Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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I. Öffentlich-rechtliche Abteilung, Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten 1C.639/2012
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Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
1C_639/2012

Arrêt du 23 avril 2013
Ire Cour de droit public

Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger et Merkli.
Greffier: M. Kurz.

Participants à la procédure
A.X.________ et B.X.________,
représentés par Me Marc-Antoine Aubert, avocat, recourants,

contre

Municipalité de Morrens,
représentée par Me Paul-Arthur Treyvaud, avocat,
intimée.

Objet
Permis de construire, qualité pour recourir des voisins,

recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 9 novembre 2012.

Faits:

A.
Le 1er décembre 2011, la Municipalité de Morrens a accordé à la Commune de
Morrens un permis de construire portant sur la transformation d'un bâtiment
(actuellement une ferme) situé sur la parcelle n° 1070 du Registre foncier
communal. Le projet porte sur la création de six appartements; il implique
notamment une modification des ouvertures en façades, la pose de huit velux, la
surélévation de la toiture, la création et la modification de lucarnes et
l'aménagement de places de stationnement. Le même jour, la Municipalité a levé
l'opposition formée par A.X.________ et B.X.________, propriétaires
d'appartements dans l'immeuble occupant la parcelle n° 54 situé au nord du
projet et séparé de celui-ci par le chemin du Crochet. La Municipalité a
considéré que si le bâtiment avait reçu la note 4 (bonne intégration) lors du
recensement architectural, les modifications apportées au volets et fenêtres
étaient nécessaires à la création des appartements. La façade sud-est
s'intégrait dans le paysage et l'environnement bâti. Il en allait de même pour
les façades nord-est et nord-ouest, la modification du toit étant par ailleurs
licite.

B.
A.X.________ et B.X.________ ont saisi la Cour de droit administratif et public
du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la CDAP) qui, par arrêt du 9 novembre
2012, a déclaré le recours irrecevable. Malgré la proximité des bâtiments, les
recourants n'avaient pas qualité pour agir: A.X.________ avait déclaré, lors de
l'inspection locale du 22 août 2012, qu'il agissait essentiellement en tant que
citoyen et dans l'intérêt de la loi, et qu'il retirait ses griefs relatifs aux
façades nord-est et nord-ouest. Seuls demeuraient les griefs relatifs à la
façade sud-est et aux places de stationnement, mais les recourants ne pouvaient
apercevoir cette façade depuis leur immeuble et n'étaient dès lors pas touchés
par ces aspects du projet. Par surabondance, la CDAP a examiné - et rejeté -
les griefs relatifs au nombre de places de stationnement.

C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et
B.X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de
renvoyer la cause à la CDAP pour complément d'instruction et nouvelle décision
dans le sens des considérants.
La CDAP se réfère à son arrêt. La Commune de Morrens conclut au rejet du
recours, dans la mesure où il est recevable. Le Service Immeubles, Patrimoine
et Logistique a renoncé à déposer des observations.
Par ordonnance du 23 janvier 2013, l'effet suspensif a été accordé.
Le 13 février 2013, A.X.________ et B.X.________ ont déposé, en personne, des
observations complémentaires.

Considérant en droit:

1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit des constructions,
le recours est recevable comme recours en matière de droit public conformément
aux art. 82 ss LTF.

1.1 Même s'il examine "par surabondance" l'un des griefs soulevés par les
recourants, l'arrêt attaqué dénie à ces derniers la qualité pour agir, le
recours cantonal étant déclaré entièrement irrecevable (ch. 1 du dispositif de
l'arrêt attaqué). Les recourants ont qualité, au sens de l'art. 89 al. 1 let. a
et b LTF, pour contester un tel prononcé (cf. ATF 133 I 185 consid. 6.2 p.
198).

1.2 Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises
contre une décision finale prise en dernière instance cantonale le recours est
recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF.

2.
A l'égard du prononcé d'irrecevabilité, les recourants se plaignent
d'arbitraire et d'une violation du principe de la bonne foi. Ils reprochent à
la cour cantonale de s'être fondée sur les déclarations faites par A.X.________
lors de l'inspection locale (recours dans l'intérêt de la loi et limitation des
griefs à la façade sud-ouest et au nombre de places de stationnement) pour en
déduire que les recourants agissaient sans faire valoir d'intérêt personnel.
Ces déclarations, faites alors que l'intéressé n'était pas assisté, ne
pouvaient être interprétées comme une renonciation aux griefs concernant
l'esthétique du bâtiment et les façades nord; elles n'engageaient d'ailleurs
pas B.X.________. Les recourants relèvent que leur immeuble est situé à une
dizaine de mètres en face de la construction litigieuse et que l'insuffisance
du nombre de places de parc entraînerait un risque de parcage sur leur propre
fonds.
2.1
Aux termes de l'art. 89 LTF (dont les exigences s'appliquent également à la
procédure cantonale en vertu de l'art. 111 al. 1 LTF), la qualité pour recourir
est reconnue à toute personne atteinte par la décision attaquée et qui dispose
d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Selon
la jurisprudence, le voisin direct de la construction ou de l'installation
litigieuse a en principe la qualité pour recourir. Il en va de même s'il est
certain ou très vraisemblable que l'installation litigieuse sera à l'origine
d'immissions touchant spécialement les voisins (ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 p.
285; arrêt 1C_33/2011 du 12 juillet 2011 consid. 2.3 in DEP 2012 p. 9). Dans
tous les cas, le recours formé dans l'intérêt général n'est pas recevable (ATF
137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 33-34; 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252, 468
consid. 1 p. 470; HEINZ AEMISEGGER/STEPHAN HAAG, Commentaire pratique de la
protection juridique en matière d'aménagement du territoire, 2010, n. 123 ad
art. 34 LAT, p. 182 s.; ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 p. 33-34). La
distance entre bâtiments constitue ainsi un critère essentiel, la jurisprudence
reconnaissant généralement la qualité pour agir lorsque l'opposant est situé à
quelques dizaines de mètres du projet litigieux (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 p.
33; arrêt 1C_346/2011 du 1er février 2012 publié in URP 2012 p. 692, consid.
2.3.1 p. 285).

2.2 En l'occurrence, la construction litigieuse se situe à une dizaine de
mètres de l'immeuble des recourants, dont il n'est séparé que par le chemin du
Crochet. Même si le projet n'implique pas de changement important dans
l'implantation et dans le gabarit par rapport à l'état existant, les
modifications prévues, qui concernent l'aspect général - une ferme se trouve
transformée en bâtiment moderne - et, en particulier, les ouvertures en façades
ainsi que la toiture, sont parfaitement visibles depuis le bien-fonds des
recourants. Cela suffit pour reconnaître à ces derniers la qualité pour
recourir, indépendamment des griefs soulevés (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 p.
33). A cela s'ajoute que la création de six appartements impliquera une
augmentation du trafic, et que les recourants sont également légitimés à se
plaindre de l'insuffisance des places de stationnement. La cour cantonale l'a
d'ailleurs reconnu, et cela suffisait pour admettre la recevabilité du recours
dans son ensemble.
Par conséquent, indépendamment de la portée et du sens qu'il faut attribuer aux
déclarations faites en audience par l'un des recourants, il appartenait à la
cour cantonale d'examiner l'ensemble des griefs soulevés. La cause doit lui
être renvoyée à cette fin, sans qu'il y ait à examiner à ce stade les griefs de
fond.

3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé
et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des considérants. La Commune de Morrens, qui agit en tant que
constructrice (et dont les intérêts patrimoniaux sont dès lors en cause) et qui
succombe, doit payer les frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF), ainsi que
l'indemnité de dépens allouée aux recourants, assistés d'un avocat (art. 68 al.
2 LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la
Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois pour
nouvelle décision dans le sens des considérants.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la Commune
de Morrens.

3.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée aux recourants, à la charge de
la Commune de Morrens.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton
de Vaud, Cour de droit administratif et public.

Lausanne, le 23 avril 2013

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Fonjallaz

Le Greffier: Kurz