Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilrechtliche Abteilung, Beschwerde in Zivilsachen 4A.136/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A_136/2012

Arrêt du 18 juillet 2012
Ire Cour de droit civil

Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Ramelet.

Participants à la procédure
X.________, représentée par
Me Hubert Theurillat,
recourante,

contre

Y.________ SA, représentée par Me Marc Wollmann,
intimée.

Objet
responsabilité civile du détenteur de véhicule automobile; prescription,

recours contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2012 par la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Faits:

A.
A.a Le 1er novembre 1998, X.________, née le 20 août 1965 et domiciliée alors
en ville de Neuchâtel, a été victime d'un accident de la circulation à
Courgenay (Jura). Alors que la voiture qu'elle pilotait était à l'arrêt devant
un passage pour piétons, son véhicule a été percuté par l'arrière par la
voiture d'un tiers dont Y.________ SA (ci-après: Y.________) couvrait la
responsabilité civile de détenteur au moment du sinistre. X.________ a subi une
distorsion cervicale, laquelle a entraîné une incapacité de travail totale dans
son activité d'employée de commerce du 2 novembre 1998 au 22 novembre 1998,
puis à 50% du 23 novembre 1998 au 4 janvier 1999, date à laquelle elle a repris
le travail à 100%. Y.________ n'a pas contesté le principe de la responsabilité
de son assuré. Après cet accident, la victime a ressenti des douleurs à la
nuque et aux épaules.

Le 14 décembre 2000, X.________ a été victime d'un deuxième accident de la
circulation à Delémont (Jura). Le véhicule d'une tierce personne, dont la
responsabilité civile de détentrice était assurée par Z.________ SA, a coupé la
priorité revenant à la voiture conduite par la prénommée, laquelle n'a pas pu
éviter une collision latérale. Cet accident a engendré une nouvelle incapacité
de travail totale, du 14 décembre 2000 au 7 janvier 2001, et à 50%, du 8
janvier 2001 au 22 janvier 2001. X.________ a recommencé par la suite à
travailler à plein temps. Il a été retenu que la responsabilité de cet accident
incombe à la tierce personne.

Le 13 juin 2001, X.________ a annoncé avoir subi un troisième accident de la
route dans des circonstances similaires au premier, cela alors qu'elle était
arrêtée à un « cédez le passage » en France. Elle a subi à nouveau une entorse
cervicale, ayant provoqué une incapacité de travail à 100 % du 13 juin au 24
juin 2001, puis à 50% du 25 juin 2001 au 1er août 2001, avant de reprendre son
activité professionnelle à 100 %.
A.b Mariée depuis 2001, X.________, s'est établie avec son mari en France, où
elle a mis au monde des jumeaux en avril 2003. Elle a repris le travail en
octobre 2003 et a travaillé à plein temps jusqu'au 31 décembre 2003. A compter
du 1er janvier 2004, la précitée a réduit de son propre chef son taux
d'activité professionnelle à 80 %, faisant état de fatigue et de souffrances
récurrentes.

Le 14 juillet 2004, X.________, par l'entremise de son mandataire, a proposé à
la SUVA que le Dr A.________, son médecin-traitant, fût invité à trancher la
question de savoir lequel des trois accidents était à l'origine des douleurs ou
qu'une expertise fût mise en oeuvre pour déterminer sa situation médicale
actuelle et future, ainsi que sa capacité actuelle et future de revenu.

Le 28 septembre 2004, le Dr A.________ a fait parvenir à la SUVA, à la demande
de cet assureur, un rapport dans lequel il indiquait que les trois accidents
subis par sa patiente - qu'il suit à sa consultation depuis le 25 novembre 2001
- ont contribué à pérenniser la problématique cervicale qu'elle présente.
Concédant qu'il n'est pas aisé de déterminer la part respective de
responsabilité de ces traumatismes sur les douleurs actuelles, il a affirmé,
sur la base des éléments du dossier et après discussion avec la patiente, que
les plaintes actuelles étaient dues pour 60% au premier traumatisme et pour 40%
au second, le troisième accident ne semblant plus jouer un rôle significatif
dans les plaintes résiduelles. Ce praticien préconisait différentes mesures de
physiothérapie et une prise en charge « de type médecine manuelle », en
précisant que ces mesures visaient avant tout à stabiliser la situation
actuelle et donc à préserver la capacité de travail de l'assurée. En ce qui
concerne l'exercice d'une activité professionnelle, il a écrit ce qui suit: «
...en raison de ses difficultés, Mme X.________ a déjà par elle-même réduit son
taux d'activité à 80% depuis le début de l'année 2004. Je ne peux donc ici avec
certitude affirmer que la patiente pourra toujours à l'avenir continuer à
exercer à ce taux son activité professionnelle d'employée de commerce. Nous
tenterons toutefois, grâce à la poursuite de la prise en charge actuelle, de
préserver au maximum les capacités fonctionnelles de cette jeune assurée ». Une
copie de ce rapport a été adressé à X.________.

Le 26 janvier 2005, un entretien s'est déroulé à Delémont entre un inspecteur
de la SUVA, X.________ et le mandataire de celle-ci. Ce mandataire a annoncé
qu'il allait introduire une procédure afin d'engager la responsabilité civile
des auteurs des deux premiers accidents, selon la « répartition » effectuée par
le Dr A.________. Pour sa part, la SUVA a dit vouloir examiner sa
responsabilité dans cette affaire en déterminant si le cas est médicalement
stabilisé et, dans l'affirmative, si l''incapacité de travail de 20% est
médicalement justifiée. Sans nouvelles de la SUVA, le mandataire de X.________
a relancé cette assurance par plis des 12 mai et 1er septembre 2005, en lui
faisant notamment savoir, dans ce dernier courrier, que sa cliente « revendiqu
(ait) une invalidité durable et permanente de 20% ».

X.________ a été examinée le 24 octobre 2005 par le Dr B.________, spécialiste
FMH en chirurgie orthopédique auprès de la SUVA. Dans son rapport du 27 octobre
2005, ce spécialiste a déclaré que le cas de la patiente pouvait être « clos »,
du fait qu'une amélioration substantielle de son état de santé n'était plus
guère envisageable. Il a relevé que cette dernière avait réduit spontanément
son horaire de travail de 100% à 80% dès le 1er janvier 2004 et que cette
diminution du taux d'activité était justifiée. Le Dr B.________ s'est rallié à
l'opinion du Dr A.________ et a attribué la survenance des cervicalgies
chroniques dont souffre la lésée au premier et au deuxième accident,
respectivement dans des proportions de 60% et de 40%. Le Dr B.________ a
précisé avoir informé oralement X.________ de ses conclusions en fin d'examen.
La SUVA a adressé copie du rapport du Dr B.________ au mandataire de l'assurée
le 18 novembre 2005.

Par décision du 7 mars 2006, la SUVA a mis X.________ au bénéfice d'une rente
d'invalidité dès le 1er janvier 2004, calculée sur la base d'un taux
d'invalidité de 20%.

B.
B.a Le 19 novembre 2007, X.________ a déposé devant la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura une requête de citation en conciliation à l'encontre
des deux assureurs responsables, à savoir Y.________ et Z.________ SA, tendant
notamment à ce que Y.________ soit condamnée à lui payer la somme de 188'873
fr.35 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 1998 ou telle autre somme
supérieure à dire de justice.

La conciliation ayant échoué, X.________ a introduit sa demande auprès de la
Cour civile contre Y.________ le 25 février 2010, en se fondant sur les art. 58
ss LCR et 41 ss CO. Elle a conclu à ce que la défenderesse lui doive paiement
de 383'727 fr.55 plus intérêts à 5% l'an « dès l'exigibilité ou toute autre
somme supérieure à dire de justice », à titre de sa perte de gain actuelle et
future, de l'atteinte à son avenir économique, du préjudice ménager, du tort
moral, de la perte d'allocations familiales et de remboursement de frais de
soins.

Y.________ a conclu au rejet de la demande en faisant notamment valoir que
celle-ci était prescrite.
B.b Par arrêt du 27 avril 2011, la Cour civile du Tribunal cantonal jurassien,
composée de trois juges et d'une greffière, a admis l'exception de prescription
soulevée par la défenderesse et débouté la demanderesse de toutes ses
conclusions.

Saisie d'un appel de la demanderesse, la Cour civile, composée de trois autres
juges cantonaux et d'une autre greffière, a rejeté cet appel par arrêt du 31
janvier 2012 et confirmé l'arrêt du 27 avril 2011. Elle a admis qu'en déposant
le 19 novembre 2007 sa requête de citation en conciliation, la demanderesse a
agi alors que le délai de prescription de l'art. 83 al. 1 LCR était déjà
écoulé.

C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre
l'arrêt du 31 janvier 2012. Principalement, elle conclut à l'annulation de
cette décision et au renvoi du dossier à la cour cantonale à fin de traitement
du fond, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la
cause à la cour cantonale pour nouveau jugement au sens des considérants.

L'intimée propose le rejet du recours en tant qu'il est recevable.

Les parties ont répliqué et dupliqué.

Considérant en droit:

1.
1.1 Interjeté par la partie demanderesse qui a entièrement succombé dans ses
conclusions en paiement et qui a ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1
LTF), le recours en matière civile est dirigé contre un arrêt final (art. 90
LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par la Cour civile du Tribunal
cantonal jurassien ayant statué dans une composition entièrement différente par
rapport à la décision qu'elle a rendu en première instance selon l´arrêt du 27
avril 2011; il en découle que cette section de la Cour civile a acquis rang de
cour d'appel, ce qui permet de l'assimiler à une autorité de dernière instance
se prononçant sur recours (art. 75 LTF). Le présent recours, formé dans une
affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. de
l'art. 74 al. 1 let. b LTF, est au demeurant par principe recevable, puisqu'il
a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF)
prévus par la loi.

1.2 Le recours en matière civile se caractérise comme un recours en réforme
(art. 107 al. 2 LTF), de sorte que le recourant doit en principe prendre des
conclusions sur le fond. A titre exceptionnel, il est admis que le recourant
puisse se limiter à prendre des conclusions cassatoires lorsque le Tribunal
fédéral, s'il accueillait le recours, ne serait pas en mesure de statuer
lui-même sur le fond (ATF 134 III 379 consid. 1.3 p. 383 et l'arrêt cité). Tel
est le cas en l'espèce, puisque, si la juridiction fédérale admettait que la
prescription de l'action de la demanderesse n'est pas acquise, elle ne pourrait
pas statuer sur les conclusions en paiement de celle-ci, étant donné que la
cour cantonale n'a pas administré de preuves en relation avec les postes de
dommage invoqués et ne s'est conséquemment pas prononcée sur l'existence et la
quotité du préjudice. Les conclusions cassatoires de la recourante sont donc
exceptionnellement admissibles.

1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit
fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241
consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313). Le Tribunal fédéral
applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les
arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité
précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui
ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une
argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 137 II 313
consid. 1.4 p. 317 s.; 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). Compte tenu de
l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine
d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en
principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait
une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se
posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 137 III 580
consid. 1.3 p. 584; 135 II 384 consid. 2.2.1 p. 389; 135 III 397 consid. 1.4).
Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il ne
peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une
question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été
invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2
LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).

1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en
écarter que si les constatations factuelles de l'autorité cantonale ont été
établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire telle que l'entend l'art. 9 Cst. ( ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p.
62; 136 II 304 consid. 2.4) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF
(art. 105 al. 2 LTF).

La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité
précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions
d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de
quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de
celui contenu dans la décision attaquée (ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356; 136
I 184 consid. 1.2 p. 187). Une rectification de l'état de fait ne peut être
demandée que si elle est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97
al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

Tout au long de son recours, la recourante invoque, entre autres griefs,
l'arbitraire dans l'établissement des faits. Mais elle ne démontre nullement
avec la précision requise (cf. art. 106 al. 2 LTF) en quoi la cour cantonale
aurait sombré dans l'arbitraire en dressant l'état de fait de l'arrêt critiqué.
Il appert en réalité que la recourante discute l'appréciation juridique des
faits retenus, ce qui n'est pas la même chose. Partant, le raisonnement
juridique doit être conduit sur la base des constatations contenues dans
l'arrêt déféré.

1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art.
107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).

2.
La présente cause présente un aspect international puisque la demanderesse est
domiciliée en France (ATF 131 III 76 consid. 2). Saisi d'un recours en matière
civile, le Tribunal fédéral doit contrôler d'office la question du droit
applicable, laquelle se résout selon la loi du for, soit en l'occurrence la loi
fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; ATF 137
III 481 consid. 2.1)

En vertu de l'art. 134 LDIP, norme qui renvoie à l'art. 3 de la Convention de
La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accident de la
circulation routière (RS 0.741.31), le droit interne suisse est applicable en
l'espèce, en tant que loi du lieu des accidents. En effet, les deux premiers
accidents subis par la recourante - dont les parties reconnaissent qu'ils ont
entraîné le préjudice dont elle requiert réparation - sont survenus dans le
canton du Jura.

3.
Dans l'arrêt déféré, l'autorité cantonale a rappelé que la demanderesse exerce
une action en dommages-intérêts fondée sur les art. 58 ss LCR, laquelle est
soumise au délai de prescription de deux ans prévu par l'art. 83 al. 1 LCR qui
court du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en
est responsable. Elle a considéré que les indications figurant dans le rapport
du Dr A.________, du 28 septembre 2004, concernant le taux d'invalidité étaient
suffisantes pour admettre que la recourante avait connaissance de son dommage
au moment où celles-ci lui ont été communiquées et qu'elle était alors
parfaitement en mesure d'apprécier les éléments qu'elle fait désormais valoir
dans sa demande. Il n'était pas nécessaire que le dommage fût arrêté de manière
définitive à ce moment-là puisqu'il suffisait que son état médical soit
stabilisé et que le degré d'incapacité de travail résiduel ait été déterminé au
moins approximativement. De par son attitude ultérieure, la lésée a de toute
manière reconnu qu'elle avait acquis à fin septembre 2004 les informations
essentielles pour fonder son action en dommages-intérêts. Les magistrats
jurassiens se réfèrent à cet égard à l'entretien avec la SUVA du 26 janvier
2005, lors duquel le conseil de la demanderesse a annoncé son intention
d'introduire des procédures civiles à l'encontre des responsables des deux
premiers accidents. De plus, dans son courrier du 1er septembre 2005 adressé à
la SUVA, ledit conseil a confirmé revendiquer pour sa cliente une invalidité
durable et permanente de 20%. Pour la cour cantonale, le délai de prescription
de deux ans a ainsi commencé à courir à fin septembre 2004, époque où la
recourante avait acquis une connaissance suffisante de son dommage total, y
compris la partie couverte par les assurances sociales. La prescription était
donc acquise le 19 novembre 2007, jour du dépôt de la requête de citation en
conciliation.

La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir violé les art. 60 al. 1 CO
et 83 al. 1 LCR pour avoir admis qu'au reçu du rapport du Dr A.________, du 28
septembre 2004, elle avait des éléments suffisants pour décider de
l'introduction d'une action en dommages-intérêts contre l'intimée. Elle
soutient que la connaissance effective de son dommage coïncide avec la
notification du rapport d'expertise du Dr B.________. Elle en déduit que le
dies a quo du délai de prescription de son action correspondait au 19 novembre
2005, de sorte que sa requête de citation en conciliation, introduite, le 19
novembre 2007, a interrompu le délai de prescription.

4.
4.1 Selon l'état de fait qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), la
recourante a subi des lésions corporelles à la suite de l'accident de la
circulation routière du 1er novembre 1998, qui a été provoqué par un détenteur
dont l'intimée couvrait la responsabilité civile.

D'après l'art. 58 al. 1 LCR, si une personne est tuée ou blessée ou qu'un
dommage matériel est causé par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, le
détenteur est civilement responsable. Le détenteur a l'obligation de conclure
une assurance contre le risque de la responsabilité civile (art. 63 al. 1 LCR).
Dans la limite des montants prévus par le contrat d'assurance, le lésé peut
intenter une action directe contre l'assureur (art. 65 al. 1 LCR), de sorte
qu'il est habilité à faire valoir directement à son encontre la créance qu'il
pourrait avoir à l'endroit du détenteur.

Il est constant que l'accident du 1er novembre 1998 a été causé par l'emploi
d'un véhicule automobile et que la recourante, qui a subi des lésions
corporelles, est en droit de réclamer réparation de son dommage ainsi que le
versement d'une indemnité pour tort moral en s'adressant directement à
l'assureur (i.e. l'intimée).

4.2 D'après l'art. 83 al. 1 LCR, les actions en dommages-intérêts et en
réparation du tort moral qui découlent d'accidents causés par des véhicules
automobiles se prescrivent par deux ans à partir du jour où le lésé a eu
connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable, mais en tout
cas par dix ans dès le jour de l'accident. La connaissance du dommage est une
notion figurant notamment à l'art. 60 al. 1 CO, de sorte que l'on peut se
référer à la jurisprudence rendue en rapport avec cette disposition (arrêt
4A_647/2010 du 4 avril 2011 consid. 3.1).

Le lésé connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, relativement à son
existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à
motiver une demande en justice (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68; arrêt du
Tribunal fédéral 4A_576/2010 du 7 juin 2011, non publié in ATF 137 III 352; cf.
également ATF 136 III 322 consid. 4.1 p. 330). Le lésé n'est pas admis à
différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact
de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2
CO (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68; 111 II 55 consid. 3a p. 57 s.). Le
dommage est tenu pour suffisamment défini lorsque le lésé détient assez
d'éléments pour être en mesure de l'apprécier (ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57;
109 II 433 consid. 2 p. 434). En considération de la relative brièveté du délai
de prescription entrant en considération, la notion de « connaissance du
dommage » doit être interprétée strictement (ROLAND BREHM, Berner Kommentar, 3e
éd. 2006, n° 22 ad art. 60 CO; cf. ATF 111 II 55 consid. 3a p. 57).

Lorsque l'ampleur du préjudice dépend d'une situation qui évolue, le délai de
prescription ne court pas avant le terme de cette évolution. Tel est le cas
notamment du préjudice consécutif à une atteinte à la santé dont il n'est pas
possible de prévoir d'emblée l'évolution avec suffisamment de certitude (ATF
112 II 118 consid. 4 p. 123; 108 Ib 97 consid. 1c p. 100). En particulier, la
connaissance du dommage résultant d'une invalidité permanente suppose que,
selon un expert, l'état de santé soit stabilisé sur le plan médical et que le
taux de l'incapacité de travail soit fixé au moins approximativement; le lésé
doit en outre savoir, sur la base des rapports médicaux, quelle peut être
l'évolution de son état (arrêt du Tribunal fédéral 4A_289/2008 du 1er octobre
2008 consid. 4, non publié in ATF 134 III 591; arrêt 4A_647/2010 déjà cité,
consid. 3.1). Lorsque le lésé est si sévèrement atteint qu'une rente de
l'assurance-invalidité doit lui être allouée, la décision de rente offre
souvent l'information nécessaire à la connaissance du dommage (BREHM, op. cit.,
n° 43 ad art. 60 CO). Mais la communication de la décision de l'assureur social
ne constitue pas systématiquement le point de départ du délai de prescription
relatif. En effet, l'issue de la procédure conduite par l'AI ou la SUVA n'est
pas en soi déterminante pour la connaissance du dommage, car la rente
d'invalidité ne réduit pas le dommage subi par un assuré, mais le couvre, du
moins partiellement (arrêts 4A_647/2010 du 4 avril 2011 consid. 3.1 et 2C.1/
1999 du 12 septembre 2000 consid. 3c).

Pour le surplus, le délai de prescription part du moment où le lésé a
effectivement connaissance du dommage, et non de celui où il aurait pu
découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée
par les circonstances (ATF 136 III 322 consid. 4.1 p. 330; 111 II 55 consid. 3a
p. 58 s.).

4.3 La cour cantonale a fixé le moment de la connaissance du dommage à fin
septembre 2004, moment où la recourante a reçu une copie du rapport du Dr
A.________.

Dans son rapport du 28 septembre 2004, ce praticien a déterminé que l'état de
santé de la recourante, laquelle souffre de cervicalgies chroniques, est dû à
raison de 60% au premier accident dont elle a été victime et à raison de 40% au
deuxième accident qu'elle a subi.

Il appert ainsi que dès qu'elle a reçu ce document, la recourante savait que
l'intimée était responsable à raison de 60% du préjudice qu'elle invoque
maintenant.

S'agissant de la poursuite future de l'activité professionnelle de la lésée,
qui travaille comme employée de commerce, le Dr A.________ a relevé dans son
rapport que celle-ci avait spontanément réduit son taux d'activité à 80% à
partir de janvier 2004, ajoutant qu'il ne pouvait affirmer avec certitude
qu'elle pourra à l'avenir poursuivre à ce taux son emploi. On doit déduire des
termes utilisés par le médecin qu'il a reconnu que la recourante présentait à
compter de janvier 2004 un degré d'invalidité permanente d'au moins 20%, dès
l'instant où il a affirmé qu'il n'était pas possible de prévoir qu'elle puisse
maintenir à l'avenir une activité professionnelle à 80%.

Dans le pli qu'il a envoyé à la SUVA le 1er septembre 2005, le mandataire de la
recourante a annoncé revendiquer pour sa mandante « une invalidité durable et
permanente de 20% ». Cet avocat, en écrivant cette phrase, a manifesté qu'il
avait compris que le taux d'incapacité entrant en ligne de compte dans le
calcul du dommage de la recourante - imputable à raison de 60% à l'intimée - se
montait à 20%. Or la connaissance par le représentant de ce taux d'incapacité
de travail doit être attribuée à la représentée (cf. arrêt 4C. 296/1995 du 26
mars 1996 consid. 6a, in SJ 1996 p. 554 s).

Partant, dans ces circonstances, il sied d'admettre que la recourante
connaissait en tout cas le 1er septembre 2005 tant le dommage dont elle
entendait obtenir réparation que la personne qui en était responsable (cf. art.
83 al. 1 LCR) et qu'elle disposait alors des informations suffisantes sur
l'étendue du préjudice pour agir en justice.
Il a été retenu (art. 105 al. 1 LTF) que la demande en conciliation a été
déposée le 19 novembre 2007 et qu'aucun acte interruptif n'est survenu
préalablement. Le délai relatif de prescription de deux ans instauré par l'art.
83 al. 1 LCR était ainsi dépassé à cette date.
Le moyen tiré de la violation de la norme précitée se révèle infondé.

5.
En définitive, le recours doit être rejeté.

Les frais judiciaires et les dépens de l'instance fédérale sont mis à la charge
de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'500 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 7'500 fr. à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal
cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 18 juillet 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

Le Greffier: Ramelet