Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.335/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_335/2012
{T 0/2}

Arrêt du 27 septembre 2012
IIe Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffier: M. Vianin.

Participants à la procédure
1. X.________ Sàrl,
2. Y.________,
tous deux représentés par Me Philippe Béguin, avocat,
recourants,

contre

Police cantonale neuchâteloise, 2006 Neuchâtel 6,
Département de la justice, de la sécurité et des finances du canton de
Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1.

Objet
Autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité (suspension d'une durée de
deux mois),

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de
droit public, du 15 mars 2012.

Faits:

A.
Y.________ est associé gérant de la société à responsabilité limitée X.________
Sàrl (ci-après: la recourante), sise à Neuchâtel, dont le but est en premier
lieu l'exploitation d'une agence privée de sécurité. Le 26 juillet 1999, une
autorisation d'exploiter une entreprise de sécurité au sens du concordat du 18
octobre 1996 sur les entreprises de sécurité (RSN 568.10; ci-après: le
concordat; voir aussi l'arrêté neuchâtelois d'exécution du concordat sur les
entreprises de sécurité, du 14 décembre 1998 [RSN 568.100; ci-après: l'arrêté])
a été délivrée.

Dans le courant de l'année 2005, la Police cantonale neuchâteloise a dû
procéder d'office à la radiation du registre ad hoc de 9 agents de sécurité de
X.________ Sàrl, dont les cartes de légitimation étaient arrivées à échéance
sans qu'aucune demande de renouvellement ou de radiation n'ait été présentée.
Il a ainsi été retenu que Y.________ avait violé le concordat en n'annonçant
pas les départs de certains agents et en en employant d'autres alors que leurs
autorisations concordataires n'étaient plus valables. Afin de sanctionner ces
manquements, la Police cantonale a, en date du 9 août 2006, adressé à
Y.________ un avertissement formel. A cette occasion, il lui a été signifié
qu'une procédure de retrait d'autorisation serait engagée si de nouvelles
infractions au concordat et à l'arrêté étaient constatées dans les deux ans.

Lors d'un contrôle effectué le 18 août 2006, la Police cantonale a relevé que
le personnel de X.________ Sàrl ne bénéficiait d'aucune formation (initiale ou
continue) depuis le 1er juillet 2005, cela en violation du concordat et de
l'arrêté. Au vu de l'avertissement formel récemment prononcé, seul un
avertissement verbal a été adressé à Y.________.

Dénoncé pour ces faits sur le plan pénal, Y.________ s'est vu infliger une
amende de 2'500 fr. pour avoir contrevenu aux art. 11 al. 1 et 15a du
concordat.

Entre janvier et février 2007, la Police cantonale a dû, une nouvelle fois,
procéder à la radiation de 3 agents ?uvrant pour X.________ Sàrl, dont les
cartes concordataires étaient arrivées à échéance sans qu'aucune demande de
renouvellement ou de radiation n'ait été présentée. En raison de ces faits, un
deuxième avertissement formel a été adressé à Y.________ en date du 8 mai 2007.

Lors d'un contrôle du 16 avril 2008, la Police cantonale a constaté que la
majorité des agents de sécurité employés par X.________ Sàrl n'avaient pas
suivi les cours de formation requis.

B.
Par décision du 1er juillet 2008, la Police cantonale a suspendu provisoirement
l'autorisation d'exploiter l'entreprise de sécurité X.________ Sàrl pour une
durée de deux mois. Elle a enjoint à Y.________ d'entreprendre durant ce délai
toutes les démarches en vue de remédier aux manquements constatés et d'assurer
une formation adéquate à son personnel et l'a averti qu'en cas de non-respect
de ces obligations, une sanction plus sévère serait prononcée. L'autorité a
considéré que les manquements constatés au niveau de la formation du personnel
constituaient une violation grave des règles régissant l'activité des
entreprises de sécurité. Elle a également relevé que les dysfonctionnements de
l'entreprise mettaient en évidence une certaine négligence dans la conduite de
celle-ci, Y.________ persistant, en dépit de deux avertissements, à invoquer
des problèmes de restructuration pour justifier son comportement. Compte tenu
du nombre d'irrégularités constatées dans la gestion de X.________ Sàrl et du
manque de réaction de l'intéressé pour y remédier, l'autorité a estimé que
seule une suspension de deux mois de l'autorisation d'exploiter entrait en
considération.

Le 21 juillet 2008, X.________ Sàrl et Y.________ ont interjeté recours contre
ce prononcé auprès du Département de la justice, de la sécurité et des finances
du canton de Neuchâtel (ci-après: le Département cantonal), qui les déboutés
par décision du 10 août 2010.

Le recours interjeté contre cette décision auprès du Tribunal administratif -
devenu entre-temps la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel (ci-après: le Tribunal cantonal) - a été rejeté par arrêt du 15 mars
2012.

C.
Contre cet arrêt, X.________ Sàrl et Y.________ forment un "recours de droit
public" auprès du Tribunal fédéral. Ils concluent, sous suite de frais et
dépens, à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à
l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Le Tribunal cantonal, le Département cantonal et la Police cantonale concluent
au rejet du recours, sous suite de frais.

Considérant en droit:

1.
1.1 La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est en
l'occurrence ouverte. Les conditions de recevabilité d'un tel recours étant
réunies, il convient en principe d'entrer en matière.

1.2 Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (cf. art. 95
let. a LTF), y compris le droit constitutionnel, ainsi du droit intercantonal
(cf. art. 95 let. e LTF), dont fait partie le concordat. Le Tribunal fédéral
n'examine que les griefs invoqués et motivés de façon détaillée par la partie
recourante (art. 106 al. 2 LTF).

2.
Les recourants considèrent que la sanction infligée viole la liberté économique
et les exposerait potentiellement à la faillite, eu égard au fait que, dans le
domaine de la sécurité, les contrats sont généralement de longue durée. Ils ne
contestent pas l'existence d'une base légale, ni les manquements mentionnés
plus haut, ni le fait que la décision litigieuse a été précédée de deux
avertissements, mais s'en prennent à la proportionnalité de la sanction.

2.1 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle
comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une
activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2
Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre
professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19
consid. 4c/aa p. 29). Conformément à l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction
d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, les restrictions
graves devant être prévues par une loi. Une telle restriction doit en outre
être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit
fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et être proportionnée au but visé
(art. 36 al. 3 Cst.). S'agissant de l'intérêt public pouvant justifier une
restriction à la liberté économique, la jurisprudence distingue entre les
mesures de police, les mesures de politique sociale, ainsi que les mesures
dictées par la réalisation d'autres intérêts publics. Les restrictions de
police sont celles qui visent à protéger l'ordre public, c'est-à-dire la
tranquillité, la sécurité, la santé ou la moralité publiques, ainsi que la
bonne foi en affaires (ATF 125 I 322 consid. 3a p. 326 et les arrêts cités).

2.2 Comme le relève l'autorité précédente, en tant qu'elle empêche les
recourants d'exploiter une entreprise de sécurité durant deux mois, la sanction
prononcée constitue une atteinte grave à la liberté économique garantie par
l'art. 27 Cst. Par conséquent, l'art. 36 Cst. exige qu'une telle restriction
repose sur une base légale formelle, qu'elle soit justifiée par un intérêt
public et qu'elle soit proportionnée au but visé, ce que le Tribunal de céans
vérifie librement (ATF 131 I 333 consid. 4 p. 339 s.).

2.3 Les cantons de Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève et Jura sont
parties au concordat, dont les buts sont de fixer des règles communes régissant
l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la
validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du
concordat). Cette convention régit les activités de surveillance ou de garde de
biens mobiliers ou immobiliers, de protection des personnes et de transport de
sécurité de biens ou de valeurs, exercées à titre principal ou accessoire soit
par du personnel, soit au moyen d'installations adéquates (art. 4 du
concordat). Dans le canton de Neuchâtel, la Police cantonale est l'autorité
compétente pour prendre les mesures administratives prévues par l'art. 13 du
concordat (art. 2 al. 2 et art. 3 let. h de l'arrêté).

Le Tribunal cantonal a clairement exposé les dispositions concordataires
fondant l'obligation d'obtenir une autorisation notamment pour exploiter une
entreprise de sécurité et engager du personnel à cet effet. S'agissant des
mesures administratives, l'autorité qui a accordé l'autorisation doit la
retirer lorsque les conditions prévues aux articles 8, 9 et 10a ne sont plus
remplies ou lorsque son titulaire contrevient gravement ou à de réitérées
reprises aux dispositions du concordat ou de la législation cantonale
d'application (art. 13 al. 1 du concordat). L'autorité peut également prononcer
un avertissement ou une suspension de l'autorisation de un à six mois (art. 13
al. 3 du concordat). Le concordat ne prévoit ainsi pas l'amende au nombre des
peines susceptibles de frapper un contrevenant à dite règlementation. Les
différentes obligations relatives aux formations initiale et ultérieure des
agents ont également été détaillées par la Cour cantonale et il peut à cet
égard être renvoyé au jugement entrepris. S'agissant des buts visés par ces
formations, il convient de reprendre les considérants topiques de l'arrêt
attaqué, dès lors que ceux-ci permettent de juger de la proportionnalité de la
mesure. Ainsi, au vu des tâches qui lui sont généralement confiées, il est
important que l'agent de sécurité respecte la législation fédérale et
cantonale, en particulier les dispositions réglant le recours à la force, la
légitime défense et l'état de nécessité, qu'il n'entrave pas l'action des
autorités et de la police, qu'il prête assistance à cette dernière en
conformité avec les dispositions cantonales et qu'il dénonce sans délai à
l'autorité pénale compétente tout fait pouvant constituer un crime ou un délit
poursuivi d'office. Le personnel de sécurité doit ainsi recevoir une formation
adéquate, lui permettant d'acquérir des connaissances techniques et juridiques,
concernant par exemple l'usage de la force physique, le comportement à adopter
vis-à-vis de certaines personnes et le respect des droits fondamentaux. Cette
formation doit garantir que le personnel de sécurité exécute la tâche qui lui a
été confiée dans le respect du principe de proportionnalité et de l'intégrité
des personnes concernées, y compris lorsque celles-ci se comportent de manière
inconvenante ou opposent une résistance physique. Elle vise également à éviter
que certains agents de sécurité outrepassent leur rôle en cas d'intervention et
à permettre une bonne collaboration avec la police. Une telle formation est
d'autant plus nécessaire que pour obtenir l'autorisation d'engager un agent de
sécurité, seules les conditions énumérées à l'art. 9 du concordat doivent être
réunies. Le système d'autorisation et de formation mis en place par le
concordat et l'arrêté permet ainsi de limiter les risques engendrés par
l'exercice, à titre privé, de professions liées à la sécurité, ce qui constitue
un intérêt public important. On ne saurait en effet tolérer que des tâches de
sécurité soient effectuées par du personnel non formé ou n'étant pas titulaire
d'une autorisation.

2.4 La recourante, dont le recourant est l'associé gérant et le responsable au
sens de l'art. 7 al. 3 du concordat, a employé des agents de sécurité dont les
autorisations étaient échues. Elle n'a en outre pas veillé à dispenser à ses
employés la formation leur permettant d'exercer leur activité dans des
conditions conformes au concordat et à l'arrêté. La suspension litigieuse a par
ailleurs été précédée de deux avertissements formels prononcés les 9 août 2006
et 8 mai 2007, qui informaient le recourant des conséquences d'éventuels
manquements ultérieurs. Au mois d'août 2006, celui-ci a été averti verbalement
et rendu attentif à l'importance de ne pas négliger la formation de ses
employés. Prononcée le 1er juillet 2008, la suspension litigieuse est ainsi
intervenue plus d'une année après un second avertissement formel, ce qui
laissait le temps nécessaire au recourant pour réorganiser son entreprise. Dans
de telles conditions, il ne fait pas de doute que la sanction contestée est
proportionnée. La décision de première instance datant maintenant de plusieurs
années, les recourants ont eu largement le temps de prendre les mesures
nécessaires pour faire face aux conséquences de la suspension en cause.

3.
Pour ce qui est de l'"insécurité juridique" évoquée dans le recours (p. 3 et
4), il est précisé que la décision de suspension litigieuse concerne
l'autorisation, dont la recourante est titulaire, d'exploiter une entreprise de
sécurité, de sorte qu'un simple changement de responsable au sens de l'art. 7
al. 3 du concordat ne saurait avoir pour effet d'éviter la mise en ?uvre de la
mesure.

4.
Vu ce qui précède, le recours en matière de droit public doit être rejeté.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais de la procédure devant
le Tribunal fédéral, solidairement entre eux (cf. art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il
n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 3 LTF).

Avec le présent arrêt, la requête d'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Police
cantonale, au Département de la justice, de la sécurité et des finances et au
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, Cour de droit public.

Lausanne, le 27 septembre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Vianin