Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.881/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_881/2012

Arrêt du 16 janvier 2013
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Seiler et Aubry Girardin.
Greffier: M. Chatton.

Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Filippo Ryter, avocat, Etude LKNR & Associés,
recourant,

contre

Service de la population et des migrants du canton de Fribourg.

Objet
Autorisation d'établissement, révocation,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Ie Cour
administrative, du 16 juillet 2012.

Faits:

A.
Ressortissant kosovar né en 1968, X.________ a séjourné sans autorisation en
Suisse à plusieurs reprises et a fait l'objet de deux décisions de refoulement.
Revenu illégalement en Suisse en 1996, il y a déposé une demande d'asile, qui a
été rejetée en janvier 1997. A la suite de son mariage, en février 1997, avec
une Suissesse de 22 ans son aînée, dont il a divorcé en 2005, il a obtenu une
autorisation de séjour, puis une autorisation d'établissement.
En 2005, X.________ a épousé une compatriote, qui est venue le rejoindre en
Suisse en 2007, au bénéfice d'une autorisation de séjour. Trois enfants sont
nés de cette union en 2005, 2007 et 2011.

B.
B.a Durant son séjour en Suisse, X.________ a régulièrement occupé les services
de police et a fait l'objet de très nombreuses condamnations pénales, à savoir:
- En 1992, le Juge d'instruction du 4e ressort de Fribourg l'a condamné à 200
fr. d'amende, convertie en trois jours d'arrêts, pour entrée et séjour sans
autorisation en Suisse, selon l'aLSEE.
- En 1993, le Tribunal de police du district de la Chaux-de-Fonds l'a condamné
à vingt jours d'arrêts, avec sursis pendant un an, ainsi qu'à une amende de 200
fr. pour conduite sans permis.
- En 1995, le Juge d'instruction du 4e ressort de Fribourg l'a condamné à une
amende de 300 fr. pour entrée, séjour et travail sans autorisation en Suisse
(aLSEE).
- En 1998, le Juge d'instruction du Jura bernois à Bienne a condamné
l'intéressé à cinq jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, ainsi
qu'à 1'000 fr. d'amende pour infraction à la LCR.
- En 1999, le Ministère public du canton de Neuchâtel l'a condamné à 1'500 fr.
d'amende pour excès de vitesse.
- En juillet 2000, le Juge d'instruction du district de Bienne-Laufon l'a
condamné à quinze jours d'emprisonnement sans sursis pour infractions à la LCR.
- En août 2000, le Juge d'instruction du canton de Fribourg l'a condamné à 100
fr. d'amende pour contravention à l'aLSEE.
- En mars et septembre 2003, l'autorité précitée a condamné X.________ à 600
fr., respectivement à 1'200 fr. d'amende pour avoir occupé des étrangers sans
autorisation.
- En 2004, le Juge d'instruction à Burgdorf l'a condamné à trente jours
d'emprisonnement et à une amende de 1'500 fr. pour conduite en état d'ébriété.
- La même année, le Juge d'instruction du canton de Fribourg a condamné
l'intéressé à une peine de vingt jours d'emprisonnement, avec sursis pendant
cinq ans, et à une amende de 4'000 fr. pour avoir occupé des étrangers sans
autorisation (aLSEE) et violation grave des règles de la circulation routière.
- En 2005, le Juge d'instruction du canton de Fribourg l'a condamné à quinze
jours d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans, et à 1'500 fr. d'amende
pour avoir occupé des étrangers sans autorisation.
- En 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissement de La Côte l'a condamné à
quatre mois d'emprisonnement, assorti d'un sursis de cinq ans, ainsi qu'à une
amende de 2'000 fr. pour extorsion et chantage, contrainte, séquestration et
enlèvement, et pour avoir occupé des étrangers sans autorisation.
- En 2007, le Juge d'instruction du canton de Fribourg l'a condamné à une peine
pécuniaire de 120 jours-amende et à 3'000 fr. d'amende pour avoir cédé un
véhicule à moteur à un conducteur sans permis de conduire, avoir occupé des
étrangers sans autorisation, pour abus de confiance et infractions à la LAVS et
à la LIFD.
- En janvier 2008, le Tribunal de district de Lenzbourg a condamné X.________ à
180 jours-amende pour violation grave des règles de la circulation routière.
- En mai 2008, le Tribunal de police de Lausanne l'a condamné à une peine
pécuniaire de quinze jours-amende et à une amende de 2'000 fr. pour
insoumission à une décision de l'autorité et pour avoir occupé des étrangers
sans autorisation.
- En novembre 2008, le Juge d'instruction de Lausanne l'a condamné à une peine
pécuniaire de quinze jours-amende pour avoir occupé des étrangers sans
autorisation.
- En 2010, le Juge d'instruction du canton de Fribourg a condamné l'intéressé à
une peine pécuniaire de soixante jours-amende pour avoir occupé des étrangers
sans autorisation.
- En mars et octobre 2011, le Ministère public du canton de Fribourg l'a
condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, respectivement à 240 heures
de travail d'intérêt général pour avoir occupé des étrangers sans autorisation.
- En août 2011, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois l'a
condamné à une peine pécuniaire de 130 jours-amende pour violation grave des
règles de la circulation routière et conduite en étant dans l'incapacité de
conduire (taux d'alcoolémie qualifié).
- En 2012, le Ministère public du canton de Genève a condamné l'intéressé à une
peine privative de liberté de deux mois et à 30 jours-amende, peines
complémentaires à celles prononcées en août et octobre 2011 pour avoir occupé
des étrangers sans autorisation.
B.b En outre, les sociétés dont X.________ était ou est encore associé gérant,
administrateur ou responsable ont donné lieu à de nombreuses sommations ou
sanctions administratives pour avoir engagé du personnel étranger dépourvu
d'autorisation de séjour. Ainsi, A.________ Sàrl a fait l'objet de sommations
en 2002 et 2004 et de suspensions et sanctions en 2004, 2005 (deux fois) et
2006 (deux fois); B.________ SA de suspensions en 2005, 2006 et 2008;
C.________ SA d'une sommation en 2007 et de suspensions et sanctions en 2009 et
2011; et D.________ Sàrl d'une sommation en 2011.

C.
En avril 2005, avril 2007, novembre 2007 et mai 2011, le Service de la
population et des migrants de l'Etat de Fribourg (ci-après: le Service
cantonal) a adressé quatre avertissements à X.________, l'enjoignant de
modifier son comportement sous peine d'un réexamen de ses conditions de séjour.
Après avoir entendu X.________, le Service cantonal a, par décision du 29
février 2012, révoqué l'autorisation d'établissement de l'intéressé, en lui
impartissant un délai de trente jours pour quitter la Suisse. Par arrêt du 16
juillet 2012, la Ie Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de
Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de X.________
contre la décision du 29 février 2012.

D.
A l'encontre de l'arrêt du Tribunal cantonal du 16 juillet 2012, X.________
dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut,
sous suite de frais et dépens, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué
en ce sens que l'autorisation d'établissement soit maintenue, respectivement
renouvelée; subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité ayant statué en
première instance pour nouvelle décision.
Le Service cantonal, le Tribunal cantonal et l'Office fédéral des migrations
concluent au rejet du recours. Persistant dans ses conclusions, le recourant
renonce à répliquer.

Le 5 novembre 2012, le Service cantonal a adressé au Tribunal fédéral
différentes informations de nature pénale, transmises au recourant.
Par ordonnance présidentielle du 20 septembre 2012, le Tribunal fédéral a admis
la requête d'effet suspensif formée par X.________.

Considérant en droit:

1.
D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est
irrecevable contre les décisions relatives à une autorisation de droit des
étrangers à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent
droit. Il est recevable contre les décisions révoquant, comme en l'espèce, une
autorisation d'établissement ou constatant qu'une autorisation de ce type est
caduque, parce qu'il existe en principe un droit au maintien de cette
autorisation (ATF 135 II 1 consid. 1.2.1 p. 4). Pour le surplus, l'arrêt
attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance
cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Déposé
en temps utile compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF)
et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt
attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, le recours
en matière de droit public est par conséquent recevable.

2.
2.1 Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle
librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature
constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des
exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet
alinéa, le Tribunal fédéral n'examine les droits fondamentaux ainsi que le
droit cantonal que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant (ATF
136 II 304 consid. 2.5 p. 314).

2.2 L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par
l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient
été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle
d'arbitraire (cf. ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51; 136 III 552 consid. 4.2 p.
560) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2
LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté
(art. 99 al. 1 LTF). Les faits et les critiques invoqués de manière
appellatoire sont irrecevables (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104).
En l'occurrence, il ne sera pas tenu compte des pièces que le Service cantonal
a adressées au Tribunal fédéral le 5 novembre 2012, dès lors qu'il s'agit de
moyens nouveaux irrecevables. En outre, il ne sera pas entré en matière sur
l'état de fait par lequel le recourant tente de réinterpréter en sa faveur, de
façon appellatoire, les faits établis par le Tribunal cantonal.

3.
Le Tribunal cantonal a confirmé la révocation de l'autorisation d'établissement
dont bénéficie le recourant. Il a retenu que même si, individuellement, chaque
infraction commise par le recourant n'atteignait pas le degré de gravité exigé
par la loi pour révoquer l'autorisation d'établissement, leur constante
répétition sur une aussi longue période et le risque de récidive élevé reconnu
par les autorités pénales suffisait à admettre que la présence en Suisse du
recourant constituait une menace très grave pour l'ordre public. Par ailleurs,
l'intérêt public à son éloignement de Suisse devait prévaloir sur l'intérêt du
recourant, de son épouse et de leurs trois enfants à vivre en communauté
familiale dans le pays, d'autant que l'épouse du recourant risquait elle-même
de faire l'objet d'un renvoi de Suisse pour défaut d'intégration.

4.
4.1 Selon l'art. 63 al. 2 LEtr, l'autorisation d'établissement d'un étranger
qui, comme le recourant, séjourne en Suisse légalement et sans interruption
depuis plus de quinze ans ne peut être révoquée que si celui-ci attente de
manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger,
les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou
extérieure de la Suisse (cf. art. 63 al. 1 let. b LEtr) ou s'il a été condamné
à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l'objet d'une mesure
pénale prévue aux art. 64 ou 61 CP (cf. art. 62 let. b LEtr). L'énumération des
cas de révocation est alternative, si bien qu'il suffit que l'un soit donné
pour que la condition objective de révocation de l'autorisation soit remplie
(arrêts 2C_265/2011 du 27 septembre 2011 consid. 5.1; 2C_242/2011 du 23
septembre 2011 consid. 3.3.1).

4.2 Selon la jurisprudence, la peine privative de liberté dont a été frappé un
étranger est considérée comme de longue durée, au sens de l'art. 62 let. b
LEtr, lorsqu'elle dépasse un an d'emprisonnement (ATF 135 II 377 consid. 4.5 p.
383; arrêt 2C_915/2010 du 4 mai 2011 consid. 3.1). Cette durée doit
impérativement résulter d'un seul jugement pénal, l'addition de plusieurs
peines plus courtes totalisant plus d'une année n'étant pas admissible (ATF 137
II 297 consid. 2.3.6 p. 302).
En l'espèce, ce motif de révocation n'est pas rempli, dès lors qu'aucune des
nombreuses peines pénales auxquelles le recourant a été condamné ne dépasse à
elle seule la durée d'un an de privation de liberté.

4.3 Il sied de déterminer si, tel que l'ont retenu les juges cantonaux, le
recourant remplit la condition révocatoire prévue à l'art. 63 al. 1 let. b
LEtr.
4.3.1 Selon l'art. 80 de l'ordonnance fédérale du 24 octobre 2007 relative à
l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS
142.201), il y a notamment atteinte à la sécurité et à l'ordre publics en cas
de violation de prescriptions légales ou de décisions d'autorités (cf. art. 80
al. 1 let. a OASA). D'après la jurisprudence, attente de manière très grave à
la sécurité et l'ordre publics l'étranger dont les actes lèsent ou
compromettent des biens juridiques particulièrement importants, tels que
l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une personne (cf. ATF 137 II 297
consid. 3.3 p. 303 s.; arrêts 2C_242/2011 du 23 septembre 2011 consid. 3.3.3;
2C_722/2010 du 3 mai 2011 consid. 3.2). Le critère de la gravité qualifiée de
l'atteinte peut également être réalisé par des actes contrevenant à des
prescriptions légales ou à des décisions de l'autorité qui présentent un degré
de gravité comparativement moins élevé, mais qui, par leur répétition malgré
des avertissements et des condamnations successives, démontrent que l'étranger
ne se laisse pas impressionner par les mesures de droit pénal et qu'il ne
possède ni la volonté ni la capacité de respecter à l'avenir l'ordre juridique
(cf. ATF 137 II 297 consid. 3.3 p. 303 s.; cf. aussi arrêts 2C_242/2011
précité, consid. 3.3.3; 2C_265/2011 précité, consid. 5.3.1; FF 2002 3469, p.
3565 s.). La question de savoir si l'étranger en cause est disposé ou apte à se
conformer à l'ordre juridique suisse ne peut être résolue qu'à l'aide d'une
appréciation globale de son comportement (ATF 137 II 297 consid. 3.3 p. 304;
arrêt 2C_310/2011 du 17 novembre 2011 consid. 5.1).
4.3.2 Force est de relever que, depuis la première découverte par les autorités
de son séjour illégal en Suisse, en 1992, soit durant une période de plus de
vingt ans, le recourant n'a eu cesse de perpétrer des infractions pénales dans
notre pays et d'occuper les autorités pénales et administratives, faisant en
particulier l'objet de condamnations à un rythme presque annuel, parfois même
plus soutenu.
Indépendamment de la catégorie dont font partie les infractions commises,
celles-ci, contrairement à ce que laisse entendre le recourant, ne sauraient
être considérées comme de simples bagatelles. En-dehors des sanctions liées à
la présence illégale en Suisse du recourant (en 1992 et 1995), de nombreuses
condamnations portant sur la violation des règles en matière de circulation
routière, parmi lesquelles la conduite en état d'ivresse (notamment en 2004 et
2011 [taux d'alcoolémie qualifié]), des excès de vitesse lourdement sanctionnés
(notamment en 1999 et 2004) et les autres violations graves retenues (en 1998,
2000 et 2008) étaient susceptibles de mettre en danger la sécurité et la vie
des usagers de la route. En 2006, le recourant a de plus été condamné pour
crimes d'extorsion et chantage, ainsi que de séquestration et enlèvement, et
pour délit de contrainte. A cela s'ajoute sa condamnation en 2008 notamment
pour crime d'abus de confiance et délits contre la LIFD et la LAVS. On est donc
loin de la répétition d'actes anodins, mais en présence d'un comportement qui
traduit une énergie criminelle importante propre à nuire aux intérêts de tiers
et de la collectivité.

Durant cette période, le recourant a fait l'objet de quatre avertissements sous
l'angle du droit des étrangers (en 2005, 2007 [deux fois] et 2011) qui n'ont eu
aucun effet dissuasif.

A cela s'ajoute que les entreprises exploitées par le recourant ont elles aussi
fait l'objet de nombreuses sommations et sanctions administratives en relation
avec l'occupation d'étrangers démunis d'autorisation. Ces mesures n'ont jamais
été suivies d'effet, le recourant continuant d'engager du personnel au noir
(cf. condamnations en 2003 [deux fois], 2004, 2005, 2006, 2008 [deux fois],
2010, 2011 [deux fois], 2012). Partant, l'appréciation du Tribunal cantonal,
selon laquelle le recourant "a maintenu sa manière d'agir illégale, érigée en
modèle économique", faisant appel de "manière quasi-systématique à des
travailleurs immigrés clandestins" ne saurait être qualifiée d'arbitraire. Or,
comme l'ont retenu à juste titre les juges cantonaux, l'emploi de travailleurs
en violation du droit des étrangers, qui plus est sur près de dix ans et sans
interruption notable en dépit de condamnations pénales régulières, est loin
d'être une infraction mineure (cf. art. 117 LEtr; FF 2002 3469, p. 3587). Tel
que l'a en effet rappelé le Conseil fédéral dans son Message concernant la loi
fédérale contre le travail au noir du 16 janvier 2002, le travail au noir "est
à l'origine de nombreux problèmes (notamment pertes de recettes pour le secteur
public, menace pour la protection des travailleurs, distorsions de la
concurrence et de la péréquation financière", outre la perte de crédibilité de
l'Etat en cas de non-respect de ses lois; FF 2002 3371, p. 3372). De plus, "les
peines prononcées sont souvent d'un niveau sans rapport avec la gravité réelle
des infractions constatées" (idem, p. 3402).

L'ensemble de ces éléments démontre que le recourant se moque éperdument de
l'ordre juridique suisse, de sorte à ne posséder ni la volonté ni la capacité
de respecter à l'avenir les règles établies dans notre pays.
4.3.3 En conséquence, quand bien même les infractions commises par le recourant
n'ont pas, prises individuellement, l'intensité suffisante pour constituer une
atteinte très grave à la sécurité et à l'ordre public, leur réitération durant
environ vingt années, malgré les condamnations pénales, les sanctions
administratives et les avertissements dont a fait l'objet en vain le recourant,
ainsi que les sociétés qu'il exploitait, permet, si l'on envisage l'ensemble de
ces éléments, de retenir la réalisation du motif figurant à l'art. 63 al. 1
let. b LEtr. Partant, on ne voit pas que le Tribunal cantonal ait violé le
droit fédéral en faisant application de cette disposition, par renvoi de l'art.
63 al. 2 LEtr, pour fonder la révocation de l'autorisation d'établissement du
recourant.

5.
Le recourant s'en prend, sous l'angle des art. 96 LEtr et 8 CEDH, à la pesée
des intérêts effectuée par les juges cantonaux. Il reproche à l'arrêt attaqué
d'avoir donné à ses condamnations pénales un poids décisif, sans avoir
suffisamment tenu compte de son intégration et de ses liens profonds avec la
Suisse, de son absence d'attaches particulières avec son pays d'origine et de
son statut d'époux et de père établi avec sa famille en Suisse.

5.1 La révocation de l'autorisation d'établissement ne se justifie que si la
pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure
comme proportionnée (arrêt 2C_265/2011 du 27 septembre 2011 consid. 6.1).
Exprimé de manière générale à l'art. 5 al. 2 Cst. et découlant également de
l'art. 96 LEtr, ce principe exige que la mesure prise par l'autorité soit
raisonnable et nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public ou privé
poursuivi (cf. ATF 136 I 87 consid. 3.2 p. 91 s.; 135 II 377 consid. 4.2 p.
380). C'est au regard de toutes les circonstances de l'espèce qu'il convient de
trancher la question de la proportionnalité de la mesure de révocation. Lors de
cet examen, il y a lieu de prendre en considération la gravité de la faute
commise, le degré d'intégration, la durée du séjour en Suisse, ainsi que le
préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure (
ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 381; arrêt 2C_432/2011 du 13 octobre 2011 consid.
3.1). La peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à
évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts (arrêt
2C_265/2011 du 27 septembre 2011 consid. 6.1.1). La durée de présence en Suisse
d'un étranger constitue un autre critère très important. Plus cette durée est
longue, plus les conditions pour prononcer l'expulsion administrative doivent
être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 p. 382
s.; arrêt 2C_265/2011 précité, consid. 6.1.1).

5.2 L'on peut se demander si le recourant est en droit de se prévaloir de la
protection offerte par l'art. 8 par. 1 CEDH, dans la mesure où son épouse
kosovare, avec laquelle il vit en communauté familiale en Suisse depuis 2007,
et leurs trois enfants nés en 2005, 2007 et 2011, ne disposent eux-mêmes pas
d'un droit de présence stable en Suisse (cf. ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 p.
146; 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 s.).
Cette question souffre cependant de rester indécise dès lors qu'une ingérence
dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale est possible
selon l'art. 8 par. 2 CEDH, à certaines conditions précises (ATF 135 II 377
consid. 4.3 p. 381). La pesée globale des intérêts commandée par cette
disposition est à cet égard analogue à celle requise par l'art. 96 al. 1 LEtr,
si bien qu'il y sera procédé conjointement (arrêts 2C_141/2012 du 30 juillet
2012 consid. 3.2; 2C_265/2011 précité, consid. 6.1.2).

5.3 Pour évaluer le degré d'intégration du recourant, les juges cantonaux ont
pris en compte en faveur de l'intéressé, le fait qu'il a vécu légalement en
Suisse depuis plus de quinze ans et y a déployé une activité économique
indépendante; ils n'ont en outre pas remis en cause sa maîtrise du français et
souligné l'absence de dette sociale, hormis une poursuite de 9'164 fr.
résultant, selon les dires du recourant, d'une taxation d'office exagérée. Les
juges cantonaux ont cependant relativisé ces éléments favorables, compte tenu
de la délinquance chronique affichée par le recourant et du fait que les
sociétés qu'il gérait sont successivement tombées en faillite et reposaient sur
le recours permanent à des compatriotes engagés au noir. Comme le retient à
juste titre l'arrêt attaqué, le recourant ne peut donc se prévaloir d'une
intégration particulièrement réussie, malgré la durée de son séjour en Suisse.

5.4 Dans la pesée globale des intérêts, on ne peut faire grief au Tribunal
cantonal d'avoir tenu compte du critère primordial du comportement fautif du
recourant. Il convient de rappeler qu'en l'espace de vingt ans, l'intéressé
s'est vu condamné plus de vingt fois, pour des infractions qui ne sont pas des
bagatelles (cf. supra consid. 4.3.2). Ni les sursis prononcés, ni les
avertissements sous l'angle du droit des étrangers, pas plus que les mesures
administratives qui ont pénalisé ses entreprises n'ont eu le moindre effet
dissuasif sur le recourant. Dans un tel contexte, il confine à la témérité, de
la part de l'intéressé, d'évoquer une éventuelle commutation de la révocation
de l'autorisation d'établissement en un nouvel avertissement, alors que les
quatre avertissements précédents dont il a bénéficié n'ont eu aucun effet sur
son comportement.

5.5 L'intérêt de l'épouse kosovare du recourant et de leurs trois enfants, nés
en Suisse, au maintien d'une vie familiale stable ne doit certes pas être
négligé. A cet égard, les précédents juges ont rappelé que le renvoi de Suisse
du recourant aurait probablement pour effet de faire perdre à son épouse et à
leurs enfants leur autorisation de séjour, dès lors que les enquêtes effectuées
par les autorités avaient mis en évidence une "absence totale d'intégration de
l'épouse" laquelle, après cinq ans passés dans notre pays, ne maîtrisait
toujours pas le français.
Indépendamment de la problématique susmentionnée, qui n'a pas à être examinée
plus avant dans la présente procédure, l'appréciation du Tribunal cantonal,
selon laquelle l'intérêt de l'épouse et des trois enfants du recourant à mener
leur vie familiale en Suisse à ses côtés devait céder le pas à l'intérêt public
à voir le recourant quitter la Suisse, ne prête pas le flanc à la critique. En
effet, les trois enfants sont encore en bas âge (soit cinq, sept et un an(s),
et pourraient ainsi, quoi qu'en dise le recourant, s'adapter sans trop de
difficultés à une vie au Kosovo; selon les faits constatés, l'épouse du
recourant, arrivée en Suisse au titre du regroupement familial en mars 2007, ne
jouit pas d'une bonne intégration. Les deux premières années de leur mariage,
l'épouse a continué de vivre au Kosovo, où elle a ses racines; contrairement à
ses contestations appellatoires, le recourant dispose d'un réseau social et
familial au Kosovo, où résident notamment sa belle-mère, son beau-frère et deux
de ses belles-soeurs et leur famille respective. Au demeurant, si l'épouse du
recourant et leurs enfants restaient en Suisse, l'éloignement du recourant
n'empêcherait pas que la famille maintienne des contacts réguliers par
téléphone, lettres ou messagerie électronique, ni que le recourant puisse venir
voir sa famille, ou sa famille lui rendre visite, lors de séjours touristiques
et durant les vacances.

5.6 Compte tenu de l'ensemble des circonstances, il n'apparaît pas qu'en
faisant primer l'intérêt public à éloigner le recourant sur l'intérêt privé de
celui-ci et de sa famille à pouvoir vivre ensemble en Suisse, le Tribunal
cantonal ait méconnu l'art. 96 LEtr et, en tant qu'applicable, l'art. 8 CEDH.

Bien que la révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger ayant
légalement séjourné en Suisse durant plus de quinze ans présente une mesure
sévère qui doit demeurer l'exception, l'appréciation des autorités cantonales,
étant en particulier donné le mépris total dont a fait preuve le recourant
vis-à-vis de l'ordre juridique suisse pendant vingt années, reste dans les
limites admises par le droit fédéral et la Convention européenne des droits de
l'Homme.

6.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Les frais seront
mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 65 al. 2 et 3 et 66 al. 1
LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de la
population et des migrants du canton de Fribourg, au Tribunal cantonal du
canton de Fribourg, Ie Cour administrative, et à l'Office fédéral des
migrations.

Lausanne, le 16 janvier 2013

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Chatton