Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.151/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_151/2012

Arrêt du 4 juin 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente,
Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.

Participants à la procédure
X.________,
recourant,

contre

1. Y.________,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
2. Z.________,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
intimés.

Objet
récusation,

recours contre la décision du Président ad hoc du Tribunal cantonal du canton
du Valais du 14 février 2012.

Faits:

A.
Le 25 novembre 2002, la masse en faillite de A.________ SA a ouvert une action
en paiement contre X.________, avocat, devant le Juge du district de Sion.

Le 25 février 2010, le Juge I du district de Sion a transmis les actes de la
cause pour jugement au Tribunal cantonal du canton du Valais. X.________ a
alors demandé la récusation des juges cantonaux D.________, E.________,
F.________, G.________ et Z.________, ainsi que de plusieurs juges cantonaux
suppléants.

Dans sa décision du 3 novembre 2010, la Cour civile ad hoc du Tribunal cantonal
a pris acte de la récusation des juges cantonaux D.________, E.________,
F.________ et G.________, ainsi que de l'annonce du déport des juges ordinaires
de la Cour civile II du Tribunal cantonal; dans la mesure où elle n'était ainsi
pas sans objet ni irrecevable, la requête de récusation a été rejetée.

Par ordonnance du 11 janvier 2011 rendue à la suite de l'entrée en vigueur du
CPC, le Président de la Cour civile I du Tribunal cantonal a retourné le
dossier de la cause au Tribunal du district de Sion comme objet de sa
compétence de jugement.

Par jugement du 6 septembre 2011, la Juge IV du district de Sion a condamné
X.________ à verser à la masse en faillite A.________ SA le montant de 503'030
fr. plus intérêts à 5% dès le 24 février 1999.

X.________ a interjeté appel en date du 11 octobre 2011.

Par ordonnance du 30 novembre 2011, le Juge délégué de la Cour civile I du
Tribunal cantonal, Z.________, a imparti à l'appelant un délai de trente jours
pour effectuer une avance de 23'000 fr.

Par lettre du 5 décembre 2011, X.________ a requis la récusation du juge
cantonal Z.________.
Dans une ordonnance du 9 janvier 2012, le Président ad hoc de la Cour civile I
du Tribunal cantonal, Y.________, a notamment informé les parties que cette
instance serait, sous réserve de récusation, présidée par lui-même et composée
en outre du juge cantonal Z.________ et de la juge cantonale suppléante
C.________.
Le 12 janvier 2012, X.________ a requis la récusation du juge cantonal
Y.________.

Par ordonnance du 19 janvier 2012, le Président ad hoc du Tribunal cantonal,
H.________, a octroyé un délai de dix jours aux juges cantonaux Y.________ et
Z.________ pour se déterminer sur la demande de récusation.

Le 23 janvier 2012, X.________ a demandé la récusation du juge cantonal
H.________.

Par décision du 14 février 2012, le Président ad hoc du Tribunal cantonal a
déclaré irrecevables les requêtes de récusation le visant lui-même ainsi que
les juges cantonaux Z.________ et Y.________.

B.
Contre cette décision, X.________ interjette un recours au Tribunal fédéral,
qu'il intitule «recours en matière de droit public». Il conclut à l'admission
de la demande de récusation des juges cantonaux Y.________ et Z.________.

Par ordonnance du 4 mai 2012, le Juge instructeur de la cour de céans a rejeté
la requête en suspension de la procédure formée par le recourant en date du 2
mai 2012.

Les magistrats intimés n'ont pas été invités à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit:

1.
1.1 La décision rendue le 14 février 2012 par le Président ad hoc du Tribunal
cantonal valaisan est une décision incidente, prise séparément par l'autorité
cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). Il importe peu que celle-ci
n'ait pas statué sur recours (cf. art. 75 al. 2 LTF), dès lors que la décision
incidente a été prononcée dans le cadre de la procédure de recours contre le
jugement de première instance du 6 septembre 2011 (ATF 137 III 424 consid. 2.2
p. 426; 138 III 41 consid. 1.1 p. 42).

La décision attaquée porte sur une demande de récusation. Conformément à l'art.
92 al. 1 LTF, elle peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal
fédéral. La voie de droit par laquelle une décision incidente peut être soumise
à l'examen du Tribunal fédéral est déterminée par la procédure sur le fond
(arrêt 4A_34/2012 du 23 février 2012 consid. 1.1; arrêt 5A_367/2010 du 15
octobre 2010 consid. 1.2 et les arrêts cités; cf. ATF 134 V 138 consid. 3 p.
144; 133 III 645 consid. 2.2 p. 647 s.). En l'espèce, le litige sur le fond est
une affaire pécuniaire de nature civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur
litigieuse dépasse le montant de 30'000 fr. fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF.
Par conséquent, le recours qui peut être déposé dans le cas particulier est un
recours en matière civile. L'erreur de dénomination commise par le recourant
reste toutefois sans conséquence et son recours sera traité comme un recours en
matière civile (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382).

1.2 Pour le surplus, le recours est exercé par la partie qui n'a pas obtenu les
récusations demandées (art. 76 al. 1 LTF); il a été déposé dans le délai (art.
100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.

1.3 La décision attaquée repose sur une double motivation. D'une part, les
requêtes du recourant ont été jugées tardives, le droit de demander la
récusation des juges intimés étant périmé. D'autre part, l'autorité cantonale a
considéré qu'il n'y avait aucune cause de récusation ni dans un cas, ni dans
l'autre.
Lorsque la décision entreprise se fonde sur plusieurs motivations, alternatives
ou subsidiaires, le recourant doit s'en prendre, sous peine d'irrecevabilité, à
chacune d'elles avec le moyen ou le motif de recours approprié (ATF 136 III 534
consid. 2. p. 535; 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s.; 132 III 555 consid. 3.2 p.
560).
En l'espèce, le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de l'art. 30
Cst. Il fait valoir que l'autorité précédente aurait dû admettre la récusation
des deux magistrats intimés, qui auraient fait preuve de prévention à son
égard. Ce faisant, le recourant s'en prend à la seconde motivation développée
dans la décision attaquée. En ce qui concerne la première motivation, le
recourant ne critique d'aucune manière l'argumentation qui a conduit l'autorité
cantonale à déclarer irrecevable, pour cause de tardiveté, la demande de
récusation du juge cantonal Z.________. Conformément au principe rappelé plus
haut, le recours se révèle dès lors irrecevable en tant qu'il a trait au refus
de la récusation du juge cantonal Z.________.

En revanche, en ce qui concerne le cas du juge cantonal Y.________, le
recourant s'en prend à la première motivation de la décision entreprise; il
soutient en effet que le Président ad hoc du Tribunal cantonal a versé dans
l'arbitraire en constatant que l'appelant n'avait pas récusé immédiatement le
juge cantonal Y.________. Il convient dès lors d'entrer en matière sur le
recours en tant qu'il se rapporte au rejet de la demande de récusation du juge
cantonal Y.________.

2.
Invoquant l'art. 30 al. 1 Cst., le recourant voit quatre motifs de prévention
qui justifieraient la récusation du juge cantonal Y.________. Premièrement,
dans un jugement du 13 juillet 2011, Y.________, juge unique, a rejeté la
demande de révision formée par le recourant contre sa condamnation pour
dénonciation calomnieuse à la suite d'une plainte de B.________, lequel faisait
partie de l'administration de la faillite de A.________ SA; ce faisant, le juge
Y.________ aurait préféré laisser condamner une personne qu'il savait
innocente. En deuxième lieu, Y.________ fait partie de l'autorité cantonale
qui, par arrêt du 21 janvier 2011, a rejeté le recours déposé par le recourant
contre la décision par laquelle la Présidente de l'Autorité cantonale de
surveillance des avocats valaisans l'a radié du registre cantonal des avocats
en raison de la condamnation pénale susmentionnée; or, une radiation éventuelle
n'incomberait pas à la Présidente de l'Autorité cantonale de surveillance des
avocats, mais à la Chambre de surveillance des avocats, ce que Y.________, en
tant que rédacteur du message du Grand Conseil à ce sujet, ne pouvait ignorer.
Troisièmement, le juge cantonal Y.________ aurait montré sa prévention en
refusant de suspendre la procédure d'appel contre le jugement du 6 septembre
2011 jusqu'à droit connu sur la procédure pénale ouverte, sur dénonciation du
recourant, contre l'expert dont le rapport aurait servi de base à la décision
de première instance. En quatrième lieu, Y.________ préside la Cour de droit
public du Tribunal cantonal et ne disposerait d'aucune connaissance en droit
civil.

2.1 La garantie d'un tribunal indépendant et impartial résultant des art. 30
al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même portée -
permet de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement
est de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Elle vise à éviter
que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement
en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition
relevant du for intérieur ne peut guère être prouvée; il suffit que les
circonstances donnent l'apparence d'une prévention et fassent redouter une
activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances
objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions
purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas
décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 3 s. et les arrêts cités).

2.2 Pour tenter de démontrer la prévention du juge cantonal Y.________, le
recourant invoque le fait qu'il n'a pas obtenu gain de cause dans trois
décisions auxquelles le magistrat a participé, seul ou au sein d'un collège.
Selon la jurisprudence, la garantie du juge impartial ne commande pas la
récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure,
tranché en défaveur du recourant (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2.2 p. 466; 114
Ia 278 consid. 1 p. 279; arrêt 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.4.1).
De même, le seul fait qu'un juge ait déjà, dans la même affaire, rendu une
décision défavorable au recourant ne suffit pas pour admettre un motif de
prévention. Par exemple, un juge n'apparaît pas comme prévenu parce qu'il a
rejeté une requête d'assistance judiciaire en raison de l'absence de chances de
succès de la demande. D'autres motifs sont nécessaires pour admettre que le
juge ne serait plus en mesure d'adopter une autre position, de sorte que le
sort du procès n'apparaît plus comme indécis (ATF 131 III 113 consid. 3.7.3 p.
123 s.; arrêt 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2, in SJ 2009 I p. 233).
En l'espèce, la première décision invoquée par le recourant concerne le rejet
par le juge cantonal Y.________ d'une demande de révision d'une condamnation
pour dénonciation calomnieuse. Le recourant prétend que cette condamnation
serait contraire à une jurisprudence postérieure du Tribunal fédéral, mais ne
démontre pas en quoi le comportement du juge serait révélateur d'une prévention
à son égard, étant rappelé que le simple fait de n'avoir pas donné raison au
recourant sur la demande de révision ne saurait conduire à une récusation dans
la procédure d'appel contre le jugement du 6 septembre 2011. Au passage, on
notera que le recourant a recouru en vain contre sa condamnation pour
dénonciation calomnieuse jusqu'au Tribunal fédéral (arrêt 6B_591/2009 du 1er
février 2010).

La deuxième décision invoquée par le recourant a trait à sa radiation, à la
suite de la condamnation précitée, du registre cantonal des avocats. Le
recourant met en cause la compétence de la Présidente de l'Autorité cantonale
de surveillance des avocats pour prononcer une telle mesure. En confirmant
cette compétence dans son arrêt du 21 janvier 2011, la Cour de droit public du
Tribunal cantonal, dont le juge Y.________ faisait partie, aurait sciemment
bafoué la volonté du Grand Conseil valaisan. Cette allégation n'est pas à même
de démontrer un comportement du juge propre à faire douter de son impartialité
à l'égard du recourant. Au demeurant, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la
mesure de sa recevabilité, le recours déposé par le recourant contre l'arrêt du
21 janvier 2011, jugeant notamment qu'en décidant de la radiation, la
Présidente de l'Autorité cantonale de surveillance des avocats n'avait pas
outrepassé ses compétences (consid. 3.2 non publié de l'ATF 137 II 425).

La troisième décision invoquée par le recourant a été prise dans le cadre de la
procédure l'opposant à la masse en faillite de A.________ SA. Le recourant
critique le refus du juge cantonal Y.________ de suspendre la procédure civile
dans l'attente du résultat d'une procédure pénale ouverte contre l'expert
désigné en première instance. Là encore, cette circonstance ne donne pas, à
elle seule, l'apparence d'une prévention du juge. En refusant de suspendre la
procédure, le juge cantonal Y.________ n'a pas pris position de telle manière
qu'il ne semble pas exempt de préjugés et qu'ainsi, le sort de l'appel
n'apparaisse plus indécis. Le recourant ne fournit au surplus aucun motif
supplémentaire propre à accréditer la prévention du juge. En particulier, le
fait que Y.________ soit le Président de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal valaisan n'est en rien déterminant; il n'y a pas lieu non plus de
s'attarder sur l'affirmation du recourant, purement gratuite, selon laquelle le
juge ne dispose d'aucune connaissance en droit civil.
Il s'ensuit que le grief tiré d'une violation de l'art. 30 al. 1 Cst. est
manifestement mal fondé.

3.
La motivation critiquée en vain par le recourant suffit à confirmer la décision
attaquée sur la demande de récusation du juge cantonal Y.________. Par
conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner l'argumentation du recours
fondée sur l'arbitraire et dirigée contre l'autre motivation par laquelle la
demande de récusation du juge en cause a été déclarée irrecevable.

4.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il
est recevable.

Le recourant, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66
al. 1 LTF). L'allocation de dépens aux intimés n'entre pas en considération
puisque ces derniers n'ont pas été invités à se déterminer sur le recours.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Président ad hoc du Tribunal
cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 4 juin 2012

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Godat Zimmermann