Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.41/2012
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2012



Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_41/2012
{T 0/2}

Arrêt du du 12 octobre 2012
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Dubey.

Participants à la procédure
X.________ AG,
représentée par Me Tiphanie Piaget, avocate,
recourante,

contre

Service des contributions du canton de Neuchâtel, 2300 La Chaux-de-Fonds,

Kantonale Steuerverwaltung Appenzell Innerrhoden, 9050 Appenzell.

Objet
Assujettissement limité dans le canton de Neuchâtel (dès la période fiscale
2002),

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de
droit public, du 1er décembre 2011.

Faits:

A.
La société X.________ SA (ci-après: la Société), dont le siège se trouve dans
le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, a principalement pour but la
location, la vente et l'achat de biens immobiliers. Y.________ en est
l'administrateur unique avec signature individuelle.

La Société a loué plusieurs immeubles dans le canton de Neuchâtel, auprès de
différents bailleurs. Ces locaux ont été sous-loués à des locataires finaux.
Les comptes de la Société révèlent des revenus immobiliers hors du canton
d'Appenzell de 919'879 fr. 70 pour 2002 (dont à déduire loyers à des tiers par
769'858 fr.), de 1'558'565 fr. pour 2003 (dont à déduire 1'003'623 fr. de
loyers dus à des tiers) et de 1'738'851 fr. 75 pour 2004 (dont à déduire
996'770 fr. 70 de loyers dus à des tiers). Les revenus immobiliers hors du
canton du siège provenant de la sous-location représentent la quasi-totalité
des recettes de la Société.

Par courrier du 15 décembre 2004, le Service des contributions du canton de
Neuchâtel a considéré que les bénéfices de la Société provenant de la
sous-location étaient imposables dans le canton de Neuchâtel, ce que le
Département des finances, Administration fiscale cantonale, du canton
d'Appenzell Rhodes-Intérieures, a nié par courrier du 29 juin 2006.

Par décision d'assujettissement du 14 septembre 2009, le Service des
contributions du canton de Neuchâtel a constaté que la Société y avait un
rattachement économique dès la période fiscale 2002. Selon lui, elle y
disposait en effet, en raison de ses activités de sous-location, de droits
personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels. Par
décision du 4 mars 2010, le Service des contributions a rejeté la réclamation
élevée par la Société contre la décision d'assujettissement limité. Par
jugement du 17 décembre 2010, le Tribunal fiscal du canton de Neuchâtel a
rejeté le recours contre la décision sur réclamation du 4 mars 2010.

Le 12 janvier 2011, la Société a interjeté recours auprès du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel contre le jugement du 17 décembre 2010. Elle se
plaignait de la constatation des faits, de la motivation incomplète du jugement
attaqué et de la violation du droit fédéral.

B.
Par arrêt du 1er décembre 2011, la Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a
rejeté le recours déposé par la Société contre le jugement du 17 décembre 2010.
Les griefs tirés du défaut de motivation et de la constatation des faits
devaient être rejetés. Sur le fond, la sous-location autorisée par le bailleur,
à laquelle la Société se livrait en relouant les biens loués à des tiers,
devenant ainsi sous-bailleur, générait un revenu de nature immobilière,
imposable au lieu de situation de l'immeuble.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Société demande
au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 1er décembre 2011 du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel et de déclarer qu'elle n'est pas assujettie à l'impôt
dans le canton de Neuchâtel pour les années fiscales litigieuses. Elle se
plaint de la violation des art. 51 al. 1 let. c de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), de l'art. 21 al. 1
let. c de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts
directs des cantons et des communes (loi sur l'harmonisation fiscale, LHID; RS
642.14) et de l'art. 77 al. 1 let. c de la loi du 21 mars 2000 sur les
contributions directes du canton de Neuchâtel (LCdir; RSNE 631.0).
Le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel renonce à déposer des observations.
L'Administration cantonale des impôts du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures
conclut à l'admission du recours. Le Service des contributions du canton de
Neuchâtel conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des
contributions a renoncé à prendre position.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué concerne l'assujettissement limité de la recourante à l'impôt
dans le canton de Neuchâtel pour les périodes fiscales 2002 et suivantes à
raison d'un rattachement économique. Cette question étant réglée par l'art 21
LHID, la voie du recours en matière de droit public est ouverte (art. 73 al. 1
LHID et 82 let. a LTF).

Au surplus, déposé en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
requises (art. 42 LTF) par la contribuable destinataire de la décision attaquée
qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification (cf.
art. 89 al. 1 LTF), le présent recours est dirigé contre une décision finale
(cf. art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale supérieure de dernière
instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; art. 33 de la loi
d'organisation judiciaire neuchâteloise du 27 janvier 2010 [OJN/NE; RS/NE
161.1]). Il est par conséquent recevable.

2.
2.1 Aux termes de l'art. 21 al. 1 let. c LHID, les personnes morales dont le
siège ou l'administration effective se trouve hors du canton sont assujetties à
l'impôt, lorsqu'elles sont propriétaires d'un immeuble sis dans le canton ou
qu'elles ont sur un tel immeuble des droits de jouissance réels ou des droits
personnels assimilables économiquement à des droits de jouissance réels. L'art.
77 al. 1 let. c LCdir a une teneur semblable à celle de l'art. 21 al. 1 let. c
LHID.

2.2 Il n'est pas contesté que lorsqu'une entreprise intercantonale est
propriétaire d'un immeuble de placement dans un canton où elle n'a ni siège ni
établissement stable, le canton de situation de l'immeuble se voit attribuer le
droit exclusif d'imposer dans le chapitre de celle-ci les revenus provenant de
cet immeuble au titre de for fiscal spécial (arrêt 2C_482/2011 du 25 juillet
2012, consid. 4.1 prévu pour la publication; ATF 132 I 220 consid. 3.1 p. 223
s.; ATF 119 Ia 46 consid. 3 p. 48 et les références citées).

L'objet du litige consiste à déterminer si les rendements immobiliers provenant
de la sous-location sont imposables dans le canton de situation de l'immeuble,
lorsqu'ils sont perçus par une entreprise intercantonale qui n'en est pas
propriétaire mais locataire. Contrairement à l'opinion de la recourante,
l'instance précédente est d'avis que le statut de locataire confère à celle-ci
un droit personnel assimilable économiquement à des droits de jouissance réels
sur l'immeuble. Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion d'examiner le
sens de la notion de "droits personnels assimilables économiquement à des
droits de jouissance réels" de l'art. 21 al. 1 let. c LHID.

2.3 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n'est pas
absolument clair et si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions
légales (ATF 137 II 164 consid. 4.1 p. 170; 137 III 217 consid. 2.4.1 p. 221
ss).

3.
3.1 Le code civil et le code des obligations connaissent un mécanisme
d'assimilation de certains droits personnels aux droits réels. Selon l'art. 959
al. 1 CC en effet, les droits personnels, tels que les droits de préemption,
d'emption et de réméré, les baux à ferme et à loyer, peuvent être annotés au
registre foncier dans les cas expressément prévus par la loi (art. 959 al. 1
CC, pour le droit de bail: art. 261b al. 1 CO) et deviennent ainsi opposables à
tout droit postérieurement acquis sur l'immeuble (art. 959 al. 2 CC, pour le
droit de bail: art. 261b al. 2 CO). Une partie de la doctrine parle à cet égard
de "renforcement" du droit personnel annoté qui est alors doté d'effets qui
normalement relèvent du droit réel (DESCHENAUX/STEINAUER, Les Droits réels,
tome I, 4e éd., Berne 2007, p. 281). En tant qu'elle est prévue par l'art. 959
CC, cette assimilation est de nature juridique puisqu'elle trouve son fondement
dans la loi. En dotant le titulaire d'un droit personnel sur un immeuble dont
les effets relèvent des droits réels, l'annotation de l'art. 959 CC lui confère
non seulement une situation juridiquement assimilable à un droit réel mais
également, a fortiori, une situation économiquement assimilable à un tel droit.
Il s'ensuit que les droits personnels annotés conformément aux dispositions de
l'art. 959 CC fondent un assujettissement fiscal limité du contribuable dans le
canton de situation de l'immeuble qui fait l'objet de tels droits personnels
conformément à l'art. 21 al. 1 let. c in fine LHID.

Force est toutefois de constater qu'interpréter l'art. 21 al. 1 let. c in fine
LHID en ce sens que seule l'annotation d'un droit personnel en relation avec un
immeuble fonde un assujettissement fiscal limité dans le canton de situation de
celui-ci serait contraire à sa lettre. En prévoyant une assimilation
économique, le législateur a choisi d'étendre l'assujettissement limité de
l'art. 21 al. 1 let. c LHID au delà de la simple assimilation juridique. En
effet, lorsqu'une norme fiscale se réfère à des critères économiques, son
interprétation ne peut découler strictement des formes du droit civil choisies
par le contribuable. Les autorités fiscales doivent au contraire apprécier les
faits selon la réalité économique (cf. parmi d'autres arrêts: ATF 115 Ib 238
consid. 3b p. 241 et les références citées; DANIELLE YERSIN, Commentaire romand
de la LIFD, Bâle 2008, Yersin/Noël Ed., n° 50 ad Remarques préliminaires, p.
24).

3.2 En matière de revenu provenant de la fortune immobilière, la jurisprudence
en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale a attribué le
droit d'imposer au canton de situation de l'immeuble lorsque le revenu est en
étroite connexité avec l'immeuble. Cette connexité étroite a été admise dans le
cas de revenus provenant de la mise en location d'un immeuble par le preneur de
leasing, qui avait le droit contractuel de "sous-louer" l'immeuble (arrêt
2P.185/1994 du 2 décembre 1996 consid. 3d in StE 1997 A 24.34 n° 1), dans le
cas d'une commission de courtage perçue par une société anonyme (arrêt 2P.289/
2000 du 8 janvier 2002 in Archives 71 416, consid. 4b, p. 421 s.) et niée dans
le cas d'une opération financière d'un type particulier dénommée
lease-and-lease-back (arrêt 2P.292/2004 du 22 juin 2005 in ATF 131 I 402.
consid. 4.3 et 5.2 p. 406 ss). Elle recouvre ainsi des situations plus larges
que celles qui résultent d'une pure assimilation juridique d'un droit personnel
à un droit réel, de sorte que l'on peut admettre en principe que la portée de
l'art. 21 al. 1 let. c in fine LHID et celle de la jurisprudence exposée
ci-dessus est identique.

3.3 En l'espèce, le droit de bail, dont est titulaire la recourante, constitue
bien un droit personnel assimilable économiquement à des droits de jouissance
réels sur l'immeuble, puisqu'elle bénéficie du revenu de la sous-location,
comme un propriétaire dispose du revenu de la location. C'est donc à bon droit
que l'instance précédente a jugé que le droit d'imposer les revenus provenant
de la sous-location revient au canton de situation des immeubles, soit le
canton de Neuchâtel.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, la
recourante et le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures, dont l'intérêt
patrimonial est en cause (art. 66 al. 4 LTF), doivent supporter les frais de la
procédure fédérale pour moitié chacun (art. 66 al. 1 et 5 LTF). La recourante
n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante et du canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures chacun pour 2'000 fr.

3.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, au Service
des contributions du canton de Neuchâtel, à la Kantonale Steuerverwaltung
Appenzell Innerrhoden, au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de
droit public, et à l'Administration fédérale des contributions.

Lausanne, le 12 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Dubey