Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 2C.1017/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

2C_1017/2012
{T 0/2}

Arrêt du 30 octobre 2012
IIe Cour de droit public

Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier: M. Chatton.

Participants à la procédure
X.________,
représenté par Marc Wyssen, avocat,
recourant,

contre

Service de la population et des migrations du canton du Valais, 1951 Sion,
intimé.

Objet
Détention en vue de renvoi,

recours contre l'arrêt du Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton du Valais du 10 septembre 2012.

Faits:

A.
Né en 1972, X.________ se prétend ressortissant du Turkménistan.

Par décision du 26 juin 2009, l'Office fédéral des migrations (ci-après:
l'Office fédéral) n'est pas entré en matière sur sa demande d'asile et a
ordonné son renvoi de Suisse. Le recours interjeté par X.________ à l'encontre
de cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt du Tribunal administratif
fédéral du 14 octobre 2009.

Le 12 juin 2012, le Service de la population et des migrations du canton du
Valais a placé X.________ en détention administrative. Le 3 septembre 2012, il
a requis la prolongation de cette détention auprès du Tribunal cantonal
valaisan.

Lors de l'audience qui s'est tenue le 10 septembre 2012 devant le Juge unique
du Tribunal cantonal (ci-après: le Juge unique), le Service cantonal a expliqué
que les autorités du Turkménistan n'avaient pas encore répondu à la lettre de
l'Office fédéral du 14 juin 2012 sollicitant un laissez-passer pour X.________.
Celui-ci a pour sa part demandé à être libéré, alléguant avoir souvent affirmé
être d'accord de s'en aller, et a prétendu qu'aucun élément du dossier ne
dénotait chez lui un risque de passage dans la clandestinité.

Par arrêt du 10 septembre 2012, le Juge unique, donnant suite à la requête du
Service cantonal, a prolongé la détention de X.________ jusqu'au 13 décembre
2012 et rejeté sa demande de libération.

B.
Contre l'arrêt du 10 septembre 2012, X.________ dépose un recours en matière de
droit public auprès du Tribunal fédéral, en concluant à l'admission du recours
et à sa libération. Subsidiairement, il demande le renvoi à l'instance
inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, plus
subsidiairement encore, à ce qu'il soit astreint à s'annoncer ou à ce qu'un
bracelet électronique lui soit posé. Il requiert par ailleurs le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. Le Service cantonal a transmis
son dossier, sans observations. L'Office fédéral n'a pas pris position. Le 24
octobre 2012, le Service cantonal a informé le Tribunal fédéral du fait que
l'Ambassade du Turkménistan avait refusé d'octroyer un laissez-passer en faveur
de X.________, au motif qu'il était inconnu dans cet Etat et qu'aucun document
ne pouvait établir qu'il en possédait la nationalité. Seule une demande de
réadmission en Russie était donc envisageable et l'Office fédéral avait
entrepris des démarches auprès des autorités russes en vue de la réadmission du
recourant.

Considérant en droit:

1.
En matière de mesures de contrainte, la décision rendue en dernière instance
cantonale par le Juge unique peut faire l'objet d'un recours en matière de
droit public au Tribunal fédéral (cf., notamment, arrêts 2C_413/2012 du 22 mai
2012 consid. 1; 2D_66/2011 du 13 décembre 2011 consid. 1). Interjeté en temps
utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le
recourant qui se trouve en détention administrative et remplit partant les
conditions de l'art. 89 al. 1 LTF, le présent recours est en principe
recevable.

2.
L'examen du Tribunal fédéral se fonde sur les faits constatés par l'autorité
précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces faits n'aient été établis
de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (
ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; cf. ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560) - ou
en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Aucun
fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la
décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).

Il en découle qu'il ne sera pas tenu compte des faits contenus dans le recours
qui s'écartent des constatations cantonales, à moins que les conditions de
l'art. 105 al. 2 LTF ne soient réalisées. En revanche, étant donné que, lors de
la prolongation d'une détention administrative, les autorités doivent aussi en
vérifier les motifs (cf. consid. 3 infra), le Tribunal fédéral peut, en tant
que de besoin, tenir compte des éléments de fait ressortant de l'arrêt du Juge
unique qui confirment la mise en détention initiale. Enfin, les éléments
nouveaux de nature à confirmer ou infirmer l'imminence de l'exécution du renvoi
qui sont transmis au Tribunal fédéral par les autorités peuvent être pris en
compte en application de l'art. 99 al. 1 LTF, dans la seule mesure où ils sont
pertinents pour apprécier le bien-fondé du maintien de l'étranger en détention.

3.
Le recourant a été placé en détention administrative en vue du renvoi le 12
juin 2012 pour une durée de trois mois, ce qu'a confirmé le Juge unique le 15
juin suivant. Il n'a alors pas recouru. La présente procédure concerne la
prolongation de la détention pour une durée de trois mois, accordée par le Juge
unique à la demande du Service cantonal.

La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle
et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (arrêt 2C_413/
2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1; cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 p. 107) et de
l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base
légale (art. 36 al. 1 Cst.; arrêts 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1;
2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Partant, l'existence d'un motif légal
justifiant la détention doit être vérifiée par le juge à tous les stades de la
procédure, soit également lors d'une demande de mise en liberté ou de
prolongation de la détention, peu importe que l'étranger détenu n'ait pas
recouru contre sa mise en détention initiale. Lors de cet examen, l'autorité
doit prendre en compte les circonstances retenues dans la décision de mise en
détention (arrêt 2C_952/2011 du 19 décembre 2011 consid. 3.2; cf. ATF 122 I 275
consid. 3b p. 277; voir aussi sur ce point: THOMAS HUGI YAR, Zwangsmassnahmen
im Ausländerrecht, in: Ausländerrecht [Peter Uebersax et al. (éds)], 2e éd.,
Bâle 2009, n. 10.33 p. 417 ss, 439).

Avant de se prononcer sur l'admissibilité de la prolongation de la détention du
recourant, il convient donc de s'interroger sur le bien-fondé de la détention
elle-même, que conteste du reste le recourant.

4.
La mise en détention du recourant prononcée le 12 juin 2012, qui a été
approuvée par le Juge unique le 15 juin 2012, reposait sur l'art. 76 al. 1 let.
b ch. 3 et 5 LEtr.
4.1
4.1.1 Selon la jurisprudence, les motifs de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr
(en relation avec l'al. 4 de cette disposition) sont réalisés en particulier
lorsque l'étranger tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du
renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou
encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son
comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine (cf.
ATF 130 II 56 consid. 3.1 p. 58 s.; arrêts 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid.
3.2; 2C_963/2010 du 11 janvier 2011 consid. 2.1). Comme le prévoit expressément
l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr, il faut qu'il existe des éléments concrets
en ce sens (arrêts 2C_505/2012 du 19 juin 2012 consid. 4.1; 2C_478/2012 du 14
juin 2012 consid. 2.2; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.2 in fine; 2C_675/
2011 du 20 septembre 2011 consid. 2.1).

Ne constituent pas des éléments suffisants le seul fait que l'étranger est
entré en Suisse de façon illégale ou le fait qu'il soit démuni de papiers
d'identité (cf. ATF 129 I 139 consid. 4.2.1 p. 146 s.). De même, le fait de ne
pas quitter le pays dans le délai imparti à cet effet n'est pas à lui seul
suffisant pour admettre un motif de détention au sens de l'art. 76 al. 1 let. b
ch. 3 (voire ch. 4) LEtr, mais peut tout au plus constituer un indice parmi
d'autres en vue d'établir un risque de fuite (cf. arrêts 2C_478/2012 du 14 juin
2012 consid. 2.2; 2A.208/1998 du 29 avril 1998 consid. 3; 2A.514/1997 du 9
décembre 1997 consid. 1b; ALAIN WURZBURGER, La jurisprudence récente du
Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in: RDAF 1997 I 267 ss, p.
332 s.; HUGI YAR, op. cit., n. 10.84 p. 417 ss, 463). En effet, si tel était le
cas, il aurait appartenu au législateur d'indiquer expressément à l'art. 76 al.
1 LEtr que le non-respect du délai de départ constitue à lui seul un motif
justifiant la mise en détention de l'étranger. A l'inverse, la circonstance que
la personne concernée s'est tenue, assez longtemps et de manière ininterrompue,
en un endroit stable à la disposition des autorités plaide en défaveur du
risque de fuite (arrêt 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.2 et les
références citées).
4.1.2 En l'espèce, l'arrêt attaqué ne contient pas d'élément tangible
suffisant, propre à justifier la détention du recourant sur la base de l'art.
76 al. 1 let. b ch. 3 LEtr.

Le seul élément concret retenu réside dans le fait que le recourant n'a donné
aucun détail vérifiable sur son identité et n'avait toujours pas de papiers,
bien qu'il ait, en 2009, offert de se procurer assez rapidement des documents
officiels si le délai qui lui avait été fixé pour quitter la Suisse à l'époque
était prolongé jusqu'à la fin de l'année en cours. Il s'agit là certes d'un
indice susceptible, selon les circonstances, de justifier la mise en détention
de l'étranger, étant donné qu'il incombe à ce dernier, d'après l'art. 90 let. c
LEtr, de se procurer une pièce de légitimation ou de collaborer avec les
autorités pour en obtenir une, partant de déployer activement des efforts aux
fins d'organiser son retour. En l'espèce, la pertinence de cet indice doit
cependant être relativisée. En effet, le comportement reproché au recourant
remonte à l'année 2009 et s'inscrit dans le cadre de la procédure d'asile. Or,
depuis son retour en Suisse en mars 2011, les autorités suisses n'ont, à teneur
du dossier, pris aucune mesure ni même indiqué au recourant qu'il lui
appartient d'organiser son départ de Suisse et de se procurer les papiers
nécessaires avant de le placer en détention administrative. Il résulte de ce
qui précède qu'en l'occurrence, le comportement du recourant en 2009 n'est, à
lui seul, pas suffisant pour justifier le maintien en détention de celui-ci en
2012.
Pour le surplus, ni la décision de mise en détention du 12 juin, pas plus que
sa confirmation par le Juge unique le 15 juin 2012 ne contiennent d'autres
éléments concrets propres à établir que le recourant se refuserait à obtempérer
aux injonctions des autorités ou entendrait se soustraire au renvoi. On ne peut
en particulier lui reprocher d'avoir disparu à fin 2009, puisqu'il a quitté la
Suisse donnant ainsi suite à la décision refusant d'entrer en matière sur sa
demande d'asile et ordonnant son renvoi. Il a toutefois été reconduit en Suisse
le 24 mars 2011 par les autorités allemandes auprès desquelles il avait
entre-temps déposé une autre requête d'asile. Certes, à partir de ce moment, le
recourant est resté en Suisse sans aucun titre de séjour. Cependant, rien
n'indique que les autorités lui aient, depuis lors, fixé un nouveau délai pour
quitter la Suisse qui n'aurait pas été respecté, avant de le mettre en
détention le 12 juin 2012 (cf. supra). Aucun élément ne permet non plus de
retenir que, depuis son retour en Suisse, les autorités aient ordonné au
recourant de faire des démarches concrètes en vue de se procurer des papiers
d'identité et qu'il n'aurait pas obtempéré. En outre, le recourant affirme,
sans être nullement contredit par les autorités cantonales, avoir séjourné
depuis son retour en Suisse en 2011 dans les structures d'accueil pour les
réfugiés du Valais et avoir ainsi été à disposition des autorités sans chercher
à se soustraire, jusqu'à sa mise en détention le 12 juin 2012. Enfin, le
dossier ne contient aucun élément établissant que le recourant aurait commis
des actes répréhensibles et qu'il ait fait l'objet d'enquêtes ou de
condamnations pénales, dont il pourrait chercher à se soustraire en passant
dans la clandestinité s'il était libéré.

Entendu le 10 septembre 2012 par le Juge unique, le recourant a indiqué qu'il
n'avait pas entrepris de démarches pour prouver son identité, car les autorités
suisses lui auraient dit qu'elles s'en chargeaient. Il a déclaré être d'accord
de retourner dans son pays, si les autorités l'acceptaient. Du reste, comme il
le soutient dans son recours, ce n'est pas la première fois qu'il fait cette
déclaration aux autorités.

Quant aux objections formulées par le recourant pour démontrer l'absence
d'élément actuel dénotant un risque qu'il passe dans la clandestinité, le Juge
unique ne les a pas examinées, considérant, de façon surprenante, qu'elles
n'étaient pas pertinentes. Or, le juge de la prolongation de la détention
administrative doit aussi vérifier que les motifs justifiant la détention sont
(toujours) réalisés.

En pareilles circonstances, on ne voit pas quel élément tangible permettrait
d'en inférer que le recourant serait sur le point de partir dans la
clandestinité et/ou n'accepterait pas de se rendre dans le pays qui
l'accepterait sur son sol.

4.2 L'arrêt attaqué mentionne également l'art. 76 al. 1 let. b ch. 5 LEtr en
tant que motif pour la détention. Cette disposition (aussi bien dans son
ancienne version que dans sa version en vigueur depuis le 29 septembre 2012 [RO
2012 5359]), suppose entre autres que le renvoi soit imminent. Dès lors que,
selon l'information transmise par le Service cantonal (cf. art. 99 al. 1 LTF;
consid. 2 supra), les autorités du Turkménistan ont refusé d'accorder un
laissez-passer en faveur du recourant et que de nouvelles démarches viennent
seulement d'être entamées auprès des autorités russes, on ne voit pas que cette
condition soit remplie. Au demeurant, la durée de la détention visée à l'art.
76 al. 1 let. b ch. 5 LEtr ne saurait excéder 30 jours (art. 76 al. 2, 1ère
phr., LEtr).

4.3 Enfin, les faits constatés ne permettent pas de retenir l'existence d'un
autre motif de mise en détention en vue du renvoi parmi la liste énumérée à
l'art. 76 al. 1 let. b LEtr : en particulier, on ne voit pas que le recourant
remplisse un des cas de figure énumérés à l'art. 75 LEtr auxquels l'art. 76 al.
1 let. b ch. 1 LEtr renvoie. En outre, la décision de non-entrée en matière
fondée sur l'art. 32 al. 2 let. a LAsi prononcée à l'encontre du recourant date
du 3 septembre 2009; trois ans s'étant écoulés depuis lors, la détention ne
peut plus se fonder sur ce seul élément en vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch.
2 LEtr (cf. ATF 130 II 488 consid. 3.3 p. 491). Comme déjà indiqué, aucun
indice concret ne permet de retenir que le recourant se refuserait à obtempérer
aux instructions des autorités au sens de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr.
Enfin, le recourant ne remplit pas les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch.
6 LEtr.

4.4 Il en découle que la détention administrative du recourant ne repose, en
l'état, sur aucun des motifs énumérés à l'art. 76 al. 1 let. b LEtr, de sorte
que celle-ci doit être qualifiée d'illicite. Partant, le recours doit être
admis et le recourant doit être libéré immédiatement.

5.
Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu de percevoir de frais
judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF). L'Etat du Valais sera condamné à
verser au mandataire du recourant une indemnité de dépens pour la procédure
devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La requête d'assistance
judiciaire devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt du 10 septembre 2012 est annulé.

2.
Le recourant est immédiatement libéré.

3.
Le canton du Valais versera au mandataire du recourant une indemnité de 2'000
fr. à titre de dépens.

4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Service de la population et
des migrations, au Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal
du canton du Valais et à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 30 octobre 2012
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Zünd

Le Greffier: Chatton