant à rétribuer l'investissement supplémentaire dû à son
activité de chef d'atelier. Le refus de verser une gratification en 2006 et
2007 contreviendrait à l'égalité de traitement. Au demeurant, la preuve qu'il
aurait travaillé au service d'une autre entreprise de sertissage ne serait pas
rapportée, pas plus que l'existence d'un préjudice causé par cette prétendue
activité.

8.2 La gratification, au sens de l'art. 322d CO, est une rétribution spéciale
que l'employeur verse en sus du salaire à des occasions particulières, telles
que Noël ou la fin de l'exercice annuel. Elle se distingue du salaire, et en
particulier d'un éventuel treizième mois de salaire, en ceci qu'elle dépend au
moins partiellement du bon vouloir de l'employeur. Si le versement d'une
gratification n'a pas été convenu, que ce soit expressément ou par actes
concluants, cette prestation est entièrement facultative. Si les parties se
sont accordées simplement sur le principe d'une gratification, l'employeur est
tenu de la verser, mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du
montant à allouer (ATF 136 III 313 consid. 2 p. 317 s.; 131 III 615 consid.
5.2; 109 II 447 consid. 5c p. 448). Le caractère facultatif de la gratification
trouve ses limites dans le respect de l'égalité de traitement (cf. ATF 129 III
276 consid. 3.1).

Selon le principe de la confiance, la gratification peut être considérée comme
convenue lorsque l'employeur l'a versée pendant au moins trois années
consécutives sans faire de réserves (ATF 129 III 276 consid. 2 p. 278 in fine).
Dans certaines circonstances, la gratification peut être due alors même que,
d'année en année, l'employeur a exprimé une réserve à ce sujet (ATF 131 III 615
consid. 5.2 p. 621). Tel est notamment le cas lorsque la réserve apparaît comme
une clause de style vide de sens et que tout, dans le comportement de
l'employeur, montre qu'il se sent obligé de verser une gratification. Un
engagement tacite peut ainsi se déduire du paiement répété de la gratification
pendant des décennies ("jahrzehntelang") sans que l'employeur ne fasse jamais
usage de la réserve émise, alors même qu'il aurait eu des motifs de l'invoquer,
tels qu'une mauvaise marche des affaires ou de mauvaises prestations de
certains collaborateurs (ATF 129 III 276 consid. 2.3). Au sein de la doctrine,
d'aucuns se montrent sinon opposés, du moins très restrictifs quant à une telle
interprétation. Il est notamment souligné qu'une réserve expresse du caractère
facultatif de la gratification ne peut en principe pas être interprétée contre
son texte (cf. notamment REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., n° 8 ad art. 322d CO;
WOLFGANG PORTMANN, in Commentaire bâlois, 5ème éd. 2011, n° 11 ad art. 322d
CO), sauf circonstances exceptionnelles (cf. GABRIEL AUBERT, dans la première
édition du Commentaire romand, 2009, n° 5 ad art. 322d CO; dans la deuxième
édition 2012, n° 13 ad art. 322d CO, cet auteur se contente de souligner la
prudence de la jurisprudence).

La gratification se différencie en outre du salaire par son caractère
accessoire; elle ne peut avoir qu'une importance secondaire dans la rétribution
du travailleur. Un montant très élevé en comparaison du salaire annuel, égal ou
même supérieur à ce dernier, et versé régulièrement, doit être considéré comme
un élément de salaire variable, alors même que l'employeur en a réservé le
caractère facultatif. Dans le cas de salaires modestes, un montant
proportionnellement moins élevé peut déjà présenter le caractère d'un salaire
variable (ATF 131 III 615 consid. 5.2 p. 621; 129 III 276 consid. 2.1).

8.3 La cour d'appel a retenu les éléments de fait suivants: alors même que le
contrat de travail ne prévoyait aucune gratification, l'employé avait touché
dès son entrée en service jusqu'à fin 2005 des rétributions spéciales versées
en juillet et décembre; les décomptes de salaire comportaient toujours la
mention "Grat. à bien plaire, pas un acquit (sic)". En juillet 2003, le
versement de la rétribution s'était accompagné d'un courrier indiquant aux
employés que malgré une situation économique "pas bien réjouissante", il avait
été décidé de récompenser "le[ur]s efforts méritants par une gratification à
bien plaire". Dans le cadre de la procédure civile, l'employeur avait allégué
que le changement de statut de l'employé avait entraîné des prestations
compensatoires intitulées "gratifications à bien plaire", qui ne se
justifiaient que par l'engagement accru résultant de ce changement de statut.
Lors de son interrogatoire, l'employeur avait encore expliqué que les
gratifications touchées par les cadres étaient beaucoup plus élevées que celles
des autres ouvriers et que les heures supplémentaires accomplies par l'employé
étaient comprises dans cette rémunération.
En droit, la cour d'appel est arrivée à la conclusion que la gratification
était une prestation due à l'employé, au moins dans son principe, dès lors que
l'employeur avait versé pendant huit ans consécutifs, y compris en période de
conjoncture défavorable, des rétributions spéciales censées au surplus
compenser l'investissement accru inhérent à la promotion au rang de chef
d'atelier.

8.4 Cette analyse ne saurait être suivie. Seules des circonstances
particulières permettent de s'écarter des déclarations claires de l'employeur
selon lesquelles il n'entend pas s'obliger à verser une gratification. Une
telle situation d'exception n'est pas réalisée dans ce cas concret, où
l'employeur a alloué pendant huit ans consécutifs des gratifications en
réservant sans exception leur caractère facultatif, sans qu'il soit démontré
que l'entreprise ait connu un revirement économique important qui aurait
justifié d'exclure toute gratification. Indépendamment de la question de savoir
si la durée de huit ans n'est pas déjà en soi insuffisante, l'on observe que
dans cet intervalle, l'employeur s'est tout au plus inquiété à une reprise
d'une situation économique "peu réjouissante" qui l'a conduit à s'interroger
sur le versement des gratifications. En l'absence d'éléments plus précis sur la
situation de l'entreprise, cette simple lettre ne suffit pas à conclure que la
réserve systématiquement exprimée n'était qu'une clause de style vide de sens;
le courrier pouvait du reste se comprendre comme un avertissement du risque de
suppression de la gratification si la situation économique venait à s'aggraver.
Or, il n'apparaît pas que l'entreprise ait connu de problèmes économiques avant
2009.

La cour d'appel tire aussi argument de la position défendue par l'employeur
dans le cadre de la procédure civile, où il a allégué que les gratifications
servaient à rémunérer l'engagement accru qu'exigeait la fonction de chef
d'atelier. Il faut toutefois rappeler que le litige porte non seulement sur les
gratifications, mais aussi sur l'indemnisation des heures supplémentaires. Les
allégations de l'employeur visaient manifestement à contester toute prétention
sur cet autre point litigieux. Dans un tel contexte, l'on ne saurait leur
attribuer une importance particulière; tout au plus peut-on constater que
l'argumentation de l'employeur est à double tranchant. Pour le reste, l'état de
fait ne permet pas de retenir que la gratification serait devenue un élément de
salaire dès 2003. Encore une fois, l'on ne discerne quasi aucune évolution du
salaire et de la gratification en 2003, année où cette dernière aurait
prétendument changé de nature. Il est vrai qu'après la promotion, la
gratification est devenue proportionnellement plus importante par rapport au
salaire de base, particulièrement en 2004 et 2005; toutefois, elle lui est
demeurée accessoire dès lors qu'elle ne représentait au plus qu'environ un
quart de celui-ci (18'000 fr., pour un salaire annuel de 74'425 fr.).
Dès lors, en retenant que les parties avaient convenu du versement d'une
gratification, la cour cantonale a enfreint le droit fédéral. Il s'agissait au
contraire d'une prestation dont le principe même du versement dépendait
entièrement du bon vouloir de l'employeur. Il est constant que dès la fin de
l'année 2005, l'employé a travaillé pendant deux mois et demi environ pour une
autre entreprise de sertissage. Aucun grief recevable n'est formulé contre ce
fait. Dans ces circonstances, l'employeur pouvait renoncer à verser une
gratification en 2006 et 2007 sans s'exposer au grief d'inégalité de traitement
par rapport aux autres travailleurs.

8.5 Dans l'arrêt à intervenir, aucune gratification ne devra donc être allouée
à l'employé pour les années 2006 et 2007.

9.
Dans un dernier grief, l'employeur reproche à l'autorité précédente de ne pas
avoir tenu compte de la créance opposée en compensation, créance qui aurait
pour fondement la violation du devoir de fidélité de l'employé.

9.1 Le travailleur qui accomplit du travail rémunéré pour un tiers au mépris de
son devoir de fidélité (art. 321a al. 3 CO) s'expose, selon les circonstances,
à une résiliation immédiate du contrat, auquel cas l'employeur pourra exiger la
réparation du dommage causé par le congé anticipé (art. 337b CO); il doit en
outre réparer l'éventuel dommage causé par la violation du devoir de fidélité
(art. 321e CO) (REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., n° 16 ad art. 321a CO; STAEHELIN,
op. cit., n°s 4 et 32 ad art. 321a CO; THOMAS BRÄNDLI, Arbeitsvertrag und
Nebenbeschäftigung, 2000, p. 142 ss). L'employeur reste en principe tenu de
verser le salaire à l'employé. Une réglementation spéciale est toutefois prévue
lorsque le travail "au noir" a été effectué pendant les vacances (cf. art. 329d
al. 3 CO; STAEHELIN, ibidem; BRÄNDLI, op. cit., p. 149-151).

9.2 L'employeur paraît tout d'abord exiger la restitution du salaire. Il ne
ressort toutefois pas de l'arrêt attaqué que le travail "au noir" accompli par
l'employé l'aurait été pendant ses vacances.
9.3
9.3.1 L'employeur soutient ensuite qu'il a perdu confiance en son employé suite
à son comportement et qu'il a été contraint de lui retirer des responsabilités
et de réorganiser l'entreprise. Une tierce personne aurait même dû être
engagée. Les inconvénients subis seraient difficilement chiffrables et
devraient être fixés ex aequo et bono; à tout le moins devraient-ils
correspondre aux prétentions formulées abusivement par l'employé.
9.3.2 Selon l'arrêt attaqué, il n'est pas établi que l'employé ait été
partiellement libéré de ses tâches. Plus généralement, les prétendues mesures
de réorganisation ne ressortent pas non plus de la décision attaquée.
L'employeur tente vainement d'échapper aux conséquences du défaut de preuves
qui pouvaient aisément être apportées en prétendant implicitement à
l'application de l'art. 42 al. 2 CO.
9.4
9.4.1 L'employeur se plaint enfin d'avoir été empêché d'exercer son droit de
résilier le contrat avec effet immédiat en raison des man?uvres de l'employé,
qui l'aurait contraint, par ses dénégations, à mener une longue procédure
pénale au terme de laquelle l'employé se serait empressé de donner son congé
ordinaire. L'employeur estime avoir ainsi été privé des dommages-intérêts
auxquels il aurait pu prétendre dans le cadre d'un congé anticipé, tandis que
l'employé a pu bénéficier d'un délai de congé ordinaire.
9.4.2 L'employeur était libre de mettre un terme au contrat avec effet immédiat
et ce, aussi bien avant qu'après la notification du congé ordinaire donné par
l'employé. Il est vrai qu'en cas de congé immédiat injustifié, l'employeur
s'exposait à des prétentions financières de l'employé. En l'occurrence,
l'employeur devait pouvoir justifier d'une violation suffisamment caractérisée
du devoir de fidélité et ne pas tarder à agir après la découverte du motif de
congé. Quand bien même l'employé aurait immédiatement avoué les faits, cela
n'aurait pas épargné à l'employeur le risque inhérent à la question juridique
de savoir si une violation caractérisée du devoir de fidélité pouvait être
retenue. Outre qu'une telle violation apparaît douteuse, l'employeur ne doit
pas se méprendre sur la portée de l'indemnisation prévue à l'art. 337b CO, dont
l'unique fonction est de réparer les conséquences financières en rapport de
causalité adéquate avec le départ anticipé de l'employé (cf. ATF 133 III 657
consid. 3.2 p. 659). Or, un tel dommage ne s'est précisément pas produit.

9.5 En bref, le grief relatif à une prétendue compensation des créances doit
être entièrement rejeté.

10.
En définitive, l'arrêt attaqué doit être annulé. La cause est renvoyée à
l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des
considérants sur les heures supplémentaires. Il est constaté que l'employé n'a
le droit à aucune gratification pour les années 2006 et 2007.

L'employeur obtient gain de cause concernant les gratifications. L'employé
l'emporte sur la question des heures supplémentaires en tant qu'elles sont
afférentes aux années 2003 à 2006. S'agissant de l'année 2007, il soulève un
grief justifiant le renvoi de la cause. En conséquence, il y a lieu d'admettre
que les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., seront mis à la charge de
l'employeur par trois cinquièmes et à celle de l'employé par deux cinquièmes
(art. 66 al. 1 LTF). La même clé de répartition sera utilisée pour les dépens,
fixés à 6'000 fr., qui seront partiellement compensés (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 4A_172/2012 et 4A_174/2012 sont jointes.

2.
Les recours sont partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est
renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision dans
le sens des considérants.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis pour trois cinquièmes,
soit 3'000 fr., à la charge de l'employeur et pour deux cinquièmes, soit 2'000
fr., à celle de l'employé.

4.
L'employeur versera à l'employé une indemnité de 1'200 fr. à titre de dépens
réduits.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour
d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 22 août 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti