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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Subsidiäre Verfassungsbeschwerde 2D.23/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2D_23/2012
{T 0/2}

Arrêt du 30 avril 2012
IIe Cour de droit public

Composition
M. et Mme les Juges Zünd, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier: M. Dubey.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Maurizio Locciola, avocat,
recourant,

contre

Office cantonal de la population du canton de Genève, route de Chancy 88, case
postale 2652,
1211 Genève 2.

Objet
Autorisation de séjour; renvoi,

recours constitutionnel contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre administrative, 2ème Section, du 28 février 2012.

Considérant en fait et en droit:

1.
Le 10 janvier 1995, en raison de multiples condamnations pénales, notamment, le
6 septembre 1994, à trois ans de réclusion pour trafic de stupéfiants, le
Service de l'état civil et des étrangers du canton du Valais a décidé de ne pas
renouveler l'autorisation de séjour de X.________, ressortissant du Kosovo né
en 1961, échue depuis le 20 mars 1994. Ce dernier devait ainsi quitter la
Suisse dès sa sortie de prison. Les recours de X.________ contre cette décision
ont été rejetés successivement par le chef du département de la justice, de la
police et des affaires militaires du canton du Valais le 30 juin 1995, puis le
Conseil d'Etat du canton du Valais, le 19 janvier 1996 et le Tribunal cantonal,
le 31 mai 1996. Le Tribunal fédéral a déclaré le recours de X.________
irrecevable le 11 octobre 1996.

En 1995, X.________ s'est marié au Kosovo. Son épouse et leurs quatre enfants,
nés respectivement en 1996, 1997, 2000 et 2005, y vivent.

Le 11 novembre 1996, l'Office fédéral des étrangers a prononcé une interdiction
d'entrée à l'endroit de X.________, valable dès le 16 décembre 1996 et de durée
indéterminée.

Par jugement du 3 octobre 1997, le Tribunal correctionnel du district d'Orbe a
condamné par défaut X.________, pour agression, à dix-huit mois
d'emprisonnement et à l'expulsion du territoire suisse pour dix ans, ces peines
étant complémentaires à celles prononcées par le Tribunal cantonal du Valais le
6 septembre 1994.

A partir du 28 juin 2004, X.________ a travaillé en tant qu'"isoleur" pour
l'entreprise Werner isolations SA, à Genève. Le 21 juillet 2006, X.________ a
été victime d'un grave accident de chantier (traumatisme crânio-cérébral,
hématome épidural antérieur droit, céphalée temporale en regard d'une contusion
sous-cutanée et d'une otorragie, fracture du rocher droit, fracture du malaire
droit, hypoacousie à droite, douleurs de l'épaule droite, troubles visuels,
etc.); il a terminé sa convalescence au 1er septembre 2006.

Selon un rapport médical daté du 6 septembre 2008, établi par le Dr Y.________
qui suivait X.________ depuis le 2 octobre 2006, le patient présentait un état
dépressif avec une symptomatologie d'asthénie marquée, anxiété, tristesse,
troubles du sommeil, céphalées, vertiges, irritabilité, et baisse de l'acuité
visuelle. Des importantes douleurs à la mobilité active et passive et une
limitation fonctionnelle de l'épaule droite, accompagnée d'une palpation
douloureuse de l'insertion de la coiffe de rotateurs, avaient également été
constatées. Le diagnostic psychiatrique retenait un état de stress
post-traumatique. Une récupération lente était possible, le traitement - d'une
durée indéterminée - consistant en de la psychothérapie, physiothérapie et la
prise de médicaments. D'un point de vue médical, X.________ était apte à
voyager.

Par décision du 24 juillet 2009, l'Office de la population du canton de Genève
a refusé de soumettre le dossier à l'Office fédéral des migrations en vue de
l'octroi d'une autorisation de séjour à X.________, lui impartissant un délai
au 25 octobre 2009 pour quitter la Suisse.

Le 26 août 2009, X.________ a recouru auprès de la Commission cantonale de
recours en matière administrative, devenue depuis le 1er janvier 2011 le
Tribunal administratif de première instance, concluant à l'annulation de la
décision du 24 juillet 2009.

Le 8 novembre 2010, le Dr Z.________ a attesté que X.________ souffrait
"d'épisodes dépressifs récurrents d'intensité moyenne à sévère, l'épisode
actuel étant en rémission partielle". Le patient présentait également "un
épisode de stress post traumatique invalidant [...]. Il exist[ait] une
causalité évidente entre les troubles dépressifs récurrents et l'état de stress
post traumatique et l'accident subi". D'un point de vue psychiatrique, l'état
de X.________ était invalidant à 100 % par rapport à son dernier emploi. "Un
autre emploi devr[ait] être proposé au patient dès la stabilisation de son état
psychique, qui sera[it] obtenue probablement dans les prochains mois". Le
traitement actuel suivi par X.________ consistait en des séances
psychothérapeutiques hebdomadaires et un traitement psycho-pharmacologique
comprenant de la fluoxétine (40 mg par jour), de la prégabaline (25 mg jusqu'à
quatre comprimés par jour) en fonction des angoisses et des douleurs, et du
zolpidem (10 mg) en fonction des insomnies.

Par décision du 9 novembre 2010, la Commission cantonale de recours en matière
administrative a rejeté le recours précité, confirmant le refus du 24 juillet
2009.

Le 23 décembre 2010, X.________ a recouru auprès du Tribunal administratif,
devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de
justice (ci-après : la Cour de justice), contre la décision du 9 novembre 2010.

Le 15 juin 2011, l'Office de la population a adressé au juge délégué les
documents relatifs à l'impossibilité d'appliquer pour le Kosovo la convention
signée entre la Suisse et l'ex-Yougoslavie en matière de sécurité sociale aux
décisions prises après le 31 mars 2010, le rapport de l'Office fédéral des
migrations du 3 mai 2011 concernant les possibilités de soins neurologiques
dans ce pays et l'arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6864/2006 du 21
novembre 2008, dont il ressortait que "l'infrastructure sanitaire et médicale
[s'était] sensiblement améliorée au Kosovo ces dernières années. Les affections
psychiques [pouvaient] y être soignées et les médicaments utiles - en tous les
cas sous leur forme générique - y [étaient] en général disponibles et en
particulier les antidépresseurs. Ce n'[était] que si le traitement requis
[était] lourd et pointu qu'une mesure de substitution [pouvait] être envisagée"
(consid. 6.5).

Le 30 juin 2011, X.________ a envoyé au juge délégué un courrier auquel étaient
jointes trois attestations. Les éléments suivants ressortaient des documents
annexés :
- Le 27 mai 2011, le Dr Z.________ a rappelé qu'"actuellement X.________
souffre d'épisodes dépressifs récurrents d'intensité moyenne à sévère,
l'épisode actuel étant en rémission. Toutefois, il présente un état de stress
post traumatique invalidant et des troubles dissociatifs avec des troubles du
comportement. Ces derniers diagnostiques nécessitent une prise en charge
spécialisée, hebdomadaire et un traitement antidépresseurs quotidien [...]. En
cas de rupture thérapeutique il existe un risque auto et hétéro-agressif".
- Le 10 juin 2011, le Dr A.________, médecin adjoint agrégé auprès des HUG, a
écrit qu'"en cas de rupture de suivi, on pourrait s'attendre à une aggravation
de la composante dépressive et du coup des troubles de la mémoire, du
ralentissement et des céphalées".
- Selon une attestation du 15 juin 2011 établie par le Docteur B.________,
neuropsychiatre au Kosovo, traduite, "le traitement de [X.________] chez [eux]
est fortement limité faute de psychothérapeutes avec licence, de cadre
supérieur psychiatrique manquant et surchargé, faute d'institutions de
réhabilitation et manque en permanence de médicaments AD adéquats. L'hôpital
régional de Pejë ne possède pas de cadre pour la neurologie et l'établissement
le plus proche se trouve à Pristina soit le CCUK qui fonctionne avec des moyens
très limités".

2.
Par arrêt du 28 février 2012, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté
le recours déposé par X.________, en application de la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers. Ce dernier ne se trouvait pas dans une
situation personnelle d'extrême gravité et les conditions pour l'admettre
provisoirement en raison du caractère impossible, illicite ou inexigible de
l'exécution du renvoi n'étaient pas réunies au vu de la jurisprudence de la
CourEDH en application de l'art. 3 CEDH et des circonstances du cas: "Les
éléments du dossier ne permettaient pas de retenir que la vie du recourant
serait mise en danger en cas de retour dans son pays d'origine. Les médicaments
nécessaires pour son traitement pourraient lui être fournis dans le cadre de
son retour et sont également disponibles au Kosovo. En outre, son suivi
psychiatrique pourrait également être poursuivi, dès lors qu'une infrastructure
à cet effet existe dans ce pays."

3.
Agissant par la voie du recours constitutionnel subsidiaire pour constatation
arbitraire des faits (art. 116 LTF) et violation de l'art. 3 CEDH, X.________
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 28 février 2012 par la
Cour de justice du canton de Genève et de renvoyer la cause pour nouvelle
décision au sens des considérants. Il sollicite l'octroi de l'effet suspensif
et de l'assistance judiciaire.

Il n'a pas été ordonné d'échange des écritures.

4.
Seul le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF) est ouvert contre
les décisions cantonales de dernière instance rendues séparément sur la
question des obstacles liés à l'exécution d'un renvoi (cf. art. 83 lit. c ch. 4
in fine LTF). Comme la personne sous le coup d'une décision de renvoi ne
dispose pas, en cas d'obstacles à son renvoi, d'un droit à ce que le canton
demande une admission provisoire à l'Office fédéral qui est exclusivement
compétent pour décider en cette matière, seule peut être invoquée la violation
de droits constitutionnels spécifiques (protection de la vie humaine,
protection contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants, etc.) (cf.
ATF 137 II 305 consid. 3.3) ou la violation de droits de parties dont le
manquement équivaut à un déni de justice formel ("Star-Paxis"; cf. ATF 137 II
305 consid. 2).

Les griefs de violation de l'art. 3 CEDH et de constatation arbitraire des
faits à cet égard sont par conséquent recevables.

5.
5.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité
précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il peut néanmoins rectifier ou compléter les
constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en
violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF), ce que le
recourant doit démontrer d'une manière circonstanciée, conformément aux
exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 III 439 consid.
3.2 p. 444 ss).

5.2 Le recourant se plaint de l'établissement arbitraire des faits. Il remarque
qu'"un rapport détaillé de 24 pages établi par l'OSAR le 1er septembre 2010
comprenant des développements importants sur l'accès aux soins au Kosovo ainsi
que des précisions spécifiques sur l'accès aux soins psychiatriques", "un bref
rapport de 2 pages établis par l'ODM le 3 mai 2011 sur une problématique
manifestement étrangère à la cause, soit l'épilepsie", et "une attestation
détaillée du 1er juillet 2011 établie par un neuropsychiatre de l'Hôpital de la
commune d'origine du recourant établie en prenant en compte le diagnostic posé
par ces thérapeutes" avaient été produits en procédure cantonale. Il soutient
que le rapport de l'OSAR n'a pas été pris en compte par l'instance précédente
et que l'attestation du 1er juillet 2011 est un moyen de preuve que celle-ci
aurait dû discuter.

5.3 Le recourant perd de vue que - comme c'est le cas en l'espèce - lorsqu'il
s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la
décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens
et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir
compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore
si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables
(ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). En effet, il ne démontre pas en quoi la prise
en compte des rapports et attestations qu'il mentionne serait propre à modifier
la décision attaquée eu égard aux droits garantis par l'art. 3 CEDH, ce qui
doit être examiné ci-dessous.

6.
6.1 L'art. 3 CEDH prohibe notamment les traitements inhumains ou dégradants.
Pour tomber sous le coup de cette disposition, un mauvais traitement doit
atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de
l'ensemble des données de la cause (ATF 134 I 221 consid. 3.2.1). Selon la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme concernant le défaut
de traitement médical approprié dans le pays de renvoi, ce n'est que dans des
situations exceptionnelles, en raison de "considérations humanitaires
impérieuses", que la mise à exécution d'une décision d'éloignement d'un
étranger peut emporter violation de l'article 3 CEDH (arrêt CourEDH, Emre
contre Suisse du 22 mai 2008, requête n° 42034/04, § 88). Les étrangers qui
sont sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne peuvent en principe revendiquer le
droit de rester sur le territoire d'un État contractant afin de continuer à y
bénéficier de l'assistance médicale. Ainsi, le fait que la situation d'une
personne dans son pays d'origine serait moins favorable que celle dont elle
jouit dans le pays d'accueil n'est pas déterminant du point de vue de l'article
3 CEDH (arrêt CouEDH, Emre § 91). Il faut des motifs sérieux et avérés de
croire que l'intéressé, si on l'expulse vers le pays de destination, y courra
un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt
CourEDH N. contre Royaume-Uni du 27 mai 2008 § 30). La Cour européenne des
droits de l'homme exige un seuil de gravité élevé pour que l'état de santé
d'une personne lui permette de s'opposer à son expulsion (arrêt Emre § 92;
arrêt COUREDH, N. c/ Royaume-Uni, § 42 ainsi que § 32 ss énumérant la
jurisprudence de la Cour relative à l'art. 3 et à l'expulsion de personnes
gravement malades). En matière de santé mentale, la CourEDH a rejeté à
l'unanimité le grief de violation de l'art. 3 CEDH à propos d'un requérant
souffrant d'une maladie mentale qui ne pouvait plus bénéficier gratuitement de
son médicament dans son pays d'origine dans lequel il n'était affilié à aucun
fonds d'assurance sociale mais pouvait bénéficier de ce médicament s'il était
hospitalisé ou pouvait se le procurer dans le cadre d'une consultation externe
moyennant paiement et malgré le fait que l'hôpital le plus proche qui puisse
assurer ce traitement se situait à 75 ou 80 km du village où vivait sa famille
(arrêt CourEDH, Bensaid c. Royaume-Uni, no 44599/98, Rec. 2001-I § 36 ss).

6.2 En l'espèce, les griefs du recourant relatifs à l'accès aux soins, que ce
soit en raison de la distance, de la qualité de ces derniers, de leur
disponibilité ou des moyens financiers dont il dispose reflètent une situation
de faits qui n'est pas différente de celle qui ressort de l'arrêt Bensaïd c.
Royaume-Uni. Il en va de même s'il fallait tenir compte des rapports et
attestations dont le recourant soutient que l'instance précédente n'aurait pas
suffisamment pris en compte le contenu. En jugeant qu'il n'y avait pas
d'obstacle au renvoi, l'Instance précédente n'a par conséquent pas violé l'art.
3 CEDH ni établi ou apprécié de manière arbitraire les faits.

7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. La requête
d'effet suspensif est sans objet. Le recours se révélant d'emblée dénué de
chances de succès, la demande d'assistance judiciaire, dans la mesure où elle
vaut aussi pour la présente procédure, est rejetée (cf. art. 64 LTF).
Succombant, le recourant doit supporter les frais de la procédure fédérale
(art. 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al.1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal
de la population et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative.

Lausanne, le 30 avril 2012
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Dubey