Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.722/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_722/2012
{T 1/2}

Arrêt du 27 mai 2013
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Kneubühler.
Greffier: M. Vianin.

Participants à la procédure
Hafez Makhlouf,
représenté par Me Eric Hess, avocat,
recourant,

contre

Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche,
Conseil fédéral.

Objet
Mesures de coercition; inscription dans l'annexe de l'ordonnance instituant des
mesures à l'encontre de la Syrie,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 14 juin
2012.

Faits:

A.
Le 9 mai 2011, le Conseil de l'Union européenne (ci-après: le Conseil) a adopté
la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de
la Syrie (JO 2011 L 121 du 10 mai 2011 p. 11). Cette décision institue
notamment une interdiction d'entrée et de transit sur le territoire de l'Union
pour les personnes mentionnées dans une annexe (art. 3 par. 1) et le gel de
tous les fonds et ressources économiques appartenant à l'ensemble des personnes
physiques ou morales, des entités et des organismes énumérés dans cette annexe
(art. 4 par. 1; voir également règlement [UE] no 442/2011 du Conseil du 9 mai
2011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie [JO
2011 L 121 du 10 mai 2011 p. 1]).

B.
Le 18 mai 2011, le Conseil fédéral suisse a édicté l'ordonnance instituant des
mesures à l'encontre de la Syrie (RO 2011 2193; ci-après: aO-Syrie). Ces
mesures de coercition comprenaient notamment le gel des avoirs et des
ressources économiques appartenant à ou sous contrôle des personnes physiques,
entreprises et entités mentionnées dans l'annexe 2 (art. 2 al. 1 aO-Syrie),
ainsi que, pour les personnes physiques citées dans dite annexe, une
interdiction d'entrée en Suisse et de transit par la Suisse (art. 4 al. 1
aO-Syrie). L'annexe 2 mentionnait en 5ème position Hafez Makhlouf, avec les
informations d'identification "né le 2.4.1971 à Damas; passeport diplomatique
no 2246" et les indications suivantes sous la rubrique "Fonction resp. motifs":
"Colonel dirigeant une unité au sein des renseignements généraux (General
Intelligence Directorate Damascus Branch); proche de Maher Al-Assad;
implication dans la répression contre les manifestants."
L'annexe 2 a été modifiée à plusieurs reprises par le Département fédéral de
l'économie - devenu entre-temps le Département fédéral de l'économie, de la
formation et de la recherche (ci-après: le Département) -, la première fois le
24 mai 2011 (RO 2011 2285) et la dernière le 4 juin 2012 (RO 2012 3257).

Dans sa nouvelle teneur du 24 mai 2011, l'annexe 2 mentionnait en 6ème position
"Hafiz Makhluf (ou Hafez Makhlouf)", avec les mêmes informations
d'identification et les indications suivantes sous la rubrique "Fonction resp.
motifs":

"Colonel dirigeant l'unité de Damas au sein de la direction des renseignements
généraux; cousin du président Bashar Al-Assad; proche de Mahir Al-Assad;
impliqué dans la répression contre les manifestants."

C.
Par acte du 17 juin 2011, Hafez Makhlouf a recouru au Tribunal administratif
fédéral contre l'aO-Syrie, telle qu'amendée par la modification du 24 mai 2011.
Il a conclu à l'annulation de ladite ordonnance dans la mesure où elle le
concernait, au retrait de son nom et à la levée de toutes les mesures de
blocage prises à son encontre sur ses avoirs en Suisse.

Par courriers des 16 et 31 août 2011, la Cour III du Tribunal administratif
fédéral et la Ière Cour de droit public du Tribunal fédéral ont procédé à un
échange de vues sur la question de l'autorité compétente pour se saisir du
recours.

D.
Arguant de l'effet suspensif de son recours, Hafez Makhlouf a requis, par
écriture du 6 septembre 2011, de l'Office fédéral des migrations qu'il confirme
qu'il était admis à entrer en Suisse afin, notamment, de s'entretenir avec son
avocat.

Ce courrier a été transmis au Tribunal administratif fédéral, lequel a, par
décision du 14 septembre 2011, retiré l'effet suspensif du recours.

Le recours interjeté par Hafez Makhlouf contre ce prononcé a été déclaré
irrecevable par arrêt de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral du 15
décembre 2011 (cause 2C_838/2011).

E.
Entre-temps, le 18 octobre 2011, le traitement du recours interjeté le 17 juin
2011 a été repris par la Cour II du Tribunal administratif fédéral.

Le 8 juin 2012, le Conseil fédéral a édicté une nouvelle ordonnance instituant
des mesures à l'encontre de la Syrie (RS 946.231.172.7; ci-après: O-Syrie).
Celle-ci est entrée en vigueur le lendemain, en abrogeant celle du 18 mai 2011.
Elle prévoit des mesures similaires à celles de la précédente, à l'encontre des
personnes mentionnées dans une annexe 7, où figure Hafez Makhlouf.

Par arrêt du 14 juin 2012, le Tribunal administratif fédéral est entré en
matière sur le recours de Hafez Makhlouf et l'a rejeté. Sur le plan de la
recevabilité, il a considéré que Hafez Makhlouf contestait son inscription
respectivement dans l'annexe 2 de l'aO-Syrie et dans l'annexe 7 de l'O-Syrie.
Bien qu'elle ait été effectuée dans l'annexe d'une ordonnance du Conseil
fédéral, cette inscription avait pour effet de soumettre l'intéressé à des
mesures de coercition (gel de ses avoirs, interdiction d'entrée et de transit
sur territoire suisse) suffisamment individualisées et concrétisées pour
qu'elle présente les caractéristiques matérielles d'une décision au sens de
l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative
(PA; RS 172.021). Sur le fond, les juges ont considéré que les restrictions des
droits fondamentaux liées aux mesures de coercition en cause respectaient les
conditions de l'art. 36 Cst. Sur le plan des faits, ils ont retenu qu'il
existait "un large faisceau d'indices qui confine à la certitude" que Hafez
Makhlouf jouait un rôle actif dans la répression de l'opposition au régime
syrien ou, à tout le moins, qu'il était à même, compte tenu de ses fonctions et
de ses liens familiaux, d'influencer le cours des événements en Syrie. Son
inscription sur l'annexe de l'aO-Syrie puis de l'O-Syrie était ainsi justifiée.

F.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Hafez Makhlouf
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement,
d'annuler l'arrêt du 14 juin 2012 ainsi que, dans la mesure où elles le
concernent, l'aO-Syrie et l'O-Syrie et d'ordonner au Département fédéral de
l'économie et à toute autorité compétente de lever toutes les mesures prises à
son encontre; à titre subsidiaire, il conclut à ce que l'arrêt du 14 juin 2012
soit annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision
dans le sens des considérants.

L'autorité précédente a renoncé à se déterminer sur le recours. Le Département
a proposé de le rejeter. Le Conseil fédéral n'a pas déposé de détermination.

Dans une écriture du 6 novembre 2012, le recourant s'est prononcé sur la prise
de position du Département.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1 p. 46). Il vérifie de
même si les conditions de recevabilité étaient réunies devant l'instance
précédente et si, partant, c'est à bon droit que celle-ci est entrée en matière
(ATF 136 V 7 consid. 2 p. 9; 136 II 23 consid. 3 p. 25; 132 V 93 consid. 1.2 p.
95).

1.2 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005
sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; RS 173.32), le Tribunal
administratif fédéral connaît des recours contre les décisions au sens de
l'art. 5 PA (art. 31 LTAF), rendues par les autorités mentionnées à l'art. 33
LTAF.

A la différence des décisions, les actes normatifs ne peuvent en tant que tels
être contestés devant le Tribunal administratif fédéral (absence de contrôle
abstrait). Ils peuvent seulement faire l'objet d'un contrôle préjudiciel à
l'occasion d'un recours dirigé contre une décision fondée sur l'un d'eux
(contrôle concret; André Moser/Michael Beusch/Lorenz Kneubühler, Prozessieren
vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2008, no 2.177, en part. note de bas de page
490).

1.3 Selon l'art. 5 al. 1 PA, sont des décisions les mesures ("Anordnungen",
"provvedimenti") prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le
droit public fédéral, et qui ont pour objet de créer, de modifier ou d'annuler
des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence
ou l'étendue de droits ou d'obligations (let. b) ou encore de rejeter ou de
déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou
constater des droits ou obligations (let. c).

Une décision au sens de l'art. 5 PA intervient typiquement dans un cas
individuel et concret (cf. Felix Uhlmann, in VwVG, Praxiskommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2009, no 19 ad art. 5 PA; Markus
Müller, in Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2008, no
20 ad art. 5 PA). Au contraire, les actes normatifs se caractérisent par le
fait qu'ils sont généraux et abstraits (cf. art. 22 al. 4 de la loi sur
l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002 [loi sur le Parlement; LParl; RS
171.10]). Un acte est général lorsqu'il s'applique à un nombre indéterminé de
personnes. Il est abstrait lorsqu'il se rapporte à un nombre indéterminé de
situations ou, en d'autres termes, lorsque le nombre de ses cas d'application
peut varier durant la période de sa validité (ATF 135 II 328 consid. 2.1 p.
331).

Le Tribunal administratif fédéral se base, comme le Tribunal de céans, sur les
caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de
décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il
n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels
typiques d'une décision - indication des voies de droit p. ex. - (Moser/Beusch/
Kneubühler, op. cit., no 2.5; René Wiederkehr/Paul Richli, Praxis des
allgemeinen Verwaltungsrechts, vol. I, 2012, no 2144 et la jurisprudence
citée).

2.
2.1 Comme l'aO-Syrie, l'O-Syrie fait partie des ordonnances du Conseil fédéral
servant à mettre en oeuvre des sanctions internationales à l'égard d'Etats, de
mouvements ou de personnes (pour une présentation chronologique et systématique
de ces textes, voir Roland E. Vock, Die Umsetzung wirtschaftlicher
Embargomassnahmen durch die Schweiz, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht,
Band XI, Allgemeines Aussenwirtschafts- und Binnenmarktrecht, 2e éd., 2007, nos
61 ss; Andrea Claudio Caroni, Finanzsanktionen der Schweiz im Staats- und
Völkerrecht, 2008, p. 92 ss; Jörg Künzli, Vom Umgang des Rechtsstaats mit
Unrechtsregimes, 2008, not. p. 530 ss).

Au nombre de ces textes figure l'ordonnance du 2 octobre 2000 instituant des
mesures à l'encontre de personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au
groupe "Al-Qaïda" ou aux Taliban (RS 946.203; ci-après: l'ordonnance sur les
Taliban), qui a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 14 novembre 2007 en
la cause Youssef Nada, publié aux ATF 133 II 450. A la suite de cet arrêt,
Youssef Nada a porté sa cause devant la Cour européenne des droits de l'homme.
Par arrêt de la Grande chambre du 12 septembre 2012, celle-ci a considéré qu'il
y avait eu violation par la Suisse de l'art. 13 combiné avec l'art. 8 CEDH
(arrêt Nada Youssef Mustapha contre Suisse § 209 ss).

Depuis le 1er janvier 2003, les ordonnances en question reposent sur la loi
fédérale du 22 mars 2002 sur l'application de sanctions internationales (loi
sur les embargos, LEmb; RS 946.231), entrée en vigueur à cette date.

Selon l'art. 1 al. 1 LEmb, la Confédération peut édicter des mesures de
coercition pour appliquer les sanctions visant à faire respecter le droit
international public, en particulier les droits de l'homme, décrétées par
l'Organisation des Nations Unies, par l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe ou par les principaux partenaires commerciaux de la
Suisse. La compétence d'édicter des mesures de coercition appartient au Conseil
fédéral (art. 2 al. 1 LEmb). Ces mesures prennent la forme d'ordonnances (art.
2 al. 3 LEmb), car il s'agit de normes abstraites de portée générale (Message
du 20 décembre 2000 concernant la loi fédérale sur l'application de sanctions
internationales [adoptée sous le nom de loi sur les embargos], FF 2001 p. 1363
ch. 2.1.1). En vertu de l'art. 16 LEmb, le département compétent - à savoir le
Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche - peut
adapter ("nachführen", "aggiornare") les annexes des ordonnances visées à
l'art. 2 al. 3.

2.2 A propos de l'ordonnance sur les Taliban, certains auteurs considèrent que
les mesures qu'elle prévoit sont de nature individuelle et abstraite (Uhlmann,
op. cit., nos 44 s. ad art. 5 PA; Wiederkehr/Richli, op. cit., nos 378 ss, qui
parlent d'acte normatif réglant une situation particulière
["Einzelfallgesetz"]). Oesch distingue entre les différentes sortes de mesures
instituées par ce genre d'ordonnances: l'embargo "classique" consistant à
interdire la fourniture de certains biens tels que des équipements militaires,
l'interdiction faite à certaines personnes d'entrer en Suisse et de transiter
par ce pays et le gel des avoirs de personnes déterminées. Selon cet auteur,
alors que les premières ont le caractère général et abstrait d'un acte
normatif, les deuxièmes sont de nature individuelle et concrète: elles règlent
des droits et des obligations pour un nombre restreint de destinataires,
nommément désignés, et au regard d'une situation précise, dans des limites
temporelles et spatiales déterminables. Les mesures de gel des avoirs entrent
elles aussi plutôt dans la catégorie des décisions individuelles et concrètes.
Il est toutefois aussi concevable de les qualifier de mesures individuelles et
abstraites, dès lors qu'elles touchent un nombre déterminé de personnes ou
d'entités citées nommément, en se rapportant de manière générale à tous leurs
avoirs se trouvant en Suisse - au lieu de se limiter par exemple à des comptes
bancaires spécifiques - (Matthias Oesch, UNO-Sanktionen und ihre Umsetzung im
schweizerischen Recht, RSDIE 2009 p. 347 s.).

La catégorie des mesures individuelles et abstraites est mal connue en droit
suisse et son régime peu clair (cf. Müller, op. cit., no 25 ad art. 5 PA). Les
auteurs précités la rattachent aux décisions (Uhlmann, op. cit., no 44 ad art.
5 PA; Oesch, op. cit., p. 348 note de bas de page 45), Wiederkehr/Richli
précisant que cette assimilation répond à un besoin de protection
juridictionnelle (op. cit., no 2252). Uhlmann relève que la forme de
l'ordonnance n'est pas incontestable dans ces conditions et ne doit en tout cas
pas conduire à exclure toute protection juridictionnelle (op. cit., no 45 ad
art. 5 PA).

Certains auteurs se réfèrent à l'ATF 133 II 450, qu'ils interprètent en ce sens
que l'inscription d'une personne sur l'annexe de l'ordonnance sur les Taliban
constituerait en elle-même une décision attaquable (Oesch, op. cit., p. 348;
cf. aussi Pierre Moor/Etienne Poltier, Droit administratif, vol. II, 3e éd.,
2011, p. 199 note de bas de page 111, selon lesquels cette qualification
représenterait un cas-limite; Caroni, op. cit., p. 86 note de bas de page 361).
Pourtant, il ressort plus exactement de cet arrêt que l'inscription d'une
personne sur l'annexe de l'ordonnance sur les Taliban (ou sa radiation de
ladite annexe) ne constitue pas en elle-même une décision au sens de l'art. 5
PA, mais, en tant qu'elle affecte les droits fondamentaux de cette personne,
produit les mêmes effets qu'une décision. Lorsque l'autorité compétente est
saisie d'une requête de l'intéressé tendant à sa radiation de l'annexe - ce qui
revient il est vrai à demander la modification de l'ordonnance -, elle doit dès
lors statuer sur celle-ci en rendant une décision sujette à recours, de manière
à offrir une protection juridictionnelle (consid. 2.1 p. 454; dans ce sens:
Wiederkehr/Richli, op. cit., nos 380, 2214 en rel. avec no 2216; Uhlmann, op.
cit., no 9 ad art. 5 PA, note de bas de page 24; cf. aussi Bernhard Waldmann/
Nicolas Schmitt, La nature juridique controversée d'une ordonnance du Conseil
d'Etat, RFJ 2009 p. 130; Tarcisio Gazzini/Isabelle Fellrath, La procédure de
gestion des listes de personnes affectées par les sanctions des Nations Unies
devant le Tribunal fédéral suisse, RDAF 2009 I p. 149, selon lesquels ce sont
les décisions du Département concernant la gestion de la liste suisse qui sont
sujettes à recours).

2.3 La LEmb prévoit expressément que le Conseil fédéral édicte les mesures de
coercition sous la forme d'ordonnances (art. 2 al. 3), dont l'annexe
mentionnant les personnes et entités visées est une partie intégrante. L'usage
de cette forme crée l'apparence d'un texte normatif (selon l'art. 182 al. 1
Cst., la forme de l'ordonnance est utilisée par le Conseil fédéral pour édicter
des règles de droit), qui n'est pas attaquable en tant que tel - en l'absence
d'un contrôle abstrait -, mais seulement à l'occasion du prononcé d'une
décision fondée sur celui-ci. Faire abstraction de la forme d'un tel acte pour
y voir une décision matérielle directement sujette à recours entraîne une
insécurité juridique. Il convient plutôt d'admettre que l'ordonnance - y
compris son annexe mentionnant les personnes et entités visées - ne peut être
contestée en tant que telle. Comme dans l'affaire à la base de l'ATF 133 II 450
, l'intéressé doit requérir sa radiation auprès du département compétent,
lequel est tenu de statuer sur la requête en rendant une décision, afin
d'offrir une protection juridictionnelle (consid. 2.1 p. 454). Il y a d'autant
moins de raison de s'écarter de la procédure suivie dans ce précédent que la
LEmb, qui est postérieure à l'ordonnance sur les Taliban, a en quelque sorte
consacré la procédure de radiation de l'annexe d'une telle ordonnance, en
prévoyant que le Département est compétent pour adapter lesdites annexes (art.
16 LEmb). Le Département en question étant l'autorité administrative
spécialisée, qui a un accès aux sources d'informations plus large que les
autorités judiciaires, la tenue d'une procédure devant lui permet de mener une
instruction et de pallier le fait - dont le recourant se plaint précisément en
l'espèce - que les listes originelles de personnes et d'entités visées par les
mesures de coercition doivent souvent être établies sur la base d'informations
relativement sommaires, fréquemment collectées par les organisations ou pays
étrangers à l'origine des sanctions (voir à cet égard Vock, op. cit., nos 167
s.).

Comme les mesures de coercition instituées par les ordonnances reposant sur la
LEmb affectent des droits de caractère civil au sens de l'art. 6 § 1 CEDH,
cette disposition doit être respectée. Celle-ci garantit l'accès à un juge et
les clauses d'irrecevabilité des art. 32 al. 1 let. a LTAF et 83 let. a LTF ne
sont pas applicables (arrêt 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 1.1.1; ATF 133
II 450 consid. 2.2 p. 454 s. s'agissant de la disposition de l'OJ correspondant
à l'art. 83 let. a LTF). La décision rendue par le Département peut donc
ensuite être déférée au Tribunal administratif fédéral et le prononcé de ce
dernier au Tribunal de céans (cf. arrêt 2C_349/2012 précité, consid. 1.1.3).

Il découle de ce qui précède que le recourant ne pouvait directement interjeter
un recours contre l'aO-Syrie en tant qu'elle le concernait, mais devait
requérir sa radiation de l'annexe auprès du Département et attaquer la décision
de ce dernier. Partant, le recours interjeté le 17 juin 2011 n'était pas
recevable devant l'autorité précédente. Cela n'entraîne toutefois pas la
nullité de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 14 juin 2012 et il n'y
a pas lieu non plus d'annuler celui-ci et de renvoyer la cause au Département,
afin qu'il rende une décision sur le bien-fondé de l'inscription du recourant
dans l'annexe de l'O-Syrie. L'annulation, en effet, ne s'impose pas, du moment
qu'aucun des participants à la procédure - ni, en particulier, le recourant,
qui a choisi de contester son inscription directement devant l'autorité
précédente, ni le Département - ne la requiert; quant au renvoi à cette
dernière autorité, il représenterait un détour procédural inutile, dès lors que
ledit Département s'est amplement déterminé devant l'autorité précédente et le
Tribunal de céans et que sa position est ainsi suffisamment connue (cf., par
analogie, la jurisprudence rendue en matière d'assurances sociales, selon
laquelle, pour des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral renonce
à annuler la décision rendue par une autorité incompétente et à renvoyer le
dossier à celle qui est compétente, lorsque les participants à la procédure ne
se plaignent pas du vice affectant le prononcé et que la cause est en état
d'être jugée: arrêts 9C_891/2010 du 31 décembre 2010 consid. 2.2; I 232/03 du
22 janvier 2004 consid. 4.2.1, in SVR 2005 IV no 39 p. 145; U 152/02 du 18
février 2003 consid. 2.1). Rien ne s'oppose par conséquent à ce que le Tribunal
de céans examine l'arrêt attaqué sur le fond.

3.
Devant le Tribunal fédéral, le recours a été déposé dans le délai (cf. art. 100
al. 1 LTF) et la forme (cf. art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est dirigé
contre un jugement final (cf. art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public
(cf. art. 82 let. a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (cf. art. 86 al.
1 let. a LTF) et ne tombe sous le coup d'aucune des clauses d'exception de
l'art. 83 LTF, dont la lettre a n'est en particulier - comme indiqué ci-dessus
(consid. 2.3) - pas applicable. Il a en outre été interjeté par une partie
directement touchée par la décision attaquée et qui a un intérêt digne de
protection à son annulation ou sa modification (cf. art. 89 al. 1 LTF).

L'O-Syrie ne pouvant comme telle pas faire l'objet d'un recours, le recourant
ne peut conclure à son annulation en tant qu'elle le concerne. Il peut
seulement demander qu'il soit ordonné au Département de le radier de l'annexe
concernée.

Sous cette réserve, le recours en matière de droit public est recevable.

4.
Le recourant soulève des griefs formels, qu'il convient d'examiner en premier
lieu.

4.1 Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir à tort considéré que
son inscription sur l'annexe de l'aO-Syrie puis de l'O-Syrie ne contrevenait
pas à l'obligation de motiver tirée de l'art. 29 al. 2 Cst. Il fait valoir que
le Département a été incapable de justifier par ses propres recherches sa
mention sur l'annexe en question et s'est retranché derrière les décisions
d'instances étrangères.

Les indications concernant le recourant figurant sur l'annexe 2 de l'aO-Syrie
puis l'annexe 7 de l'O-Syrie sous la rubrique "Fonction resp. motifs" sont
certes sommaires, mais encore compatibles avec l'obligation de motiver
découlant du droit d'être entendu (cf. à ce sujet ATF 137 II 266 consid. 3.2 p.
270). C'est d'ailleurs pour remédier au caractère sommaire de ces indications
et au fait qu'il s'agit fréquemment d'informations collectées par les
organisations ou pays étrangers à l'origine des sanctions qu'il se justifie de
mener une procédure devant le Département (cf. consid. 2.3 ci-dessus). En
l'occurrence, cela n'a pas été le cas, mais le Département a exposé devant
l'autorité précédente - laquelle jouit d'un pouvoir d'examen aussi étendu - les
raisons pour lesquelles l'inscription du recourant sur l'annexe était
justifiée, de sorte qu'une éventuelle violation de l'art. 29 al. 2 Cst. aurait
ainsi été réparée (voir à cet égard ATF 138 II 77 consid. 4 p. 84). Le grief
est donc mal fondé.
4.2
4.2.1 En se référant à plusieurs passages de l'arrêt entrepris, où l'autorité
précédente a considéré que le point de vue du Département fédéral de
l'intérieur n'était "pas insoutenable", le recourant soutient que celle-ci a
limité son examen à l'arbitraire, en violation de l'art. 49 PA. Par là même, le
Tribunal administratif fédéral aurait également violé le droit d'accès à un
juge garanti par les art. 6 CEDH et 29a Cst.
4.2.2 Malgré les termes utilisés, l'autorité précédente n'a pas limité son
examen à l'arbitraire, ce qui serait contraire à l'art. 29a Cst., disposition
qui garantit l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des
faits et du droit (ATF 137 I 235 consid. 2.5 p. 239 et 2.5.2 p. 241). Les
passages relevés par le recourant indiquent en revanche que l'autorité
précédente s'est imposé une retenue dans l'examen de certains aspects de la
cause. Une telle façon de procéder est admissible, notamment lorsqu'il s'agit,
comme en l'espèce, de décisions présentant un caractère politique et ne
contrevient pas à l'art. 49 PA (cf. Benjamin Schindler, in VwVG, Kommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, op. cit., nos 3 ss, spéc. no 16 ad
art. 49 PA; Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., no 2.154; Oliver Zibung/Elias
Hofstetter, in VwVG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über das
Verwaltungsverfahren, op. cit., nos 3, 43 et 47 ad art. 49 PA). Ce procédé ne
constitue pas un déni de justice (cf. arrêt 2C_426/2007 du 22 novembre 2007
consid. 4.3, in Archives 77 p. 343, RDAF 2008 II p. 20) et n'est pas contraire
aux art. 29a Cst. (ATF 137 I 235 consid. 2.5 p. 239) et 6 CEDH (ATF 132 II 257
consid. 3.2 p. 263). Le recours est par conséquent mal fondé à cet égard.

5.
5.1 Le recourant se plaint de violation des règles en matière de preuves et
d'arbitraire dans l'appréciation de celles-ci. Il reproche à l'autorité
précédente d'avoir, en faisant un usage indu0 du principe de l'état de
nécessité, réduit la preuve requise à la vraisemblance prépondérante, en
considérant à tort qu'elle ne pouvait recourir aux moyens prévus par l'art. 12
PA. Le Tribunal administratif fédéral aurait en outre admis que les faits
litigieux étaient établis - au degré de la vraisemblance prépondérante - en se
fondant sur des éléments dénués de toute valeur probante et donc
arbitrairement. De manière tout aussi insoutenable, il aurait refusé de prendre
en compte certains documents produits par le recourant.
5.2
5.2.1 En procédure administrative, un fait est en principe tenu pour établi
lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation (preuve
stricte). Toutefois, il suffit parfois, selon la loi ou la jurisprudence, que
le fait en question soit rendu vraisemblable, le degré de la preuve exigée
étant celui de la vraisemblance prépondérante. Le juge retiendra alors, parmi
plusieurs présentations des faits, celle qui lui apparaît comme la plus
vraisemblable. Tel est notamment le cas en matière d'asile, où le requérant -
qui supporte le fardeau de la preuve - doit à tout le moins rendre
vraisemblable qu'il est un réfugié (cf. art. 7 al. 1 et 2 de la loi fédérale du
26 juin 1998 sur l'asile [LAsi; RS 142.31]). Cet allégement du degré de la
preuve est justifié par la difficulté d'accéder aux moyens de preuve, de sorte
que l'on se trouve à cet égard pour ainsi dire en état de nécessité
(Beweisnotstand; cf. Patrick L. Krauskopf/Katrin Emmenegger, in VwVG,
Praxiskommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, op. cit., no
216 ad art. 12 PA). Lorsque la procédure administrative porte sur des sanctions
à caractère pénal, l'allégement en question peut toutefois se heurter à la
présomption d'innocence garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH
(Kiener/Rütsche/Kuhn, öffentliches Verfahrensrecht, 2012, nos 711 ss, 918 s.).
En effet, le principe "in dubio pro reo" interdit au juge de se déclarer
convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation
objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux
et insurmontable quant à l'existence de celui-ci (arrêt 6B_348/2012 du 24
octobre 2012 consid. 1.2 et la référence à l'ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41).
5.2.2 En l'occurrence, il n'est pas contesté que les autorités suisses
supportent le fardeau de la preuve des faits qui valent au recourant de figurer
sur la liste des personnes touchées par les mesures de coercition. Compte tenu
des difficultés pour ces autorités d'accéder aux moyens de preuve portant sur
des faits qui se sont pour la plupart réalisés à l'étranger, il paraît justifié
de se satisfaire d'une preuve apportée au degré de la vraisemblance
prépondérante. La contre-preuve incombant aux personnes figurant sur les listes
s'en trouve allégée d'autant. Pour leur part, ces personnes peuvent
généralement plus facilement accéder aux moyens de preuve, dès lors qu'il
s'agit d'informations les concernant et qu'en outre elles sont proches du
pouvoir en place (leur situation étant à cet égard pour ainsi dire à l'opposé
de celle des requérants d'asile). Au demeurant, ces personnes ne peuvent se
prévaloir de la présomption d'innocence - ce que le recourant ne fait du reste
pas -, du moment que les mesures de coercition en cause ont une motivation
essentiellement politique (cf. consid. 6.4 ci-dessous) et n'ont pas, ou
seulement de manière marginale, un caractère punitif.

Le recours est ainsi mal fondé sur ce point.
5.3
5.3.1 Dans le cadre d'un recours en matière de droit public, le Tribunal
fédéral revoit la décision attaquée en se fondant sur les faits constatés par
l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été
établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 137
II 222 consid. 7.4 p. 230; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62) - ou en violation du
droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). D'une manière générale, la
correction du vice doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la
cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). S'agissant de l'appréciation des preuves et
des constatations de fait, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en
compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou
encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des
constatations insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552
consid. 4.2 p. 560).
5.3.2 L'autorité précédente a administré des preuves portant sur les faits qui
ont valu au recourant de figurer sur l'annexe de l'aO-Syrie puis de l'O-Syrie,
à savoir qu'il dirige une unité des renseignements généraux avec le grade de
colonel, qu'il est un cousin du président Al-Assad et un proche du frère de
celui-ci et qu'il a été impliqué dans la répression contre les manifestants.
Elle a examiné ce dernier point sous l'angle de la vraisemblance prépondérante.

S'agissant des fonctions du recourant à la tête d'une unité des renseignements
généraux, l'autorité précédente a rejeté l'argumentation selon laquelle cette
unité serait chargée (uniquement) de superviser la lutte contre la fabrication
et le trafic de contrefaçons, en considérant qu'il ne s'agit pas là d'une tâche
habituellement confiée à des services de renseignements. Elle a également nié
que le recourant ne soit qu'un fonctionnaire agissant sous la supervision de sa
hiérarchie et n'ayant pas le pouvoir d'influer sur le cours des événements.
L'autorité précédente a retenu à cet égard que le recourant est membre d'une
famille influente étroitement liée à la famille Al-Assad (l'ancien président
Hafez Al-Assad, père de l'actuel président Bashar Al-Assad, avait en effet
épousé Anisa Makhlouf, soeur de Mohamad Makhlouf, le père du recourant). En se
référant à des publications dans la presse et sur Internet, elle a relevé que
le recourant est très proche du pouvoir. Elle a fait valoir également que le
recourant est l'objet de sanctions non seulement de la part de la Suisse et de
l'Union européenne, mais aussi de la Norvège, du Japon, du Canada, de
l'Australie, des Etats-Unis et de la Ligue arabe. Le Tribunal administratif
fédéral a relevé par ailleurs que les membres des renseignements généraux
syriens participent, aux côtés de l'armée et des milices, à la répression
violente de l'opposition au régime. Il s'est référé à ce propos au rapport
établi le 23 novembre 2011 par la Commission d'enquête internationale
indépendante sur la République arabe syrienne [ci-après: la Commission
d'enquête], sur mandat du Conseil des droits de l'Homme de l'Organisation des
Nations Unies, ainsi qu'à un rapport complémentaire de la même commission du 24
mai 2012. L'autorité précédente a ensuite considéré que le recourant n'avait
pas établi s'être distancé du régime en place. Au vu de ce qui précède, elle a
conclu à l'existence d'"un large faisceau d'indices qui confine à la certitude
que le recourant occupe un rôle actif dans la répression ou, à tout le moins,
qu'il est à même, compte tenu de ses fonctions et de ses rapports familiaux,
d'influencer le cours des évènements en Syrie". Elle a encore relevé que, selon
plusieurs médias, le recourant "est un habitué de la répression, qu'il s'est
fait remarquer pour sa cruauté et son absence de scrupules et que, en tant
qu'homme fort des Renseignements généraux, il dirige les milices Shabbiha".
5.3.3 Le recourant soutient que les publications sur Internet (dont une tirée
d'un "blog") et dans la presse sur lesquelles l'autorité précédente s'est
fondée sont dépourvues de force probante. En effet, elles ne refléteraient que
l'avis de leurs auteurs et ne pourraient faire l'objet d'aucun contrôle,
puisqu'il ne serait pas possible de mener des investigations en Syrie dans la
situation actuelle, comme l'a admis le Tribunal administratif fédéral. Ce
dernier aurait collecté sur Internet, à l'aide d'un moteur de recherche,
"toutes les informations négatives et tendancieuses [...] qu'il pouvait trouver
concernant le Recourant", en établissant ainsi les faits de manière arbitraire
et en violation de l'art. 12 PA.
5.3.4 Aux termes de l'art. 12 PA - applicable à la procédure devant l'autorité
précédente par renvoi de l'art. 37 LTAF -, le Tribunal administratif fédéral
constate les faits d'office et procède s'il y a lieu à l'administration de
preuves par les moyens suivants: documents (let. a), renseignements des parties
(let. b), renseignements ou témoignages de tiers (let. c), visite des lieux
(let. d) et expertises (let. e). Selon la doctrine, cette liste n'est pas
exhaustive (Moser/Beusch/Kneubühler, op. cit., no 3.124; Krauskopf/Emmenegger,
op. cit., no 73 ad art. 12 PA; Christoph Auer, in VwVG, Kommentar zum
Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, op. cit., no 18 ad art. 12 PA;
Kiener/ Rütsche/Kuhn, op. cit., no 721). Les documents (Urkunden, documenti) au
sens de la lettre a sont définis comme des écrits ou des signes qui sont
destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique; la notion
doit s'entendre largement au vu des possibilités actuelles d'enregistrement et
comprend également des écrits qui n'ont pas été établis à des fins probatoires,
mais qui acquièrent cette fonction dans le cours de la procédure (Krauskopf/
Emmenegger, op. cit., nos 87-89 ad art. 12 PA). Des extraits de journaux
peuvent constituer des documents ainsi définis, de sorte que l'autorité
précédente s'est bien, contrairement à ce qu'affirme le recourant, fondée sur
des moyens de preuve au sens de l'art. 12 PA. Par ailleurs, conformément au
principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi du 4 décembre
1947 de procédure civile fédérale [RS 273], en relation avec l'art. 19 PA),
l'autorité précédente évalue librement leur force probante, qui n'est pas
nulle, quoi qu'en dise le recourant, du simple fait que les informations ne
peuvent être vérifiées en raison de la situation en Syrie. Des vérifications
peuvent en effet être effectuées différemment, notamment par recoupement avec
d'autres sources. Il n'est donc pas arbitraire de se fonder sur des articles de
presse décrivant la situation en Syrie pour établir les faits de la cause, le
recours étant mal fondé à cet égard.

Une autre question est de savoir si l'autorité peut collecter des informations
sur Internet et quelle est la valeur probante de celles-ci (cf. Krauskopf/
Emmenegger, op. cit., nos 69, 177 s. ad art. 12 PA, selon lesquels une telle
recherche devrait être limitée à des faits notoires, c'est-à-dire à des faits
qui n'ont pas à être prouvés dans le cadre d'une administration des preuves au
sens de l'art. 12 PA, étant précisé que des informations ne sont pas notoires
pour la simple raison qu'elles figurent sur Internet [ATF 138 I 1 consid. 2.4
p. 5]). Le point n'a pas à être tranché en l'espèce, puisque l'autorité
précédente ne s'est pas basée pour l'établissement des faits de la cause
exclusivement ni même principalement sur des informations accessibles
(uniquement) par Internet, mais sur des documents (articles de presse, rapports
de la Commission d'enquête) et des présomptions (naturelles) à partir de la
position du recourant dans l'appareil d'Etat syrien et de ses liens familiaux.
5.3.5 S'agissant de ce dernier point, la critique du recourant selon laquelle
il serait "manifestement insoutenable" de se fonder sur ses liens avec la
famille Al-Assad pour en déduire qu'il est très proche du pouvoir est mal
fondée. En effet, le recourant est un cousin germain du président Al-Assad. Un
tel lien de parenté ne fonde certes qu'une présomption réfragable de proximité
du pouvoir, mais celle-ci est encore renforcée par la position que le recourant
occupe dans l'appareil d'Etat. Or, le recourant n'entreprend nullement de
renverser cette présomption en alléguant des faits de nature à démontrer qu'il
a pris ses distances par rapport au régime.
5.3.6 Selon le recourant, l'autorité précédente a établi les faits de manière
arbitraire aussi dans la mesure où elle a accordé beaucoup d'importance au fait
qu'il est l'objet de sanctions de la part d'autres pays occidentaux.

La coordination des sanctions au plan international est nécessaire à leur
efficacité (cf. Vock, op. cit., nos 167 s.). Lorsqu'il établit les listes des
personnes visées par les mesures de coercition, le Département est donc amené à
tenir compte du champ d'application personnel délimité par d'autres pays. En
revanche, quand une personne conteste son inscription sur l'une de ces listes,
l'autorité de recours ne saurait se dispenser de procéder à sa propre
administration des preuves en arguant que l'intéressé fait l'objet de sanctions
de la part d'autres pays. Tel n'est pas ce qu'a fait l'autorité précédente en
l'occurrence, puisque celle-ci a administré des preuves et a invoqué les
sanctions décidées par d'autres pays seulement comme argument supplémentaire.
La critique du recourant est donc infondée.
5.3.7 Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir systématiquement et
arbitrairement écarté les éléments avancés par lui en vue d'apporter la
contre-preuve. S'agissant d'un témoignage de moralité émanant du Patriarche
grec-catholique melkite d'Antioche Gregorios III, le Tribunal administratif
fédéral a en effet estimé qu'il y avait tout lieu de douter de l'objectivité de
son auteur, en se référant à plusieurs articles de presse faisant état du
soutien de ce chef religieux au régime syrien. Concernant des pièces attestant
que le montant de 3 millions d'euros, dont le séquestre auprès de la banque
HSBC, à Genève, a été levé par décision du Tribunal pénal fédéral du 11 janvier
2012, a bien servi à l'acquisition par le recourant d'un immeuble en Syrie,
l'autorité précédente a considéré que ces documents n'établissaient pas que
l'intégralité de la somme avait été utilisée à cette fin. Les premiers juges
ont en outre écarté un courrier adressé au recourant par "Novartis
International AG" pour le remercier de son activité dans le cadre de la lutte
contre les contrefaçons; ils ont en effet émis des réserves quant à
l'authenticité de ce document, qui ne comportait pas l'en-tête de la société ni
de signature manuscrite.

On ne voit pas en quoi les éléments en cause seraient propres à modifier la
décision attaquée. En effet, le témoignage du Patriarche d'Antioche, selon
lequel le recourant est "jeune, dynamique, ouvert, toujours prêt à aider, à
comprendre, à répondre aux demandes des gens, surtout moins favorisés",
n'exclut pas que celui-ci soit proche du pouvoir et en mesure d'influer sur le
cours des événements. Il en va de même des pièces relatives à la transaction
immobilière. Quant au courrier de Novartis, il indique que le recourant a
exercé une activité dans le domaine de la lutte contre les contrefaçons, mais
non que ce soit là sa seule activité à la tête de son unité des services de
renseignements. Pour ces motifs aussi, il n'y avait nul arbitraire de la part
de l'autorité précédente à ne pas prendre en compte les moyens de preuve en
question.

A la différence de ceux qui viennent d'être examinés, des moyens de nature à
prouver que le recourant a pris ses distances par rapport au régime auraient
été susceptibles de conduire à la modification de la décision attaquée. Or, le
recourant n'a établi ni même allégué aucun élément de ce genre, comme il a été
dit.
5.3.8 Il découle de ce qui précède que l'autorité précédente n'a pas apprécié
les preuves ni établi les faits de manière arbitraire en retenant que le
recourant est proche du pouvoir syrien et à même d'influencer le cours des
événements dans ce pays.

Le recourant reproche encore à l'autorité précédente de n'avoir pas mis en
oeuvre d'autres mesures d'instruction, telles qu'une analyse des mouvements de
son compte auprès de la banque HSBC, ou l'audition de l'ambassadeur en Syrie, à
son retour en Suisse, après la fermeture de l'ambassade en date du 29 février
2012. Cette argumentation est inopérante déjà pour le motif que le recourant
n'a pas requis ces mesures d'instruction de la part de l'autorité précédente:
selon la décision attaquée (consid. 9 p. 32 s.), il a seulement demandé qu'un
délai lui soit imparti afin qu'il puisse solliciter des mesures d'instruction,
sans faire aucune offre de preuve concrète. Par ailleurs, le recourant perd de
vue que le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de
mettre un terme à l'instruction, lorsque les moyens administrés lui ont permis
de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une
appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la
certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 136 I 229
consid. 5.3 p. 236). Or, le recourant n'expose nullement en quoi il était
arbitraire de renoncer aux mesures d'instruction en question. Sur ce point, le
recours est donc mal fondé dans la mesure où il est recevable.

6.
6.1 Le recourant dénonce une atteinte à sa liberté personnelle (art. 10 al. 2
Cst.) et à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Il fait valoir que les
conditions auxquelles l'art. 36 Cst. soumet la restriction des droits
fondamentaux ne sont pas réunies.

6.2 Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental
doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de
restriction grave (al. 1); elle doit en outre être justifiée par un intérêt
public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et, selon
le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et
adéquat à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis (al. 3), sans
violer l'essence du droit en question (al. 4).

Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), une
restriction d'un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé -
règle d'aptitude -, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins
incisive - règle de nécessité -; il faut en outre qu'il existe un rapport
raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée
et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public - proportionnalité
au sens étroit - (ATF 137 I 167 consid. 3.6 p. 175 s.; 138 I 331 consid.
7.4.3.1 p. 346). S'agissant de mesures prises en vue de sauvegarder les
intérêts de la Suisse et ayant des implications politiques importantes, le
Tribunal fédéral fait preuve de retenue dans l'examen de la nécessité de
celles-ci et dans la pesée des intérêts en présence (ATF 132 I 229 consid. 10.3
p. 243 s.).

6.3 En l'occurrence, il n'est pas contesté que le gel des avoirs (art. 2 al. 1
aO-Syrie, art. 10 al. 1 O-Syrie) et l'interdiction d'entrée et de transit (art.
4 al. 1 aO-Syrie, art. 17 al. 1 O-Syrie) portent une atteinte importante
respectivement à la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) et à la liberté
personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) du recourant, restrictions qui appellent une
justification au regard de l'art. 36 Cst. Il est de même constant que ces
restrictions reposent sur une base légale, à savoir les art. 1 et 2 LEmb.
Seules se posent donc les questions de l'intérêt public et de la
proportionnalité, lesquelles dépendent de la finalité des mesures de
coercition, ce qu'il y a lieu d'examiner dans un premier temps.

6.4 Les mesures de coercition envisagées par l'art. 1 al. 1 LEmb servent à
mettre en oeuvre des sanctions que l'Organisation des Nations Unies,
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou l'un des
principaux partenaires commerciaux de la Suisse - en l'occurrence l'Union
européenne - a décrétées aux fins de faire respecter le droit international
public, en particulier les droits de l'homme. Les Etats qui appliquent ces
sanctions de nature éminemment politique entendent exercer une pression
collective sur un sujet de droit international, afin de l'amener à modifier son
attitude dans le sens d'un plus grand respect des normes précitées. En
s'associant à ces mesures, il s'agit pour la Suisse d'éviter de devenir une
"plaque tournante du trafic de contournement" (FF 2001 p. 1364 ch. 2.1.1), ce
qui nuirait à l'efficacité des sanctions et porterait préjudice à l'image du
pays.

L'art. 1 al. 3 let. b LEmb contient une liste non exhaustive des mesures de
coercition pouvant être employées à cette fin. Au nombre de celles-ci figurent
les restrictions du trafic des paiements et des capitaux, ainsi que de la
circulation des personnes. Faisant partie des sanctions économiques, lesquelles
sont les plus importantes en pratique, les premières consistent à geler les
avoirs et plus largement toutes les ressources économiques d'un Etat, d'un
gouvernement, ainsi que des entités placées sous leur contrôle, mais aussi de
particuliers et d'entreprises privées (Vock, op. cit., nos 1 ss, spéc. nos 2, 5
et 7, nos 90 ss). Parmi les personnes physiques, les sanctions financières
visent en premier lieu celles qui, en raison de leur influence, peuvent être
considérées comme les agents formels ou de fait d'un Etat en relation avec les
violations du droit international public qu'il s'agit de faire cesser. Dans la
pratique récente, elles sont toutefois de plus en plus fréquemment dirigées
aussi contre des personnes qui n'ont pas d'influence directe sur le
comportement d'un Etat sur le plan du droit international public (Caroni, op.
cit., p. 105). Parmi les restrictions à la circulation, les interdictions
d'entrée et de transit visent généralement les membres du gouvernement ou des
autorités, ainsi que les officiers de haut rang de l'armée et des forces de
sécurité. Elles peuvent frapper d'autres personnes qui soutiennent la politique
du régime ou en bénéficient (Vock, op. cit., no 7).

6.5 Du point de vue de l'intérêt public, le recourant ne conteste pas la prise
de mesures à l'égard du régime syrien - le litige ne porte en effet pas sur le
principe de l'adoption de mesures à l'égard de la Syrie, mais sur l'inscription
du recourant dans l'annexe de l'aO-Syrie puis de l'O-Syrie -, mais soutient que
celles-ci ne présentent aucun intérêt en tant qu'elles sont dirigées contre
lui, du moment qu'il ne serait pas en mesure de peser sur les événements de
Syrie.

Quoi qu'il en dise, le recourant fait partie du cercle des personnes visées par
les mesures de coercition, tel qu'il a été défini ci-dessus. En outre, du
moment qu'il a fait l'objet de mesures similaires de la part des Etats membres
de l'Union européenne, de la Norvège, du Japon, du Canada, de l'Australie, des
Etats-Unis et de la Ligue arabe, il y a un intérêt public à ce que la Suisse
s'aligne sur ces sanctions, afin que celles-ci ne puissent être contournées, ce
que la LEmb veut précisément éviter.

6.6 Sous l'angle de la proportionnalité, l'inscription du recourant dans
l'annexe de l'aO-Syrie puis de l'O-Syrie apparaît comme nécessaire déjà pour le
motif qui vient d'être indiqué (éviter que les sanctions adoptées par d'autres
pays occidentaux puissent être contournées). En outre, du moment qu'il n'est
pas arbitraire d'admettre que le recourant est proche du pouvoir syrien et en
mesure d'influencer le cours des événements dans ce pays (cf. consid. 5.3.8
ci-dessus), son inscription paraît apte à atteindre le but ultime des sanctions
internationales. Compte tenu de la retenue dont il fait preuve dans l'examen de
ces questions, le Tribunal fédéral ne saurait ainsi nier que la mesure
litigieuse soit conforme aux règles d'aptitude et de nécessité, ni qu'elle
respecte l'exigence de proportionnalité au sens étroit, ce d'autant que le
recourant a obtenu - certes au terme d'une procédure judiciaire - de pouvoir
disposer de la somme de 3 millions d'euros sur son compte bloqué auprès de la
banque HSBC.

7.
Le recourant dénonce une violation de l'art. 5 al. 1 Cst., en faisant valoir
que son inscription sur la liste des personnes visées par les mesures de
coercition ne s'est pas faite dans le respect des règles propres à un Etat de
droit. Ce grief n'a pas de portée propre: du moment que, comme en l'espèce,
l'acte attaqué s'avère conforme au droit, celui-ci respecte du même coup le
principe de la légalité énoncé à l'art. 5 al. 1 Cst.

Le recourant soutient que les mesures de coercition prises à son encontre l'ont
été sans motif objectif et donc arbitrairement (art. 9 Cst.). Il réitère à cet
égard les critiques selon lesquelles il figurerait sur la liste des personnes
visées par les mesures de coercition sans que sa situation concrète ait été
analysée, les autorités précédentes s'étant contentées de reprendre la liste
établie par l'Union européenne. Le grief n'a, ici aussi, pas de portée propre
et doit être rejeté pour les motifs déjà exposés ci-dessus (cf. not. consid.
5.3.6).

8.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est
recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 66 al.
1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Département
fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, au Conseil fédéral,
au Tribunal administratif fédéral, Cour II, et à l'Office fédéral des
migrations.

Lausanne, le 27 mai 2013
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Vianin

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