Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.329/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
2C_329/2012

Arrêt du 29 juin 2012
IIe Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Zünd, Président,
Karlen et Donzallaz.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Mélanie Freymond, avocate,
recourant,

contre

Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014
Lausanne.

Objet
Autorisation de séjour et renvoi,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit
administratif et public, du 6 mars 2012.

Faits:

A.
A.a X.________, ressortissant du Cap-Vert né en 1973, est entré en Suisse le 3
avril 2003. Il a obtenu le 20 février 2004 une autorisation de travail et de
séjour de courte durée CE/AELE, grâce à un passeport portugais falsifié. Cet
élément a conduit le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le
Service de la population) à refuser de prolonger, le 31 mai 2005,
l'autorisation de séjour de l'intéressé.
A la suite à son mariage, le 20 mai 2005, avec Y.________, ressortissante
portugaise, l'intéressé a pu bénéficier d'une autorisation de séjour CE/AELE au
titre du regroupement familial; le recours interjeté contre la décision du 31
mai 2005 devant le Tribunal administratif du canton de Vaud, devenu la Cour de
droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: le Tribunal
cantonal) a alors été déclaré sans objet. De cette union, est né en 2007,
Z.________, de nationalité portugaise et détenant une autorisation de séjour.
Le couple s'est séparé au mois d'octobre 2009 et l'enfant vit auprès de sa
mère. Les époux envisagent d'engager une procédure de divorce.
Depuis octobre 2009, X.________ vit à A.________ chez sa compagne actuelle,
B.________, ressortissante portugaise titulaire d'une autorisation de séjour.
Le couple a eu un enfant, C.________, né en 2011, qui a aussi la nationalité
portugaise.
X.________ est également père de six autres enfants (de mères différentes)
répartis entre le Cap-Vert, l'Espagne et le Portugal. Il a suivi sa scolarité
obligatoire au Cap Vert. Depuis qu'il vit en Suisse, il a travaillé comme
aide-maçon, maçon et chef de chantier au sein de différentes entreprises
vaudoises. Il a en outre créé deux sociétés actives dans le secteur de la
construction entre 2007 et 2009: D.________ Sàrl et E.________ Sàrl. Toutes
deux ont depuis été radiées du registre du commerce. Depuis le 3 octobre 2011,
l'intéressé exerce en qualité de maçon sur la base d'un contrat de durée
indéterminée qui le lie à l'entreprise de construction F.________.
A.b Durant son séjour en Suisse, X.________ a fait l'objet de plusieurs
condamnations pénales.
Deux d'entre elles ont trait à l'utilisation, lors de son arrivée en Suisse, de
documents d'identité portugais falsifiés. Il a ainsi été condamné, en date du 4
septembre 2003, par les autorités pénales compétentes, à dix jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour infraction au droit des
étrangers et, en date du 11 août 2005, à dix jours d'emprisonnement avec sursis
pendant trois ans pour faux dans les certificats.
Dans le cadre de ses activités au sein de la société E.________ Sàrl, il a en
outre été condamné, le 28 janvier 2011, par le Tribunal correctionnel de
Lausanne, à une peine privative de liberté de quinze mois et à une peine
pécuniaire de soixante jours-amendes ferme pour abus de confiance et infraction
à différentes lois sur les assurances sociales.
Après avoir purgé sa peine, X.________ est retourné vivre avec sa compagne à
A.________.
A.c Par décision du 12 mai 2011, le Service de la population a révoqué
l'autorisation de séjour de X.________ et a prononcé son renvoi de Suisse. Il a
en substance retenu que l'intéressé ne vivait plus avec son épouse depuis le
mois d'octobre 2009, que son comportement avait donné lieu à plusieurs
condamnations pénales et que les liens familiaux qui l'unissaient à ses enfants
n'étaient pas particulièrement forts; il ne payait plus les pensions
alimentaires en faveur de Z.________ et, même s'il l'appelait régulièrement, il
ne lui rendait visite qu'occasionnellement; il n'était, en outre, pas établi
qu'il avait des relations étroites avec C.________; dans ces conditions,
l'intégration de l'intéressé en Suisse ne pouvait être qualifiée de réussie et
celui-ci ne pouvait pas invoquer de raisons personnelles majeures afin d'y
poursuivre son séjour.

B.
Le Tribunal cantonal a, par arrêt du 6 mars 2012, rejeté le recours formé par
X.________ contre la décision du Service de la population.

C.
X.________ forme un recours en matière de droit public contre le jugement
cantonal du 6 mars 2012. Il demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et
dépens, de lui accorder une autorisation de séjour, ainsi que l'assistance
judiciaire.
Aucun échange d'écriture n'a été ordonné.
Par ordonnance du 13 avril 2012, le Président de la IIe Cour de droit public a
accordé l'effet suspensif au recours.

Considérant en droit:

1.
Le recourant invoque, entre autres dispositions et à l'appui d'une
argumentation plausible, le bénéfice de l'art. 8 CEDH. Dès lors que cette
disposition est susceptible de fonder un droit à demeurer en Suisse, le recours
en matière de droit public échappe au grief d'irrecevabilité fondé sur l'art.
83 let. c ch. 2 LTF et il peut donc être entré en matière.

2.
A juste titre, le recourant ne se prévaut plus des art. 4 et 7 de l'Accord du
21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté
européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des
personnes (RS 0.142.112.681) puisqu'il vit séparé de son épouse. Il invoque,
par contre, une mauvaise application de l'art. 50 al. 1 let. a de la loi
fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20).

2.1 Selon l'art. 50 al. 1 let. a LEtr, après dissolution de la famille, le
droit du conjoint et des enfants à l'octroi d'une autorisation de séjour et à
la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEtr
subsiste lorsque l'union conjugale a duré au moins trois ans et que
l'intégration est réussie.
L'union conjugale du recourant et de son épouse a duré plus de trois ans, si
bien que seule demeure litigieuse l'exigence d'une intégration réussie.

2.2 Les principes présidant à l'analyse de la condition du degré d'intégration
ont été rappelés de manière exacte par le Tribunal cantonal. Le principe
d'intégration veut que les étrangers, dont le séjour est légal et durable,
participent à la vie économique, sociale et culturelle de la Suisse (art. 4 al.
2 LEtr; ATF 134 II 1 consid. 4.1 p. 4). En vertu de l'art. 77 al. 4 de
l'ordonnance fédérale du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à
l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201), un étranger s'est bien
intégré, au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEtr, notamment lorsqu'il respecte
l'ordre juridique suisse et les valeurs de la Constitution fédérale (let. a) et
qu'il manifeste sa volonté de participer à la vie économique et d'apprendre la
langue nationale parlée au lieu de domicile (let. b). Selon l'art. 4 de
l'ordonnance fédérale du 24 octobre 2007 sur l'intégration des étrangers (OIE;
RS 142.205), la contribution des étrangers à l'intégration se manifeste
notamment par le respect de l'ordre juridique et des valeurs de la Constitution
fédérale (let. a), par l'apprentissage de la langue nationale parlée sur le
lieu de domicile (let. b), par la connaissance du mode de vie suisse (let. c)
et par la volonté de participer à la vie économique et d'acquérir une formation
(let. d). L'adverbe "notamment", qui est employé tant à l'art. 77 al. 4 OASA
qu'à l'art. 4 OIE, illustre le caractère non exhaustif des critères
d'intégration qui sont énumérés par ces dispositions; il signale aussi que la
notion d'"intégration réussie" doit s'examiner à l'aune d'une appréciation
globale des circonstances. Dans l'examen de ces critères d'intégration, les
autorités compétentes disposent d'un large pouvoir d'appréciation que le
Tribunal fédéral ne revoit qu'avec retenue (cf. art. 54 al. 2 et 96 al. 1 LEtr
ainsi qu'art. 3 OIE; cf. arrêts 2C_749/2011 du 20 janvier 2012 consid. 3.2;
2C_427/2011 du 26 octobre 2011 consid. 5.2). Le Tribunal fédéral a relevé que,
lorsqu'on est en présence d'un étranger qui est intégré professionnellement en
Suisse, qui a toujours été indépendant financièrement, qui s'est comporté
correctement et qui maîtrise oralement la langue parlée au lieu du domicile,
des éléments sérieux sont nécessaires pour nier son intégration (cf. arrêts
2C_749/2011 du 20 janvier 2012 consid. 3.3; 2C_427/2011 du 26 octobre 2011
consid. 5.3 et les références citées).

2.3 En l'espèce, le Tribunal cantonal a pris en compte, dans la subsomption,
l'ensemble des critères pertinents ci-dessus rappelés. Ainsi en va-t-il en
particulier de la volonté du recourant de participer à la vie économique, de la
qualité de son travail, du fait qu'il est apprécié par son employeur et de son
voisinage. Ont également été pris en compte, dans la pesée des intérêts, le
fait qu'il maîtrise peu le français, qu'il semble entretenir pour l'essentiel
des contacts avec des personnes issues de la communauté lusophone, les dettes
accumulées dépassant les 21'000 fr. auxquelles s'ajoutent les quelque 100'000
fr. de prétentions civiles accordées aux parties lésées dans le cadre du
jugement du 28 janvier 2011 ou encore le fait qu'il ne paie plus les pensions
alimentaires dues à son fils Z.________ depuis le mois de décembre 2010, alors
même qu'il disposerait d'un revenu régulier pour ce faire. Certes, le recourant
prétend bien maîtriser le français, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal
cantonal; il en veut pour preuve le fait que la procédure pénale s'est déroulée
sans l'assistance d'un interprète. Si, effectivement, cet élément fait douter
de la conclusion selon laquelle ledit tribunal "devinait" que le niveau de
français du recourant demeurait insatisfaisant, il ne suffit pas à remettre en
cause le jugement selon lequel l'intégration de l'intéressé n'est pas réussie
au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEtr. En effet, à elle seule, la peine de
quinze mois d'emprisonnement suffit à considérer que tel n'est pas le cas.
C'est, ainsi, à juste titre que le Tribunal cantonal a insisté sur les
activités délinquantes du recourant qui l'ont conduit à devoir assumer,
notamment, une condamnation à quinze mois d'emprisonnement: dans le cadre de
son activité en qualité d'entrepreneur, l'intéressé n'avait pas versé les
cotisations sociales et de prévoyance professionnelle qu'il avait pourtant
retenues sur les salaires; il avait, en outre, envoyé au Cap-Vert un véhicule
qu'il avait en leasing. Le tribunal pénal a en particulier retenu que la
culpabilité du recourant était lourde, celui-ci ayant "manifestement agi sans
scrupules" et n'ayant pas hésité à flouer "même un ami d'enfance qui lui
prêtait main forte".
Dans de telles circonstances, il n'était pas envisageable de conclure à une
intégration réussie, et ce en dépit des éléments positifs relevés par le
Tribunal cantonal. Il suffit pour le reste de renvoyer sur ce point à l'arrêt
entrepris. Le grief de violation de l'art. 50 al. 1 let. a LTF doit donc être
rejeté.

3.
Le recourant invoque ensuite le bénéfice de l'art. 8 CEDH, se prévalant en
particulier d'une pesée des intérêts inexacte.

3.1 Selon la jurisprudence, un étranger peut, selon les circonstances, se
prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'art. 8
par. 1 CEDH, pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille. Cet
article s'applique en effet lorsqu'un étranger fait valoir une relation intacte
avec ses enfants bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si ces
derniers ne sont pas placés sous son autorité parentale ou sa garde du point de
vue du droit de la famille (arrêts 2C_723/2010 du 14 février 2011 consid. 5.2
et les références citées, notamment l'ATF 120 Ib 1 consid. 1d p. 3).
Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1
CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est
possible, selon l'art. 8 par. 2 CEDH, à certaines conditions précises,
notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la défense de l'ordre et à
la prévention des infractions pénales. L'application de cette disposition
implique une pesée des intérêts en présence (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.1 et
2.2 p. 154 ss; arrêt 2C_295/2009 du 25 septembre 2009 consid. 4.3) largement
similaire à celle que prescrit le droit interne (cf. art. 96 LEtr; arrêt 2C_547
/2011 consid. 5.2 et les références citées). Le parent qui entend se prévaloir
de la garantie de l'art. 8 CEDH doit entretenir un lien particulièrement fort
avec son enfant pour qu'un droit de visite plus étendu que celui pouvant
s'exercer depuis l'étranger (cf. arrêt 2C_171/2009 du 3 août 2009 consid. 2.2)
puisse exister (regroupement familial à rebours, cf. ATF 135 I 143 consid.
1.3.2 p. 146). Ces liens familiaux doivent être particulièrement forts d'un
point de vue affectif et économique (cf. arrêt 2C_710/2009 du 7 mai 2010
consid. 3.1 et la référence citée); il faut également que, en raison de la
distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son
parent, cette relation ne puisse pratiquement pas être maintenue. A cela
s'ajoute que l'étranger en question doit avoir fait preuve en Suisse d'un
comportement irréprochable. C'est seulement à ces conditions que l'intérêt
privé du parent étranger à demeurer en Suisse peut l'emporter sur l'intérêt
public que revêt une politique migratoire restrictive (ATF 120 Ib 1 consid. 3c
p. 5, 22 consid. 4a p. 25; arrêts 2C_555/2011 du 29 novembre 2009 consid. 3.1
et les références citées).

3.2 S'agissant tout d'abord des liens invoqués avec les enfants du recourant en
Suisse, il convient de relever que celui-ci ne rend visite qu'occasionnellement
à l'enfant Z.________ dont il ne paie plus les pensions alimentaires. En ce qui
concerne C.________, né en 2011, le Tribunal cantonal a retenu que "l'on peut
concevoir en l'espèce une relation affective et économique de fait" entre le
recourant et cet enfant. Il n'a toutefois, à juste titre, pas manqué de mettre
en évidence le parcours de X.________ qui n'accrédite guère sa volonté future
de s'investir auprès de Z.________ et de C.________. Il est, en effet, relevé
que le recourant est père de huit enfants de femmes différentes, tous vivant
auprès de leur mère ou auprès de parents au Cap-vert, en Espagne et au
Portugal. Dans de telles circonstances, précise le Tribunal cantonal, "on
imagine mal le recourant assumer à l'avenir davantage ses responsabilités
parentales envers ceux de ses enfants qui résident en Suisse qu'à l'endroit des
six autres disséminés à travers le monde". L'existence de liens
particulièrement forts, affectifs et économiques, envers ses enfants n'est
ainsi nullement établie.
A cela s'ajoute que le recourant a commis plusieurs délits en Suisse (cf.
consid. 2.3) et que son comportement est loin de répondre à l'exigence
jurisprudentielle du comportement irréprochable.
C'est donc à juste titre que le Tribunal cantonal a nié le droit à l'octroi
d'une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Dans la mesure où il
était d'emblée dénué de chances de succès, il n'y a pas lieu d'accorder le
bénéfice de l'assistance judiciaire au recourant (art. 64 LTF), lequel
supportera en conséquence les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Ceux-ci
prennent, toutefois, en compte la situation patrimoniale du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Service de la
population et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 29 juin 2012

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

La Greffière: Kurtoglu-Jolidon