Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.962/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_962/2012
{T 0/2}

Arrêt du 21 mars 2013
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier: M. Chatton.

Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Philippe Ehrenström, avocat,
recourante,

contre

Commune de St-Aubin-Sauges,
représentée par Me Pierre Heinis, avocat,

Y.________ SA.

Objet
Redevance pour l'utilisation du sol communal; délai pour agir,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de
Neuchâtel, Cour de droit public, du 29 août 2012.

Faits:

A.
Par facture du 14 novembre 2008, la société Y.________ SA a réclamé à
X.________, domiciliée à Saint-Aubin-Sauges (NE), un montant de 668 fr. 20 pour
sa consommation d'électricité du 1er janvier au 21 octobre 2008, dont 40 fr. 14
à titre de "Redev. utilis. sol communal NE". Par facture du 1er octobre 2009,
Y.________ SA a réclamé à X.________ un montant de 715 fr. 28 pour sa
consommation d'électricité du 22 octobre 2008 au 14 septembre 2009 dont 10 fr.
06 et 30 fr. 31 à titre de redevance.

B.
Le 7 juillet 2010, X.________ a mis en demeure la Commune de Saint-Aubin-Sauges
(ci-après: la Commune) de rendre une décision, afin de constater que le
prélèvement par Y.________ SA d'une taxe auprès des utilisateurs finaux pour
l'usage du domaine public communal ne reposait sur aucune base légale. Elle
demandait le remboursement des montants qui lui avaient été facturés à tort
pour la période du 1er janvier 2008 au 22 juin 2010.

Par courrier du 23 août 2010, la Commune, considérant que le prélèvement de la
redevance litigieuse reposait sur une base légale, a indiqué qu'elle ne pouvait
répondre favorablement à la demande de rendre une décision concernant un
éventuel remboursement des redevances prélevées par Y.________ SA.

X.________ a déféré cet acte au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
(devenu, depuis le 1er janvier 2011, la Cour de droit public du Tribunal
cantonal de la République et canton de Neuchâtel, ci-après: le Tribunal
cantonal), en concluant principalement à son annulation, à ce qu'il soit
constaté que le prélèvement et la facturation auprès des utilisateurs finaux de
la Commune de Saint-Aubin-Sauges par Y.________ SA d'une redevance pour
l'utilisation du domaine public ne reposait sur aucune base légale et en
demandant le remboursement de 80 fr. 50 avec intérêt à 5 % dès le dépôt du
recours.

Par arrêt du 29 août 2012, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. Les juges
ont considéré en substance que X.________ s'était à juste titre adressée à la
Commune pour contester la taxe mise à sa charge, mais qu'elle aurait dû former
réclamation dans un délai de 30 jours suivant l'envoi de la facture. En
s'adressant à la Commune le 7 juillet 2010, alors que les factures dataient du
14 novembre 2008 et du 1er octobre 2009, X.________ avait agi tardivement.
Certes, les factures reçues ne contenaient aucune indication des voies de
droit. Cependant, il aurait appartenu à l'intéressée de se renseigner auprès
d'un avocat ou de l'autorité ayant statué sur les moyens d'attaquer ces actes.
En attendant le mois d'avril 2010 pour demander à Y.________ SA le
remboursement des montants de 80 fr. 50 figurant sur les deux factures
précitées et en s'adressant à la Commune deux mois plus tard, soit le 7 juillet
2010, la justiciable n'avait pas fait preuve de la diligence nécessaire, de
sorte qu'il fallait considérer que la réclamation formée l'avait été
tardivement. En outre, les taxes litigieuses ne pouvant être qualifiées de
nulles, elles ne pouvaient être contestées en tout temps.

C.
A l'encontre de l'arrêt du 29 août 2012, X.________ forme un recours en matière
de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et
dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à ce qu'il soit dit et constaté
que le prélèvement et la facturation auprès des utilisateurs finaux de la
Commune par Y.________ SA d'une redevance pour l'utilisation du domaine public
ne reposait sur aucune base légale et qu'en conséquence la Commune était tenue
de lui rembourser le montant de 80 fr. 50 plus intérêt à 5 % dès le dépôt du
recours. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause au Tribunal
cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal cantonal n'a pas formulé d'observations, se référant aux motifs de
l'arrêt attaqué et concluant au rejet du recours. Y.________ SA a renoncé à
répondre. La Commune propose le rejet du recours dans la mesure de sa
recevabilité.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) qui
ne tombe pas sous le coup des exceptions visées à l'art. 83 LTF, de sorte que
la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Interjeté dans le
délai (cf. art. 45 et 100 al. 1 LTF) et la forme prévus par la loi (art. 42 al.
2 LTF) par une partie à la procédure cantonale qui a qualité pour agir (art. 89
al. 1 LTF), le recours, formé contre un jugement final (cf. art. 90 LTF) rendu
par un tribunal cantonal supérieur (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), est
en principe recevable.

1.2 Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine
librement la violation du droit fédéral (art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF),
alors qu'il ne revoit le droit cantonal, sous réserve d'exceptions non
réalisées en l'espèce (cf. art. 95 LTF), que sous l'angle de la violation des
droits fondamentaux - en particulier l'arbitraire -, qu'il appartient au
recourant de motiver d'une façon conforme à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 136 II
304 consid. 2.5 p. 314).

2.
Le Tribunal fédéral ne peut statuer au-delà de l'arrêt attaqué, qui définit
l'objet du litige qui peut être porté devant lui (cf. ATF 131 V 164 consid. 2.1
p. 164 s.; arrêt 2C_176/2012 du 18 octobre 2012 consid. 3.3, non publié in ATF
138 II 536). En l'occurrence, la décision entreprise ne s'est pas prononcée sur
le fond, à savoir sur le bien-fondé des redevances litigieuses, mais a
considéré que la Commune ne devait pas entrer en matière sur la demande en
remboursement de la recourante, au motif que la requête, en tant qu'elle
portait sur les factures des années 2008 et 2009, était tardive. Les juges
cantonaux n'ont en particulier pas examiné si la redevance reposait sur une
base légale suffisante, indiquant seulement que, même si les taxes litigieuses
étaient dépourvues de base légale, celles-ci ne seraient qu'illicites et non
pas nulles, de sorte que cela ne dispensait pas la recourante d'agir en temps
utile.

Dans ces circonstances, seuls les aspects formels traités par l'arrêt attaqué
peuvent être contestés devant la Cour de céans. Les conclusions de la
recourante tendant à ce qu'il soit constaté que le prélèvement de la redevance
ne repose sur aucune base légale et à ce que la Commune soit en conséquence
condamnée à lui rembourser 80 fr. 50 plus intérêt, ainsi que les griefs
présentés à leur appui, ne sont ainsi pas recevables.

3.
Hormis des critiques matérielles irrecevables, la recourante fait grief au
Tribunal cantonal d'avoir considéré son recours comme tardif, bien que les
factures des 14 novembre 2008 et du 1er octobre 2009 ne comportaient
l'indication d'aucune voie de droit. Elle considère que lui reprocher, dans ces
circonstances, d'avoir tardé à prendre des renseignements nécessaires pour
éclaircir la situation quant aux voies et délais de recours viole les art. 5
al. 3 et 9 Cst. en relation avec l'art. 4 de la loi neuchâteloise du 27 juin
1979 sur la procédure et la juridiction administratives (RS/NE 152.130; LPJA/
NE).

3.1 Selon l'art. 4 al. 1 LPJA/NE, la décision n'acquiert force exécutoire
qu'entre autres à la condition d'indiquer l'autorité auprès de laquelle un
recours peut être déposé, la forme du recours et le délai pour son dépôt (let.
c). Cette disposition pose le principe reconnu selon lequel toute décision doit
indiquer les voies de droit. Dès lors que la recourante n'indique pas que la
procédure administrative cantonale lui offrirait des garanties supérieures aux
art. 5 al. 3 et 9 Cst. ni en quoi du reste le droit cantonal aurait été
appliqué de façon contraire aux droits constitutionnels, le grief ne répond pas
aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2). Il ne sera donc
examiné qu'à la lumière des art. 5 al. 3 et 9 Cst.

3.2 La pratique a déduit du principe de la bonne foi consacré à l'art. 5 al. 3
Cst. que les parties ne doivent subir aucun préjudice en raison d'une
indication inexacte des voies de droit. Seul peut toutefois bénéficier de la
protection de la bonne foi celui qui ne pouvait pas constater l'inexactitude de
la voie de droit indiquée, même avec la diligence qu'on pouvait attendre de lui
(cf. ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 p. 53 s.; 134 I 199 consid. 1.3.1 p. 203; arrêt
5A_545/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.1). Tel n'est pas le cas de la partie
qui s'est aperçue de l'erreur ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant
l'attention commandée par les circonstances, étant précisé que seule une
négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne
foi (ATF 138 I 53 consid. 8.3.2 p. 54).

Selon la jurisprudence, les particuliers ne peuvent penser qu'une décision
administrative peut être attaquée à tout moment devant un juge (arrêt 9C_85/
2011 du 17 janvier 2012 consid. 6.2, SVR 2012 IV n° 39 p. 147 et résumé in RtiD
2012 II 403). Ainsi, le destinataire d'un acte ne mentionnant pas de voie de
droit ne peut simplement l'ignorer; il est au contraire tenu de l'attaquer dans
le délai ordinaire pour recourir ou alors de se renseigner, dans un délai
raisonnable, sur la voie de recours lorsque le caractère de décision de l'acte
est reconnaissable et qu'il entend la contester (ATF 129 II 125 consid. 3.3 p.
134; 119 IV 330 consid. 1c p. 334). Pour définir cette période, le délai
ordinaire de recours de 30 jours peut servir de référence (cf. arrêt 9C_85/2011
précité, consid. 6.2 in fine; confirmé in arrêt 9C_741/2012 du 12 décembre 2012
consid. 2 in fine).

3.3 En l'espèce, la recourante a reçu, les 14 novembre 2008 et 1er octobre
2009, deux factures d'électricité adressées par Y.________ SA, mettant à sa
charge, dans les deux cas, une redevance liée à l'utilisation du sol communal.
Ces factures ne contenaient pas d'indication de voies de droit. La recourante,
qui ne prétend nullement que le caractère de décision des redevances figurant
sur les factures n'était pas reconnaissable, s'est tout d'abord acquittée des
montants réclamés sans contestation. Puis, selon l'arrêt attaqué, elle a remis
en cause l'existence d'une base légale pour prélever cette redevance auprès de
plusieurs autorités (Département cantonal neuchâtelois de la gestion du
territoire; Commission fédérale de l'électricité). La recourante a toutefois
attendu le 7 avril 2010 avant de demander concrètement à l'auteur de la
facture, soit Y.________ SA, le remboursement des redevances. Cette dernière
l'ayant informée, le 26 avril 2010, qu'elle ne pouvait entrer en matière, la
recourante a encore attendu deux mois avant de finalement s'adresser, le 7
juillet 2010, à la Commune.

Ces circonstances démontrent que la recourante a manqué de manière
significative à son devoir de diligence. En effet, tout justiciable, même sans
connaissance juridique particulière, sait que s'il entend contester une
décision (en l'occurrence une facture), il doit se manifester dans un certain
délai, en général de trente jours. Certes, pour la recourante, qui agissait
alors sans le conseil d'un avocat, il n'était pas facile de déterminer
l'autorité juridiquement compétente. On pouvait cependant attendre d'elle
qu'elle s'adresse, dans un délai raisonnable, soit dans un laps de temps qui
correspond à peu près au délai ordinaire pour recourir contre toute décision,
au moins à la société auteur de la facture. A cet égard, les contestations
générales déposées auprès d'autorités administratives, sans lien direct avec
les factures, ne sauraient suffire. Or, la recourante a payé les factures sans
discuter et a attendu une année et demi pour la première facture et six mois
pour la seconde avant d'en demander le remboursement partiel à Y.________ SA.
Puis, cette dernière l'ayant renvoyée à obtenir une décision auprès des
autorités administratives ou judiciaires compétentes, elle a encore attendu
deux mois avant de s'adresser enfin à la Commune. En considérant que, dans ce
contexte, la recourante ne pouvait se prévaloir du principe de la bonne foi
pour justifier son retard à contester les factures, on ne peut reprocher aux
juges cantonaux d'avoir violé l'art. 5 al. 3 Cst ou l'art. 9 Cst.

4.
La recourante soutient, dans une argumentation qu'il faut qualifier de
subsidiaire, que la redevance litigieuse étant nulle, il était arbitraire de
qualifier sa contestation de tardive, dès lors qu'elle pouvait invoquer la
nullité de cette taxe en tout temps.

4.1 La sanction ordinaire d'une décision comportant des vices est
l'annulabilité. Celle-ci ne peut être prononcée que par l'autorité de recours
saisie dans le délai prévu (PIERRE MOOR/ETIENNE POLTIER, Droit administratif,
vol. II, 3e éd., 2011, ch. 2.3.3.1 p. 362). Les décisions ne sont considérées
comme nulles que dans des cas exceptionnels (cf. BENOÎT BOVAY, Procédure
administrative, 2000, p. 280 s.). Pour que la nullité soit prononcée, le vice
doit non seulement être particulièrement grave, mais aussi être manifeste ou en
tous les cas clairement reconnaissable et il faut que la sécurité du droit ne
soit pas sérieusement mise en danger par la reconnaissance de la nullité (ATF
132 II 21 consid. 3.1 p. 27; arrêt 1C_277/2012 du 16 novembre 2012 consid.
5.6).

4.2 En l'occurrence, il n'apparaît pas que la Cour cantonale ait appliqué ces
principes de manière insoutenable en retenant que, même si la redevance
comportait des irrégularités matérielles, elle serait tout au plus annulable et
pas nulle. En effet, la législation dans le domaine du marché de l'électricité
a été modifiée, par étapes successives (cf. ordonnance fédérale du 14 mars 2008
concernant l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions de la loi sur
l'approvisionnement en électricité; RO 2008 775), entre le 15 juillet 2007 et
le 1er janvier 2009, à travers la loi fédérale du 23 mars 2007 sur
l'approvisionnement en électricité (RS 734.7; LApEl) et son ordonnance
d'application du 14 mars 2008 (RS 734.71; OApEl). Ces nouveaux textes ont
introduit des changements profonds s'agissant en particulier des tarifs et de
la fixation des prix (cf. notamment, arrêt 2C_518/2012 du 23 novembre 2012,
destiné à la publication, consid. 2.2 et 2.3; ATF 138 II 70 consid. 5 à 7 p. 73
à 77). En présence d'une situation juridique nouvelle, on ne peut en tous les
cas dire que les éventuels vices affectant les factures 2008 et 2009 étaient
manifestes, au point d'entraîner la nullité et non l'annulabilité des
redevances litigieuses. Au demeurant, il appartenait à la recourante, qui
invoque l'arbitraire de la position des juges cantonaux s'agissant du refus
d'admettre la nullité, de le démontrer (cf. art. 106 al. 2 LTF), ce qu'elle ne
fait nullement.

5.
Il découle de ce qui précède, que le recours doit être rejeté, dans la mesure
de sa recevabilité.

Les frais seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1
LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la Commune (art. 68 al. 3 LTF),
ni à Y.________ SA, qui a renoncé à répondre dans la procédure devant le
Tribunal fédéral (cf. art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Commune de
St-Aubin-Sauges, à Y.________ SA et au Tribunal cantonal de la République et
canton de Neuchâtel, Cour de droit public.

Lausanne, le 21 mars 2013
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Chatton