Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.404/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_404/2012, 2C_455/2012

Arrêt du 11 février 2013
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière: Mme Cavaleri Rudaz.

Participants à la procédure
2C_404/2012
1. A.________,
représenté par Me Jean-Michel Conti, avocat,
le recourant 1,

et

2C_455/2012
2. B.________,
représenté par Me Alain Schweingruber, avocat,
le recourant 2,

contre

Département de l'environnement et de l'équipement du canton du Jura.

Objet
Réparation du dommage ; LF sur la chasse; compétence; prescription,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Cour administrative, du 3 avril 2012.

Faits:

A.
B.________, garde-faune auxiliaire, et A.________ se sont livrés à des actes de
braconnage entre le 9 novembre 2002 et le 30 août 2006. Par jugement du 6
novembre 2009, le Tribunal correctionnel du canton du Jura a déclaré notamment
B.________, garde-faune auxiliaire, et A.________ coupables d'infractions à
l'art. 17 al. 1 de la loi fédérale sur la chasse et la pêche du 20 juin 1986
(ci-après: LChP; RS 922.0) par le fait d'avoir chassé et abattu du gibier
intentionnellement et sans autorisation. Depuis le 7 novembre 2002 (compte tenu
de la prescription de sept ans), il a déterminé que le nombre d'animaux non
déclarés et/ou chassés hors des périodes autorisées par B.________ s'élevait à
87 chevreuils, 8 chamois, 26 lièvres, 9 sangliers et une chouette, et à 12
chevreuils, 2 lièvres et 2 sangliers en ce qui concerne A.________. Le Tribunal
correctionnel n'est pas entré en matière faute de compétence ratione materiae
sur les prétentions réclamées à titre de dommage par la partie civile, à savoir
la République et Canton du Jura agissant par son Office de l'environnement
(ci-après: l'Office cantonal). Il a considéré qu'il appartenait à ce dernier de
rendre une décision administrative à ce sujet. Ce verdict de culpabilité a été
confirmé par la Cour pénale du Tribunal cantonal par arrêt du 24 août 2010.

B.
Par décision du 20 janvier 2010, l'Office cantonal a fixé le montant total du
dommage à 110'760 fr., réparti comme suit entre les quatre auteurs des délits
de chasse:
- B.________, A.________ et C.________,
solidairement entre eux: 2'200 fr.;
- B.________ et D.________,
solidairement entre eux: 6'200 fr.;
- B.________ et A.________
solidairement entre eux: 39'880 fr.;
- B.________: 62'480 fr.

L'Office cantonal a rendu une nouvelle décision sur opposition le 9 septembre
2011, conjointement avec le Département de l'environnement et de l'équipement
(ci-après: le Département cantonal). Les oppositions ont été partiellement
admises en ce sens qu'il a été tenu compte du nombre d'animaux tués
illicitement retenu par la Cour pénale du Tribunal cantonal. Le dommage a dès
lors été fixé comme suit:
- B.________, A.________ et C.________
solidairement entre eux: 1'000 fr.;
- B.________ et C.________
solidairement entre eux: 1'200 fr.;
- B.________ et D.________
solidairement entre eux: 7'200 fr.;
- B.________ et A.________
solidairement entre eux: 14'280 fr.;
- B.________: 91'680 fr.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour administrative du Tribunal
cantonal (ci-après: le Tribunal cantonal) du 3 avril 2012. En substance, le
Tribunal cantonal a confirmé la nature publique du litige portant sur une
indemnité réclamée par le canton pour du gibier abattu illicitement. Elle a
admis, sur la base du droit cantonal, que c'est par voie de décision que l'Etat
doit réclamer la réparation du préjudice subi en cas de délit de chasse et non
par la voie de l'action de droit administratif. La compétence pour exiger la
réparation du dommage incombait au Département cantonal et non à l'Office
cantonal, de sorte que la décision valablement rendue le 9 septembre 2011
devait être considérée comme la décision initiale. Enfin, le délai relatif à la
prescription, rallongé de sept ans en vertu de l'art. 60 al. 2 CO, applicable
par renvoi de l'art. 23 LChP, n'était pas échu à la date du 9 novembre 2011, ni
à la date du jugement du Tribunal cantonal.

C.
Le Tribunal fédéral a reçu deux recours en matière de droit public interjetés
contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 3 avril 2012, l'un de A.________,
l'autre de B.________.
C.a A.________ (ci-après: le recourant 1) requiert l'annulation de l'arrêt sous
suite de frais et dépens (affaire 2C_404/2012). Il demande également au
Tribunal de céans de déclarer l'incompétence du Département cantonal, et la
nullité de sa décision du 9 septembre 2011. Il conteste la nature publique de
la prétention de l'État et soutient en substance que le canton devait faire
valoir ses prétentions par voie civile. La prétention en remboursement du
dommage serait toutefois prescrite en raison de la nullité de la décision du
Département cantonal du 9 septembre 2011.
C.b B.________ (ci-après: le recourant 2) conclut également, sous suite de
frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal du 3 avril 2012
(affaire 2C_455/2012). Il conteste la faculté de l'Etat de réclamer la
réparation du dommage par voie de décision, soutenant qu'il incombait à ce
dernier d'agir par la voie d'une action civile, et soulève l'exception de
prescription.
C.c Appelés à se déterminer sur chacun des recours, le Tribunal cantonal et le
Département cantonal concluent à leur rejet. Les recourants 1 et 2 ont
communiqué des observations par lesquelles ils persistent dans leurs
conclusions.

Considérant en droit:

1.
Dirigés contre la même décision d'une instance cantonale de recours, les deux
recours reposent sur les mêmes faits et sur des questions de droit qui se
chevauchent. Il se justifie dès lors de joindre les causes par économie de
procédure et de statuer sur les deux recours dans un seul arrêt (cf. art. 71
LTF et 24 al. 2 let. b de la loi de procédure civile fédérale du 4 décembre
1947 [RS 273]).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il
contrôle donc librement la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui
(ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43).

2.1 En vertu de l'art. 82 let. a LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours
contre des décisions rendues dans des causes de droit public. Sur le fond, les
contestations concernent les dommages et intérêts causés par un délit de chasse
au sens de l'art. 23 LChP. Devant le Tribunal fédéral, le litige soulève
toutefois une question de procédure qui porte sur le point savoir si la cause -
au fond - ressortit à la juridiction administrative ou, comme le veulent les
recourants, des tribunaux civils. Selon la jurisprudence, la réglementation de
la chasse relève en principe du droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF
(cf. arrêt 2C_110/2011 du 14 juillet 2011 consid. 1). Dans la mesure où la
sanction litigieuse s'inscrit dans le cadre de cette réglementation, il
convient d'entrer en matière sur le recours et de trancher au fond du caractère
de droit public ou de droit privé de la prétention en réparation du dommage
(cf. arrêt 2C_11/2010 consid. 1.1, non publié aux ATF 138 II 134 ).

2.2 Par ailleurs, la contestation ne relève pas d'une matière exclue de la voie
de recours en matière de droit public au sens de l'art. 83 LTF. En outre, les
recourants, qui s'exposent à des condamnations à verser des dommages et
intérêts à l'État jurassien, sont particulièrement atteints par la décision
litigieuse et ont un intérêt digne de protection à la faire annuler (art. 89
al. 1 let. b et c LTF).

Pour le surplus, l'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue
en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d
et al. 2 LTF). Déposés en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes
requises (art. 42 LTF), les recours sont recevables comme recours en matière de
droit public au sens des art. 82 ss LTF.

2.3 Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF (non pertinents en
l'espèce), le recours en matière de droit public ne peut pas être formé pour
violation du droit cantonal (ou communal) en tant que tel. Il est seulement
possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal (ou
communal) constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est
arbitraire (art. 9 Cst.) ou contraire à d'autres droits constitutionnels (cf.
ATF 133 III 462 consid. 2.3 p. 466 et les arrêts cités). Il appartient
toutefois à la partie recourante d'invoquer ce grief et de le motiver d'une
manière suffisante (cf. art. 106 al. 2 LTF, ATF 137 V 57 consid. 1.3 p. 60). Le
recourant doit donc préciser en quoi l'acte attaqué serait arbitraire, ne
reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou
heurterait gravement le sens de la justice (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).
Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient
insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (
ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 266; 131 I 57 consid. 2 p. 61 et la jurisprudence
citée), ce qu'il appartient aussi à la partie recourante de démontrer en vertu
de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et la jurisprudence
citée).

2.4 Les conclusions du recourant 1 tendant à l'annulation de la décision du
Département cantonal du 9 septembre 2011 sont irrecevables devant le Tribunal
fédéral, en raison de l'effet dévolutif du recours déposé auprès du Tribunal
cantonal.

3.
Le recourant 2 reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir individualisé et
daté chaque acte illicite comme il le demandait, soutenant que certains de ces
actes sont prescrits. Cette omission violerait son droit d'être entendu.
Le droit d'être entendu comprend notamment l'obligation pour l'autorité de
motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer
utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son
contrôle. Celle-ci n'est pas tenue de discuter de manière détaillée tous les
arguments soulevés par les parties ni de statuer séparément sur chacune des
conclusions qui lui sont présentées. Elle peut se limiter à l'examen des
questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le justiciable puisse
apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient
(cf. ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).

Le Tribunal cantonal a délimité le dommage, qui n'est pas contesté par le
recourant, comme étant la résultante des délits de chasse dont ce dernier a été
reconnu coupable, et dont la liste exhaustive et datée figure dans l'arrêt de
la Cour pénale du Tribunal cantonal rendu le 24 août 2010. L'argumentation de
l'instance précédente s'avère suffisante pour apprécier l'exception de
prescription soulevée par le recourant. Le grief relatif au défaut de
motivation doit par conséquent être rejeté.

4.
Le recourant 1 conteste la nature administrative de la réparation du dommage
causé par un délit de chasse (art. 23 LChP). Il considère également que c'est à
tort que la Cour cantonale a admis la compétence du Département cantonal pour
fixer le montant du dommage par voie de décision. Le recourant 2 conteste la
faculté de l'Etat de réclamer le dommage résultant du délit de chasse par voie
de décision. Ils soutiennent tous deux que l'État devait faire valoir ses
prétentions par voie civile.
4.1
4.1.1 Le Tribunal fédéral s'appuie sur plusieurs critères pour déterminer si
une contestation relève du droit privé ou du droit public. Il s'agit en effet
d'examiner si la norme sur laquelle elle s'appuie sauvegarde exclusivement ou
principalement l'intérêt public ou les intérêts privés (critère des intérêts),
si elle réglemente la réalisation de tâches publiques ou l'exercice d'une
activité publique (critère fonctionnel), si les rapports qu'elle organise
subordonnent une partie à l'autre en fait ou en droit ou les fait traiter
d'égal à égal à tous points de vue (critère de la subordination), ou enfin si
la violation de la norme entraîne une sanction relevant du droit privé (par
exemple, nullité d'un acte juridique) ou une sanction relevant du droit public
(par exemple, révocation d'une autorisation) en vertu du critère modal ou de la
sanction. Aucun de ces critères ne l'emporte a priori sur les autres. Il faut
en effet garder à l'esprit que la délimitation entre droit privé et droit
public répond à des fonctions totalement différentes suivant les nécessités de
la réglementation en cause et, notamment, selon les conséquences juridiques
pouvant en découler dans chaque affaire; ces exigences ne peuvent pas être
théoriquement réunies en un seul critère distinctif qui ferait définitivement
autorité, mais requièrent au contraire une approche modulée et pragmatique (cf.
ATF 138 II 134 consid. 4.1).
4.1.2 Même s'il n'appartient pas à l'État (art. 718 CC), le gibier constitue un
bien inhérent au territoire cantonal (cf. ATF 114 Ia 8 consid. 3b; David
Hofmann, La liberté économique suisse face au droit européen, 2005, p. 135,
Denis Piotet, Commentaire de l'arrêt du 20.2.2004 de la première cour de droit
civil du Tribunal fédéral, La Fondation pour la conservation du gypaète barbu c
/ masse en faillite de la succession répudiée B., 4C.317/2002, in PJA 2004 p.
1262, 1265) sur lequel la chasse constitue l'un des monopoles historiques à
caractère essentiellement territorial (cf. ATF 124 I 11 consid. 3a et b). La
régale de la chasse permet aux cantons de disposer de ce droit et d'en
déterminer l'étendue (cf. ZBl 2004 p. 322 consid. 3.3). Ainsi, le droit
cantonal règle les conditions d'exercice de la chasse, l'octroi des permis, la
fixation de périodes d'interdiction, et les taxes éventuelles (cf. Hofmann,
précité, p. 135), inscrivant le particulier dans un rapport de subordination.

De plus, la protection de la faune est un élément d'intérêt public récent à
laquelle les législations fédérales et cantonales contribuent au moins autant
que la régale (Pierre Moor, Droit administratif, Vol. III, 1992, p. 388).
Ainsi, la LChP vise notamment, à son art. 1, la conservation de la diversité
des espèces, la préservation des espèces animales menacées, et l'exploitation
équilibrée par la chasse des populations de gibier (al. 1). Cette loi fixe les
principes selon lesquels les cantons doivent réglementer la chasse (al. 2).
Elle poursuit par là principalement un but d'intérêt public.
4.1.3 Dans le cadre d'une relation de droit public, les particuliers peuvent
être tenus pour responsables des préjudices qu'ils causent à l'État, au titre
du droit public de la responsabilité, lorsqu'une loi le prévoit (cf. Pierre
Moor, Droit administratif, Vol. II, Berne, 2002, p. 145). C'est dans ce cadre
que l'art. 23 LChP confère au canton ou à la commune le droit d'exiger la
réparation du dommage causé par un délit de chasse, soit la valeur de l'animal
illicitement abattu (cf. Piotet, précité, p. 1265), ce principe devant être
concrétisé au niveau cantonal (art. 1 al. 2 LChP).
4.1.4 Il ressort tant du rapport de subordination dans lequel le particulier
est placé par rapport à la collectivité publique que du but d'intérêt public
poursuivi par la LChP, que le chasseur est lié au canton par un rapport de
droit public. Comme l'art. 23 LChP prévoit une responsabilité du particulier
pour le gibier illicitement abattu, la demande de remboursement pour le dommage
causé à la faune relève du droit public.

4.2 L'art. 23 LChP confère au canton ou, le cas échéant, à la commune, la
compétence d'exiger la réparation du dommage, mais ne spécifie pas la procédure
à suivre pour le réclamer. La compétence de déterminer si l'autorité publique
doit réclamer son dommage par voie de décision ou d'action revient dès lors au
canton.

Les dispositions réglementaires cantonales en matière de chasse n'indiquent pas
expressément la voie procédurale, mais l'instance précédente a déduit du tarif
précis pour les animaux tués illicitement prévu par l'art. 47 de l'ordonnance
cantonale sur la chasse et la protection de la faune sauvage du 6 février 2007
(RS/JU 922.111; ci-après: l'ordonnance cantonale) que la réclamation devait
faire l'objet d'une décision et que cette procédure était conforme au droit
cantonal de procédure administrative. La conclusion à laquelle parvient le
Tribunal cantonal n'est pas arbitraire (cf. ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4) - et
d'ailleurs les recourants ne le soutiennent pas - , tant il est vrai qu'en
règle générale, les prétentions de droit public ne sont pas soumises
directement à un tribunal, par voie d'action, mais doivent être déterminées
dans une décision administrative sujette à recours (cf. arrêt H 341/00 du 15
mars 2001 consid. 1 a).

4.3 Le recourant 1 s'emploie à démontrer que l'art. 6 de la loi cantonale sur
la chasse du 11 décembre 2002 (RS/JU 922.11; ci-après la loi cantonale)
n'attribuant pas de compétence expresse au Département cantonal en matière de
réparation du dommage pour délit de chasse, la confirmation de la compétence de
ce dernier violerait les principes de la légalité et de la séparation des
pouvoirs, conduisant à une décision arbitraire.

Appelé à revoir l'application d'une norme cantonale sous l'angle de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si
celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation
effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs ou en
violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la
décision critiquée soient insoutenables; encore faut-il que cette dernière soit
arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4; 134 II 124 consid.
4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260), ce qu'il revient à la partie
recourante de démontrer conformément aux exigences de motivation déduites de
l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 133 II 396 consid. 3.2 p. 400).

La loi cantonale, applicable à l'état de fait dès son entrée en vigueur (cf.
ATF 130 V 560 consid. 3.1; ATF 130 V 90 consid. 3.2), prévoit une compétence
générale subsidiaire du Département cantonal. En effet, l'art. 5 lui confère
toutes les compétences qui ne sont pas attribuées expressément à une autre
autorité. Le principe de la légalité est ainsi respecté et le Tribunal cantonal
a donc fondé sans arbitraire la compétence du Département cantonal sur cet
article, et non sur la base de l'art. 6 de cette loi, qui énumère les
compétences spéciales attribuées à l'office des eaux et de la protection de la
nature. L'argument du recourant tombe dès lors à faux et le grief, mal fondé,
doit être rejeté.

4.4 Le recourant 2 soutient que la décision conjointe du Département cantonal
est « abusive » et contraire au « principe de la sécurité juridique ».
Cependant, faute d'une motivation suffisante (art. 106 al. 2 LTF), ce grief
doit être déclaré irrecevable.

4.5 Les considérations qui précèdent conduisent à conclure que, contrairement à
ce que soutiennent les recourants, le délit de chasse en cause s'inscrit dans
une relation de droit public qui crée une responsabilité pour le dommage causé
de ce chef, et la requête en réparation de ce dommage a été correctement
formalisée par voie de décision, prise par le Département cantonal.

5.
Le recourant 1 soutient que le délai de prescription est échu. Le recourant 2
fait valoir d'une part que l'art. 60 al. 2 CO ne s'applique qu'à l'action
civile, et d'autre part que certains actes délictueux sont prescrits.

5.1 L'art. 23 LChP pose le principe du droit à la réparation du dommage causé à
l'État et renvoie aux dispositions du code des obligations sur les actes
illicites applicables à titre de droit public supplétif (cf. p. ex. Thierry
Tanquerel, Manuel de droit administratif, 2011, n° 382, p. 126). L'art. 60 CO
régissant la prescription des obligations résultant d'actes illicites prévoit
que l'action en dommages-intérêts se prescrit par un an à compter du jour où la
partie lésée a eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en est
l'auteur, et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable
s'est produit (al. 1). Toutefois, si les dommages-intérêts dérivent d'un acte
punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée,
cette prescription s'applique à l'action civile (al. 2).
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le créancier connaît suffisamment
le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses
éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande de
réparation; le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier détient
assez d'éléments, quant à son principe et son étendue, pour qu'il soit en
mesure de l'apprécier (ATF 131 III 61 consid. 3.1.1 p. 68; 111 II 55 consid.
3a). La personne auprès de laquelle l'administration doit faire valoir sa
prétention doit également être déterminée (cf. ATF 131 III 61 consid. 3.1.2 p.
68; 111 V 14 consid. 3 p. 17).

La prescription est ensuite interrompue par toute démarche propre à faire
admettre la prétention en question, qui vise à faire avancer la procédure et
qui est accomplie en la forme adéquate y compris dans le cadre d'une procédure
d'opposition, de recours ou de plainte (cf. ATF 124 II 543 consid. 4b p. 551;
97 I 167 consid. 5b p. 176; arrêt 2A.100/2007 du 5 décembre 2008, consid. 2.2).

5.2 En vertu de l'art. 5 al. 3 Cst., les particuliers sont tenus d'agir
conformément au principe de la bonne foi. De ce principe général du droit
découle également le principe selon lequel l'abus de droit n'est pas protégé.
L'attitude contradictoire constitue l'une des formes de l'abus de droit (ATF
135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169 et les arrêts cités). Plus particulièrement,
la Tribunal fédéral a déjà jugé que le débiteur commet un abus de droit en se
prévalant de la prescription, non seulement lorsqu'il amène astucieusement le
créancier à ne pas agir en temps utile, mais également lorsque, sans mauvaise
intention, il a un comportement qui incite le créancier à renoncer à
entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription et que,
selon une appréciation raisonnable, fondée sur des critères objectifs, ce
retard apparaît compréhensible; le comportement du débiteur doit être en
relation de causalité avec le retard à agir du créancier (ATF 131 III 430
consid. 2 p. 437; 128 V 236 consid. 4a p. 241; arrêt 4A_586/2011 du 8 mars
2012, consid. 7).

5.3 Le nombre d'animaux abattus illégalement et leur répartition entre les
auteurs du dommage a été fixé par la condamnation pénale des recourants, qui
est devenue définitive avec l'arrêt de la Cour pénale du Tribunal cantonal du
24 août 2010 (art. 437 CPP). Ces éléments étaient nécessaires pour déterminer
le dommage et arrêter le montant de la réparation exigible auprès de chacun des
recourants, l'art. 47 de l'ordonnance cantonale établissant un tarif précis des
différentes sommes dues pour les animaux sauvages abattus illégalement. C'est
donc à cette date que le délai de prescription relatif a commencé à courir.
Parallèlement, et suite à la décision du Tribunal correctionnel du 6 novembre
2009, la décision rendue le 20 janvier 2010 par l'Office cantonal faisait
l'objet d'une procédure d'opposition à laquelle les recourants étaient parties.
Dans le cadre de cette procédure, l'Office cantonal a requis le 2 novembre 2010
la renonciation à l'exception de prescription compte tenu des modifications
portées par la Cour pénale au jugement de première instance. Les recourants ont
expressément renoncé à faire valoir l'exception de prescription pendant un an à
compter du 6 novembre 2010. Le Département cantonal a rendu le 9 septembre
2011, conjointement avec l'Office cantonal, une décision, objet de la présente
procédure, réclamant aux recourants la réparation du dommage tel qu'établi par
la Cour pénale du Tribunal cantonal et mettant un terme à la procédure
d'opposition. Cette décision est intervenue avant l'expiration du délai de
prescription prorogé, et moins de dix ans à compter des premiers faits
constitutifs du dommage. Dans ce contexte, l'invocation par les recourants de
l'exception de prescription reflète même, en l'absence de tout autre acte de
procédure, une attitude contradictoire constitutive d'un abus de droit.
L'exception de prescription soulevée par les recourants doit donc être écartée.

6.
Mal fondés, les recours doivent être rejetés. Succombant, les recourants
doivent supporter les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Le Département
de l'environnement et de l'équipement du canton du Jura, qui a obtenu gain de
cause dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des
dépens (art. 68 al. 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 2C_404/2012 et 2C_455/2012 sont jointes.

2.
En tant que recevables, les recours 2C_404/2012 et 2C_455/2012 sont rejetés.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont solidairement mis à la charge
des recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux représentants des parties, au Département
de l'environnement et de l'équipement et à la Cour administrative du Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura.

Lausanne, le 11 février 2013

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

La Greffière: Cavaleri Rudaz