Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.907/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_907/2012
2C_908/2012
{T 0/2}

Arrêt du 22 mai 2013
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Kneubühler.
Greffière: Mme Beti.

Participants à la procédure
X.________ SA,
représentée par Maîtres Xavier Oberson et Dominique Gay, avocats,
recourante,

contre

Administration fiscale cantonale du canton de Genève.

Objet
2C_907/2012
Impôts communal et cantonal 2005,

2C_908/2012
Impôt fédéral direct 2005,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de
Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 31 juillet 2012.

Faits:

A.
La société X.________ SA, précédemment Y.________ SA (ci-après la
contribuable), a pour but l'exploitation d'un bureau d'architectes et de
services dans les domaines des projets, de l'exécution, de l'assistance et de
la conduite des projets, des systèmes informatiques du bâtiment et de
l'immobilier, ainsi que dans les domaines de l'aménagement du territoire, de la
recherche et des études générales, des expertises et des conseils. Elle a son
siège à A.________, dans le canton de Genève.
Selon la déclaration fiscale de la contribuable du 10 août 2006 et le compte de
pertes et profits 2005 qui y était annexé, les honoraires encaissés en 2005
s'étaient élevés à CHF 3'046'681.- et le chiffre d'affaires à CHF 2'926'448.-,
pour un bénéfice de CHF 108'937.-.
Le 5 septembre 2006, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève
(ci-après l'Administration cantonale) a établi le bordereau pour l'impôt
cantonal et communal 2005 de la société en se fondant sur les montants
déclarés. L'impôt dû à ce titre se montait à CHF 28'300.-. Quant à l'impôt
fédéral direct pour 2005, il s'élevait à CHF 9'256.50 selon bordereau du 12
septembre 2006.

B.
Le 20 février 2007, l'Administration cantonale a ouvert une procédure de
contrôle à l'encontre de la contribuable pour l'année fiscale 2005. A l'issue
de la procédure et par courrier du 29 août 2008, elle l'a informée qu'elle
envisageait de procéder à une reprise pour 2005 en raison des factures et
travaux en cours suivants:
Date de la facture
Dates des travaux
Montant facturé
08.05.2006
01.05.-31.10.2005
790'860.-
02.02.2006
01.06.-31.12.2005
167'303.-
06.02.2006
01.08.-31.12.2005
15'352.-
06.02.2006
01.01.-31.12.2005
428'688.-
06.02.2006
01.01.-31.12.2005
102'222.-
24.02.2006
01.01.2005-31.03.2006
326'465.-
dont 258'743.-
pour travaux en 2005

Selon l'Administration cantonale, la première facture, comptabilisée en 2006,
permettait une économie d'impôt en 2005. Les deux factures suivantes
entraînaient une double économie d'impôt, car elles n'étaient comptabilisées ni
en 2005 ni en 2006 alors que les charges y relatives l'étaient. Les dernières
factures permettaient quant à elles de réaliser une économie d'impôt en 2005,
puisque leur produit était réparti entre 2005 et 2006, alors qu'elles n'étaient
comptabilisées qu'en 2006.
La contribuable a accepté la reprise globale envisagée de CHF 700'000.- environ
pour l'exercice 2005, tout en contestant l'accusation de soustraction d'impôt.
Le 23 décembre 2008, l'Administration cantonale a notifié à la contribuable un
supplément d'impôt cantonal et communal 2005 de CHF 171'443.35 avec des
intérêts de retard de CHF 12'023.90 et une amende de CHF 57'147.-, équivalant
au tiers de l'impôt soustrait. Le supplément pour l'impôt fédéral direct 2005
était de CHF 61'098.- avec des intérêts de retard de CHF 5'356.-, et une amende
de CHF 20'366.-. L'Administration cantonale se fondait sur les factures émises
les 2 et 6 février, ainsi que le 8 mai 2006, pour un total de CHF 1'546'945.-,
prises en compte à bien plaire à raison de 50 %, de sorte que le total de la
reprise s'élevait à CHF 718'840.-.
Ne contestant pas la reprise, la contribuable a élevé réclamation contre les
amendes relatives aux impôts cantonal et communal et à l'impôt fédéral direct,
ainsi que contre le décompte des intérêts effectué pour les impôts cantonal et
communal. Cette réclamation a été rejetée le 4 février 2009. Par deux recours
du 5 mars 2009, concernant l'un l'amende et les intérêts relatifs à l'impôt
cantonal et communal 2005 et l'autre l'amende relative à l'impôt fédéral direct
2005, la contribuable a porté l'affaire devant les commissions cantonales de
recours en matière d'impôts, devenues la Commission cantonale de recours en
matière administrative, à laquelle a succédé le 1er janvier 2011 le Tribunal
administratif de première instance (ci-après le TAPI). Celui-ci a admis les
recours par jugement du 14 juin 2011 et annulé le deux bordereaux d'amende. Sur
la base consolidée des exercices fiscaux 2005 et 2006, le TAPI a considéré
qu'il n'y avait pas eu d'atteinte aux intérêts patrimoniaux de la collectivité
publique, de sorte qu'une des conditions à la réalisation d'une soustraction
d'impôt faisait défaut. Il a également renvoyé le dossier à l'Administration
cantonale, afin qu'elle procède à un nouveau calcul des intérêts s'agissant des
impôts cantonal et communal.
L'Administration cantonale a recouru contre ce jugement auprès de la Chambre
administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après la Cour de
justice). Par arrêt du 31 juillet 2012, cette dernière a admis le recours,
annulé le jugement du TAPI du 14 juin 2011, rétabli les décisions sur
réclamation du 4 février 2009, et donné acte à l'Administration cantonale de ce
qu'elle acceptait de corriger le calcul des intérêts dus au titre de l'impôt
cantonal et communal 2005 et de rembourser à la contribuable la somme de CHF
12'262.80 selon un décompte établi le 26 juillet 2011. La Cour de justice a
considéré, en substance, qu'il n'était pas admissible, sans violer le principe
de l'étanchéité des exercices fiscaux, de prendre en considération la base
consolidée de deux périodes. La contribuable avait par ailleurs indiqué
elle-même que les factures litigieuses n'avaient pas été comptabilisées en 2005
en raison "de la volonté de son conseil d'administration de ne pas chiffrer les
travaux en cours à la fin d'exercice et de considérer ces derniers comme des
réserves latentes", ce qui démontrait l'intention de diminuer artificiellement
le bénéfice déclaré en 2005. Selon la Cour de justice, la soustraction
intentionnelle était par conséquent avérée. La quotité de l'amende ayant été
fixée au minimum prévu par les dispositions applicables, le principe de
proportionnalité avait en outre été respecté.

C.
Par acte du 14 septembre 2012, la contribuable dépose un recours en matière de
droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens,
à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice du 31 juillet 2012.
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de l'arrêt
attaqué. L'Administration cantonale conclut au rejet du recours.
L'Administration fédérale des contribution se rallie aux observations de
l'Administration cantonale et conclut au rejet du recours.

Considérant en droit:
I. Recevabilité

1.
La Cour de Justice a rendu un seul arrêt valant pour les deux amendes
prononcées, l'une en matière d'impôts cantonal et communal, l'autre concernant
l'impôt fédéral direct, ce qui est admissible, dès lors que l'amende pour
soustraction fiscale est réglée de la même façon en droit fédéral et dans le
droit cantonal harmonisé (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262 s.; arrêt
2C_918/2012 du 11 février 2013 consid. 1). Dans ces circonstances, on ne peut
reprocher à la recourante d'avoir formé les mêmes griefs et pris des
conclusions valant pour les deux amendes dans son recours devant le Tribunal
fédéral (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2 p. 263 s.). Par souci d'unification
par rapport à d'autres cantons dans lesquels deux décisions sont rendues, la
Cour de céans a toutefois ouvert deux dossiers, l'un concernant l'impôt fédéral
direct (2C_908/2012), l'autre les impôts cantonal et communal (2C_907/2012).
Comme l'état de fait est identique et que les questions juridiques se
recoupent, les deux causes seront néanmoins jointes et il sera statué dans un
seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]).

2.
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en
dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et
al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas
sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF (cf. art. 146 LIFD
[RS 642.11] et art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS
642.14]). Le recours concerne en effet une soustraction d'impôt, soit une
matière harmonisée (cf. art. 56 LHID). La recourante a participé à la procédure
devant l'instance précédente, est particulièrement atteinte par la décision
entreprise en tant que contribuable et a un intérêt digne de protection à son
annulation ou à sa modification. Elle a ainsi qualité pour recourir (cf. art.
89 al. 1 LTF). Le recours a en outre été déposé en temps utile et dans les
formes requises (cf. art. 42 al. 1 et 2 et art. 100 al. 1 LTF).
La recourante, bien que représentée par deux avocats, prend des conclusions qui
portent uniquement sur l'annulation de l'arrêt attaqué. Des conclusions
purement cassatoires ne sont en principe pas suffisantes (art. 107 al. 2 LTF).
Dès lors que l'on comprend qu'en concluant à l'annulation de l'arrêt attaqué,
la recourante requiert l'annulation des amendes prononcées à son encontre tout
en ne remettant pas en cause la partie de l'arrêt qui lui donne raison sur les
intérêts, il y a lieu de ne pas se montrer trop formaliste et d'admettre la
recevabilité du recours (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3 p. 317; 133 II 409
consid. 1.4.1 p. 414 s.).
Il convient donc d'entrer en matière.

3.
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office.
Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la
conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances
cantonales aux dispositions de la loi fédérale sur l'harmonisation fiscale.
Cependant, lorsque les dispositions de la LHID laissent une marge de manoeuvre
aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal est limité à
l'arbitraire (cf. ATF 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.), dont la violation doit
être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF.

4.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral statue sur
la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à
moins que ces faits n'aient été établis de façon manifestement inexacte - ce
qui correspond à la notion d'arbitraire (cf. pour cette notion ATF 136 III 552
consid. 4.2 p. 560; arrêt 2C_122/2012 du 1er novembre 2012 consid. 3.1) - ou en
violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend
s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière
circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al.
2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le
sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir
compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision
attaquée. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des
critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation
des preuves (cf. ATF 137 II 353 consid. 5.1 p. 356).
II. Impôt fédéral direct

5.
Le litige ne concerne pas la reprise d'impôt effectuée, mais uniquement
l'amende prononcée pour soustraction fiscale.

5.1 Aux termes de l'art. 175 al. 1 LIFD (RS 642.11), le contribuable qui,
intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas
effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit
incomplète, est puni d'une amende. En règle générale, l'amende est fixée au
montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, l'amende peut être
réduite jusqu'au tiers de ce montant; si la faute est grave, elle peut au plus
être triplée (art. 175 al. 2 LIFD). Pour qu'une soustraction fiscale soit
réalisée, trois éléments doivent dès lors être réunis: la soustraction d'un
montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable
et la faute de ce dernier (arrêt 2C_664/2008 du 4 février 2009 consid. 2 non
publié aux ATF 135 II 86). La recourante conteste la réalisation de ces
éléments constitutifs.

5.2 La recourante nie en premier lieu avoir violé une obligation légale. Elle
soutient que ni le droit fiscal ni le droit comptable en vigueur en 2005 ne
l'obligeaient à facturer chaque année ses travaux de longue durée en cours ou à
les comptabiliser.
5.2.1 D'après l'art. 58 al. 1 let. a LIFD, le bénéfice net imposable comprend
le solde du compte de résultats, compte tenu du solde reporté de l'exercice
précédent. Il s'ensuit que le bénéfice imposable est, sous réserve des règles
correctrices prévues notamment par l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD, celui qui
ressort de la comptabilité commerciale, dont le contenu, pour autant qu'il soit
conforme au droit commercial, est contraignant pour l'autorité fiscale en vertu
du principe de l'autorité du bilan commercial, si bien que, pour autant que les
autres conditions soient remplies, une soustraction est commise dès qu'il y a
irrégularité dans la comptabilité (cf. ATF 135 II 86 consid. 3.1 p. 88).
5.2.2 En l'absence d'une réglementation expresse contraire, le droit applicable
à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le
rappel d'impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes
règles (cf. arrêt 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1). Le présent
litige porte sur la période fiscale 2005. C'est par conséquent le droit
comptable antérieur à la révision du 23 décembre 2011 (RO 2012 6679) qui est
applicable (cité ci-après aCO).
La comptabilisation est soumise à un certain nombre de principes. Le principe
de sincérité représente l'un des buts même des comptes annuels, comme cela
ressort de l'exigence de transparence figurant à l'art. 959 aCO. En vertu de la
sincérité matérielle, il est ainsi interdit d'omettre purement et simplement un
actif dans les comptes pour créer une réserve latente (cf. PIERRE-MARIE
GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, 2005, p. 55; PETER BÖCKLI,
Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 8 n° 899; PETER BRÜLISAUER/FLURIN POLTERA, in
Zweifel/Athanas (éd.), Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/2a, 2e éd.
2008, n° 23 ad art. 58 LIFD). Le principe de l'intégralité découle du principe
de sincérité. Il exige que tous les faits économiques qui ont un effet sur les
capitaux engagés soient prise en compte, aussi bien dans le bilan que dans le
compte de profits et pertes. Les comptes ne doivent ainsi ni taire, ni
escamoter des éléments essentiels (cf. art. 662a al. 2 ch. 1 CO; GLAUSER, op.
cit., p. 56; BÖCKLI, op. cit., § 8 n° 115). Le principe de prudence pousse à
une approche pessimiste dans les différents aspects de la démarche comptable;
en cas d'hésitation sur l'évaluation, c'est ainsi la valeur la plus basse qui
doit être retenue (cf. art. 662a al. 2 ch. 3 aCO; GLAUSER, op. cit., p. 56;
BRÜLISAUER/POLTERA, op. cit., n° 26 ad art. 58 LIFD). Le principe de
périodicité réclame que la comptabilité soit bouclée périodiquement et que les
revenus et les charges de l'entreprise soient alloués aux différentes périodes
comptables (cf. arrêt 2A.108/2004 du 31 août 2005 consid. 3; GLAUSER, op. cit.,
p. 57; BRÜLISAUER/POLTERA, op. cit., n° 43 ad art. 58 LIFD; ROBERT DANON, in
Yersin/Noël (éd.), Commentaire romand de la LIFD, 2008, n° 75 ad art. 57-58
LIFD). Le principe de réalisation permet de déterminer le moment où un revenu
peut et doit être comptabilisé. Un produit est ainsi inscrit au compte de
résultats lorsque la société acquiert un droit juridique ferme et exécutable
envers sa contrepartie. Dans le cas d'honoraires résultant de contrats de
mandat, une telle prétention est acquise au moment où le mandat confié a été
porté à son terme ou, par facilité, au moment de la facturation. Pour pouvoir
se baser sur la facturation, il est cependant nécessaire que celle-ci ne soit
pas artificiellement retardée (cf. arrêt 2C_157/2010 du 12 décembre 2010
consid. 4.1, in RDAF 2011 II 418; GLAUSER, op. cit., p. 58; BÖCKLI, op. cit., §
8 n° 124; BRÜLISAUER/POLTERA, op. cit., n° 28 ad art. 58 LIFD). Lorsque des
revenus de l'année en cours ne sont encaissés qu'après la clôture du bilan, la
pratique comptable recourt à l'utilisation d'actifs transitoires anticipés,
comptabilisés sous les postes transitoires classiques (cf. LUKAS HANDSCHIN,
Rechnungslegung im Gesellschaftsrecht, 2013, n° 319).
5.2.3 Dans ce contexte, un problème particulier émane des "activités en cours",
soit des prestations non encore terminées, en particulier dans les contrats
portant sur une longue durée. La pratique comptable moderne se réfère à cet
égard à la méthode de "percentage-of-completion", et recommande que le revenu
soit comptabilisé en fonction de la progression du travail (cf. BÖCKLI, op.
cit., § 8 n° 124). Selon la pratique classique en revanche, dans la mesure où
la facturation n'a pas eu lieu, le gain relatif à ces contrats doit être activé
seulement dans la mesure de son "coût de revient" (cf. art. 666 al. 1 aCO;
arrêts 2C_157/2010 du 12 décembre 2010 consid. 4.2; 2A.196/1988 du 30 août 1989
consid. 3b; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, 2001, n° 69 ad art. 18 LIFD;
MATHIAS OERTLI, Angefangene Arbeiten beim Jahresabschluss, 1988, p. 67 s.;
HEINRICH SCHWÄGLER, Die Besteuerung von Eigenleistungen im Geschäftsvermögen,
1994, p. 83 s.; MARKUS WEIDMANN, Einkommensbegriff und Realisation, 1996, p.
181). Les activités en cours doivent ainsi être évaluées à leur valeur de
production et non à celle de leur facturation prévue (cf. arrêts 2C_157/2010 du
12 décembre 2010 consid. 5.5; 2P.260/1996 du 22 février 1999, consid. 3c).
5.2.4 En l'espèce, les factures litigieuses concernent différents mandats
d'architecte et de suivis de chantiers. Elles portent par conséquent sur des
mandats de longue durée. Si ces mandats se poursuivaient au-delà de l'exercice
2005, ils devaient être activés dans la comptabilité 2005 à leur coût de
revient. La même démarche devait être entreprise pour les mandats qui ont pris
fin en 2005, mais pour lesquels la facturation effectuée en 2006 est intervenue
encore en temps utile. En revanche, si la facturation a été artificiellement
retardée, les mandats concernés devaient être comptabilisés en 2005 à leur prix
de facturation. Aucune de ces opérations n'a été effectuée en l'occurrence, le
conseil d'administration de la recourante ayant décidé de ne pas comptabiliser
les travaux en cours à la fin de l'exercice et de considérer ces derniers comme
des réserves latentes (cf. infra consid. 5.4.2). Or, ce procédé viole les
principes comptables applicables, qui commandent, pour les contrats de longue
durée en cours à la fin de l'exercice pour lesquels aucune facture n'a encore
été établie, de comptabiliser leurs coûts de revient. Dans ces conditions, la
Cour de justice pouvait juger, sans violer les art. 58 al. 1 let. a et 175 al.
1 LIFD, que la recourante avait violé une disposition de droit commercial et
constater que cet élément objectif de la soustraction fiscale était réalisé.
Mal fondé, ce grief doit être rejeté.

5.3 La recourante conteste également qu'un montant d'impôt aurait été soustrait
à la collectivité publique par son comportement. Elle estime qu'en raison du
caractère proportionnel de l'impôt sur le bénéfice des sociétés et du fait que
les montants litigieux ont été dûment déclarés et taxés l'année suivante, le
montant global et cumulé de l'impôt dû était identique, de sorte que la
collectivité publique n'avait subi aucune perte.
5.3.1 Le bien juridiquement protégé par l'art. 175 LIFD est le patrimoine de la
collectivité publique, qui est lésé dès lors que les ressources financières
n'augmentent pas conformément à ce que prévoit la loi fiscale (cf. PIETRO
SANSONETTI, in Yersin/Noël (éd.), Commentaire romand de la LIFD, 2008, n° 4 ad
art. 175 LIFD). L'art. 175 LIFD protège la créance fiscale en tant que fortune
de la collectivité publique (cf. ATF 121 II 257 consid. 5b p. 271). Le dommage
est égal à la différence entre le montant de l'impôt qui a été fixé dans la
décision arrêtant définitivement la taxation, et le montant qui aurait été dû
dans le cas où le contribuable n'avait pas violé ses obligations (cf. HENRI
TORRIONE, Les infractions fiscales en matière d'impôts directs, in OREF (éd.),
Les procédures en droit fiscal, 2e éd. 2005, p. 1014). Dans ce contexte, le
principe de périodicité prend une importance déterminante en raison du besoin
de l'État d'assurer une source régulière de rentrées fiscales afin de financer
les tâches qui lui sont dévolues (cf. ROMAN SIEBER, in Zweifel/Athanas (éd.),
Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/2a, 2e éd. 2008, n° 5 ad art. 175
LIFD; GLAUSER, op. cit., p. 18). En droit suisse, le principe de périodicité
est ancré dans la loi (cf. pour l'imposition des personnes morales, art. 79
LIFD en relation avec l'art. 58 LIFD). Il est ainsi un principe de droit
matériel et non seulement une règle de nature technique servant à la perception
de l'impôt. Au vu de son importance, il doit être pris en compte, de préférence
au principe de l'imposition du bénéfice total, lors de la mise en oeuvre du
principe de l'imposition selon la capacité contributive (cf. arrêt 2C_33/2009
du 27 novembre 2009 consid. 3.3). Les actions comptables - qu'elles soient
admises ou non par les règles comptables - qui aboutissent à la création de
réserves latentes, ont pour conséquence de reporter l'imposition à un exercice
ultérieur et, par là même, perturbent le prélèvement périodique de l'impôt
voulu par le législateur (cf. DANON, op. cit., n° 57 ad art. 57-58 LIFD). La
formation de réserves latentes n'est donc pas compatible avec le principe de
périodicité (cf. BRÜLISAUER/POLTERA, op. cit., n° 43 ad art. 58 LIFD).
5.3.2 Au vu de ce qui précède, et dès lors que la violation des règles
comptables par la recourante est établie (cf. supra consid. 5.2.4), il suffit
donc de constater qu'en raison de cette violation, pour la période fiscale
2005, l'impôt perçu selon la taxation du 12 septembre 2006, à savoir CHF
9'256.50, est inférieur à celui qui était dû, soit CHF 70'354.50 compte tenu du
supplément d'impôt de CHF 61'098.- notifié le 23 décembre 2008. Au demeurant,
ce procédé revient à pénaliser la collectivité publique pour la période fiscale
2005, puisque le défaut de comptabilisation a entraîné pour cette dernière,
pour la période en cause, une perte équivalente à l'impôt non perçu.
Il y a donc bien eu soustraction d'un montant d'impôt et le grief y relatif
doit être rejeté.

5.4 La recourante estime enfin qu'aucun comportement imputable à une faute de
ses organes ne peut lui être reproché.
5.4.1 Lorsque la soustraction d'impôt est commise par une personne morale, la
faute au sens des art. 175 et 181 LIFD ne peut être qu'un attribut de la
personne physique, en l'espèce d'un organe de la personne morale, dont le
comportement doit être imputé à celle-ci. (ATF 135 II 86 consid. 4.2 p. 89 ss
et les références citées). La soustraction est punissable aussi bien
lorsqu'elle est commise intentionnellement que lorsqu'elle l'est par
négligence. La preuve d'un comportement intentionnel doit être considérée comme
apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que le contribuable
était conscient que les indications fournies étaient erronées ou incomplètes.
Si cette conscience est établie, il faut admettre qu'il a volontairement
cherché à induire les autorités fiscales en erreur, afin d'obtenir une taxation
moins élevée ou du moins qu'il a agi par dol éventuel (cf. ATF 114 Ib 27
consid. 3a p. 29 s.; arrêt 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.4).
Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève par
ailleurs des constatations de faits, qui lient le Tribunal fédéral, à moins que
ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte (cf. ATF 135 IV 152
consid. 2.3.2 p. 156; supra consid. 4).
5.4.2 En l'espèce, selon l'état de fait retenu par la Cour de justice, la
raison pour laquelle la recourante n'avait pas comptabilisé les factures
litigieuses en 2005 était "la volonté de son conseil d'administration de ne pas
chiffrer les travaux en cours à la fin d'exercice et de considérer ces derniers
comme des réserves latentes". En outre, selon les juges cantonaux, les montants
des honoraires qui n'ont pas été déclarés en 2005 représentaient 50 % du
chiffre d'affaires de la société pour cette année-là, soit une proportion sans
comparaison avec celle de 10 % prétendument rendue nécessaire à titre de
provisions. La Cour de justice en a déduit que le seul but du conseil
d'administration de la recourante était par conséquent de diminuer
artificiellement le bénéfice déclaré par la société en 2005, ce qui démontrait
la soustraction intentionnelle.
De son côté, la recourante expose que ses administrateurs entendaient respecter
le principe comptable de la prudence, de sorte qu'ils n'ont jamais envisagé que
les informations figurant dans la comptabilité et les déclarations fiscales
puissent être considérées comme inexactes, puisque tous les honoraires
facturables ont été facturés et comptabilisés.

Dans la mesure où les critiques de la recourante portent sur l'établissement
des faits, sans exposer concrètement, dans le respect des exigences accrues de
motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi l'instance précédente serait tombée
dans l'arbitraire en matière de constatation des faits, ses griefs sont
irrecevables.
Les faits retenus par les juges cantonaux lient par conséquent la Cour de
céans. Il en découle que, en décidant de ne pas comptabiliser du tous les
travaux en cours à la fin d'exercice afin de constituer des réserves latentes,
les administrateurs de la recourante ont, à tout le moins par dol éventuel,
cherché à obtenir une taxation moins élevée. Le grief relatif à cette question
doit par conséquent également être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

5.5 L'ensemble des griefs soulevés par la recourante en lien avec l'application
de l'art. 175 al. 1 LIFD s'avère ainsi sans fondement. La recourante ne
conteste par ailleurs que le principe et, à juste titre, non le montant de
l'amende qui lui a été infligée. Celui-ci a été fixé au montant minimum
incompressible prévu par l'art. 175 al. 2 LIFD (cf. arrêt 2C_188/2009 du 7
juillet 2009 consid. 2.5), ce qui prend en compte la bonne collaboration de la
contribuable au cours de la procédure (cf. arrêt attaqué consid. 8), ainsi que
le fait qu'il n'est pas exclu qu'une partie de l'impôt soustrait à la
collectivité en 2005 - période fiscale litigieuse - en violation du principe de
la périodicité, n'ait été récupérée sur les périodes fiscales subséquentes (cf.
supra consid. 5.3).
Dans ces conditions, le recours en matière de droit public doit être rejeté en
tant qu'il porte sur l'amende relative à l'impôt fédéral direct pour la période
fiscale 2005.
III. Impôts cantonal et communal

6.
Les art. 56 al. 1 LHID et 69 al. 1 de la loi genevois de procédure fiscale
(LPFisc; RS-GE D 3 17) relatifs à la soustraction d'impôt, ont la même teneur
que l'art. 175 al. 1 LIFD. Par ailleurs, conformément aux art. 24 al. 1 LHID et
12 de la loi genevoise sur l'imposition des personnes morales (LIPM; RS-GE D 3
15), le bénéfice net se détermine de manière comparable et selon les mêmes
principes comptables que ceux prévus à l'art. 58 al. 1 LIFD (cf. STEPHAN KUHN/
PETER BRÜLISAUER, in Zweifel/Athanas (éd.), Kommentar zum Schweizerischen
Steuerrecht I/1, 2002, n° 9 ss ad art. 24 LHID; GLAUSER, op. cit., p. 69 s.).
Partant, les considérations développées en relation avec l'amende pour l'impôt
fédéral direct trouvent à s'appliquer à l'amende relative aux impôts cantonal
et communal pour la période fiscale sous examen (cf. arrêt 2C_104/2008 du 20
juin 2008 consid. 3.2). Il suffit donc de renvoyer, s'agissant de l'amende pour
les impôts cantonal et communal, aux considérants relatifs à l'amende relative
à l'impôt fédéral direct (cf. arrêt 2C_276/2010 du 19 octobre 2010 consid. 5).
Le recours doit par conséquent être rejeté également en tant qu'il concerne
l'amende prononcée en lien avec les impôts cantonal et communal pour la période
fiscale 2005.
IV. Frais et dépens

7.
Succombant en tous points, la recourante supportera les frais judiciaires (art.
66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2C_907/2012 et 2C_908/2012 sont jointes.

2.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct pour 2005.

3.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal
pour 2005.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à CHF 4'000.-, sont mis à la charge de la
recourante.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à
l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève, à la Cour de justice de
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et à
l'Administration fédérale des contributions.

Lausanne, le 22 mai 2013

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

La Greffière: Beti

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