Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.163/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_163/2012

Arrêt du 27 novembre 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly
et Niquille.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Christian Bruchez,
recourante,

contre

X.________ SA, représentée par
Me Gabriel Aubert,
intimée.

Objet
contrat de travail; convention collective; stipulation pour autrui,

recours contre l'arrêt de la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du
canton de Genève du 20 février 2012.

Faits:

A.
A.a X.________ SA est une entreprise active notamment dans le domaine du
nettoyage d'avions; elle dispose d'une succursale à Genève. Par "contrat de
travail pour personnel auxiliaire", cette société, qui s'appelait alors
Z.________ SA, a engagé A.________ en qualité de nettoyeuse à partir du 1er
janvier 1994. La durée hebdomadaire du travail était fixée à 15 heures; le
salaire horaire brut convenu s'élevait à 20 fr.

A partir d'une date indéterminée, A.________ a été amenée à travailler environ
30 heures par semaine de manière régulière. Tel était le cas entre janvier 2004
et juin 2009, période pendant laquelle la nettoyeuse a accompli les heures de
travail suivantes, y compris la nuit et le dimanche:

2004 1'490,25 heures
2005 1'371,50 heures
2006 1'548,75 heures
2007 1'623,50 heures
2008 1'668,75 heures
janvier à juin 2009 803,75 heures.
A.b X.________ SA et le Syndicat suisse des services publics (SSP) sont liés
par deux conventions collectives de travail, l'une relative au "personnel avec
salaire mensuel" (ci-après: CCT pour le personnel mensualisé; dite également
CCT pour le personnel fixe) et l'autre concernant le "personnel auxiliaire"
(ci-après: CCT pour le personnel auxiliaire).

Selon l'art. 1 de la CCT pour le personnel mensualisé, celle-ci est applicable
à tout le personnel de X.________ SA Genève - sauf aux cadres (al. 3) -
travaillant selon des horaires irréguliers et avec un taux d'occupation d'au
moins 50%; ce personnel reçoit un salaire mensuel (al. 1). L'art. 1 al. 2 de la
CCT pour le personnel mensualisé précise que les conditions de travail du
personnel auxiliaire, rémunéré à l'heure, sont réglées dans une convention
collective séparée.

Selon l'art. 1 de la CCT pour le personnel auxiliaire, celle-ci s'applique à
tout le personnel auxiliaire de X.________ SA Genève; le personnel auxiliaire
est rémunéré à l'heure, dans le cadre d'un contrat de durée indéterminée.

A.________ a toujours été rémunérée à l'heure. Les augmentations de son salaire
de base correspondent à chaque modification du salaire horaire de base prévu
dans la CCT pour le personnel auxiliaire. Les heures de nuit et les heures du
dimanche payées à la travailleuse ont également été augmentées en fonction des
majorations prévues dans la CCT pour le personnel auxiliaire.

A.________ a adhéré au SSP le 1er décembre 2008.

B.
Par demande déposée le 21 août 2009, A.________ a ouvert action contre
X.________ SA en paiement de la somme brute de 82'160 fr.55 plus intérêts. Ce
montant se décomposait, d'une part, en une prétention de 69'926 fr. à titre de
différence entre le salaire perçu de janvier 2004 à juin 2009 et le salaire
calculé conformément à la CCT pour le personnel mensualisé et, d'autre part, en
une créance de 12'234 fr.55 à titre de solde de salaire afférent aux vacances.
Par la suite, A.________ a rectifié et amplifié ses conclusions, réclamant
désormais 80'807 fr. à titre de solde de salaire de 2004 à 2009 et 4'607 fr.55
à titre de solde de salaire afférent aux vacances.

X.________ SA a reconnu devoir à A.________ une somme de 2'401 fr.05 à titre de
solde de salaire afférent aux vacances; elle a conclu au rejet de la demande
pour le surplus.

Par jugement du 19 juillet 2010, le Tribunal des prud'hommes du canton de
Genève a condamné X.________ SA à payer à A.________ la somme de 2'401 fr.05
avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2006, invité la partie qui en a la
charge à opérer les déductions sociales usuelles et débouté les parties de
toute autre conclusion.

Statuant le 20 février 2012 sur appel de A.________, la Chambre des prud'hommes
de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement de première
instance.

C.
A.________ interjette un recours en matière civile. A titre principal, elle
demande au Tribunal fédéral de condamner X.________ SA à lui verser les
montants de 5'798 fr.35 avec intérêts à 5% dès le 15 octobre 2004, 13'570 fr.80
avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2005, 15'351 fr.50 avec intérêts à 5% dès le
30 juin 2006, 15'285 fr.95 avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2007, 14'422 fr.10
avec intérêts à 5% dès le 30 juin 2008, 7'974 fr.45 avec intérêts à 5% dès le
31 mars 2009, soit un total en capital de 72'403 fr.15. La recourante conclut
au surplus à la confirmation de la condamnation de X.________ SA au paiement du
montant de 2'401 fr.05 avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2006. A titre
subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants du Tribunal fédéral.

Dans sa réponse, X.________ SA propose le rejet du recours.

La recourante a déposé des observations, suivies d'une ultime prise de position
de l'intimée.

Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

La cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie qui a largement succombé dans ses conclusions en
paiement (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF)
rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de
dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire en matière de droit
du travail dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74
al. 1 let. a LTF), le recours est en principe recevable puisqu'il a été déposé
dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.2 Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est
délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments
soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont
été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation
différente de celle de l'autorité précédente (ATF 137 II 313 consid. 1.4 p. 317
s.; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Compte tenu de l'exigence de motivation
contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al.
1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs
invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de
première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque
celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384 consid. 2.2.1 p.
389; 135 III 397 consid. 1.4 p. 400). Par exception à la règle selon laquelle
il applique le droit d'office, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière
sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du
droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de
manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).

1.3 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58
consid. 4.1.2 p. 62; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).

2.
Le solde de salaire afférent aux vacances n'est pas litigieux devant le
Tribunal fédéral de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce point.

3.
A ce stade, le litige porte sur la question de savoir si la recourante peut
prétendre au salaire prévu dans la CCT pour le personnel mensualisé.

3.1 La cour cantonale a relevé que tant la CCT pour le personnel mensualisé que
la CCT pour le personnel auxiliaire prévoyaient de s'appliquer à tous les
employés, indépendamment d'une affiliation syndicale (clause d'égalité de
traitement ou clause d'extension). Rappelant la jurisprudence du Tribunal
fédéral (ATF 123 III 129), la Chambre des prud'hommes a exposé qu'une telle
clause ne fondait aucune prétention civile du travailleur non syndiqué envers
l'employeur. Il était toutefois loisible aux parties au contrat de travail
d'incorporer la CCT dans ledit contrat par une manifestation de leur volonté
réciproque et concordante, fût-elle tacite. Dans le cas particulier, les juges
genevois ont admis que la recourante et l'intimée avaient incorporé tacitement
la CCT pour le personnel auxiliaire au contrat de travail, de sorte que la CCT
pour le personnel mensualisé ne s'appliquait pas.

3.2 La recourante reprend en premier lieu la constatation de l'arrêt attaqué
selon laquelle elle a travaillé en moyenne 30 heures par semaine durant toute
la période litigieuse; elle observe que cette durée représente un taux
d'occupation supérieur à 50% au sens de l'art. 1 al. 1 de la CCT pour le
personnel mensualisé.

Ceci posé, la recourante ne conteste pas que les parties au litige ont
incorporé au contrat de travail la CCT pour le personnel auxiliaire. Elle fait
valoir toutefois que ce faisant, les parties ont dérogé contractuellement aux
clauses normatives de la CCT pour le personnel mensualisé au détriment de la
salariée, ce qui rend l'accord nul en vertu de l'art. 357 al. 2 CO. Invoquant
l'art. 357 al. 1 CO, la recourante est d'avis que la CCT pour le personnel
mensualisé s'applique directement et impérativement aux rapports de travail
entre l'intimée et elle-même, car les parties sont liées par cette convention.
Elle distingue deux périodes à cet égard: à partir du 1er décembre 2008, la
travailleuse est liée parce qu'elle est devenue membre du syndicat signataire
de la convention passée avec l'employeur signataire; pour la période
antérieure, la recourante se prévaut de la clause d'égalité de traitement (ou
clause d'extension) contenue à l'art. 1 al. 1 de la CCT pour le personnel
mensualisé, laquelle prévoit que la convention s'applique à tout le personnel.
Sans remettre en cause la jurisprudence publiée aux ATF 123 III 129, la
recourante est d'avis que la situation est différente dans le cas présent, dès
lors que la CCT a été signée par l'employeur lui-même, et non par une
association d'employeurs; elle en déduit qu'elle peut fonder ses prétentions
sur les clauses normatives de la CCT pour le personnel mensualisé, dont celles
relatives au salaire, sur la base d'une stipulation pour autrui parfaite (art.
112 al. 2 CO).

4.
La question de savoir si les parties sont liées par l'une ou l'autre des CCT
passées entre l'employeur et le SSP ne doit pas être confondue avec celle du
champ d'application respectif desdites conventions (cf. ULLIN STREIFF/ADRIAN
VON KAENEL/ROGER RUDOLPH, Arbeitsvertrag: Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR,
7e éd. 2012, n° 5 ad art. 357 CO, p. 1470). Avant toute chose, il convient donc
de déterminer si, comme elle le prétend, la recourante entre dans le champ
d'application personnel de la CCT pour le personnel mensualisé. En effet, si la
réponse à cette question devait être négative, la recourante ne pourrait pas,
en tout état de cause, fonder sa prétention sur ladite convention.

4.1 Chaque convention collective définit son propre champ d'application,
notamment personnel. Ainsi, certaines catégories de travailleurs, comme les
cadres par exemple, peuvent être exclues du champ d'application de la
convention collective ou soumises à des règles différentes (CHRISTIAN BRUCHEZ,
L'art. 356 CO, in ANDERMATT ET AL., Droit collectif du travail, 2010, n° 78 et
n° 80, p. 181 s.; FRANK VISCHER/ANDREAS C. ALBRECHT, Zürcher Kommentar, 4e éd.
2006, n° 8 ad art. 356b CO; JEAN-FRITZ STÖCKLI, Berner Kommentar, 1999, n° 58
ad art. 356 CO).

Lorsqu'il s'agit de déterminer si une convention collective s'applique à une
catégorie de travailleurs, les clauses conventionnelles s'interprètent selon
les méthodes applicables aux lois. D'après la jurisprudence, la loi
s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). On
peut cependant s'écarter de cette interprétation s'il y a des raisons sérieuses
de penser que le texte de la loi ne reflète pas la volonté réelle du
législateur; de tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but
et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Lorsque
plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est
la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de
son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa
relation avec d'autres dispositions; le Tribunal fédéral ne privilégie aucune
méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique. Dans le
domaine de l'interprétation des dispositions normatives d'une convention
collective, le Tribunal fédéral a précisé que la distinction entre les règles
sur l'interprétation des lois et les règles sur l'interprétation des contrats
ne doit pas être exagérée; la volonté des cocontractants et ce que l'on peut
comprendre selon le principe de la bonne foi constituent également des moyens
d'interprétation (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284; 133 III 213 consid. 5.2
p. 218).

Par ailleurs, en vertu du principe de l'unité du contrat de travail, un
travailleur ne peut être soumis qu'à une seule convention collective, sauf si
la complémentarité entre plusieurs conventions collectives est expressément
prévue ou qu'elle résulte des circonstances (BRUCHEZ, op. cit., n° 81, p. 182;
RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd. 2008, p. 700).

4.2 L'intimée et le SSP ont conclu deux conventions dites d'entreprise, l'une
concernant le personnel fixe et l'autre relative au personnel auxiliaire. Il
n'est pas contesté que ces deux conventions collectives ne sont pas
complémentaires. L'art. 1 al. 2 de la CCT pour le personnel mensualisé précise
d'ailleurs que les conditions de travail du personnel auxiliaire sont réglées
dans une CCT séparée. Par conséquent, seule l'une des deux conventions
précitées est, le cas échéant, applicable à la recourante.

Tout d'abord, il convient de constater que l'activité exercée dans l'entreprise
ne constitue pas en l'occurrence un critère de distinction entre personnel
mensualisé et personnel auxiliaire. En effet, un nettoyeur ou une nettoyeuse
n'entre pas nécessairement dans la catégorie des auxiliaires, puisque cette
fonction figure dans l'annexe à la CCT pour le personnel mensualisé fixant les
salaires mensuels bruts.

Selon son art. 1, la CCT pour le personnel auxiliaire s'applique à tout le
personnel auxiliaire de l'entreprise; celui-ci est rémunéré à l'heure, dans le
cadre d'un contrat de durée indéterminée. Selon son art. 1 al. 1, la CCT pour
le personnel mensualisé s'applique à tout le personnel travaillant selon des
horaires irréguliers et occupé à un taux d'au moins 50%, exception faite des
cadres (al. 3); ce personnel reçoit un salaire mensuel. Ces deux dispositions,
qui définissent le champ d'application respectif de chaque convention, sont
articulées de la même manière: le mode de rémunération y apparaît comme la
conséquence de l'attribution dans l'une ou l'autre des catégories de personnel,
et non comme une partie de la définition du personnel auxiliaire ou mensualisé.

La CCT pour le personnel auxiliaire ne précise pas ce qu'il faut entendre par
auxiliaire. En revanche, l'art. 1 al. 1 de la CCT pour le personnel mensualisé
contient deux éléments définissant le personnel fixe: des horaires irréguliers
et un taux d'occupation d'au moins 50%. Il faut toutefois relever à ce sujet
que le type d'activité en cause - le nettoyage d'avions - ne se prête guère à
des horaires réguliers. Du reste, il ressort de l'état de fait établi par la
cour cantonale que la recourante et ses collègues dans la même situation,
considérés comme des auxiliaires par l'intimée, avaient un horaire de travail
fixé chaque mois, ce qui implique qu'il n'était pas régulier, et que le
planning préétabli était modifié en cas de perturbations dans les vols prévus.
L'irrégularité des horaires ne permet ainsi pas de différencier le personnel
mensualisé du personnel auxiliaire. Le seul critère de distinction ressortant
de la CCT pour le personnel mensualisé est dès lors un taux d'occupation égal
ou supérieur à 50%, étant précisé qu'un travail à mi-temps correspond à 20
heures en moyenne par semaine sur une période de 13 semaines (cf. art. 20 al. 2
de la CCT pour le personnel mensualisé).

En résumé, il ressort de l'interprétation littérale de la CCT pour le personnel
mensualisé et de la CCT pour le personnel auxiliaire qu'il existe deux
catégories de personnel, les cadres mis à part, et que le critère de
distinction réside dans le taux d'occupation. Aucun élément de l'arrêt attaqué
ne laisse apparaître que cette conclusion ne correspond pas à la volonté des
parties contractantes aux deux conventions collectives précitées.

4.3 La recourante a été engagée comme nettoyeuse auxiliaire. A l'origine, la
durée contractuelle du travail était fixée à 15 heures par semaine. Pendant la
période litigieuse, la travailleuse a accompli en moyenne environ 30 heures par
semaine. Selon les constatations de l'arrêt attaqué, qui lient le Tribunal
fédéral, les parties au contrat de travail avaient en effet modifié par actes
concluants la durée de travail initialement convenue.

En augmentant contractuellement la durée du travail hebdomadaire à plus de 20
heures, les parties ont fait entrer la relation de travail dans le champ
d'application personnel de la CCT pour le personnel mensualisé. A supposer que
les autres conditions mises à l'application de cette convention collective
soient réunies, la recourante peut s'en prévaloir.

5.
Il convient à présent d'examiner si la CCT pour le personnel mensualisé est
applicable à la relation de travail liant les parties et, en particulier, si la
recourante peut fonder sa prétention salariale sur cette convention collective
pour la période antérieure à son adhésion au syndicat.

5.1 Selon l'art. 357 al. 1 CO, les clauses normatives de la convention
collective de travail - dont notamment celles relatives au salaire - n'ont en
principe d'effet direct et impératif qu'envers les employeurs et travailleurs
qu'elles lient, c'est-à-dire les employeurs qui sont personnellement parties à
la convention, les employeurs et les travailleurs qui sont membres d'une
association contractante (art. 356 al. 1 CO), ou encore les employeurs et les
travailleurs qui ont déclaré se soumettre individuellement à la convention
(art. 356b al. 1 CO). En outre, le champ d'application de la CCT peut être
étendu par décision d'une autorité cantonale ou fédérale (art. 1 de la loi
fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la
convention collective de travail [LECCT; RS 221.215.311]); en ce cas, les
clauses conventionnelles s'appliquent également aux employeurs et travailleurs
auxquels elle est étendue. En tant qu'ils dérogent à des clauses impératives,
les accords entre employeurs et travailleurs liés par la CCT sont nuls et
remplacés par ces clauses, sauf si les dérogations sont stipulées en faveur des
travailleurs (art. 357 al. 2 CO).

Par ailleurs, un employeur, lié ou non, peut convenir avec un travailleur non
lié d'incorporer la CCT dans le contrat individuel de travail; il faut que les
parties manifestent, fût-ce tacitement, la volonté réciproque et concordante de
le faire. La CCT ne produit alors pas directement un effet normatif puisque
l'employeur conserve, en principe, la faculté de résilier le contrat de travail
et d'en conclure un nouveau qui déroge aux clauses normatives de la convention
en défaveur du travailleur. Le travailleur peut néanmoins exiger le respect de
la CCT en réclamant l'exécution des clauses de son contrat de travail qui
reprennent les dispositions conventionnelles (effets dits indirects de la CCT;
ATF 123 III 129 consid. 3c p. 135).

Un autre cas de figure se présente lorsque la convention collective de travail
contient une clause faisant obligation aux employeurs liés par elle d'appliquer
ses dispositions normatives à tous leurs employés, qu'ils soient membres d'une
association de travailleurs ou non (clause d'égalité de traitement ou clause
d'extension). Selon la jurisprudence, le travailleur non organisé ne peut
déduire d'une telle clause aucune prétention civile à l'encontre de
l'employeur, qui n'engage sa responsabilité qu'envers les parties à la CCT s'il
n'applique pas la clause d'égalité de traitement (ATF 81 I 1 consid. 4 p. 3 ss;
123 III 129 consid. 3 p. 131 ss). Dans le dernier arrêt cité, le Tribunal
fédéral a refusé de remettre en cause le principe posé dans le premier arrêt,
lequel se fonde sur le texte légal et sur la volonté exprimée en son temps par
le législateur fédéral (ATF 123 III 129 consid. 3b/aa p. 133); en particulier,
il a rejeté l'argument tiré de l'art. 112 al. 2 CO relatif à la stipulation
pour autrui parfaite, en précisant qu'il ne s'agissait que d'une présentation
différente du grief touchant la portée des clauses d'égalité de traitement et
que, de toute manière, une stipulation pour autrui parfaite ne conférait pas au
travailleur le droit d'actionner directement son employeur puisque que celui-ci
n'est pas une "partie" au sens de l'art. 112 al. 2 CO (même arrêt consid. 3d p.
136).

5.2 L'art. 1 al. 1 de la CCT pour le personnel mensualisé contient une clause
d'égalité de traitement en tant qu'il prévoit que la convention collective de
travail s'applique à "tout le personnel de l'entreprise", indépendamment d'une
appartenance au syndicat signataire. Contrairement aux cas envisagés dans les
deux arrêts cités plus haut (consid. 5.1), la CCT en cause est une convention
collective d'entreprise, c'est-à-dire qu'elle a été conclue par l'employeur
lui-même, et non par une association d'employeurs. Il y a lieu de rechercher
si, comme la recourante le prétend, cette circonstance a une incidence sur
l'issue de la cause.

La clause d'égalité de traitement (ou d'extension) contenue dans une CCT
s'analyse juridiquement comme une stipulation pour autrui en faveur des
travailleurs non syndiqués (PETER KREIS, Der Anschluss eines Aussenseiters an
den Gesamtarbeitsvertrag, 1973, p. 46). La stipulation pour autrui, au sens de
l'art. 112 CO, est une convention par laquelle un sujet, le stipulant, se fait
promettre par un autre, le promettant, une prestation en faveur d'un tiers, le
bénéficiaire (ATF 117 II 315 consid. 5d p. 320). L'art. 112 CO distingue la
stipulation pour autrui imparfaite (al. 1) de la stipulation pour autrui
parfaite (al. 2 et 3). Dans la première, le bénéficiaire est uniquement
destinataire de la prestation et seul le stipulant peut agir contre le
promettant. En revanche, dans la seconde, stipulant et promettant accordent au
tiers le droit d'exiger directement la prestation et, le cas échéant,
d'actionner le promettant (arrêt 4A_627/2011 du 8 mars 2012 consid. 3.5.1;
PIERRE ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd. 1997, p. 419 s.).
La stipulation pour autrui parfaite ne se présume pas (ATF 123 III 129 consid.
3d p. 136). Elle peut résulter des manifestations de volonté concordantes des
parties ou de l'usage (art. 112 al. 2 CO; arrêt précité du 8 mars 2012 consid.
3.5.1).

Lorsqu'une convention collective de travail passée par des associations
contient une clause d'extension, celle-ci n'est pas de nature normative, mais
obligationnelle (VISCHER/ALBRECHT, op. cit., n° 23 ad art. 356b CO; STÖCKLI,
op. cit., n° 16 ad art. 356b CO; ESTHER ANNAHEIM-BÜTTIKER, Die Stellung des
Aussenseiter-Arbeitnehmers im System des Gesamtarbeitsvertragsrecht, 1990, p.
12; KREIS, op. cit., p. 47). La clause d'extension concerne uniquement les
droits et obligations des parties à la convention. Le travailleur non lié censé
bénéficier de la CCT ne dispose d'aucun moyen direct de faire respecter la
convention à son égard (stipulation pour autrui imparfaite); il peut uniquement
demander que les parties à la CCT interviennent auprès de l'employeur lié (cf.
ATF 81 I 1 consid. 4 p. 4; 123 III 129 consid. 3a p. 132; VISCHER/ALBRECHT, op.
cit., n° 23 ad art. 356b CO; KREIS, op. cit., p. 47).
Il est toutefois possible, dans certains cas, que la clause d'égalité
s'interprète comme une stipulation pour autrui parfaite; le travailleur non
organisé dispose alors d'un droit propre, mais uniquement contre l'association
patronale signataire de la convention, afin qu'elle agisse auprès de son membre
(cf. ATF 123 III 129 consid. 3d p. 136; VISCHER/ALBRECHT, op. cit., n° 23 ad
art. 356b CO; STÖCKLI, op. cit., n° 16 ad art. 356b CO; KREIS, op. cit., p.
47).

Lorsque la clause d'extension figure dans une convention collective
d'entreprise, le promettant n'est pas une association d'employeurs, mais bien
l'employeur lui-même. Si la volonté des parties à la convention est d'accorder
un droit propre au travailleur non syndiqué, rien n'empêche ce dernier, en ce
cas, d'agir directement contre l'employeur pour obtenir le respect de la CCT
(cf. VISCHER/ALBRECHT, op. cit., n° 23 ad art. 356b CO; THOMAS GEISER, Probleme
des Gesamtarbeitsvertragsrechts in der Schweiz, ARV/DTA 2004 p. 139).

5.3 Pour déterminer si la stipulation pour autrui contient un droit en faveur
du tiers bénéficiaire, il y a lieu d'interpréter avant tout la volonté des
parties, ce qui suppose de prendre en considération toutes les circonstances de
l'espèce, dont en particulier les termes utilisés (GONZENBACH/ZELLWEGER/
GUTKNECHT, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5e éd. 2012, n° 9 ad art.
112 CO).

En l'espèce, la CCT pour le personnel mensualisé indique clairement qu'elle
s'applique sans réserve à tout le personnel de l'entreprise remplissant les
conditions posées, cadres mis à part (art. 1). En outre, l'art. 5 al. 1 CCT
prévoit le prélèvement d'une participation aux frais d'exécution de la
convention collective sur les salaires de tous les travailleurs soumis à ladite
convention, étant précisé que cette participation sera restituée par le
syndicat signataire aux salariés membres de l'association (art. 5 al. 3 CCT).
Les travailleurs non organisés participent donc à la même hauteur que les
employés syndiqués aux frais d'exécution de la CCT. Enfin, l'art. 14 al. 2 CCT
prévoit que la convention et ses annexes font partie intégrante du contrat de
travail. Il faut y voir la volonté des parties à la convention collective de
n'opérer aucune distinction entre travailleurs syndiqués et non syndiqués et,
en particulier, de leur accorder les mêmes droits. Il s'ensuit que la clause
d'égalité de traitement figurant dans la CCT pour le personnel mensualisé doit
être interprétée comme une stipulation pour autrui parfaite en faveur des
travailleurs non syndiqués qui remplissent les conditions personnelles mises à
l'application de la convention.

5.4 Avant le 1er décembre 2008, la recourante n'était pas membre du SSP. Comme
on l'a vu (consid. 4.3), elle entre par ailleurs dans le champ d'application
personnel de la CCT pour le personnel mensualisé. Pour la période de janvier
2004 à novembre 2008, elle dispose en principe envers l'intimée d'une
prétention salariale fondée sur ladite convention en vertu d'une stipulation
pour autrui parfaite.

Cependant, d'après les constatations de la cour cantonale, les parties ont
manifesté tacitement leur volonté réciproque et concordante d'incorporer la CCT
pour le personnel auxiliaire dans le contrat de travail individuel. Il convient
à présent d'examiner l'éventuelle incidence de cette incorporation.

Le travailleur non lié qui peut se prévaloir d'une CCT à la suite d'une
incorporation de la convention dans le contrat de travail dispose d'une
obligation de nature contractuelle (cf. consid. 5.1). Invoquant l'art. 357 al.
2 CO, la recourante voudrait que cet accord des parties soit écarté au bénéfice
de la CCT pour le personnel mensualisé. Selon la disposition susmentionnée, les
accords entre employeur et travailleur liés par la convention qui dérogent à
des clauses impératives de celle-ci sont nuls et remplacés par ces clauses,
sauf si les dérogations sont stipulées en faveur du travailleur (principe de la
clause la plus favorable; cf. ULLIN STREIFF/ADRIAN VON KAENEL/ROGER RUDOPLH,
op. cit., n° 3 ad art. 357 CO, p. 1467). On peut se demander si le travailleur
non syndiqué dont les droits découlent d'une stipulation pour autrui parfaite
est lié au sens de l'art. 357 al. 2 CO. La réponse à cette question importe
toutefois peu. En effet, s'il ne s'applique pas directement, l'art. 357 al. 2
CO s'applique du moins par analogie. En effet, en vertu des règles de la bonne
foi (art. 2 al. 1 CC), l'employeur ne peut pas, par une stipulation pour autrui
parfaite, accorder aux travailleurs non organisés des droits tirés d'une
convention collective et, par ailleurs, limiter ces droits par le biais d'un
accord contractuel, par exemple en incorporant au contrat de travail les
dispositions moins favorables d'une autre convention.

Il s'ensuit que la recourante peut fonder ses prétentions salariales pour la
période de janvier 2004 à novembre 2008 sur la CCT pour le personnel
mensualisé.

5.5 Il en va a fortiori de même pour la période de décembre 2008 à juin 2009,
pendant laquelle la recourante était liée par la CCT pour le personnel
mensualisé en tant que membre du syndicat signataire.

6.
Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre le recours et d'annuler
l'arrêt attaqué en tant qu'il confirme le rejet des prétentions salariales de
la recourante fondées sur la CCT pour le personnel mensualisé.

La cour de céans ne dispose pas de tous les éléments de fait permettant de
statuer sur la prétention de la recourante. Par conséquent, la cause sera
renvoyée à la cour cantonale afin qu'elle établisse, sur la base de la CCT pour
le personnel mensualisé, le montant du salaire de la recourante de janvier 2004
à juin 2009 et fixe le solde dû par l'intimée.

7.
L'intimée, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al.
1 LTF), dont le montant ne sera pas réduit puisque la valeur litigieuse est
supérieure à 30'000 fr. (cf. art. 65 al. 4 let. c LTF). En outre, elle versera
des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il confirme le
jugement du Tribunal des prud'hommes déboutant la recourante de toute
conclusion autre que celle qui porte sur le solde de salaire afférent aux
vacances.

La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.

3.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des
prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 27 novembre 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Godat Zimmermann