Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.1100/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

[8frIR2ALAGK1]     
2C_1100/2012
                   
{T 0/2}

Arrêt du 20 mai 2013

IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin, Donzallaz, Stadelmann et Kneubühler.
Greffier: M. Chatton.

Participants à la procédure
X.________ Inc.,
représentée par Me Per Prod'Hom, avocat,
recourante,

contre

Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur
la valeur ajoutée.

Objet
Taxe sur valeur ajoutée; LTVA (2009); assujettissement; lieu de la prestation
de services; prestations de services en matière d'informatique,

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 2 octobre
2012.

Faits:

A.
La société X.________ Inc. (ci-après: la Société), dont le siège se trouve en
Floride, Etats-Unis d'Amérique, exploite différents sites de rencontres sur
Internet.
La majorité de ces sites permettent à leurs utilisateurs de se retrouver par
pays ou par langue, ainsi que par centres d'intérêt (religion ou autres
critères établis au moyen de questionnaires); quelques sites visent à établir
des relations à caractère sexuel. Les rencontres ont lieu de manière virtuelle,
les participants étant libres de se fixer rendez-vous par la suite. Les sites
de la Société offrent plusieurs services à leurs utilisateurs, tels que la
création de profils, l'inscription dans des répertoires et l'accès à des
informations relatives à d'autres utilisateurs, la visite de boutiques en ligne
ainsi que divers moyens de communiquer (forums de discussion, messagerie
instantanée, webcam, blogs, "magazines"). Les sites prévoient plusieurs niveaux
de participation, permettant d'accéder à des informations plus ou moins
détaillées sur les autres utilisateurs. Le montant payé par les internautes
dépend de la catégorie de membres à laquelle ils appartiennent, l'accès "de
base" étant apparemment gratuit.
La Société semble disposer d'un service de contrôle occupant 350 personnes,
dont certaines se trouveraient chez des sous-traitants, et ayant pour tâches de
vérifier les profils d'utilisateur créés ou modifiés pour en écarter les
éléments inappropriés.

B.
Le 29 janvier 2010, la Société a remis à l'Administration fédérale des
contributions (ci-après: l'Administration fédérale) un questionnaire pour la
détermination de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après:
la TVA), indiquant que son activité avait débuté le 1er janvier 2010 et qu'elle
s'attendait à un chiffre d'affaires provenant de prestations de services
fournies sur le territoire suisse durant les douze premiers mois de 3'960'000
fr. Le 8 février 2010, l'Administration fédérale a notamment invité la Société
à désigner un représentant fiscal en Suisse et à fournir une caution,
l'assujettissant implicitement à la TVA. A la demande de la Société,
l'Administration fédérale a, par décision du 4 janvier 2011, confirmé
l'immatriculation de celle-ci au registre des assujettis à la TVA avec effet au
1er janvier 2010, et a exigé la nomination d'un représentant fiscal en Suisse
ainsi que la fourniture de sûretés à hauteur de 230'000 fr.
La Société ayant formé une contestation, l'Administration fédérale a confirmé,
par décision sur réclamation du 2 mai 2011, sa décision du 4 janvier 2011. Par
arrêt du 2 octobre 2012, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours
formé par la Société à l'encontre de la décision du 2 mai 2011.

C.
Contre l'arrêt du 2 octobre 2012, la Société forme un recours en matière de
droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et dépens,
à l'annulation de l'arrêt précité et à ce qu'il soit dit qu'elle n'est pas
assujettie à la TVA, ne doit pas fournir de sûretés pour garantir les montants
de la TVA ni ne doit nommer un représentant fiscal en Suisse.
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position.
L'Administration fédérale conclut au rejet du recours avec suite de frais.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué (publié par extraits in RDAF 2012 II 549) est une décision
finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al.
1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) et ne tombant
pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF, si bien que la voie du
recours en matière de droit public est en principe ouverte. Déposé en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la
Société directement touchée par la décision entreprise et qui a un intérêt
digne de protection à son annulation ou sa modification, de sorte qu'il faut
lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), le recours en
matière de droit public est recevable.

2.
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique
d'office le droit fédéral (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, à moins que la
décision attaquée ne contienne des vices juridiques manifestes, il s'en tient
aux arguments juridiques soulevés dans le recours (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF;
ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105; arrêt 2C_70/2012 du 10 juillet 2012 consid.
2).
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits
constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits
n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à
celle d'arbitraire (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51) - ou en violation du droit
au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend
s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 1
LTF), il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une
exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Sinon, il n'est
pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est
contenu dans l'acte attaqué (cf. ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104).

3.
Le litige porte sur l'immatriculation de la recourante au registre des
assujettis à la TVA à partir du 1er janvier 2010, ce qui coïncide avec l'entrée
en vigueur de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur
ajoutée (loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20), qui a remplacé la loi fédérale du 2
septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (aLTVA; RO 2000 1300 et
les modifications ultérieures). La présente procédure est partant entièrement
régie par le nouveau droit (cf. art. 112 et 113 LTVA).

4.

4.1. En substance, l'arrêt attaqué a considéré que l'assujettissement à la TVA
de la recourante était justifié. Il a qualifié de services les prestations
offertes par la Société, puis rejeté l'argument selon lequel les sites de
rencontre exploités par la recourante seraient assimilables à une activité de
conseil conjugal, familial et personnel que l'art. 8 al. 2 let. a LTVA soumet,
en dérogation au principe général du lieu du destinataire de services (al. 1),
au principe du lieu du prestataire et qui échapperait pour ce motif à la TVA
suisse. Etant donné que le lieu des services fournis par la recourante à des
consommateurs établis en Suisse se trouvait également dans cet Etat, les
précédents juges ont retenu que la recourante était assujettie à l'impôt
grevant les opérations réalisées sur le territoire suisse dès lors que, tout en
ayant son siège à l'étranger, elle fournissait sur le territoire helvétique des
prestations de services en matière d'informatique à des destinataires non
assujettis à l'impôt (cf. art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA).

4.2. Pour sa part, la recourante nie que son activité l'amène à fournir des
services sur le territoire suisse et, subsidiairement, estime ne pas fournir
des prestations de services en matière d'informatique permettant d'appliquer le
principe du lieu du destinataire. N'étant pas assujettie de manière obligatoire
à la TVA, la Société ne doit partant pas fournir une garantie bancaire ou
nommer un représentant fiscal en Suisse.

4.3. La Cour de céans s'attachera donc, dans un premier temps, à vérifier que
les prestations qui sont dispensées par la recourante sont bien des prestations
de services et, le cas échéant, en quel lieu lesdits services sont considérés
comme étant fournis et quelles en sont les conséquences pour la recourante.

5.
La Confédération perçoit notamment, au titre de la TVA, un impôt sur les
prestations que les assujettis fournissent à titre onéreux sur le territoire
suisse (cf. art. 1 al. 2 let. a LTVA) et un impôt sur l'acquisition, par un
destinataire se trouvant sur le territoire suisse, de prestations fournies par
une entreprise ayant son siège à l'étranger (cf. art. 1 al. 2 let. b LTVA). La
notion de "prestations" englobe, selon l'art. 3 let. e LTVA, la prestation de
services, qui est toute prestation autre qu'une livraison de biens (cf. art. 3
let. d LTVA). En l'espèce, la Société offre, en principe à titre onéreux, des
prestations donnant accès à divers sites de rencontre sur Internet ainsi qu'aux
informations et moyens de communication y contenus. Etant toutes d'ordre
immatériel, ces prestations concernent à l'évidence des services et non pas des
biens, point qui n'est du reste pas remis en cause.

6.

6.1. Le lieu où la Société est réputée offrir ses prestations représente un
critère essentiel en vue d'évaluer son assujettissement potentiel à la TVA
suisse. En matière de services, les critères de rattachement sont prévus à
l'art. 8 LTVA, qui dispose:
al. 1: Sous réserve de l'al. 2, le lieu de la prestation de services est le
lieu où le destinataire a le siège de son activité économique ou
l'établissement stable pour lequel la prestation de services est fournie ou, à
défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement, le lieu où il a son domicile
ou le lieu où il séjourne habituellement.
al. 2: Le lieu des prestations de services suivantes est: a. pour les
prestations de services qui sont d'ordinaire fournies directement à des
personnes physiques présentes, même si elles sont exceptionnellement fournies à
distance: le lieu où le prestataire a le siège de son activité économique ou un
établissement stable ou, à défaut, le lieu où il a son domicile ou à partir
duquel il exerce son activité; font notamment partie de ces prestations de
services: les traitements et thérapies, les soins de santé, les soins
corporels, le conseil conjugal, familial et personnel, l'assistance sociale,
l'aide sociale ou la protection de l'enfance et de la jeunesse (...).

6.2. Contrairement aux précédents juges dont elle critique l'interprétation
prétendument trop restrictive, la recourante estime qu'en facilitant la
rencontre de personnes physiques dans le monde réel, les prestations fournies
par ses sites de rencontre devraient être qualifiées de prestations de services
qui sont d'ordinaire prodiguées directement à des personnes physiques
présentes. A ce titre, la recourante compare son activité aux prestations
offertes par une agence de rencontres. En conséquence, le lieu de la prestation
de services serait non pas celui du destinataire situé en Suisse, mais celui du
siège de l'activité économique de la Société à l'étranger. Il convient partant
de vérifier si, comme le prétend la recourante, l'exploitation de sites de
rencontres sur Internet tombe sous le coup du régime d'exception prévu par
l'art. 8 al. 2 let. a précité ou si, tel que l'ont retenu les précédents juges,
ladite activité relève de la clause générale de l'art. 8 al. 1 LTVA.

6.3.

6.3.1. Selon la systématique de l'art. 8 LTVA, son al. 2 let. a (les autres
lettres n'entrant pas en ligne de compte ici) déroge au principe général, prévu
à l'al. 1, du lieu du destinataire ("Empfängerortsprinzip"; cf. FELIX GEIGER,
MWST Kommentar, 2012, ad art. 8 LTVA n. 2 et 7 p. 68 s.) au profit du critère
du lieu du prestataire ("Erbringe-rortsprinzip"). Cette nouvelle réglementation
constitue un changement de paradigmes par rapport à l'ancien droit, dans la
mesure où l'art. 14 aLTVA avait érigé en principe le critère du lieu du
prestataire des services et celui du lieu du destinataire en tant qu'exception
(FF 2008 6277, p. 6333 s.; ALOIS CAMENZINDet al., Handbuch zum
Mehrwert-steuergesetz (MWSTG), 3e éd., 2012, n. 259 p. 136 et p. 142 ss;
 GEIGER, op. cit., ad art. 8 LTVA n. 28 p. 75 s.; MOLLARD/OBERSON/TISSOT
BENEDETTO, Traité TVA, 2009, ad art. 8 LTVA, n. 34 p. 1091). Il sied encore de
dégager le sens de cette nouvelle clause dérogatoire figurant à l'art. 8 al. 2
let. a LTVA.

6.3.2. L'art. 8 al. 2 let. a LTVA vise, d'une part, les prestations de services
qui ne peuvent être fournies sans la présence physique du destinataire (par
exemple, une coupe de cheveux effectuée par un coiffeur) et, d'autre part,
celles qui exigent, en principe, la présence du destinataire, même lorsqu'elles
ne sont pas, dans un cas particulier, fournies sur place, par exemple la visite
occasionnelle d'un médecin, agissant habituellement dans ses locaux, au
domicile du patient (cf. FF 2008 6277, p. 6334 s.). L'expression "d'ordinaire"
("typischerweise"; "di norma") implique un traitement schématique des diverses
situations de fait, de manière à ce que, pour des motifs liés à la sécurité
juridique et à la clarté, les prestations de services de même teneur soient
imposées au même endroit (cf. FF 2008 6277, p. 6334 s.). L'énumération des
services figurant à l'art. 8 al. 2 let. a in fine LTVA, qui n'est pas
exhaustive ("notamment"; FF 2008 6277, p. 6335; Info TVA 06 du 27 août 2010,
Lieu de la fourniture de la prestation, partie III ch. 2.2 p. 48), contient de
telles illustrations générales. De par le schématisme voulu par le législateur,
ces dérogations expresses à la règle du lieu du destinataire des prestations de
services ne doivent pas d'emblée s'interpréter restrictivement, mais en
fonction des raisons qui se trouvent à l'origine de leur consécration dans la
loi (cf. MOLLARD/ OBERSON/TISSOT BENEDETTO, op. cit., n. 37 p. 1092; ALOIS
CAMENZIND, Der Ort von Dienstleistungen im Mehrwertsteuergesetz 2010, ASA 78 p.
714 ss, 726).

6.3.3. Il est admis (consid. 6.3.2 supra) que les prestations de services
énoncées par l'art. 8 al. 2 let. a LTVA puissent être de facto fournies en un
autre lieu qu'à l'endroit auquel le prestataire accomplit d'ordinaire son
activité économique (déplacement du fournisseur au domicile du destinataire),
voire à distance, en l'absence du destinataire (prestations par téléphone,
Internet, etc.). Toutefois, il ressort des termes légaux employés
("d'ordinaire"; "exceptionnellement"; "personnes physiques présentes") que
cette entorse doit, dans l'activité considérée, demeurer l'exception ou, à tout
le moins, rester accessoire par rapport à la manière habituelle dont les
prestations de services sont délivrées, à savoir en la présence physique du
destinataire et du fournisseur. Partant, des prestations de services qui
seraient uniquement ou de façon prépondérante fournies à distance ou hors du
siège de l'activité économique ou de l'établissement stable du prestataire, ne
sauraient, à peine d'inverser la systématique propre à l'art. 8 al. 2 let. a
LTVA, être considérées en tant que "prestations de services qui sont
d'ordinaire fournies directement à des personnes physiques présentes" (cf.,
dans ce sens, GEIGER, op. cit., n. 29 p. 76). En d'autres termes, lorsqu'un
type d'activité est, par nature et de façon prépondérante, accompli à distance
(par exemple, la télémédecine), il ne peut être qualifié de "prestations de
services qui sont d'ordinaire fournies directement à des personnes physiques
présentes" (par exemple, la consultation au cabinet du médecin de famille),
quand bien même le contenu de ces deux activités présenterait des similitudes
marquées. En effet, l'entrée ou non d'une activité dans le champ d'application
de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA dépend du mode de fourniture habituel des
prestations (entre personnes présentes ou à distance) et non pas de leur
contenu.
Contrairement à ce qu'affirme la recourante, le schématisme applicable à cette
disposition ou l'interdiction d'appréhender d'emblée de façon restrictive les
exceptions que celle-ci prévoit ne remettent pas en cause cette interprétation.
Comme il a été vu, l'application de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA est en effet
subordonnée à la condition que la prestation de services considérée soit
ordinairement fournie à des personnes physiques présentes, ce qui n'est à
l'évidence pas le cas s'agissant d'un service qui serait, de par sa nature, en
principe délivré à distance. Par ailleurs, opter pour une interprétation
différente irait à l'encontre du texte de la loi et de la volonté du
législateur fédéral de mieux maîtriser, en faisant coïncider le lieu de la
prestation avec celui de sa consommation, l'augmentation des prestations de
services immatérielles offertes à distance et d'éviter les cas de distorsion de
la concurrence découlant d'une double ou non-imposition de ces dernières (cf.
arrêt 2C_717/2010 du 21 avril 2011 consid. 6.5; CAMENZIND, op. cit., p. 713 s.;
 AXEL JANSEN/PHILIP ROBINSON, Mehrwert-steuer im Onlinehandel aus Sicht des
Bestimmungslandes in der EU, in Geschäftsplattform Internet III [Weber/Hilty/
Auf der Maur (éd.) ], 2002, p. 261 ss, 270; WERNER A. RÄBER, Die Mehrwertsteuer
auf Telecom-Leistungen im grenzüberschreitenden Verhältnis, in TREX 1998 p.
105; CHRISTINA RINNE, Die neuen Regeln über den Ort der Dienstleistung in der
EU, in TREX 2008 p. 276; REGINE SCHLUCKEBIER, Union européenne: nouveaux
principes d'imposition des prestations de services dès le 1er janvier 2010, in
TREX 2009 p. 216 ss, 221; MANUEL R. V. VOGEL, Grenzüberschreitender
Dienstleistungs- und Warenverkehr im Lichte der Mehrwertsteuer, 2003, p. 297;
voir aussi directive 2008/8/CE du Conseil de l'Union européenne du 12 février
2008 modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne le lieu des
prestations de services).

6.3.4. En l'espèce, et tels qu'ils sont décrits dans l'arrêt entrepris, les
services proposés sur les sites de rencontre exploités par la recourante le
sont exclusivement via Internet. Pour qu'un utilisateur puisse bénéficier d'un
service particulier, aucune rencontre physique entre ce dernier et un
représentant du fournisseur n'est au demeurant requise ni envisagée. En outre,
la question de savoir si, comme le prétend la recourante, les services en cause
sont, de par leur contenu, susceptibles de présenter des similitudes avec les
services fournis par un conseil conjugal, voire une agence de rencontres hors
Internet, souffre de rester ouverte, dès lors que les prestations offertes sur
les sites de la Société ne sont, par définition, pas fournies à des personnes
physiques présentes, au sens de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA, puisqu'ils ont
toujours lieu à distance, au moyen de l'Internet. N'est en outre pas
pertinente, dans la mesure où la disposition précitée s'intéresse aux rapports
directs entre le fournisseur et le destinataire de la prestation de services et
non à ceux entre les consommateurs, la question de savoir si les sites
exploités par la Société sont ou non principalement axés sur une rencontre des
utilisateurs dans le monde non virtuel. Il s'ensuit qu'on ne saurait qualifier
ce genre de prestations fournies uniquement à distance de services qui sont
d'ordinaire fournis directement à des personnes physiques présentes.

6.3.5. La jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (arrêt C-37
/08, RCI Europe c/ Commissioners for Her Majesty's Revenue and Customs, du 3
septembre 2009) que cite la recourante aux fins d'inviter le Tribunal fédéral à
définir les services offerts via Internet non pas en fonction de leur moyen de
diffusion, mais sur la base de la prestation sous-jacente, en l'occurrence -
selon la recourante - la mise en contact de personnes en vue de rencontres
réelles, ne modifie pas l'interprétation juridique susvisée. L'arrêt en cause
impliquait en effet des services consistant à favoriser l'échange de droits sur
des biens immobiliers, que des dispositions spéciales localisent par défaut au
lieu de situation desdits immeubles (l'arrêt concernait l'art. 9 par. 2 let. a
de la Sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17
mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres
relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la
valeur ajoutée: assiette uniforme, repris à l'art. 45 de la directive 2006/112/
CE du 28 novembre 2006, lui-même refondu à l'art. 47 de la version consolidée
consultable sur le site http://europa.eu/legislation_summaries/taxation/
I31057 _ fr.htm; cf. aussi art. 8 al. 2 let. f LTVA). A défaut de dispositions
spéciales similaires s'agissant de sites de rencontre, aucun parallèle ne peut
donc être tiré de cet arrêt.

6.4. Compte tenu des éléments qui précèdent, les prestations de services que la
recourante offre via ses divers sites de rencontre sur Internet ne tombent pas
dans le champ de l'art. 8 al. 2 let. a LTVA. Par conséquent, la clause générale
instaurée à l'al. 1 de cette disposition trouve à s'appliquer. Il en découle
que les services considérés sont réputés situés au lieu de leurs destinataires,
c'est-à-dire en Suisse.

7.
Tel que l'a mentionné à raison le Tribunal administratif fédéral, le simple
fait de fournir des prestations de services en Suisse ne suffit pas en soi à
engendrer l'obligation de s'assujettir. Il faut donc de surcroît se reporter
aux règles sur l'assujettissement qui sont énoncées à l'art. 10 LTVA.

7.1. Selon le principe général figurant à l'art. 10 al. 1 LTVA, est assujetti à
l'impôt quiconque exploite une entreprise (...), à moins d'en être libéré en
vertu de l'al. 2 de cette disposition. En vertu de la clause d'exception prévue
à l'art. 10 al. 2 let. b in initio LTVA, est libéré de l'assujettissement visé
à l'al. 1 quiconque exploite une entreprise ayant son siège à l'étranger
lorsqu'il fournit exclusivement, sur le territoire suisse, des prestations
soumises à l'impôt sur les acquisitions (art. 45 à 49 LTVA). Tel est en
principe le cas des prestations de services d'entreprises qui ont leur siège à
l'étranger et ne sont pas inscrites au registre des assujettis, si le lieu de
la prestation se trouve sur le territoire suisse au sens de l'art. 8 al. 1 LTVA
(art. 45 al. 1 let. a LTVA); dans une telle hypothèse, l'assujetti à l'impôt
n'est pas le fournisseur mais, à certaines conditions, le destinataire se
trouvant en Suisse (art. 45 al. 2 LTVA; cf. aussi, sous l'empire de l'art. 18
aOTVA de 1994, arrêt 2A.400/2001 du 9 avril 2002 consid. 2.3 s., RDAF 2002 II
347).

7.2. A l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA, le législateur a néanmoins
introduit une contre-exception pour ce qui est des "services en matière
d'informatique ou de télécommunications". A ce titre, celui qui exploite une
entreprise ayant son siège à l'étranger et fournit sur le territoire suisse de
telles prestations de services demeure assujetti à l'impôt grevant les
opérations réalisées sur le territoire suisse. Bien que le Message du Conseil
fédéral ne dise mot à ce sujet (cf. FF 2008 6277, p. 6376), l'insertion des
prestations en matière d'informatique aux côtés des prestations de services en
matière de télécommunications peut néanmoins, en s'inspirant des motifs à la
base de l'art. 25 al. 1 let. c aLTVA (cf. REINER DENNER/GILLES RONCHI, Steuern
und E-Commerce, in Internet-Recht und Electronic Commerce Law [Arter/Jörg (éd.)
], 2001, p. 289 ss, 319; cf. aussi Xavier Oberson, Commerce électronique et
TVA, in Internet 2004 [Alan Ragueneau (éd.) ], 2004, p. 133 ss, 144 s.),en
éclairer la ratio legis. Celle-ci consiste à éviter une distorsion de
concurrence entre opérateurs suisses et étrangers. En effet, nombre de
prestations en matière d'informatique s'adressent, par nature, majoritairement
voire exclusivement aux personnes physiques. Or, ces dernières ne sont pour la
plupart pas assujetties à l'impôt et, au demeurant, rarement enclines ou en
mesure d'acquérir, durant une année civile, pour plus de 10'000 fr. de
prestations (art. 45 al. 2 let. b LTVA), de sorte qu'en définitive, aucun impôt
ne pourrait être prélevé par la Confédération (cf. RÄBER, op. cit., p. 112;
 ROGER M. CADOSCH, Besteuerungsprobleme beim Electronic Commerce, 2001, p. 238
ss; MICHAELA MERZ, in mwst.com [Clavadetscher/Glauser/Schafroth (éd.) ], 2000,
ad art. 25 LTVA, n. 14 ss p. 493 s.).

7.3. En l'espèce, la Société exploite ses sites de rencontres depuis
l'étranger. Toutes les prestations de services qu'elle offre sont réputées
fournies au lieu du destinataire, au sens de l'art. 8 al. 1 LTVA. Il s'ensuit
qu'à moins de tomber sous le coup de la contre-exception figurant à l'art. 10
al. 2 let. b in fine LTVA, lesdites prestations sont a priori soumises à
l'impôt sur les acquisitions, qui frappe en principe le seul destinataire (cf.
art. 10 al. 2 let. b in initio cum art. 45 LTVA). Il sied partant de vérifier
si, tel qu'elle le soutient, la recourante peut se prévaloir de l'exception
prévue à l'art. 10 al. 2 let. b in initio LTVA ou si, tel que l'a retenu
l'arrêt querellé, la contre-exception relative aux "services en matière
d'informatique ou de télécommunications" (art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA)
lui est applicable. Cet examen commande avant tout de définir les termes "en
matière d'informatique".

7.3.1. La notion "en matière d'informatique" ("elektronische Dienstleistungen";
"in materia d'informatica") a été nouvellement introduite par l'art. 10 al. 2
let. b LTVA. Elle étend le champ d'application de l'art. 25 al. 1 let. c in
fine aLTVA, qui était confiné aux prestations de télécommunications (cf. Info
TVA 01 du 15 décembre 2009, TVA en bref et Info TVA concernant la transition,
partie I ch. 2.1.3 p. 24 s.; BAUMGARTNER/CLAVADETSCHER/KOCHER, Vom alten zum
neuen Mehrwertsteuergesetz, 2010, §3/43 p. 83; MOLLARD/OBERSON/TISSOT
BENEDETTO, op. cit., n. 395 p. 532; REGINE SCHLUCKEBIER, in MWST Kommentar,
2012, ad art. 10 LTVA n. 87 p. 108). Tel que l'ont à juste titre relevé les
précédents juges, les travaux préparatoires ne définissent pas cette notion
(cf. Message du Conseil fédéral sur la simplification de la TVA du 25 juin 2008
[FF 2008 6277, p. 6340]; BO 2009 CN 315 et 1073 ss; BO 2009 CE 413 ss et 627;
objet 08.053). Comme il a cependant été vu plus haut (consid. 7.2), sa ratio
legis vise à éviter une distorsion de concurrence entre opérateurs suisses et
étrangers. Par ailleurs, il convient de souligner la jurisprudence selon
laquelle tous les motifs d'exonération de l'impôt doivent être interprétés de
manière restrictive, en tant qu'ils se heurtent aux principes de l'universalité
de l'impôt et de la neutralité concurrentielle (cf. ATF 138 II 251 consid.
2.3.4 p. 256 et les jurisprudences citées).

7.3.2. L'art. 10 al. 1 de l'ordonnance fédérale du 27 novembre 2009 régissant
la taxe sur la valeur ajoutée [OTVA; RS 641.201] énumère un catalogue non
exhaustif ("notamment") de prestations de services en matière d'informatique ou
de télécommunications, à savoir:
"les services de radiodiffusion et de télédiffusion (let. a); l'octroi de
droits d'accès notamment aux réseaux de communication fixes ou mobiles et à la
communication par satellite, ainsi qu'à d'autres réseaux d'informations (let.
b); la mise à disposition et la garantie des capacités de transmission de
données (let. c); la mise à disposition de sites web, l'hébergement web, la
télémaintenance de programmes et d'équipements (let. d); la mise à disposition
et la mise à jour électroniques de logiciels (let. e); la mise à disposition
électronique d'images, de textes et d'informations ainsi que la mise à
disposition de banques de données (let. f); la mise à disposition électronique
de musiques, de films et de jeux, y compris les jeux de hasard et les loteries
(let. g) ".
Selon l'art. 10 al. 2 OTVA, n'entrent pas dans la catégorie des prestations de
services en matière d'informatique ou de télécommunications, notamment:
"la simple communication par fil, par radiocommunication, par un réseau optique
ou par un autre système électromagnétique entre le fournisseur et le
destinataire de la prestation (let. a); les prestations de formation au sens de
l'art. 21 al. 2 ch. 11 LTVA, sous forme interactive; la simple mise à
disposition d'installations ou de parties d'installations désignées précisément
et destinées à l'usage exclusif du locataire pour la transmission de données
(let. c) ".
La pratique de l'Administration fédérale reprend, en les illustrant par
endroits, les exemples de prestations de services en matière d'informatique
énumérés à l'al. 1 let. d à g OLTVA (Info TVA 13 du 2 juillet 2010 concernant
le secteur télécommunications et prestations de services en matière
d'informatique, ch. 2.3.2 p. 10 et ch. 4.7.2 p. 17). Les services offerts par
les sites de rencontres exploités par la Société ne sont en revanche pas
explicitement abordés dans ces différents documents.

7.3.3. Le Message du Conseil fédéral sur la simplification de la TVA traduit
"la nécessité de veiller à la compatibilité de la TVA suisse avec le système de
l'UE", de même que l'intention d'"éviter les doubles impositions et les doubles
exonérations d'impôt" (FF 2008 6277, ch. 1.7.2 p. 6314 s.). Il est ainsi utile
de vérifier si la notion suisse de "en matière d'informatique" est traitée de
manière similaire au sein de l'Union européenne.
A ce titre, la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au
système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui a été modifiée à de
nombreuses reprises et dont une version consolidée est consultable en ligne
(consid. 6.3.5 supra), constitue l'instrument de référence en droit
communautaire. A son art. 58, cette directive traite de la localisation des
"services fournis par voie électronique à des personnes non assujetties"; elle
renvoie pour le surplus (cf. aussi art. 59) à l'annexe II, contenant une liste
indicative de tels services, à savoir:
"1) La fourniture et l'hébergement de sites informatiques, maintenance à
distance de programmes et d'équipement; 2) la fourniture de logiciels et mise à
jour de ceux-ci; 3) la fourniture d'images, de textes et d'informations, et
mise à disposition de bases de données; 4) la fourniture de musique, de films
et de jeux, y compris les jeux de hasard ou d'argent, et d'émissions ou de
manifestations politiques, culturelles, artistiques, sportives, scientifiques
ou de divertissement; 5) la fourniture de services d'enseignement à distance".
La directive 2006/112/CE a été concrétisée par le règlement d'exécution 282/
2011/UE du Conseil du 15 mars 2011, dont l'art. 7 dispose:
par. 1: Les "services fournis par voie électronique" visés par la directive
2006/112/CE comprennent les services fournis sur l'internet ou sur un réseau
électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée,
accompagnée d'une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en
l'absence de technologie de l'information.
par. 2: Le paragraphe 1 couvre, notamment: a) la fourniture de produits
numériques en général, en ce compris les logiciels et leurs modifications ou
leurs mises à jour; b) les services consistant à assurer ou à soutenir la
présence d'entreprises ou de particuliers sur un réseau électronique, tels
qu'un site ou une page internet; c) les services générés automatiquement par
ordinateur sur l'internet ou sur un réseau électronique, en réponse à des
données particulières saisies par le preneur; d) l'octroi, à titre onéreux, du
droit de mettre en vente des biens ou des services sur un site internet opérant
comme marché en ligne, où les acheteurs potentiels font leurs offres par un
procédé automatisé et où les parties sont averties de la réalisation d'une
vente par un courrier électronique généré automatiquement par ordinateur; e)
les offres forfaitaires de services internet (ISP) dans lesquelles l'aspect
télécommunications est auxiliaire et secondaire (c'est-à-dire forfaits allant
au-delà du simple accès à l'internet et comprenant d'autres éléments comme des
pages à contenu donnant accès aux actualités à des informations météorologiques
ou touristiques; espaces de jeu; hébergement de sites; accès à des débats en
ligne; etc.); f) les services énumérés à l'annexe I.
par. 3: Le paragraphe 1 ne couvre pas, notamment: a) les services de
radiodiffusion et de télévision; b) les services de télécommunications; c) les
biens pour lesquels la commande et le traitement de la commande se font par
voie électronique; d) les CD-ROM, disquettes et supports matériels analogues;
e) les imprimés tels que les livres, les lettres d'information, les journaux ou
les périodiques; f) les CD et cassettes audio; g) les cassettes vidéo et DVD;
h) les jeux sur CD-ROM; i) les services professionnels tels que les juristes et
les consultants financiers, qui conseillent leurs clients par courrier
électronique; j) les services d'enseignement, lorsque le contenu des cours est
fourni par un enseignant sur l'internet ou sur un réseau électronique (...); k)
les services de réparation matérielle hors ligne de l'équipement informatique;
l) les services de stockage de données hors ligne; m) les services de
publicité, notamment dans les journaux, sur des affiches et à la télévision; n)
les services d'assistance téléphonique; o) les services d'enseignement
exclusivement fournis par correspondance, utilisant notamment les services
postaux; p) les services classiques de vente aux enchères reposant sur une
intervention humaine directe, indépendamment de la façon dont les offres sont
faites; q) les services téléphoniques comportant une composante vidéo,
également appelés services de vidéophonie; r) l'accès à l'internet et au World
Wide Web; s) les services téléphoniques fournis sur l'internet.
Les services qui sont listés à l'annexe I du règlement d'exécution 282/2011/UE
détaillent les points 1 à 5 de l'annexe II de la directive 2006/112/CE, en
incluant notamment: sous point 1, la maintenance automatisée de programmes, à
distance et en ligne, ainsi que l'administration de systèmes à distance; sous
point 3, l'abonnement à des journaux et à des périodiques en ligne; des blogs
et statistiques de fréquentation de sites internet, des informations en ligne,
y compris celles générées automatiquement par un logiciel, au départ de données
saisies par le client, telles que des données juridiques ou financières
(notamment, cours des marchés boursiers en temps réel), de même que
l'utilisation de moteurs de recherche et d'annuaires internet; sous point 4,
l'accès à des jeux automatisés en ligne qui sont dépendants de l'internet ou de
réseaux électroniques analogues et où les différents joueurs sont
géographiquement distants les uns des autres, etc.

7.3.4. A l'exception des services fournis par voie électronique en lien avec
l'enseignement à distance, que l'art. 10 OTVA ne mentionne pas expressément
dans sa liste exemplative (cf. cependant art. 10 al. 2 let. b e contrario
OTVA), les divers types de services énumérés à l'art. 10 al. 1 let. d à g OTVA
concordent en large partie avec ceux visés par l'annexe II à la directive 2006/
112/CE, voire utilisent des termes identiques; il en va de même pour les
services que la Suisse et l'Union européenne ont d'emblée exclus de cette liste
(art. 7 para. 3 règlement 282/2011/UE; art. 10 al. 2 OTVA). Quant à la
terminologie utilisée pour qualifier ces services, il est vrai que la version
francophone de l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA emploie les mots
"prestations de services en matière d'informatique", alors que l'art. 58 de la
directive 2006/112/CE utilise la dénomination à première vue plus étendue de
"services fournis par voie électronique". Cette différence lexicale n'altère
cependant pas la nature similaire des prestations visées par ces deux textes;
en effet, tant les travaux préparatoires concernant la LTVA (cf. FF 2008 6277,
p. 6340: "domaine de [...] l'électronique") que la version germanophone de
l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA ("elektronische Dienstleistungen"; comp.
directive 2006/112/CE: "elektronisch erbrachte Dienstleistungen") confirment la
volonté de la Confédération de faire coïncider - sauf dérogation inexistante in
casu (cf., pour un exemple: FF 2008 6277, p. 6340: définition de la
"livraison"; CAMENZINDet al., op. cit., n. 75 ss p. 38 ss) - le droit suisse
avec la législation communautaire. Il est partant possible de se référer au
droit communautaire en vue d'interpréter la notion de "prestations de services
en matière d'informatique" consacrée par le droit suisse.

7.3.5. Des considérations qui précèdent (cf., en particulier, art. 7 par. 1
règlement 282/2011/UE), il est notamment permis de qualifier de prestations de
services en matière d'informatique, au sens de l'art. 10 al. 2 let. b in fine
LTVA, celles dont le fournisseur s'acquitte de manière virtuelle, sur Internet
ou via un réseau électronique similaire, notamment par la fourniture
d'informations ou d'autres prestations dématérialisées. Il faut que les
prestations soient délivrées au destinataire par des procédés largement
automatisés, sans qu'une intervention humaine importante ne soit requise, ce
qui exclut en particulier les conseils professionnels qui, bien que fournis via
Internet (par exemple par courriel), maintiendraient un lien personnel étroit
entre le conseiller et son client. Par ailleurs, les prestations en cause
doivent être distinguées des services de télécommunications, en ce sens qu'il
ne suffit pas, pour être en présence de ces premières, que l'Internet serve
uniquement de moyen de transmission à des fins téléphoniques, de
radiodiffusion, etc. Enfin, il doit être impossible de fournir la prestation de
services en cause en l'absence de technologie de l'information, cette
impossibilité pouvant par exemple être d'ordre technique, organisationnel ou
financier.

7.4. En l'espèce, la recourante offre aux utilisateurs des types de services
qu'il convient d'analyser à la lumière des critères susdécrits.

7.4.1. Il ressort de l'état de fait retenu par le Tribunal administratif
fédéral que la Société exploite plusieurs sites de rencontres par le biais
desquels elle permet aux consommateurs de se retrouver par pays, par langue ou
par centres d'intérêt, après avoir rempli un questionnaire, établi un profil en
ligne et/ou s'être inscrits dans des répertoires en ligne. Les services de
rencontres se trouvent au centre des prestations offertes par la recourante.
N'étant accessibles que sur Internet sous la forme de contenus dématérialisés,
ils favorisent les échanges entre utilisateurs. A ce titre et contrairement à
ce qu'allègue la recourante, il n'importe pas de savoir s'il est en définitive
prévu que ces contacts se bornent au monde virtuel ou qu'ils débouchent sur des
rencontres réelles ultérieures (cf. consid. 6.3.4 supra). Il sera du reste
précisé que même à supposer que les sites de rencontres en cause encouragent
des rencontres réelles, le choix ultime, et non déterminé par avance, d'y
procéder ou, au contraire, de continuer à converser sur Internet, par exemple à
la manière d'une amitié épistolaire, appartiendra aux seuls utilisateurs.

7.4.2. Les contacts sont facilités, voire noués à partir des indications
personnelles dont les internautes auront nourri les bases de données intégrées
auxdits sites. C'est en effet grâce à l'accès, en principe payant, par les
autres utilisateurs intéressés à ces données qui sont gérées de façon
automatisée et consultables notamment en fonction de certains paramètres de
recherche mis à disposition sur les sites que les consommateurs pourront se
découvrir d'éventuelles affinités mutuelles et entrer en contact. En cela, les
précédents juges ont à bon droit établi des analogies avec la mise à
disposition de banques de données, ainsi qu'avec la fourniture d'informations
en ligne (art. 10 al. 1 let. f OTVA; cf. pt 3 let. f et g, voire let. i de
l'annexe I au règlement d'exécution 282/2011/UE; Jansen/Robinson, op. cit., p.
269: "Datenverarbeitung, d.h. automatisierte Auswertung von Eingabedaten und
Überlassung des Ergebnisses an den User") qui font partie des prestations
visées à l'art. 10 al. 2 let. b LTVA. Cette dernière analogie (fourniture
d'informations) est corroborée par l'accès que les sites de rencontre donnent à
des magazines paraissant en ligne, ainsi qu'à des journaux personnels (blogs)
créés par des utilisateurs et informant notamment au sujet de leur vie privée
(cf. pt 3 let. d et e de l'annexe I au règlement précité).

7.4.3. Comme il a été vu, les sites de rencontres litigieux mettent en réseau
leurs utilisateurs non seulement en leur offrant différents canaux techniques
pour entrer en communication l'un avec l'autre (accès à des forums de
discussion en ligne, webcam, chat, etc.), mais aussi en leur proposant diverses
prestations virtuelles leur permettant d'apprendre à se connaître et partager
des intérêts communs sur Internet (accès à la base de données des autres
membres, magazines, blogs, accès à des boutiques en ligne, etc.). Or, de par
cette combinaison de prestations offertes sur les sites de rencontre, force est
de retenir que les prestations de services en cause se démarquent - en
prodiguant des services dépassant ce cadre - d'une plateforme qui se
contenterait de donner accès à une communauté virtuelle; a fortiori, elles se
distinguent d'un pur service ou vecteur de télécommunications (cf., pour cette
notion, PER PROD'HOM, La définition des services immatériels, in TREX 2002, p.
119 ss, 125). Quoiqu'en dise la recourante, la panoplie des prestations et les
interactions virtuelles que ces sites offrent les distinguent aussi des
prestations que l'on trouverait dans des enceintes de rencontres opérant
en-dehors d'Internet. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, lesdits
sites présentent également des traits communs avec des jeux automatisés en
ligne qui, dépendant de l'Internet, permettraient à différents joueurs
géographiquement distants d'interagir dans le monde virtuel, eux aussi
appréhendés par l'art. 10 al. 2 let. b in fine LTVA (cf. art. 10 al. 1 let. g
OTVA; pt 4 let. e de l'annexe I au règlement d'exécution 282/2011/UE).

7.4.4. S'agissant de l'intervention humaine requise pour exploiter les sites
litigieux, il ressort des constatations du Tribunal administratif fédéral que
la recourante occuperait 350 personnes, dont certaines sont employées par des
sous-traitants, et qui ont pour tâche de vérifier l'intégralité des profils
d'utilisateur et des modifications qui y sont apportées, afin d'en écarter,
notamment sur plainte des utilisateurs, les éléments inappropriés ou choquants.
Or, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, ce service de contrôle
n'est pas indispensable au fonctionnement même des sites et des prestations que
ceux-ci contiennent; son rôle, destiné à des fins de surveillance ou de support
informatique, est purement accessoire (cf., dans ce sens, GABRIELE BARETTA/
HUBERTUS LUDWIG, Steuerpflicht in der Schweiz: Probleme und Lösungsansätze, in
Geschäftsplattform Internet III, précité, p. 215 ss, 219) et son contenu semble
être standardisé. Il vise à prévenir des abus et atteintes aux droits de la
personnalité au sein de ces communautés virtuelles totalisant plusieurs
millions de clients, sans doute également dans l'optique d'éviter à la Société
d'engager sa responsabilité vis-à-vis de ses clients au travers d'une gestion
négligente de ses sites. Comme d'autres éléments étayant un besoin
d'interventions humaines plus important dans le but d'offrir les prestations de
services caractéristiques en cause font défaut, c'est à bon droit
(contrairement à ce qu'affirme la recourante) que ledit besoin pouvait être
qualifié de marginal par les juges précédents.

7.4.5. Les sites de rencontre exploités par la recourante combinent divers
services largement automatisés auxquels les utilisateurs, comportant plusieurs
millions de personnes, peuvent accéder à tout moment et en tous lieux depuis
Internet, en partie par le biais de voies de communication et d'instruments
interactifs qui sont spécifiques au monde virtuel. A l'instar des précédents
juges, il est dès lors permis de retenir que la fourniture de telles
prestations interactives à un aussi grand nombre de personnes serait impossible
ou, à tout le moins, trop onéreuse si la Société n'avait pas pu recourir à la
technologie de l'information.

7.4.6. La recourante se prévaut aussi d'une décision du 10 juin 2009 émanant
des autorités fiscales britanniques, par laquelle celles-ci ont, sur
réclamation, renoncé à considérer que la Société fournissait des services
électroniques sur le territoire du Royaume-Uni; elles ont préféré les qualifier
de "services d'accès à une communauté en ligne", qui tombent sous le coup du
principe du siège du fournisseur des prestations et échappent ainsi à
l'obligation de s'assujettir à la TVA au Royaume-Uni.
Tel que l'ont à juste titre retenu les précédents juges, cette décision, dont
on ignore le contexte exact dans lequel elle a été rendue, apparaît comme une
décision administrative isolée. En tout état, s'il est en principe permis aux
autorités suisses de s'en inspirer, l'interprétation donnée par l'autorité d'un
Etat membre de l'Union européenne au droit communautaire ne les lie pas (cf.
ATF 124 II 193 consid. 6a p. 203). Or en l'espèce, les considérations
susmentionnées militent en faveur d'une distanciation de la solution retenue
par l'administration fiscale britannique.

7.5. Il découle des éléments qui précèdent que, réunissant l'ensemble des
caractéristiques propres à de telles prestations, les services que la
recourante propose sur ses sites de rencontres sur Internet constituent des
"prestations de services en matière d'informatique", au sens de l'art. 10 al. 2
let. b in fine LTVA. Dès lors que chacune des diverses prestations traitées
ci-avant fait individuellement partie du catalogue non exhaustif des
prestations figurant à l'art. 10 al. 1 let. d à g OTVA ou peut y être rattachée
par un raisonnement analogique, la question de savoir si les prestations en
cause doivent être qualifiées de prestations complexes, ce qui aurait pour
conséquence que les différentes composantes ou les prestations accessoires
soient soumises à un même régime juridique, ou traitées en tant que plusieurs
prestations indépendantes (cf. art. 19 LTVA; arrêts 2C_717/2010 du 21 avril
2011 consid. 4.2; 2A.499/2004 du 1er novembre 2005 consid. 3.2, RF 61/2006 p.
553), souffre de demeurer indécise.
La qualification des prestations ainsi retenue entraîne l'assujettissement de
la Société à la TVA et son inscription au registre des contribuables à partir
du 1er janvier 2010. En effet, il sera à ce titre rappelé que cette dernière
est une entreprise ayant son siège à l'étranger et fournissant des prestations
sur le territoire suisse (cf. art. 8 al. 1 LTVA) à des personnes physiques qui,
au vu du type de prestations concernées, ne sont en général pas assujetties à
l'impôt (cf. art. 10 al. 2 let. b in fine et art. 45 al. 2 let. b LTVA); qui
plus est, le montant annuel des prestations annoncé, soit 3'969'000 fr.,
dépasse de loin le chiffre d'affaires seuil de 100'000 fr. provenant de
prestations imposables (cf. art. 10 al. 2 let. a LTVA; SCHLUCKEBIER, in MWST
Kommentar, 2012, ad art. 10 LTVA n. 86 p. 108).

8.
En vertu de l'art. 67 al. 1 LTVA, pour s'acquitter de ses obligations de
procédure, l'assujetti qui n'a ni domicile ni siège sur le territoire suisse
désigne un représentant qui a son domicile ou son siège sur le territoire
suisse. A l'aune de cette disposition, l'assujettissement à la TVA de la
Société, dont le siège se trouve à l'étranger, implique pour cette dernière
qu'elle devra nommer un représentant fiscal en Suisse. C'est donc à juste titre
que les autorités précédentes ont imposé à la recourante une telle obligation,
de sorte que le grief de la recourante sur ce point tombe également à faux.

9.
Aux termes de l'art. 94 al. 2 LTVA, si l'assujetti n'a pas de domicile ni de
siège sur le territoire de la Confédération, l'Administration fédérale peut en
outre demander le dépôt de sûretés selon l'art. 93 al. 7, pour garantir de
futures dettes fiscales. Parmi les formes que pourront prendre ces sûretés
figurent les dépôts en espèces, les cautionnements solidaires solvables et les
garanties bancaires (cf. art. 93 al. 7 LTVA). La demande de sûretés relève
d'une faculté (art. 94 al. 2 LTVA: "peut") concédée à l'Administration
fédérale, laquelle dispose partant d'une large marge d'appréciation s'agissant
tant du principe que de la forme et de l'ampleur de telles sûretés (cf. arrêt
2C_910/2010 du 5 mai 2011 consid. 5.2, StE 2012 B 71.7 n° 3; voir aussi arrêts
2C_294/2010 du 28 avril 2011 consid. 3.2 ["certaine retenue"]; 2C_246/2009 du
22 mars 2010 consid. 7.3.2, sic! 7-8/2010 p. 508).
En l'espèce, il n'y a pas lieu de revenir sur le principe de la demande de
sûretés, dès lors que la recourante doit être considérée comme assujettie à la
TVA et que l'autorité en a requis le dépôt conformément aux conditions de
l'art. 94 al. 2 LTVA. Le type de sûretés choisi par l'Administration fédérale,
à savoir une garantie bancaire suisse et illimitée dans le temps d'un montant
de 230'000 fr. ou, alternativement, un dépôt en espèces auprès de la Banque
nationale suisse (art. 105 al. 2 LTF; décision de l'Administration fédérale du
4 janvier 2011 ch. 5 et décision sur réclamation du 2 mai 2011 ch. 5), est
prévu par l'art. 93 al. 7 LTVA.
S'agissant de la quotité des sûretés requises, la recourante prie le Tribunal
fédéral, dans un argument subsidiaire, de limiter celle-ci à 80'000 fr., "soit
à l'impôt dû pour un trimestre au lieu d'un impôt sur une année"; ce, afin de
tenir compte de l'annonce spontanée qu'avait faite la Société auprès de
l'Administration fédérale et de sa bonne coopération avec l'autorité. La
collaboration avec l'autorité dont se prévaut la recourante est cependant
normalement attendue de la part de tout justiciable. En outre, on ne voit pas,
et la recourante ne l'explique pas, en quoi l'Administration fédérale, en
fixant le montant des sûretés à 230'000 fr. en vue de garantir le montant
approximatif de l'impôt dû sur une année, tel que calculé à partir des
estimations fournies par la Société, aurait violé le pouvoir d'appréciation que
lui concède l'art. 94 LTVA. En l'absence d'autres arguments à l'appui de cette
conclusion, celle-ci doit partant être rejetée.

10.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Les frais
judiciaires seront mis à la charge de la recourante qui succombe (cf. art. 66
al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (cf. art. 68 al. 1 et 3 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la
recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à
l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur
la valeur ajoutée, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.

Lausanne, le 20 mai 2013
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Chatton

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