Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.32/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_32/2012
2C_33/2012

Arrêt du 22 juin 2012
IIe Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Zünd, Président,
Donzallaz et Stadelmann.
Greffier: M. Vianin.

Participants à la procédure
1. X.________,
2. Y.________,
représentés par Me Jean-Charles Sommer, avocat,
recourants,

contre

Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, case
postale 3937, 1211 Genève 3.

Objet
Impôt cantonal et communal et impôt fédéral direct 2005, taxation par
estimation, entreprise de taxi,

recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre
administrative, 2ème section, du 22 novembre 2011.

Faits:

A.
X.________, domicilié à Genève avec son épouse, exerce la profession de
chauffeur de taxi à titre indépendant.

Le 5 avril 2006, les époux XY.________ (ci-après aussi: les contribuables) ont
envoyé à l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après:
l'Administration cantonale) leur déclaration fiscale pour la période 2005.
Selon le bilan et compte de pertes et profits de l'exercice 2005 figurant en
annexe, l'activité indépendante avait généré un bénéfice net de 9'983 fr. 65.
Ce montant s'obtenait comme suit: 35'850 (recettes taxi) + 2'400 (part privée
taxi) = 38'250 fr. ./. (16'131.35 [frais généraux] + 12'135 [amortissements]) =
9'983 fr. 65.

A plusieurs reprises, l'Administration cantonale a invité les époux XY.________
à lui remettre les disques tachygraphiques du taxi pour toute l'année 2005,
ainsi que les pièces comptables. Les contribuables n'ont pas produit ces
documents.

B.
Le 29 janvier 2007, l'Administration cantonale a adressé aux contribuables deux
bordereaux de taxation d'office valant l'un pour l'impôt cantonal et communal
(ci-après: ICC) et l'autre pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) de la
période 2005. Elle avait retenu un bénéfice net de l'activité indépendante de
42'001 fr. Le revenu imposable s'établissait ainsi à 96'512 fr. pour l'ICC et à
88'700 fr. pour l'IFD.

La réclamation formée contre ces prononcés a été rejetée par décisions de
l'Administration cantonale du 7 février 2008, confirmées par la Commission
cantonale de recours en matière administrative du canton de Genève (décision du
18 janvier 2010).

A l'encontre de cette dernière décision, X.________, agissant seul, a interjeté
un recours qui a été partiellement admis par arrêt de la Cour de justice du
canton de Genève du 22 novembre 2011. Le contribuable avait en effet finalement
produit les disques tachygraphiques afférents à l'année 2005, à l'exception de
la période allant du 4 au 31 décembre 2005. Sur la base des disques produits -
et en faisant une extrapolation pour la période manquante -, le kilométrage
parcouru durant l'année 2005 s'élevait à 41'172. En déduisant un forfait de
5'200 km pour la part privée, ainsi que 12'000 km parcourus lors de voyages à
l'étranger, le kilométrage professionnel était de 23'972. En retenant un
rendement kilométrique moyen de 2 fr. 40, sur la base d'un document intitulé
"coefficients d'expérience taxis, Genève", daté du 21 avril 2010 et transmis
par l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe
sur la valeur ajoutée, le chiffre d'affaires s'élevait à 57'533 fr. Déduction
faite des charges déclarées par le contribuable, soit 28'266 fr., le bénéfice
net imposable était de 29'267 fr., au lieu du montant de 42'001 fr. retenu
précédemment.

C.
Contre cet arrêt, les époux XY.________ forment un "recours de droit public" au
Tribunal fédéral. Ils concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation
de l'arrêt attaqué, du prononcé de la Commission cantonale de recours en
matière administrative du 18 janvier 2010, des décisions sur réclamation du 7
février 2008, ainsi que des bordereaux ICC et IFD 2005 et au renvoi de la cause
aux "autorités judiciaires genevoises" pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. A titre préalable, ils demandent que leur recours soit doté de
l'effet suspensif, requête qui a été rejetée par ordonnance du Président de la
IIe Cour de droit public du 16 janvier 2012.

L'Administration fédérale des contributions et l'Administration cantonale
concluent au rejet du recours, alors que l'autorité précédente persiste dans
les considérants et le dispositif de l'arrêt entrepris.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le fait que les recourants ont adressé au Tribunal fédéral un "recours de
droit public", voie de droit qui n'existe plus depuis l'entrée en vigueur de la
LTF, ne saurait leur nuire, pour autant que les conditions de recevabilité du
recours en matière de droit public des art. 82 ss LTF soient remplies.

1.2 L'arrêt attaqué concerne la taxation d'office du revenu de l'activité
lucrative indépendante au titre de l'ICC et de l'IFD de la période fiscale
2005. Comme ces domaines relèvent du droit public et qu'aucune des exceptions
prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit
public est ouverte sur la base de l'art. 82 let. a LTF. L'art. 146 de la loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11)
confirme l'existence de cette voie de droit pour l'IFD. S'agissant de l'ICC, la
taxation d'office du revenu de l'activité lucrative indépendante étant une
matière harmonisée aux art. 7 et s. ainsi que 39 ss de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des
communes (LHID; RS 642.14), la voie du recours en matière de droit public est
donc aussi réservée par l'art. 73 al. 1 LHID (cf. ATF 134 II 186 ss).

1.3 L'autorité précédente a rendu une seule décision valant pour l'ICC et
l'IFD, ce qui est admissible (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262 s.), dès
lors que la question juridique à trancher est réglée de la même façon en droit
fédéral et dans le droit cantonal harmonisé (voir consid. 2 et 3 ci-après).
Dans ces circonstances, on ne peut reprocher aux recourants d'avoir soulevé les
mêmes griefs et pris des conclusions valant pour les deux catégories d'impôts
(cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.3 p. 264).

Par souci d'unification par rapport à d'autres cantons dans lesquels deux
décisions sont rendues, la Cour de céans a toutefois ouvert deux dossiers, l'un
concernant l'ICC (2C_32/2012) et l'autre l'IFD (2C_33/2012). Comme l'état de
fait est identique et que les questions juridiques à trancher sont similaires,
les deux causes seront jointes et il sera statué dans un seul arrêt (cf. art.
71 LTF et art. 24 de la loi de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [RS
273]).

1.4 X.________ a participé à la procédure devant la Cour de justice et a un
intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'arrêt
entrepris. Il a, partant, qualité pour former un recours de droit public (cf.
art. 89 al. 1 LTF). Il en va différemment de son épouse, qui n'a pas contesté
la décision de la Commission cantonale de recours en matière administrative du
18 janvier 2010 devant la Cour de justice. Le recours est donc irrecevable en
tant qu'il a été interjeté par Y.________.

1.5 En raison de l'effet dévolutif du recours à la Cour de justice (cf. ATF 126
II 300 consid. 2a p. 302 s.), dont la décision - de dernière instance cantonale
- peut seule être attaquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. d
LTF), les conclusions prises dans le présent recours sont irrecevables dans la
mesure où elles se rapportent aux prononcés des autorités ayant précédé la Cour
de justice. En outre, en tant que le recourant se borne à requérir l'annulation
de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause, ses conclusions sont d'une
recevabilité douteuse, dès lors que l'art. 107 al. 2 LTF confère au Tribunal
fédéral un pouvoir général de réforme. Eu égard au sort du recours, la question
peut néanmoins demeurer indécise.
Enfin, la mention figurant à la fin du mémoire de recours, selon laquelle
celui-ci est établi "sous toutes réserves", est dénuée de sens et d'intérêt.

1.6 Sous réserve de ce qui précède, il y a lieu d'entrer en matière, les autres
conditions de recevabilité étant réunies.

1.7 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des
faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 99
al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté, à moins
de résulter de la décision de l'autorité précédente. La critique purement
appellatoire des faits est irrecevable devant le Tribunal fédéral.

En l'espèce, le recourant énonce une série de faits qui ne ressortent pas de
l'arrêt entrepris et qui sont, partant, irrecevables.
I. Impôt fédéral direct

2.
2.1 D'après l'art. 130 al. 1 et 2 LIFD, l'autorité de taxation contrôle la
déclaration d'impôt et procède aux investigations nécessaires. Elle effectue la
taxation d'office sur la base d'une appréciation consciencieuse si, malgré
sommation, le contribuable n'a pas satisfait à ses obligations de procédure ou
que les éléments imposables ne peuvent être déterminés avec toute la précision
voulue en l'absence de données suffisantes. Elle peut prendre en considération
les coefficients expérimentaux, l'évolution de fortune et le train de vie du
contribuable. Selon l'art. 132 al. 3 LIFD, le contribuable qui a été taxé
d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le
motif qu'elle est manifestement inexacte. La réclamation doit être motivée et
indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve. Par la voie de la réclamation,
le contribuable taxé d'office peut contester la réalisation des conditions qui
ouvrent à l'autorité fiscale le droit de taxer d'office, ainsi que le montant
des éléments imposables, pour autant qu'il prouve le caractère manifestement
inexact de la taxation (cf. arrêt 2A.657/2005 du 9 juin 2006 consid. 2, in RF
62/2007 p. 44). Le Tribunal fédéral n'annule pareille taxation que si des
fautes ou des erreurs manifestes ont échappé à l'autorité inférieure et que
celle-ci a procédé à une estimation manifestement erronée. Est manifestement
erronée toute appréciation qui n'a pas pris en considération des points de vue
essentiels ou les a interprétés de manière inexacte. L'inexactitude manifeste
d'une estimation peut être admise lorsque la taxation, même en tenant compte de
la marge d'appréciation de l'autorité précédente, est clairement trop élevée ou
trop basse, lorsqu'il est clairement reconnaissable qu'elle repose sur des
fondements, des méthodes ou des moyens d'estimation erronés ou enfin
lorsqu'elle n'est raisonnablement pas conciliable avec les circonstances du cas
d'espèce, telles qu'elles ressortent des pièces (Hugo Casanova, in Commentaire
romand, Impôt fédéral direct, 2008, no 28 ad art. 132 LIFD). Le Tribunal
fédéral est donc lié par la taxation d'office lorsqu'elle repose sur une
constatation des faits exacte et complète et sur une prise en considération
objective de l'ensemble des circonstances déterminantes pour la taxation (arrêt
2C_279/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.1, in RF 67/2012 p. 59, StE 2012 B
93.5 no 26).

2.2 En l'occurrence, le recourant ne conteste pas que son absence de
collaboration lors de l'établissement des faits déterminants pour l'imposition
ait fondé le droit de l'autorité de procéder à cette dernière par estimation.
En se référant à des arrêts dénués de pertinence, il se borne à contester le
recours au document du 21 avril 2010 utilisé en relation avec la TVA, sur la
base duquel un rendement kilométrique moyen de 2 fr. 40 a été retenu.

2.3 Ainsi que l'a relevé à juste titre l'autorité précédente, le Tribunal
fédéral a consacré ce mode de procéder dans plusieurs jugements en matière de
TVA (arrêts 2C_429/2009 du 9 novembre 2009 consid. 4.2; 2A.297/2005 du 3
février 2006 consid. 4.3, in Archives 76 p. 779; 2A.253/2005 du 3 février 2006
consid. 4.2, in RDAF 2007 II p. 318, RF 61/2006 p. 556; cf. aussi, récemment,
arrêt 2C_835/2011 du 4 juin 2012). La simple critique relative au recours à ces
moyennes est insuffisante dans le cadre d'une procédure par estimation
consécutive à l'absence de collaboration du contribuable. En effet, dans ce
système de taxation d'office, l'estimation de l'autorité de taxation bénéficie
d'une certaine présomption d'exactitude, qui ne saurait être renversée que par
la démonstration d'un défaut qualifié. Cette exigence emporte donc, dans ce
sens, un renversement du fardeau de la preuve (Casanova, op. cit., no 29 ad
art. 132 LIFD avec renvoi à l'ATF 123 II 552 consid. 4c). Or, en l'occurrence,
les critiques du recourant portant essentiellement sur le prétendu manque de
précision et d'adéquation des données statistiques contenues dans le document
du 21 avril 2010 ne sauraient suffire à établir le caractère manifestement
inexact de la taxation par estimation litigieuse. Partant, le recours est mal
fondé en tant qu'il concerne l'IFD.
II. Impôt cantonal et communal

3.
L'art. 46 al. 1 et 3 et l'art. 48 al. 2 LHID ont un contenu similaire aux art.
130 et 132 al. 3 LIFD. En outre, il n'est pas allégué que ces dispositions
auraient été mal transposées en droit cantonal. Il s'ensuit que les
considérations émises ci-dessus au sujet de la taxation d'office de l'IFD
valent également pour l'ICC. Partant, le recours doit aussi être rejeté en ce
qui concerne ce dernier.

4.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la limite
de sa recevabilité. Succombant, les recourants doivent supporter un émolument
judiciaire, solidairement entre eux (cf. art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ils n'ont pas
droit à des dépens (cf. art. 68 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Dans la mesure de sa recevabilité, le recours est rejeté en tant qu'il concerne
l'impôt fédéral direct de la période fiscale 2005.

2.
Dans la mesure de sa recevabilité, le recours est rejeté en tant qu'il concerne
l'impôt cantonal et communal de la période fiscale 2005.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des
recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à
l'Administration fiscale cantonale et à la Cour de justice du canton de Genève,
Chambre administrative, 2ème section, ainsi qu'à l'Administration fédérale des
contributions.

Lausanne, le 22 juin 2012
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Vianin