Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.551/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
{T 0/2}

2C_551/2012        

2C_553/2012

Arrêt du 16 mai 2013

IIe Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffère: Mme Kurtoglu-Jolidon.

Participants à la procédure
B.X.________, représenté par Maîtres Alexandre Faltin et Dominique Gay,
avocats,
recourant,

contre

Administration fiscale cantonale
du canton de Genève.

Objet
2C_551/2012
Impôts cantonal et communal 2004,

2C_553/2012
Impôt fédéral direct 2004,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre administrative, 2ème section, du 24 avril 2012.

Faits:

A.

A.a. B.X.________, domicilié dans le canton de Genève, exerce une activité
lucrative indépendante dans l'immobilier. Durant les années quatre-vingt, il a
acquis divers immeubles en nom propre, ainsi que des participations dans des
sociétés immobilières, dont certains en association avec son frère
A.X.________. Afin de financer ces acquisitions, B.X.________ et A.X.________
ont contracté des emprunts hypothécaires, principalement auprès de la Banque
E.________ (aujourd'hui et ci-après : Banque L.________), pour un montant total
de plus 18'000'000 fr. Le marché immobilier s'étant effondré au début des
années nonante, B.X.________ n'a plus pu remplir ses obligations financières.
Les contrats de prêts ont alors été résiliés, des poursuites engagées et les
actifs immobiliers réalisés.

 Le 24 janvier 2000, les frères X.________ et la SI Z.________, dont les
précités étaient propriétaires, ont conclu une convention avec la Banque
L.________. B.X.________ reconnaissait devoir à la banque la somme de 1'140'430
fr., ainsi que 6'075'709 fr. en qualité de codébiteur solidaire avec
A.X.________, tandis que la SI Z.________ devait un montant de 565'319 fr. la
Banque L.________ s'engageait à abandonner ses créances à l'encontre de ses
trois débiteurs à condition que B.X.________ et A.X.________ lui versent la
somme de 1'000'000 fr. par tranches dégressives échelonnées de juin 2000 à juin
2004. De plus, les frères X.________ s'engageaient à remettre à la banque le
produit de la vente des biens immobiliers à réaliser.

 Dans leur déclaration fiscale 2003, les époux X.________ ont fait état d'un
revenu imposable pour l'impôt fédéral direct de 111'613 fr. et de 99'570 fr.
pour les impôts cantonal et communal, ainsi que d'une fortune imposable nulle.
Ils y mentionnaient des dettes hypothécaires se montant à 2'992'794 fr.

 Par courrier du 30 août 2004, la Banque L.________ a confirmé à A.X.________
que les conditions de la convention du 24 janvier 2000 avaient été respectées
par les débiteurs et qu'en conséquence elle abandonnait le solde de ses
créances.

A.b. La déclaration fiscale 2004 des époux X.________ montrait un revenu net
imposable de 204'364 fr. pour l'impôt fédéral direct et de 188'902 fr. pour
l'impôt cantonal; la fortune imposable était nulle. Les dettes hypothécaires se
montaient à 1'454'753 fr. Ils joignaient un tableau détaillant les dettes et
les intérêts y relatifs afférents à l'activité lucrative indépendante de
l'intéressé; la Banque L.________ ne figurait plus parmi les créanciers.

 Après que l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après:
l'Administration fiscale) eut demandé à deux reprises à B.X.________ de lui
remettre une attestation de la Banque L.________ indiquant le montant total de
l'abandon de créances dont il avait bénéficié en application de ladite
convention, celui-ci a expliqué, par courriel du 20 février 2007, que l'abandon
de créances avait été largement compensé par des pertes immobilières. Le 1 ^
er mars 2007, l'Administration fiscale a reçu les frères X.________ et leur
avocat; elle leur a ensuite imparti un délai au 20 avril 2007 pour produire des
pièces attestant l'absence de bénéfices lors des ventes immobilières forcées.
Par courrier du 18 avril 2007, B.X.________ et A.X.________ ont détaillé leur
situation: lors de l'effondrement du marché immobilier dans les années nonante,
leurs immeubles gagés et les sociétés immobilières avaient fait l'objet de
réalisations forcées, respectivement avaient été vidées de leur substance; ils
avaient perdu la totalité de leurs fonds propres; la Banque L.________ avait
accepté de renoncer au remboursement des dettes non couvertes par la vente de
ces biens, moyennant un paiement supplémentaire de 1'000'000 fr.; les pertes
immobilières subies à cause de l'effondrement du marché avaient largement
compensé cet abandon de créances; il n'était pas possible à B.X.________ et
A.X.________ de fournir une comptabilité complète des transactions concernées;
les acquisitions des parts de sociétés immobilières remontaient aux années
quatre-vingt et les pièces y relatives n'avaient pas été conservées, s'agissant
d'opérations remontant à plus de dix ans; de plus, l'essentiel des pièces avait
été saisi par les offices des poursuites et faillites et les ventes avaient été
opérées par ceux-ci; ils n'avaient donc pas accès aux informations utiles. Ils
joignaient à leur courrier un tableau qui récapitulait les acquisitions opérées
pour un prix global de 19'731'616 fr. et qui avaient été financées par des
fonds étrangers à hauteur de 18'096'535 fr.; au moment de la signature de la
convention avec la Banque L.________, les hypothèques avaient été globalement
remboursées de 1'129'087 fr.; les fonds propres que le contribuable et son
frère avaient investis, soit 1'635'082 fr. avaient été perdus; leur perte était
estimée à 3'764'169 fr. Aucune pièce n'était jointe à ce tableau.

A.c. Le 8 mai 2007, l'Administration fiscale a notifié aux époux X.________ un
bordereau de taxation arrêtant le revenu imposable pour l'impôt fédéral direct
2004 à 2'170'700 fr.; l'impôt se montait à 249'630 fr. Le revenu imposable pour
l'impôt cantonal et communal 2004 était de 2'164'492 fr., la fortune imposable
était nulle; l'impôt s'élevait à 681'408 fr.

 Selon l'Administration fiscale, l'abandon de créances en faveur de
B.X.________, dont le calcul était annexé, atteignait 1'970'944 fr. et
constituait un revenu imposable. Pour déterminer le montant de cet abandon, le
fisc a pris en compte les sommes dues à la Banque L.________ selon la
convention du 24 janvier 2000, desquelles il a soustrait le produit obtenu de
la vente des biens immobiliers.

A.d. Par décisions du 2 octobre 2007, l'Administration fiscale a rejeté la
réclamation des époux X.________ pour l'impôt fédéral et les impôts cantonal et
communal. Aucun document probant ne confirmait que l'abandon de créances avait
été compensé par les pertes prétendument subies et que B.X.________ et son
frère avaient, en réalité, réalisé une perte globale de plus de 3'764'000 fr.

A.e. Le 22 novembre 2010, la Commission cantonale de recours en matière
administrative du canton de Genève a rejeté le recours des époux X.________. La
perte de 3'764'000 fr. n'avait été ni comptabilisée, ni mentionnée dans la
déclaration d'impôt; l'intéressé admettait d'ailleurs n'avoir pas tenu de
comptabilité et n'avait fourni aucune pièce comptable à l'appui de sa
déclaration.

B.
Par arrêt du 24 avril 2012, la Chambre administrative de la Cour de justice de
la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le
recours de B.X.________ tant pour l'impôt fédéral direct que pour les impôts
cantonal et communal 2004. L'intéressé n'avait jamais tenu de comptabilité
régulière; en outre, il n'avait pas établi, par des pièces comptables
probantes, l'existence des pertes commerciales dont il se prévalait, et qu'il
ne parvenait pas à chiffrer exactement. C'était, dès lors, à bon droit que
l'Administration fiscale avait refusé d'en tenir compte. Les décisions de
taxation litigieuses respectaient, en outre, le principe de l'imposition selon
la capacité contributive.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, B.X.________
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt
du 24 avril 2012 de la Cour de justice et de renvoyer le dossier à
l'Administration fiscale afin qu'elle établisse de nouveaux bordereaux 2004
dans le sens des considérants.

 L'Administration fiscale conclut au rejet du recours, sous suite de frais.
L'Administration fédérale des contributions se réfère aux déterminations de
l'Administration fiscale et demande également le rejet du recours. La Cour de
justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt.

 Par ordonnance du 12 juillet 2012, le Président de la IIe Cour de droit public
a octroyé l'effet suspensif au recours.

 B.X.________ s'est encore prononcé par écriture du 14 septembre 2012.

Considérant en droit:

1.
La Cour de justice a rendu une seule décision valant pour l'impôt fédéral
direct et les impôts cantonaux et communaux, ce qui est admissible, dès lors
que la question juridique à trancher est réglée de la même façon en droit
fédéral et dans le droit cantonal harmonisé (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1
p. 262 s.). Dans ces circonstances, on ne peut reprocher au recourant d'avoir,
dans son recours au Tribunal fédéral, pris des conclusions valant pour les deux
catégories d'impôts (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.2 p. 263 s.). Par souci
d'unification par rapport à d'autres cantons dans lesquels deux décisions sont
rendues, la Cour de céans a toutefois ouvert deux dossiers, l'un concernant
l'impôt fédéral direct (2C_553/2012) et l'autre les impôts cantonal et communal
(2C_551/2012). Comme l'état de fait est identique et que les questions
juridiques se recoupent, les deux causes seront néanmoins jointes et il sera
statué dans un seul arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]).

2.

2.1. L'arrêt attaqué concerne le revenu imposable de la période fiscale 2004.
Comme ce domaine relève du droit public et qu'aucune des exceptions prévues à
l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public est
ouverte sur la base de l'art. 82 let. a LTF. L'art. 146 de la loi fédérale du
14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) confirme du reste
l'existence de cette voie de droit pour l'impôt fédéral direct. S'agissant des
impôts cantonal et communal, l'imposition du revenu (art. 7 ss de la loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons
et des communes [LHID; RS 642.14]) et la déduction des pertes résultant d'une
activité lucrative indépendante (art. 10 al. 1 let. c LHID) étant des matières
harmonisées, la voie du recours en matière de droit public est aussi réservée
par l'art. 73 al. 1 LHID (cf. ATF 134 II 186 ss).

2.2. Pour le surplus, le recours remplit les conditions des art. 42 et 82 ss
LTF et est, par conséquent, recevable.

 I. Impôt fédéral direct

3.
Le recourant ne conteste pas que l'abandon de créances, octroyé par la banque
en sa faveur dans le cadre de son activité de commerçant d'immeubles, constitue
un revenu imposable (art. 18 al. 1 LIFD). En revanche, il prétend que cet
abandon est compensé par la perte de 3'764'169 fr. qu'il aurait subie sur des
éléments de sa fortune commerciale.

3.1. L'art. 25 LIFD prévoit que le revenu net se calcule en défalquant du total
des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux
art. 26 à 33a LIFD.

 Selon l'art. 27 LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative
indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l'usage
commercial ou professionnel (al. 1). Font notamment partie de ces frais les
pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition
qu'elles aient été comptabilisées (al. 2 let. b).

 D'après l'art. 125 al. 2 LIFD, les personnes physiques dont le revenu provient
d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent joindre
à leur déclaration les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats)
de la période fiscale ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à
l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes
et des dépenses, ainsi que des prélèvements et apports privés.

 L'art. 125 al. 2 LIFD ne précise pas ce qu'il faut entendre par "état des
actifs et des passifs, relevé des recettes et des dépenses ainsi que des
prélèvements et apports privés". Les exigences auxquelles doivent répondre ces
états dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type
d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, ils doivent
être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la
fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlés dans
des conditions raisonnables par les autorités fiscales (RF 62/2007 p. 369 ss,
2A.300/2006 consid. 3.4; Archives 73 p. 656, 2A.272/2003; Martin Zweifel, in:
Martin Zweifel/Peter Athanas, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/2a,
Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer (DBG), 2ème éd., 2008, n° 28 ss ad
art. 125 LIFD p. 296; cf. circulaire n° 2 de l'Administration fédérale des
contributions publiée en janvier 1980 sur l'obligation de conserver les
documents et pièces justificatives et d'établir des relevés et des états faite
aux contribuables exerçant une activité lucrative indépendante, in Archives 48
p. 412). Il n'appartient pas aux autorités fiscales de rétablir la comptabilité
défaillante du contribuable (RDAF 2007 II 252 consid. 4.1, 2C_295/2006).

 Selon le principe de l'art. 8 CC, également applicable en matière fiscale, il
incombe à celui qui fait valoir l'existence d'un fait de nature à éteindre ou à
diminuer sa dette fiscale d'en apporter la preuve et de supporter les
conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 et
les arrêts cités; RDAF 2009 II p. 560, 2C_199/2009 consid. 3.1).

3.2.

3.2.1. Le recourant a un statut d'indépendant puisqu'il est considéré comme un
commerçant professionnel d'immeubles. Il doit donc tenir une comptabilité, ou
du moins l'état de ses actifs et passifs, les relevés des recettes et des
dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés.

 A l'appui de sa déclaration fiscale 2004, le recourant n'a produit que la
liste de ses dettes et des intérêts y relatifs; aucune pièce comptable n'y
était annexée. Dans cette déclaration fiscale, le recourant ne revendique pas
la déduction d'une perte commerciale quelconque; il n'y mentionne du reste pas
non plus l'abandon de créances de la banque en sa faveur. Il n'a ainsi fourni
aucun document comptable quelconque contrairement à ce qu'exige l'art. 125 al.
2 LIFD. Le recourant n'a pas tenu de comptabilité, ni état de ses actifs et
passifs et relevés des recettes et des dépenses, ainsi que des prélèvements et
apports privés. En ce qui concerne le tableau annexé au courrier du 18 avril
2007 adressé à l'Administration fiscale, et qui fait état de la perte de
3'764'169 fr. (cf. partie "Faits" fin de la let. Ab), il n'a pas de valeur
probante puisqu'il n'est étayé par aucune pièce. Or, il incombait au recourant
d'apporter la preuve de cette perte (cf. consid. 3.1). De plus, ce tableau a
été établi après la clôture de l'exercice 2004, sans compter qu'il n'est ni
daté ni signé. Il ne prouve, au surplus, pas que la totalité des prêts
hypothécaires a été consacrée à l'achat des actifs immobiliers.

 En outre, d'après ce qu'il ressort du dossier, les ventes d'immeubles ayant
engendré des pertes n'ont pas toutes été réalisées en 2004. Des actifs ont été
vendus aux enchères avant cette année-là. Le recourant, qui a l'obligation de
clôturer ses comptes à chaque période fiscale (art. 210 al. 3 LIFD), devait
donc comptabiliser les pertes dans le compte actif des immeubles touchés et
comme charge au compte de pertes et profits, lors de chaque exercice commercial
où celles-ci sont survenues, puis les reporter dans la déclaration d'impôt de
la période fiscale concernée (art. 210 al. 2 LIFD). Par la suite, il aurait pu
déduire les pertes cumulées de ses éventuels bénéfices (art. 211 LIFD). Il
appartenait aussi au recourant de clairement séparer ses affaires de celle de
son frère puisqu'ils sont deux sujets fiscaux distincts. Or, bien que selon la
convention du 24 janvier 2000, B.X.________ soit débiteur de la banque d'un
montant de 1'140'430 et A.X.________ d'un montant de 9'751'306 fr. et qu'ils ne
fussent pas propriétaires des mêmes biens, ils revendiquent tous deux une perte
identique de 3'764'169 fr.

3.2.2. Le recourant a prétendu, tout au long de la procédure, qu'il n'était pas
en mesure de fournir une comptabilité complète des transactions concernées car
les faits remontaient à plus de dix ans et qu'il n'était donc plus en
possession des pièces; en outre, l'essentiel des ventes d'immeubles avait été
opéré par différents offices de poursuites et faillites dans le cadre de ventes
forcées (faillites ou poursuites en réalisation de gages), de sorte qu'il
n'avait disposé des informations sur les ventes que tardivement et de manière
totalement lacunaire; il lui était ainsi impossible de tenir une comptabilité.

 Comme le relève l'intéressé, l'art. 126 al. 3 LIFD n'oblige les personnes
physiques qui exercent une activité lucrative indépendante à conserver les
livres ou les relevés prévus à l'art. 125 al. 2 LIFD, ainsi que les pièces
justificatives, que durant dix ans. Toutefois, ce délai présuppose que le
contribuable a remis, avec la déclaration d'une période fiscale donnée, les
comptes correctement tenus de l'exercice concerné. Comme on l'a vu ci-dessus,
tel n'a pas été le cas en l'espèce. Ce délai ne saurait servir de justification
aux manquements du contribuable quant à ses devoirs en matière fiscale.

 Quant à l'argument tiré du fait que les ventes ont été effectuées par les
offices de poursuites et faillites, il n'est pas pertinent. Comme le souligne
le recourant, ses immeubles ont été placés sous gérance légale (art. 101 al. 1
de l'ordonnance du 23 avril 1920 du Tribunal fédéral sur la réalisation forcée
des immeubles [ORFI; RS 281.42]). Celle-ci a, notamment, pour conséquence
l'indisponibilité des immeubles et le transfert des pouvoirs de gestion à
l'office des poursuites et faillites (Valérie Défago Gaudin, L'immeuble dans la
LP: indisponibilité et gérance légale, 2006, p. 71 ss, spéc. no 259 p. 72; cf.
aussi Eduard Brand, Die betreibungsrechtliche Zwangsverwertung von Grundstücken
im Pfandverwertungsverfahren, 2008, p. 65 ss, spéc. no 2.1 p. 76; Sylvain
Marchand, La gérance d'immeubles, conventionnelle et légale, in: Séminaire sur
le droit du bail, 2006, no 6). Puisqu'il perçoit des fonds provenant de
l'immeuble à mettre en vente (loyers, etc.) et effectue des paiements, le
gérant légal a pour tâche de tenir une comptabilité. L'ordonnance du 5 juin
1996 du Tribunal fédéral sur les formulaires et registres à employer en matière
de poursuite pour dettes et faillite et sur la comptabilité (Oform; RS 281.31)
règle plus précisément la façon de procéder en la matière aux art. 14 ss. Un
compte spécial est ouvert dans le grand livre pour chaque immeuble donnant lieu
à l'encaissement de loyers ou dont l'office a assumé l'administration à la
suite de la saisie (art. 15 des instructions de la Chambre des poursuites et
faillites du Tribunal fédéral au sujet des formulaires et autres pièces
concernant la réalisation forcée des immeubles des 7 octobre 1920/29 novembre
1976/22 juillet 1996, in: Bulletin des préposés aux poursuites et faillites
1996 p. 167). Or, la loi prévoit expressément que le débiteur, soit en l'espèce
le recourant, peut consulter en tout temps le compte détaillé des recettes et
dépenses (art. 21 ORFI). Ces dispositions s'appliquent aussi dans la poursuite
en réalisation de gage (Défago Gaudin, op. cit., p. 164). L'intéressé pouvait
donc se procurer les informations nécessaires à l'établissement de ses comptes
(au sens large) pour tous ses immeubles. Si obtenir ces renseignements
requerrait du temps, il lui appartenait d'en faire part au fisc et de requérir
un délai pour le dépôt de sa déclaration fiscale. En ce qui concerne la période
fiscale 2004, le recourant a simplement annexé à sa déclaration des documents
lacunaires sans déclarer qu'ils étaient provisoires et qu'il devait obtenir des
informations des offices afin d'être en mesure de clôturer ses comptes. Il ne
prétend d'ailleurs pas avoir essayé de les obtenir en temps voulu. Il a tout de
même produit des classeurs de pièces en 2008, devant la Commission cantonale de
recours en matière administrative, ce qui démontre qu'il était possible de se
les procurer.

3.3. En conclusion, la perte de 3'764'169 fr. n'a pas été comptabilisée. La
condition de l'art. 27 al. 2 let. b LIFD n'est dès lors pas remplie et la perte
n'est pas déductible du revenu imposable. Elle ne l'est pas non plus dans le
cadre d'un éventuel assainissement comme revendiqué par le recourant (art. 31
al. 2 LIFD). En outre, le refus de porter la perte en déduction du revenu
imposable ne viole pas le principe de l'imposition selon la capacité
contributive (cf. art. 127 al. 2 Cst., ATF 131 II 562 consid. 3.7 p. 569 et les
arrêts cités); ce principe ne saurait pallier les comptes défaillants du
recourant et suppléer à l'absence de réalisation des conditions légales de la
déduction des pertes.

4.
Le recourant estime qu'il serait contraire au principe de la proportionnalité
d'exiger qu'il détermine le montant exact de ses pertes; il a établi que ce
montant dépassait celui de l'abandon de créances, ce qui serait suffisant,
étant donné qu'il n'est pas astreint à tenir une comptabilité au sens des art.
957 ss CO. En considérant le tableau du 18 avril 2007 (cf. partie "Faits" fin
de la let. Ab), qui fixe la perte à 3'764'169 fr., comme ayant été constitué
trop tard et comme inapte à prouver la perte, le fisc aurait, en outre, fait
preuve de formalisme excessif.

4.1. Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière
conforme à la vérité et complète (art. 124 al. 2 LIFD). Il doit ainsi faire
tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte (art.
126 al. 1 LIFD). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un
élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa
déclaration. Le contribuable porte ainsi la responsabilité de l'exactitude de
sa déclaration (RDAF 2009 II 408, 2C_47/2009 consid. 5 et les références
citées).

4.2. Comme on l'a vu ci-dessus, la perte alléguée ne ressortait pas de la
déclaration fiscale 2004, ni des documents remis avec cette déclaration,
puisque le recourant ne tenait pas de comptabilité. Le tableau du 18 avril
2007, faisant état de la perte de 3'764'169 fr., fourni à la suite des demandes
de renseignements du fisc, a été établi après la clôture de l'exercice 2004 et
il n'est, de plus, pas probant puisqu'aucun justificatif ne l'accompagnait. Le
recourant n'a ainsi pas rempli ses obligations et n'a pas prouvé le montant de
la perte dont il demande la déduction. Le refus d'en tenir compte n'est que la
conséquence de ces défaillances, et l'autorité de taxation n'a fait
qu'appliquer les différentes dispositions légales qui imposaient au recourant,
outre de comptabiliser cette perte, de déposer une déclaration d'impôt
complète.

 Dans ces conditions, le principe de proportionnalité a été respecté. Sans
compter qu'il est pour le moins étonnant de prétendre à la déduction d'une
perte sans pouvoir en chiffrer le montant exact.

4.3. Quant au principe de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1
Cst.), il protège contre l'application d'une règle de procédure qui n'est
justifiée par aucun intérêt digne de protection, de sorte que, notamment, elle
complique de manière insoutenable la mise en oeuvre du droit matériel (cf. ATF
134 II 244 consid. 2.4.2 p. 248; 132 I 249 consid. 5 p. 253 et les arrêts
cités).

 En l'espèce, en considérant que les comptes du recourant ne répondaient pas
aux exigences de l'art. 125 al. 2 LIFD, que la perte de 3'764'169 fr. n'avait
pas été comptabilisée et qu'ainsi les conditions de l'art. 27 al. 2 let. b LIFD
n'étaient pas remplies, l'autorité précédente a appliqué le droit matériel. Le
grief présenté comme une violation du principe de l'interdiction du formalisme
excessif se confond, en réalité, avec les griefs relatifs à la violation de la
LIFD qui ont été rejetés ci-dessus. Il doit par conséquent aussi être rejeté.

 II. Impôts cantonal et communal

5.

5.1. La présente cause a trait à la période fiscale 2004. Selon l'art. 72 al. 1
de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes
physiques (LIPP; RS/GE D 3 08), entrée en vigueur le 1 ^er janvier 2010 (art.
71 LIPP), cette loi s'applique pour la première fois aux impôts de la période
fiscale 2010; les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent
régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de
ladite loi. S'applique, dès lors, au présent litige, la loi genevoise du 22
septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-V), en vigueur
du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2009 (art. 69 al. 1 let. e LIPP).

5.2. L'art. 10 al. 1 let. c LHID a la même teneur que l'art. 27 al. 1 et 2 let.
b LIFD et prévoit donc que les pertes effectives, qui ont été comptabilisées et
qui sont réalisées sur des éléments de la fortune commerciale des contribuables
exerçant une activité lucrative indépendante, constituent des frais qui sont
justifiés par l'usage commercial ou professionnel et peuvent être déduites.
Cette règle s'impose en droit genevois même si elle n'est pas expressément
reprise par l'art. 3 al. 3 aLIPP-V, qui prévoit uniquement que sont déduits du
revenu provenant d'une activité lucrative indépendante les frais qui sont
justifiés par l'usage commercial ou professionnel, tout en donnant une liste
exemplative de ces frais parmi lesquels ne sont pas mentionnées les pertes
effectives sur des éléments de la fortune commerciale. L'art. 3 al. 3 let. f
aLIPP-V arrête, toutefois, que les pertes de sept exercices au plus précédant
la période fiscale, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation
de l'impôt d'années antérieures, font partie des frais déductibles.

 L'art. 42 al. 1 LHID, identique à l'art. 126 al. 1 LIFD qui impose au
contribuable de faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation
complète et exacte, est repris à l'art. 31 al. 1 de la loi genevoise du 4
octobre 2001 de procédure fiscale (LPFisc; RS/GE D 3 17), entrée en vigueur le
1 ^er janvier 2002, (cf. aussi art. 26 al. 2 LPFisc). De plus, l'art. 29 al. 2
LPFisc impose, conformément à l'art. 42 al. 3 LHID, aux personnes physiques,
dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante, de joindre à
leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés de
la période concernée ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à
l'usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes
et des dépenses, ainsi que des prélèvements et apports privés; il a la même
teneur que l'art. 125 al. 2 LIFD.

 En conséquence, les considérations développées ci-dessus en matière d'impôt
fédéral direct s'appliquent mutatis mutandis à l'impôt cantonal et communal et
le recours doit également être rejeté en ce qui les concerne.

5.3.
Compte tenu ce qui précède, le recours doit être rejeté tant en ce qui concerne
l'impôt fédéral direct que l'impôt cantonal et communal 2004.

 Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (cf. art. 66
al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2C_ 551/2012 et 2C_ 553/2012 sont jointes.

2.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne l'impôt fédéral direct (cause
2C_553/2012).

3.
Le recours est rejeté en tant qu'il concerne les impôts cantonal et communal
(cause 2C_551/2012).

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, à
l'Administration fiscale cantonale et à la Cour de justice, Chambre
administrative, 2 ^ème section, de la République et canton de Genève ainsi qu'à
l'Administration fédérale des contributions.

Lausanne, le 16 mai 2013

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

La Greffière: Kurtoglu-Jolidon

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