Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.155/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_155/2012

Arrêt du 14 mai 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Thélin.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Laurent Moreillon,
demandeur et recourant,

contre

Hôpitaux de la zone hospitalière VII, association à Payerne,
Réseau Hospitalier Fribourgeois, établissement de droit public à Fribourg,
représentés par Me Alain Thévenaz,
défendeurs et intimés.

Objet
révocation d'un mandat

recours contre l'arrêt rendu le 29 novembre 2011 par la Cour d'appel civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Faits:

A.
L'Hôpital intercantonal de la Broye héberge et soigne des patients dans deux
établissements hospitaliers à Payerne et à Estavayer-le-Lac; il est organisé et
exploité sur la base d'un contrat de société simple conclu entre l'association
vaudoise dénommée Hôpitaux de la zone hospitalière VII et l'établissement de
droit public fribourgeois Réseau Hospitalier Fribourgeois. Dès le 27 juin 2006,
ce dernier s'est substitué à l'Association des communes de la Broye pour
l'exploitation de l'hôpital de district à Estavayer-le-Lac.
Le docteur X.________ est médecin spécialiste en chirurgie; dès décembre 1998
et jusqu'au 11 septembre 2004, il a pratiqué la chirurgie à l'établissement de
Payerne, dès le 1er janvier 2001 en qualité de médecin-chef du service de
chirurgie. De janvier 2001 à mai 2004, il s'est trouvé de garde durant plus de
cent vingt jours par année; il accomplissait ou supervisait annuellement plus
de deux cent cinquante interventions sous anesthésie générale, dont près d'une
sur cinq en urgence.

B.
Dès l'été de 2003, d'autres médecins-chefs du service de chirurgie, en
particulier le docteur A.________ qui était alors directeur médical de
l'Hôpital intercantonal et chef du service de chirurgie, ont critiqué la
pratique professionnelle du docteur X.________ par suite d'incidents ou de
difficultés survenus dans la prise en charge de quelques patients. Plusieurs
chefs de clinique, assistants et collaborateurs en salle d'opération ont montré
des réticences d'ordre technique à travailler avec le docteur X.________ et ont
demandé d'en être dispensés. La direction générale puis le conseil
d'administration de l'Hôpital furent informés de deux cas de prise en charge
censément inappropriée survenus en mars et avril 2004. Il fut convenu entre les
docteurs A.________ et X.________ que ce dernier serait provisoirement suspendu
des gardes. Les incidents relevés par le docteur A.________ furent discutés
avec le docteur X.________ lors d'une séance du bureau du conseil
d'administration le 25 mai 2004. Le docteur X.________ s'était alors déjà
assuré les services d'un avocat. Il fut peu après informé, par lettre du 5 juin
2004, qu'il était définitivement suspendu des gardes et que sa pratique au sein
de l'Hôpital ne serait pas prolongée au delà de l'année en cours.
Le 27 juillet 2004, la direction de l'Hôpital a requis du professeur B.________
un rapport d'évaluation sur quatre prises en charge de patients effectuées par
le docteur X.________. Celui-ci ne fut pas informé de cette mission, ni par
l'Hôpital intercantonal ni par l'expert, lequel s'est déterminé exclusivement
sur la base de la documentation à lui remise par le docteur A.________. Le
professeur B.________ a rendu son rapport le 2 août 2004; il s'y exprimait très
sévèrement à l'encontre du docteur X.________.
Ce rapport fut transmis au docteur X.________ et celui-ci fut convoqué à une
séance du bureau du conseil d'administration fixée au 8 septembre 2004,
destinée à recueillir ses observations sur le rapport et à discuter de son
avenir au sein de l'Hôpital intercantonal. Par une lettre de son conseil, le
docteur X.________ critiqua le rapport dont il contestait catégoriquement les
conclusions, et il avertit qu'il ne se présenterait pas à la séance.
Le 11 septembre 2004, le conseil d'administration décida de mettre fin avec
effet immédiat aux relations contractuelles de l'Hôpital avec le docteur
X.________; celui-ci et son avocat en furent aussitôt informés.
La direction de l'Hôpital informa également les médecins cantonaux vaudois et
fribourgeois, lesquels reçurent copie de la lettre de résiliation, du rapport
du professeur B.________ et de la prise de position du docteur X.________.

C.
Ce dernier n'a pas cessé de réclamer sa réintégration et de soutenir qu'il a
été évincé de l'Hôpital intercantonal en raison d'un conflit de personnes entre
lui et le docteur A.________. Il a lui-même fait établir une expertise sur les
quatre cas soumis au professeur B.________. Le professeur C.________ lui a
ainsi remis un rapport évaluant favorablement son activité de chirurgien dans
ces quatre cas, et très critique à l'encontre de l'étude du professeur
B.________. Le docteur X.________ communiqua ce rapport à l'Hôpital
intercantonal, qui le soumit au professeur B.________ pour prise de position,
puis demanda un rapport supplémentaire au professeur D.________. A l'instar du
professeur B.________, le professeur D.________ s'exprima négativement sur les
prestations professionnelles du docteur X.________. Il avait auparavant refusé
d'effectuer l'expertise alors demandée par ce dernier, ensuite obtenue du
professeur C.________; interpellé à ce sujet, il a affirmé que la situation du
docteur X.________ était « simplement indéfendable ».

D.
Le 16 mai 2006, le docteur X.________ a ouvert action contre les Hôpitaux de la
zone hospitalière VII et contre l'association de communes à laquelle le Réseau
Hospitalier Fribourgeois s'est ensuite substitué, devant le Tribunal cantonal
du canton de Vaud. Les défendeurs devaient être condamnés à payer 634'440 fr.75
à titre de dommages-intérêts. Ils devaient également être condamnés à publier
dans trois quotidiens de Suisse romande un communiqué « valant réhabilitation
du demandeur dans ses fonctions professionnelles ».
Les défendeurs ont conclu au rejet de l'action.
Le juge instructeur a fait accomplir une expertise médicale par le professeur
Peter Buchmann, sur les quatre cas déjà discutés par plusieurs spécialistes et
sur les rapports écrits par eux. L'expert judiciaire a relevé des erreurs
d'appréciation commises par le demandeur au cours de deux des opérations
étudiées. Il a aussi fait état d'une attitude hésitante, d'une tendance à
observer les patients et à ne pas agir rapidement, et aussi d'un manque de vue
d'ensemble dans le champ opératoire. La tolérance du demandeur au stress semble
limitée. L'expert pense que les quatre cas soumis à son étude sont révélateurs
de la manière habituelle du demandeur, lequel donne l'impression d'un
chirurgien lent, et que la confiance du personnel médical a été ébranlée.
Le juge instructeur a également fait accomplir une expertise comptable sur les
revenus professionnels du demandeur avant et après la fin de son activité à
l'Hôpital intercantonal.
La Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée le 24 mars 2011; elle a
rejeté l'action.
La Cour d'appel civile du Tribunal cantonal a statué le 29 novembre 2011 sur
l'appel du demandeur; elle a rejeté l'appel et confirmé le jugement.

E.
Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur saisit le
Tribunal fédéral de conclusions semblables à celles prises dans les deux
instances précédentes.
Les défendeurs n'ont pas été invités à répondre au recours.

Considérant en droit:

1.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF) et susceptible du recours en
matière civile (art. 72 al. 1 LTF). Son auteur a pris part à l'instance
précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur
litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74
al. 1 let. b LTF); le mémoire de recours a été introduit en temps utile (art.
100 al. 1 LTF) et il satisfait aux exigences légales (art. 42 al. 1 à 3 LTF).
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le
Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux
(art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie
librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire,
aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du
recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249
consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits
fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon
détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244
consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des
faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations
de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99
al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les
constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire
arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133
II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2
LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait
ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).

2.
La Cour civile et la Cour d'appel civile ont l'une et l'autre admis que
l'activité du demandeur au sein de l'Hôpital intercantonal était soumise aux
règles du contrat de mandat selon l'art. 394 al. 1 CO. Ce point demeure
incontesté et il n'y a donc pas lieu de l'examiner plus avant.

3.
Aux termes de l'art. 404 al. 2 CO, celle des parties qui révoque ou répudie le
mandat en temps inopportun doit indemniser l'autre partie du dommage qu'elle
lui cause. En l'espèce, la demande de dommages-intérêts est fondée notamment
sur cette disposition.
La révocation en temps inopportun est celle que le mandant ne justifie par
aucun motif sérieux et qui entraîne un préjudice particulier pour le
mandataire, tels que les frais désormais inutilement engagés en vue de
l'exécution du mandat concerné, ou les gains auxquels le mandataire a renoncé
en vue de se consacrer à ce même mandat. L'art. 404 al. 2 CO ne permet pas
d'exiger le remplacement du gain que la continuation du mandat aurait procuré
au mandataire. La notion de l'inopportunité de la révocation est étroitement
liée au préjudice qui en résulte. La révocation est conforme aux règles du
contrat de mandat même si elle ne procède d'aucun motif objectif; c'est
pourquoi seule l'existence d'un préjudice particulier justifie une sanction à
l'exercice inopportun du droit de révocation. Il n'y a donc lieu à discussion
des motifs de la révocation que lorsque celle-ci cause un préjudice
particulier, autre que la perte de la rémunération attendue par le mandataire
(ATF 106 II 157 consid. 2c p. 160; voir aussi ATF 110 II 380 consid. 4b p. 386;
109 II 462 consid. 4d p. 469).
Selon la décision attaquée, le demandeur réclame uniquement, à titre de
dommages-intérêts, le revenu qu'il aurait retiré de son activité à l'Hôpital
intercantonal si elle s'était poursuivie jusqu'à la fin de l'année 2006. Ce
point est lui aussi incontesté. Le demandeur n'a donc pas allégué et moins
encore prouvé le préjudice particulier qui est nécessaire d'après la
jurisprudence précitée. Cela suffit à commander le rejet de la prétention
fondée sur l'art. 404 al. 2 CO. Les autorités précédentes auraient pu se
dispenser de discuter les motifs de la révocation avancés par les défendeurs,
et le demandeur tente vainement de continuer cette discussion dans l'instance
fédérale.

4.
Aux termes de l'art. 49 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa
personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour
autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas
donné satisfaction autrement. Lorsque l'atteinte entraîne un dommage matériel,
le lésé peut réclamer des dommages-intérêts sur la base de l'art. 41 al. 1 CO.
D'après l'art. 28 al. 2 CC, toute atteinte à la personnalité est illicite, à
moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement du lésé, par un intérêt
prépondérant privé ou public, ou par la loi. La protection de la personnalité
porte notamment sur la considération professionnelle et sociale (ATF 134 III
193 consid. 4.5 p. 200).
La diffusion de faits vrais, par les médias, est en principe justifiée par leur
mission d'informer, à moins que la diffusion ne porte atteinte à la sphère
secrète ou intime de la personne visée, ou qu'elle ne la rabaisse par des
propos dont la forme est inutilement blessante; de plus, la justification n'est
admise que dans la mesure où le besoin d'informer prime l'intérêt de cette
personne à la préservation de son intégrité. Communiquer des faits aux médias,
en vue de leur diffusion, est licite si la diffusion subséquente l'est
également (ATF 132 III 641 consid. 3.1 et 3.2 p. 645). En cas de diffusion de
faits faux, la réparation de l'atteinte peut comporter la publication d'une
rectification (art. 28a al. 2 CC).
Dans la présente affaire, l'Hôpital intercantonal n'a fait aucune espèce de
communication aux médias ni au public; le demandeur lui reproche toutefois
d'avoir transmis le rapport du professeur B.________ aux médecins cantonaux
vaudois et fribourgeois, et d'avoir fait allusion à ce rapport et à ses
conclusions dans une communication au collège des médecins de l'Hôpital.
Il est constant que les médecins cantonaux sont notamment chargés de contribuer
à la surveillance des établissements sanitaires et des professions de la santé.
La législation vaudoise prévoit même des obligations de signaler au médecin
cantonal « les faits susceptibles de constituer un cas de maltraitance ou de
soins dangereux » (art. 80a al. 1 de la loi sur la santé publique du 29 mai
1985), ou « tout événement grave intervenu dans le cadre de l'établissement et
susceptible d'engager sa responsabilité » (art. 149 al. 2 de la même loi). Au
rapport du professeur B.________, l'Hôpital intercantonal a joint la prise de
position du demandeur, de sorte que les médecins cantonaux recevaient une
information équilibrée et pouvaient aussitôt apercevoir que l'analyse et les
conclusions du rapport prêtaient à contestation.
Une information succincte des médecins de l'Hôpital était par ailleurs
indispensable compte tenu que le départ du demandeur ne pouvait guère demeurer
secret. La direction pouvait légitimement communiquer aux médecins qu'elle
avait sollicité un avis externe avant de prendre sa décision.
Ainsi, contrairement à l'opinion du demandeur, les communications qu'il
critique étaient justifiées par des intérêts prépondérants, de sorte que
l'atteinte effectivement portée à sa considération professionnelle se révèle
licite. Cela entraîne aussi le rejet des prétentions fondées sur l'art. 41 al.
1 CO, tendant à des dommages-intérêts, et sur l'art. 28a al. 2 CC, tendant à un
communiqué « valant réhabilitation du demandeur dans ses fonctions
professionnelles ».

5.
Le demandeur se réfère à l'art. 9 de la loi fédérale contre la concurrence
déloyale (LCD), relatif aux actions qui appartiennent à la personne atteinte
dans sa réputation professionnelle par un acte de concurrence déloyale. Il est
douteux que le jeu de la concurrence et le fonctionnement de l'économie de
marché soient en cause dans la présente affaire (cf. ATF 126 III 198 consid. 2c
/aa p. 202; voir aussi ATF 136 III 23 consid. 9.1 p. 44; 133 III 431 consid.
4.1 p. 434); de toute manière, à supposer que la législation contre la
concurrence déloyale soit applicable, le demandeur ne peut en retirer aucune
protection qui excéderait celle des art. 28 CC et 41 CO.

6.
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de
partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le
Tribunal fédéral. L'adverse partie n'a pas été invitée à répondre et il ne lui
sera donc pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 8'500 francs.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud.

Lausanne, le 14 mai 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La présidente: Klett

Le greffier: Thélin