Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.89/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_89/2012, 1C_90/2012, 1C_91/2012, 1C_92/2012, 1C_93/2012

Arrêt du 9 février 2012
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Merkli.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
1C_89/2012
A.________
recourant,

1C_90/2012
B.________,
recourante,

1C_91/2012
C.________,
recourante,

1C_92/2012
D.________,
recourante,

1C_93/2012
E.________,
recourante,

tous représentés par Me Olivier Cramer, avocat,

contre

Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.

Objet
entraide judiciaire internationale en matière pénale
à la France

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, du 26 janvier 2012.

Faits:

A.
Le 20 mai 2011, le Ministère public du canton de Genève a ordonné la
transmission, au Juge d'instruction auprès du Tribunal de Grande Instance du
Havre, de documents et renseignements bancaires, fiscaux et policiers relatifs
aux avoirs détenus par B.________, E.________, A.________, ainsi que des
dossiers remis par une fiduciaire à propos des sociétés D.________ et
C.________. Cette remise intervient en exécution d'une demande d'entraide
judiciaire formée dans le cadre d'une instruction dirigée notamment contre
A.________ des chefs de blanchiment de fraudes fiscales, abus de biens sociaux
et d'autres infractions en rapport avec une activité illégale d'agent de
joueurs.

B.
Par arrêt du 26 janvier 2012, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a
déclaré irrecevable le recours formé par A.________, ce dernier n'agissant
qu'en tant qu'ayant droit économique. Statuant par le même arrêt, la Cour des
plaintes a rejeté les recours formés par les quatre sociétés précitées, dans la
mesure où elles agissaient en tant que titulaires de relations bancaires. Une
demande de suspension de la procédure d'entraide a été écartée. La demande
d'entraide était suffisamment motivée et les faits décrits étaient susceptibles
de tomber, en droit suisse, sous le coup de l'art. 87 LAVS (élusion de
l'obligation de cotiser), indépendamment de l'existence d'une escroquerie
fiscale.

C.
Par actes du 6 février 2012, A.________, B.________, C.________, D.________ et
E.________ forment chacun un recours en matière de droit public par lequel ils
demandent principalement la suspension de la procédure d'entraide et l'octroi
d'un délai pour se déterminer dès droit connu sur la procédure pendante devant
la Cour d'appel de Rennes; subsidiairement, ils concluent à l'annulation de
l'arrêt de la Cour des plaintes, de la décision de clôture et des actes
d'exécution, ainsi qu'à l'irrecevabilité ou au rejet de la demande d'entraide.
Il n'a pas été demandé de réponse.

Considérant en droit:

1.
Les cinq recours sont formés, pour des motifs identiques, contre un même arrêt
de la Cour des plaintes. Les causes peuvent être jointes afin qu'il soit statué
par un seul arrêt.

2.
Selon l'art. 109 al. 1 LTF, la cour siège à trois juges lorsqu'elle refuse
d'entrer en matière sur un recours soumis à l'exigence de l'art. 84 LTF.

2.1 A teneur de cette disposition, le recours est notamment recevable à
l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide
judiciaire internationale si celui-ci a pour objet la transmission de
renseignements concernant le domaine secret. Il doit toutefois s'agir d'un cas
particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important
notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger
viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces
motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal
fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question
juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la
jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de
l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe aux recourants de démontrer que les conditions
d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid.
3 p. 132).

2.2 La présente espèce porte certes sur la transmission de renseignements
touchant le domaine secret. Toutefois, compte tenu de la nature de la
transmission envisagée et de la procédure menée à l'étranger, le cas ne revêt
en soi aucune importance particulière. Les recourants tentent en vain de
démontrer le contraire.

2.3 Ils estiment que la procédure pénale dirigée contre A.________ serait
entachée de vices graves, le prévenu n'ayant pas bénéficié de l'assistance d'un
avocat durant sa garde à vue. Cette irrégularité aurait été formellement
constatée par la Cour de cassation de Paris, par arrêt du 5 octobre 2011, et la
cause a été renvoyée à la Cour d'appel d'Amiens afin qu'elle statue sur les
effets de cette irrégularité.

2.4 Selon la jurisprudence, seule la personne potentiellement concernée par les
vices de procédure à l'étranger a qualité pour faire valoir de tels griefs (ATF
131 II 228 consid. 1), à l'exclusion notamment des personnes morales (ATF 130
II 217 consid. 8.2 p. 227; 129 II 268 consid. 6.1 p. 271; 125 II 356 consid. 8b
p. 365). Or, en l'espèce, le prévenu dans la procédure pénale étrangère a vu
son recours à la Cour des plaintes déclaré irrecevable pour défaut de qualité
pour agir, l'intéressé n'étant que l'ayant droit économique des relations
bancaires. L'arrêt attaqué est conforme sur ce point tant au texte des
dispositions pertinentes (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP) qu'à la
jurisprudence constante qui dénie au simple ayant droit la qualité pour
recourir contre un acte d'entraide ne l'affectant pas personnellement (ATF 137
IV 134 consid. 5.2.1 p. 237 et les arrêts cités). Conformément au texte clair
de l'art. 21 al. 3 EIMP, ces principes s'appliquent aussi à la personne visée
par la procédure pénale étrangère. Il en résulte que l'argument relatif à la
procédure étrangère serait irrecevable.

2.5 Au demeurant, selon la jurisprudence constante, l'Etat requérant, liée à la
Suisse par la CEEJ et partie à l'ensemble des conventions internationales
relatives à la protection des droits de l'homme, figure au rang des Etats
auxquels la Suisse accorde sa collaboration sans exiger de garanties
particulières, et qui bénéficient d'une présomption générale de respect des
droits de l'homme et des garanties de procédure (ATF 134 IV 156 consid. 6.7 p.
169). Il n'existe en l'espèce aucune raison sérieuse de mettre en doute cette
présomption. En effet, l'irrégularité dénoncée par les recourants a d'ores et
déjà été constatée par une juridiction supérieure, et paraît en voie de
réparation selon les règles de la procédure étrangère. La condition posée à
l'art. 84 LTF n'est dès lors pas remplie.

2.6 Quant au caractère prétendument investigatoire de la demande d'entraide
judiciaire, elle ne permet évidemment pas d'en déduire l'existence d'un cas
particulièrement important, sans quoi la règle de l'art. 84 LTF serait
systématiquement contournée.
Pour le surplus, les recours ne soulèvent aucune question de principe et il
n'est pas prétendu que le TPF se serait écarté de la jurisprudence suivie
jusque-là.

3.
Faute de porter sur un cas particulièrement important, les recours sont
d'emblée irrecevables. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais
judiciaires, arrêtés de manière globale, sont mis à la charge solidaire des
recourants qui succombent.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1C_89/2012, 1C_90/2012, 1C_91/2012, 1C_92/2012 et 1C_93/2012 sont
jointes.

2.
Les recours sont irrecevables.

3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge solidaire des
recourants.

4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère
public du canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à
l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire.

Lausanne, le 9 février 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz